Design sans projet dans un monde complexe : repenser la technique
Yann Aucompte

Yann Aucompte est professeur agrégé de Design et Métiers d'art, docteur en esthétique et sciences des arts de l'Université Paris 8 et designer graphique. Il est membre du collectif Arts Écologies Transitions. Il enseigne en Diplôme National des Métiers d'Art et de Design, mention Graphisme, parcours Design du livre et de l'édition et parcours Narration et médiation scientifiques par le design graphique et l'illustration, au Lycée Jean-Pierre-Vernant de Sèvres (92). Il a publié L'écriture a-t-elle changé l'environnement ?, aux Éditions 205 en 2025 et a dirigé avec Stéphane Darricau La querelle de la déconstruction publié chez T&P en 2023.

Mots clés

Technique, Paradigme, Philosophie, Complexité, Projet

Résumé

La matrice intellectuelle du design est à la confluence de diverses philosophies et courants de pensée. Son orientation idéologique privilégie souvent le questionnement sur la matière et les techniques. Cependant les modèles mobilisés sont ceux d'une époque, la première partie du XXe siècle, dont les modèles intellectuels semblent aujourd'hui largement remis en question. Le design se définit fréquemment par la notion de « projet » : pour obéir à cette définition, il lui faut un medium et une matière stables et dociles, mais aussi des milieux sociaux plastiques aux intentions et aux organisations abstraites. Nous identifierons les motifs et les diagnostics qui, dans la recherche et la pratique, constituent une ouverture à la prise en charge des problématiques ouvertes par la complexité, théorisée par Edgar Morin. Nous tenterons de démontrer comment celle-ci défait les croyances des pratiques de design modernes sur la stabilité des phénomènes du monde.

Keywords

Technology, Paradigm, Philosophy, Complexity, Project

Abstract

The intellectual paradigm of design combines multiple philosophies and ideologies. Materials and techniques are the main issues in this system of thought. However, the main paradigms used came from the Bauhaus, an era which now appears to be intellectually challenged. Design is frequently defined by the notion of "project": to conform to this definition it requires a stable and manageable medium and material, but also obedient social environments with abstract intentions and organizations. We will identify the patterns and diagnoses, in practice and theory, which mobilize the issues raised by Morinian complexity. We will therefore aim to demonstrate how complexity, as defined by Edgar Morin, destabilizes the beliefs of design practices on the stability of world phenomena.


Introduction

Ce texte propose d'ouvrir une prospective sur la question de la complexité. Le design reste marqué disciplinairement par la définition de la matière qui avait cours au début du XXe siècle. Cette définition de la matière – et donc du medium1 – affecte l'ensemble des descriptions de nos pratiques. En particulier, la perspective du projet se trouve être tributaire d'un medium et d'une matière qui seraient stables et dociles ; d'autre part, les milieux sociaux doivent également être plastiques aux intentions et aux organisations abstraites afin d'obéir à cette définition. Nous tenterons donc de démontrer comment la complexité, en remettant en cause la vision moderne, nous enlève ces cadres de compréhension des pratiques de design.

La révolution de la complexité a bousculé nos représentations du monde. La culture scientifique qui a amené la complexité propose que le modèle dominant ne soit plus constitué par les mathématiques et les sciences dures mais par les sciences du vivant. Ces questions affectent également les sciences humaines et pour partie la question de la technique. Dans ce bouleversement culturel et technique, le medium n'a pas changé de rôle ou de définition : il a tout simplement disparu. Il a explosé en une myriade d'interactions sociales, matérielles, culturelles, juridiques...

Ce constat, apparu dans les sciences sociales traitant des techniques, n'a pas pour autant bousculé la notion de projet en design d'un point de vue académique. Néanmoins, dans la pratique, nous sentons et observons que quelque chose a changé, que nous ne pouvons plus nous fier aux représentations qui nous étaient données. Nous analyserons ces éléments avec les outils de la sociologie et de la philosophie de la technique. Nous tenterons de mettre en lumière comment le champ du design a intégré les transformations apportées par cette tendance. Une fois actée la disparition du medium, comment pouvons-nous déterminer ce qu'est un projet en design ? Qu'est-ce que le medium dans une représentation complexe du monde ?

1. Les questions de complexité liées au medium dans le design et sa recherche

1.1. Un constat partagé et des pratiques en changements profonds

Nous percevons bien aujourd'hui que cette complexité nous affecte. En témoignent les orientations récentes des disciplines du design. Les problématiques inhérentes à la complexité se retrouvent dans nos considérations actuelles sur la place du projet en design. Je reprendrai ici des catégories proposées dans un précédent article2 pour en classer les différents résultats et constats pratiques :

Un medium maîtrisé par une approche scientifique est problématique car une certaine responsabilité à l'égard des chaînes de production nous pousse à interroger nos pratiques. Dois-je chercher à contrôler l'ensemble de la chaîne3 ? Ne faut-il pas penser l'activité au présent4 ? Suis-je en mesure de réellement maîtriser le processus de production à l'égard des nombreuses parties prenantes et acteurs en présence5 ? L'extrême normativité des processus et méthodes ne contrevient-elle pas à l'émergence d'une véritable implication des acteurs6 ?

Un medium pris comme matière ou essence ne nous apparaît plus que comme un stylisme. Là où la trace de l'outil fonctionne parfois comme un clin d'œil aux amateurs d'une esthétique industrielle, nous avons parfois l'impression que les idéaux qui accompagnaient ces processus de production ont – quant à eux – disparu7. Le designer est-il encore à sa place dans le processus industriel de production ?

Le medium-média, en tant que réseau de transport d'informations ou réseau de pratique, nous apparaît normatif. Il nous incite bien plus souvent à trouver des échappatoires, à produire du singulier et de l'exceptionnel. Pour cela il nous a fallu, finalement, abandonner le terrain du quotidien pour préférer les biennales et les galeries. À cet endroit, une désillusion s'est installée quant à la capacité du design à réellement peser sur les rapports de production. La foi dans le système technique lui-même et sa capacité plastique à se modeler à l'échelle humaine est mise en doute8.

Le medium comme outil libérateur des individus s'est largement trouvé mis en difficulté par ses propres apories. S'il permet de s'exprimer, il ne permet pas forcément d'être entendu. Son revers s'est avéré être le medium-média normatif. Au départ, les pratiques9 semblent singulières et innovantes, mais très vite un phénomène de mimétisme fige les usages dans des grammaires normatives. Elles réglementent les particularités dans des systèmes d'expression qui deviennent plus importants que les messages qu'ils portent : noyant les contributions dans une masse.

Nous allons aborder point par point les propriétés que les phénomènes techniques adoptent une fois compris dans la perspective de la complexité.

1.2. L'usage des matériaux : Hybridité / singularité

Là où il était facile d'identifier un objet technique dans la pensée moderne, dans la complexité le medium devient impalpable, morcelé, agencé de milliers de matériaux, d'êtres et d'organisations10. Il est la conséquence d'une rencontre momentanée et éphémère entre de nombreuses actions et évènements11. Le monde n'est plus un magasin de matériaux inertes, mais un constant brassage d'interactions vivantes12. Une voiture pouvait nous sembler être un objet facilement définissable, or elle est le résultat de milliers d'interactions techniques complexes13 : factures, maintenance, réseaux commerciaux, réseaux autoroutiers, polices, droit international, politiques publiques, etc. Tout objet est un réseau dans un réseau14. Pour le dire avec Morin, « l'environnement est [...] à l'intérieur de lui et il joue un rôle co-organisateur15 ».

Difficile donc « d'utiliser un medium » d'un point de vue technique avec la complexité, il s'agira plutôt d'entrer dans un tissu d'interactions.

Les praticiens du design qui travaillent avec ces constats à l'esprit ont tendance à favoriser les rencontres, à multiplier les points de contacts entre les mondes sociaux différents. Nous pouvons à cet endroit adopter différentes éthiques : produire des collectifs de pratiques, ouvrir ces collectifs aux non-humains, adopter une posture d'enquête16 à l'endroit des phénomènes produits par nos propres organisations. Nombreux sont les designers qui produisent ce type d'enquête, pour connaître l'origine des matériaux par exemple, ou les usages : vernaculaires et group test en sont les incarnations les plus anciennes.

Inspirés par la complexité, nous avons tendance à privilégier les petits groupes, les échelles locales, les actions courtes, etc. En cela certainement l'idée de résidence/permanence et les interventions sous forme d'ateliers apparaissent aujourd'hui de plus en plus fréquentes.

1.3. Relations sociales : Imprévisibilité / reproduction

Nous constatons de plus en plus que les phénomènes techniques sont hybrides. Elles s'expriment par l'alliance de contraintes juridiques, politiques, spirituelles, etc., ne permettant pas de résumer la technique à ses propriétés matérielles. Les effets d'un medium artistique ne sont pas complètement prédictibles avec la connaissance de ses constituantes matérielles. Les trop nombreuses interactions entre des éléments de natures distinctes ne permettent pas de produire un modèle global de « ce que peut un medium ». Le medium est engagé dans des interactions qui font que le projet technique à l'œuvre n'est pas rationnel17 : les acteurs ne suivent pas un but réellement commun et ce qui est dit ou prévu n'est pas ce qui est réellement fait18. Aussi, les inventions techniques ne sont pas forcément adoptées par des groupes qui formuleraient un besoin, car la technique ne vient répondre à des problèmes d'usage existant que par exception19.

Les media techniques sont employés sans qu'un degré de preuve satisfaisant de leur efficacité ne soit fourni ou même connu par les acteurs20. L'efficacité n'est pas le but réel poursuivi.

Une organisation se maintient dans le temps par une sorte de miracle. Chaque acteur organisant les choses pour que se maintiennent des apparences d'objectifs communs, de hiérarchies, de groupes unifiés, de valeurs, d'expertises, etc. À bien y regarder, rien ne marche, rien n'est efficace, les relations sont mauvaises, personne n'est d'accord sur rien et les productions sont moyennes ou médiocres : mais les activités sont bien là, comme immuables et semblant pouvoir se reproduire indéfiniment de façon mécaniste – jusqu'au jour où tout s'arrête, le medium technique étant mis de côté pour des motifs irrationnels.

Aussi, pour un designer (formé au projet), il est toujours troublant de répondre à une commande en cherchant à véhiculer les messages et les valeurs du commanditaire pour in fine s'apercevoir que la production finale ne correspond en rien à la demande initiale. Les nombreux aléas – avis contradictoires, problèmes techniques, budgétaires, politiques internes aux entreprises, guerres d'égo et d'égaux, méconnaissances des sujets des acteurs aux postes de décisions, distance manifeste avec les besoins réels des usagers, etc. – rendent le projet bien souvent chaotique et incertain. Le designer se veut être alors celui qui porte une vision, qui se place en garant des intérêts des publics/usagers pour donner forme à des objets porteurs de sens : combien d'entre nous possèdent l'autorité et le pouvoir nécessaires pour que cette situation idéalisée se produise réellement ?

Nous pourrions dire aussi que chaque être a sa fin propre. Nous pourrions aussi clamer un autre slogan, « ne pas ajouter, ne pas prévoir » : il s'agirait donc de rendre compte de ce qui est pour faire du projet une enquête sur l'autre, l'étranger, l'étrange. C'est donc toujours l'autre qui s'exprime, c'est toujours un regard décentré, un individu qui doute et se trompe qui est à l'œuvre. Ce constat nous renvoie à la pratique d'artistes et designers. Comme le décrivent Aurélien Gamboni21, dans le champ de l'art, ou le graphiste Jean-Marc Bretegnier22, cette approche correspond à la volonté de ne pas ajouter de productions symboliques, mais plutôt de se faire le passeur de points de vue existant sur le terrain.

1.4. Changement de cap et orientations : Irréversible – Éphémère

Les media, ainsi que les pratiques qui les engagent, peuvent sembler thermodynamiques23 : les premiers instants sont déterminants pour orienter le projet24, les intentions initiales ne faisant que se dégrader avec le temps et la diffusion du projet. Souvent, à l'origine, une impulsion première lie les techniques et les organisations humaines entre elles. Un choc, ou le hasard des rencontres, attachent entre eux des media hétérogènes25, des idées, des personnes, des fictions ou des lois. Les organisations humaines ne sont jamais idéales, objectives ou efficaces. Elles sont le résultat d'imbrications techniques et sociales produites au hasard et qui s'accumulent26. Un problème humain de hiérarchie se mêle à une question technique (un chef en perte de légitimité fait un choix d'outils de production chez un fournisseur en dépôt de bilan), puis un conflit de culture professionnelle complique encore une contrainte légale (un gestionnaire qui pilote un projet de designer se confronte aux questions de droits d'auteur par exemple), etc. Ces couches interagissent entre elles – le passé agit sur le présent.

Dans ces trajectoires techniques, les media se lient de façons parfois inattendues avec des situations, des idées et des organisations : même antagonistes et apparemment incompatibles entre elles prises isolément27. Mais une trajectoire a une fin. Le dirigeable constitue une bonne illustration de ce phénomène : au XXe siècle, il est d'abord préféré à l'avion alors qu'il est très explosif et lent28. La guerre impose la question de la vitesse et c'est l'avion qui l'emporte au détriment du confort proposé par le dirigeable.

Pour un designer, cela signifie que les organisations sont au cœur des problématiques de conception. Pour ces raisons, les praticiens qui travaillent avec ces problématiques à l'esprit créent souvent des institutions. Prenons un exemple dans le champ de l'écologie de l'art : le collectif N a par exemple créé un lieu d'agriculture en arts, à Kerminy29. Ce sont néanmoins des micro-institutions, qui sont micro-politiques, locales et intégratives car ouvertes aux nouveaux venus. Elles travaillent également directement sur le système technique comme l'Atelier 2130, la résidence les Chaudronneries (Montreuil) ou le chercheur Émile de Visscher31. Dans ces conditions, la forme de la résidence (ou de la permanence) est aussi fréquente. La production est située, territoriale et le designer comme l'artiste sont des agents du territoire.

1.5. Critique de l'efficacité : Incomplétude / complémentarité

Bien qu'apparemment très efficaces et solides, les techniques prises isolément32 sont d'une grande inaptitude. D'un point de vue technique, les media se lient avec un milieu dont ils émergent. Pour se lier les uns aux autres, les éléments partagent des composantes : les effets des uns sont les causes des autres, les déchets sont les aliments, etc. Un medium n'est donc ni totalement autonome ni complètement efficace seul : il dépend d'un contexte et d'autres éléments qui vont le nourrir ou l'inhiber. Aussi, la technique n'additionne pas des compétences pour produire des effets. Les techniques peuvent aussi s'annuler mutuellement ou créer un effet inattendu (externalités négatives). Il en va de même de techniques, apparemment faibles prises isolément qui, une fois combinées, produisent des effets sur leur environnement : c'est le fameux « effet cocktail » des pesticides sur notre santé.

La complémentarité remet également en question l'idée qu'une compétition naturelle entre les techniques serait à l'œuvre. D'une part, « On ne choisit pas une technologie parce qu'elle est plus efficace mais c'est parce qu'on la choisit qu'elle devient plus efficace33 », et c'est donc souvent la moins efficace qui l'emporte34. D'autre part, nous n'abandonnons que rarement des inventions : par exemple, nous n'avons jamais abandonné aucun mode de captation de l'énergie dans notre histoire, mais nous les avons accumulés35. Une technique devient alors dangereuse quand elle est exclusive : par exemple, quand tout fonctionne avec la même énergie, il y a risque de pénurie, de pollution, de tension sociale, etc.36 Une technique est donc appropriée à son environnement quand elle est incomplète et dépendante de son milieu. Trop hégémonique et efficace, une technique est dangereuse car trop spécialisée et pas assez ouverte aux changements37.

Du point de vue de la complexité, un medium n'est donc jamais pure matière et autonome : il induit d'entrer dans des réseaux. Ces réseaux sont complémentaires et interagissent avec de nombreux acteurs et de nombreuses contraintes. C'est pour ces raisons également que les qualités du medium « sont plus que la somme de ses parties », mais aussi que la combinaison de media est souvent « moins que la somme de ses parties38 ». Un medium pris dans une organisation inhibe ses qualités possibles mais permet alors de développer plus que ce qu'il donnerait seul.

Pour un designer, la posture d'enquêteur devient alors absolument nécessaire : mais cette enquête se doit d'être collective. Comme rien n'est prévisible au-delà d'un certain point39, le medium peut avoir des effets négatifs, autant esthétiques que politiques. Les designers étant comme pris dans un phénomène qui les dépasse, la stratégie consiste alors à produire collectivement les objets et les images. Le collectif se met alors à faire remonter les problèmes rencontrés, les déviations, les effets négatifs situés. Mais le processus n'est plus alors une trajectoire linéaire : de l'idée à l'objet. Les productions sont sans cesse reprises par le collectif constitué qui améliore, répare, transforme et repense les objets pour son usage : on pense ici au travail de Marie Preston avec la rénovation collective des fours à pain communaux historiques40, ou encore aux enquêtes de Nicolas Nova, Dorian Reunkrilerk comme à celle de Matthieu Marchal sur les objets les plus quotidiens (pour ne citer qu'eux). Le collectif est une communauté de pratiques. Bien que les pratiques soient au cœur de ces activités qui semblent obéir aux descriptions de la complexité, la question de la réflexion tient une place importante. Pourtant la réflexion n'ajoute pas aux théories et aux pratiques par une approche innovante : le designer n'ajoute pas aux productions et organisations existantes mais il documente ce qui existe déjà41. Aussi, la compréhension des effets des pratiques par leur description et leur documentation est au cœur du travail collectif : le medium-objet-matière devient activité de médiation42. L'effet découlant de cette situation est qu'il n'y a plus d'auteur identifié mais des rapports d'émergence/engendrements43 naissant d'évènements collectifs entre humains et non-humains.

1.6. Objet, environnement et sujet sont liés : écologie de l'action

Les media étant reliés à nous de façon prothétique44, ils nous transforment et nous les transformons en retour, d'un point de vue individuel et social. Nous ne sommes pas en contrôle des techniques mais reliés à elles, modifiés et construits par elles dans un rapport co-évolutif qui s'inscrit dans le temps long des espèces autant que dans le temps court de l'usage individuel. Ces liens affectent nos perceptions et notre représentation du monde45. En ce sens, tout medium est instrument : il permet de mieux percevoir ; mais il est aussi un outil : il permet de modifier le réel46. Cette connexion technique avec l'environnement nous rend sensibles et dociles à ses inflexions en retour. Il n'y a pas de pratique sociale sans technique. Si bien que la question de savoir si l'un des nombreux participants humains ou non-humains impliqués dans le milieu est la source sur-déterminante des transformations observées n'est plus vraiment pertinente : elle l'était dans la modernité, car il s'agissait de dire que les hommes peuvent changer le monde avec la Technique.

Dans ce cadre, il faudrait aborder les media dans une écologie de l'action47 : nos intentions ne peuvent espérer se transcrire à l'identique dans les media, car les environnements s'emparent de nos actes et peuvent parfois les retourner contre nous. Comme les producteurs et les produits sont engendrés dans un rapport d'horizontalité, la notion d'auteur est soit absurde, soit généralisée. Il n'y a plus d'usager et de designer, plus de scénario d'usage et donc plus de rapport de production qui conduit un projet vers des objets plus efficaces. Tous les êtres sont agentifs et il faudrait donc savoir faire la liste des participants en y insérant les non-humains : les praticiens qui perçoivent les enjeux de la complexité (sans forcément en connaître le développement conceptuel) ont tendance à mettre au centre de leur projet la description des acteurs humains et non-humains.

Nous pensons ici au projet Chroniques de l'accueil de Fabrication-Maison mais aussi aux travaux du duo Atelier Raffard-Roussel48 ou encore au projet d'histoire participative et spéculative (research collaborative) History Moves et South Side Speculations de Matthew Wizinsky et Jennifer Brier49.

Rendus à ce panorama non-exhaustif, abordons maintenant la théorie de la complexité elle-même. Les conséquences de l'émergence de cette notion sont vastes : imprévisibilité des évènements du réel, hybridité des phénomènes, comportements illogiques, etc. Dans le champ du design, nous ne faisons bien souvent qu'en expérimenter les scories.

2. Les défis de la complexité : non-humains, hasard et chaos constitutif du réel

2.1. L'impossible unité matérielle du monde : la complexité dialogique

Le travail d'Edgar Morin est une critique et un dépassement de la pensée de Descartes50. Paradoxalement, néanmoins, il en reprend le terme-maître, sa série de livres s'appelle La méthode51. Ces livres sont la traduction d'une enquête sociologique sur les sciences des années 1970 à 1990.

Les théories innombrables, concurrentes et contradictoires qui se sont présentées pour résumer les fonctionnements de la réalité tout au long du XXe siècle se sont avérées vraies : mais toutes en même temps. Aucune loi unique ne sort gagnante, le constat qui émerge alors est le suivant : la réalité est hybride et fait interagir entre elles de nombreuses logiques différentes, des lois apparemment contradictoires la régissent. C'est ce que Morin décrit comme un dialogisme52 : les propriétés des objets de la réalité étant le produit de différentes logiques d'être, elles présentent des qualités parfois contradictoires pour la logique, mais ces qualités sont constitutives de l'objet : in fine, aucune qualité ne l'emporte à la fin de ce duel, les objets du réel sont faits de contradictions de façon permanente.

La modernité considérait les objets de la nature dans une logique matérialiste. Ainsi, pour les modernes, il est possible de mettre en rapport des phénomènes quand ils sont proches spatialement ou de natures matérielles similaires : les ondes avec les ondes, les solides avec les solides, les idées avec les idées, les outils avec les ouvriers, le savoir avec les enseignants, etc. À l'inverse, la complexité est une pensée systémique qui considère qu'il y a des interactions nombreuses entre des objets d'ordres différents. Ne sommes-nous pas nous-mêmes des êtres hybrides dans nos relations organiques entre minéraux, végétaux, idées, ondes, etc. ? Les grands principes de la complexité sont donc des accumulations de contradictions, en apparence. Morin les réunit pour nous faire comprendre les paradoxes de nos perceptions modernistes.

S'il faut définir la complexité brièvement, avant d'en venir à la technique, il faut déjà dire que pour Morin elle est fondamentalement systémique : « [...] Dès lors, on peut concevoir le système comme unité globale organisée d'interrelations entre éléments, actions, ou individus.53 » ou « association combinatoire d'éléments différents54 ». La complexité relève donc d'une grande quantité de rencontres55 entre des événements qualitativement différents. La complexité est dans la droite lignée de cette définition et intègre également des questions liées à la cybernétique.

fig.1 : Capture d'écran de l'émission Jean-Pierre Moulin, « Edgar Morin et le sociologue dans son temps », Visiteurs du soir (1981), 00:00:08, RTS, Suisse, 27 : 00:00, (consulté le 26/10/2025), URL : https://www.youtube.com/watch?v=h_aOgc-npkk.

2.2. La complexité technique : machine et appareils

Ce modèle s'inscrit dans la continuité des théories de la cybernétique. Selon Morin, la cybernétique se serait séparée en deux branches. Il dénonce une forme de simplification réductrice à l'œuvre dans la première de ces branches : celle des théories de l'information et de la communication56 à l'origine des révolutions numériques de notre temps. L'autre branche serait celle du biologiste von Bertalanffy57. Ce qui distingue ce dernier, c'est la rupture dans les hiérarchies entre sciences qui existaient jusqu'alors. Les scientifiques de la modernité prenaient tous pour modèle les « sciences exactes » et poussaient la production de preuves vers une approche quantitative et mathématique. La systémique s'inspire des sciences du vivant.

En ce sens, la complexité est une branche de la cybernétique. À ce titre, les réflexions sur la technique ne sont pas étrangères à la philosophie de Morin – sous les espèces de la question de la « machine ». S'il parle de « machine », c'est au sens anglo-saxon : un terme utilisé en anglais pour parler de « systèmes ». Il aborde donc les objets automatiques que nous appelons « machines » et qui sont des objets artificiels. Pour lui, pourtant, il y a des machines-systèmes également dans la nature. Il redéfinit les principes essentiels des machines en hiérarchisant les machines-artificielles à un bas niveau d'autonomie, la machine la plus fondamentale étant l'étoile58. Le propre des arkhe-machines, c'est qu'elles ne sont pas triviales59 : il n'est pas possible de connaître leur évolution à partir de leur programme de départ.

À un autre degré, les organisations biologiques et sociales (humaines et non-humaines) sont également des arkhe-machines, ou des méga machines60. Ici, donc, toute technique ou machine humaine est inscrite de façon abstraite dans les fonctionnements machiniques concrets de la nature et de fonctionnements sociaux pré-existants. Les machines artificielles ne réalisant dans leurs automatismes que des formes très diminuées, « dégradées et insuffisantes61 » des machines sociales et naturelles. C'est par cette démonstration que nous comprenons aussi que toute production technique est une exploitation anthropo-sociale de fonctionnements fondamentaux de la nature.

Pour un designer, ce premier point est essentiel à saisir : manipuler un medium, c'est d'emblée mobiliser des interactions nombreuses entre des forces de déterminations innombrables. Choisir un matériau, un medium ou un média62 nous immerge en tant que praticien dans une situation bien moins petite qu'il n'y paraît. Nous plongeons à chaque fois dans un tissu d'interactions à l'ampleur historique et géographique vaste. La production technique est d'emblée liée à la nature.

2.3. La fragilité ontologique des techniques : la dépendance et l'asservissement des outils

Dans une arkhé-machine, les constituantes sont fragiles, se renouvellent sans cesse en préservant le fonctionnement général : c'est l'organisation systémique qui fait tenir le tout, dont les parties sont en perpétuel renouvellement. L'organisation est elle-même modifiée sans cesse, elle produit des liens nouveaux avec des éléments et d'autres organisations, en perpétuels transits, qui peuvent disparaître à tout moment. Nos milieux naturels sont donc des machines en un sens, mais ces machines ne se comportent pas de manière mécaniste et artificielle, pour Morin : « un éco-système ne peut vivre que dans les conditions de sa propre destruction, car ce sont les conditions de sa régénération63 ». Ce qui fait de lui un super-phénix « en principe increvable64 ».

Contrairement aux arkhé-machines, les machines artificielles sont très dépendantes des êtres humains pour survivre. Dans une machine artificielle, les constituantes sont solides, mais c'est leur organisation qui n'est pas autonome65 et qui menace à chaque instant d'arrêter le processus. Leur agentivité est bien réelle cependant et les techniques ont ainsi un rôle fondamental sur les organisations et la formation des consciences. Elles sont des êtres pleins et singuliers malgré leur faible autonomie. Elles ont le pouvoir d'affecter66 les êtres humains : nous les construisons mais elles nous influencent.

Mais alors, qui commande à tout cela si les uns influencent les autres sans cesse ? Dans le cas du vivant comme de l'artificiel-anthropo-social : « c'est merveille qu'il y ait organisation alors que l'excès de diversité, l'excès de désordre, l'absence d'Appareil central devraient logiquement empêcher toute organisation67 » là où, de plus, les intercommunications entre êtres sont « baignées et parfois submergées par le flou, le bruit, l'erreur [...]68 ».

C'est ainsi une propriété des arkhe-machines comme de toutes les machines : elles ont des capacités d'asservissement. Ceci n'est pas dû à une force supérieure ou à une solidité accrue de leurs composantes : « tous les êtres sont proches de la ruine dès la naissance69 ». Pour s'organiser, les êtres-machines tissent des liens entre eux, le fonctionnement fondamental et machinique des êtres est pour Morin de cet ordre : c'est son ontologie. « L'existence c'est la fragilité70 » et pour cela ce sont les liens et l'organisation qui font tenir les choses. Ces organisations ont besoin d'accueillir des éléments étrangers pour se maintenir en « vie ».

Aucune machine ou être ne peut exister sans ouvrir ses structures à de l'étranger, de l'autre en nature et en identité. Les êtres fonctionnent ainsi car ils sont disposés à être fragiles par essence. Les matériaux et processus qui les organisent sont sans cesse remplacés par d'autres de même nature ou de même fonction. Lorsque l'être humain prend son énergie de son environnement, qu'il transforme en nourriture, il exerce une force d'asservissement qui est de l'ordre de l'appareil : cette situation augmente son agentivité mais de fait il est alors dépendant de son environnement pour exister.

L'appareil71 est une figure ou une notion conceptuelle dont on peut dire à nouveau qu'elle reflète la pensée dialogique de Morin. Il n'y a pas d'autonomie sans asservissement. Les êtres sont autonomes, donc fermés du point de vue de leur structure, mais cette fermeture ne peut exister sans ouverture vers l'extérieur : « [...] toutes choses vivantes sont [...] des systèmes organisant leur clôture (c'est-à-dire leur autonomie) dans et par leur ouverture72 ». C'est le principe de récursivité qui est à l'œuvre dans la pensée de la complexité : les êtres sont « à la fois produit et producteur73 », maître et esclave à la fois.

2.4. Historicité et émergence : échelle et imbrication des structures

Si les systèmes ne sont pas immédiatement le résultat de la somme de leurs parties, ils sont pourtant dépendants d'une forme de matérialité. Ce qu'il faut saisir ici, c'est que la moindre des matières a une histoire, qui n'est autre que l'histoire de ses composantes qui un jour se sont associées de façon stable, fréquente et efficiente. Comme l'oxygène produit par les plantes ou encore les roches produites par les mouvements tectoniques de la croûte terrestre. Par cette histoire, les matériaux et les êtres acquièrent des qualités et des propriétés en se liant avec d'autres êtres. Les matériaux et les media gardent une trace ou un lien avec ces associations. En ce sens, la matérialité physique a également une histoire. La complexité émane également du fait que les phénomènes et les êtres sont émergents : leurs propriétés ne peuvent être déduites de l'addition de leurs composantes. L'émergence apparaît lorsque des systèmes produisent des phénomènes d'un ordre autre, en passant à une échelle supérieure : de l'échelle quantique à l'échelle cellulaire il se produit des phénomènes différents qui ne s'expliquent pas par les observations faites à l'échelle inférieure. La combinaison des composantes est alors plus que sa somme. Ces nouveaux phénomènes émergents peuvent être intégrés à d'autres systèmes comme des nouvelles composantes : de cette étrangeté naît la complexité. Ce fait nous paraît évident lorsque nous traitons de la conscience humaine : elle n'est pas réductible aux phénomènes physiques qui l'ont produite. Les phénomènes émergents se déploient en dépit et en contradiction, parfois, totale avec les fonctionnements de leurs composantes physiques.

3. Du projet à la praxis : une conclusion ?

Mais alors, que penser de la notion de projet si l'on ne peut plus projeter ? Nous percevons bien aujourd'hui que cette complexité nous affecte. En témoignent les orientations récentes des disciplines du design. À ce titre, des pratiques émergentes, passant parfois pour des modes passagères (enquête, technique, sociologie des pratiques, écologie, etc.), sont bien ancrées dans des problématiques sociétales liées au medium. Elles s'inscrivent dans le tournant de la complexité. La question du medium est donc clé dans la reconfiguration de nos pratiques. Cela en particulier face aux urgences environnementales qui pèsent sur nous depuis plusieurs décennies. À chacune de nos descriptions de l'incarnation de la complexité dans les pratiques actuelles, la notion nous est apparue proche des préoccupations écologiques. Penser en termes de complexité « écologise » nos rapports aux organisations, aux symboles et aux techniques.

Pour cela, il faudrait certainement guérir d'un matérialisme exclusif qui n'accorde pas d'agentivité aux non-humains, aux non-vivants et donc aux techniques. Les projets de design « complexe » ou « écologique » n'opéreraient plus par simplification ou solutionnement. Ces projets multiplieraient les points d'écoute sociaux et environnementaux. Leurs collectes et enquêtes sont une manière de produire du symbole en commun.

Il faut le redire, le projet ne semble plus un modèle pertinent pour ceux qui ont la question de la complexité à cœur. Les pratiques citées en exemple relèvent de praxis74. La praxis se distingue de la pratique par le fait qu'elle n'est pas un moyen en vue d'une fin : elle est une fin en soi. Par la praxis, chaque être du projet devient une fin, échappant à l'appareillage et à l'instrumentalisation. Plutôt qu'intervenir dans un rapport d'extériorité avec les situations de commande ponctuelles, elle accompagne des situations sociales et écologiques sur le long terme. Aussi, à l'action transformatrice du réel, ces pratiques préfèrent l'effacement. Cet effacement n'est pas fonctionnaliste, il sert un auto-apprentissage : il s'agit de révéler ce qui existe et de partager ses découvertes. Il n'est plus question de changer les choses mais d'être transformé soi-même en tant que praticien.


Bibliographie

ADVERSE Angelica, DORNAS Adriana, « Déployer les styles visant l'agencement des sens dans le design : de l'ambiguïté fonctionnelle à la performance rituelle », dans Sciences du Design, n° 16, 2022, p. 30-45, (consulté le 6/11/2025), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.016.0030.
AKRICH Madeleine, « La description des objets techniques », dans AKRICH Madeleine, CALLON Michel, LATOUR Bruno, Sociologie de la traduction, Textes fondateurs, Paris, Presses des Mines, 2006, p. 159-178.
ALTER Norbert, L'innovation ordinaire, Paris, Puf, 2010.
AUCOMPTE Yann, « Moments techniques en design graphique : du medium dans l'histoire des idées et des pratiques », Revue Design Arts Médias, 05/2024, (consulté le 6/11/2025), URL : https://journal.dampress.org/varia/moments-techniques-en-design-graphique-du-medium-dans-l-histoire-des-idees-et-des-pratiques
BARBANTI Roberto, Visions techniciennes : de l'ultramédialité. Nîmes, Lucie éditions, 2004.
BERNOUX Philippe, La Sociologie des organisations, Paris, Seuil, 2009.
BERTALANFFY Ludwig (von), Théorie générale des systèmes, Physique, biologie, psychologie, sociologie, philosophie, Paris, Dunod, 2012.
BERTRAND Gwenaelle, FAVARD Maxime, « Le design à l'épreuve des déchets manufacturés : un anti-paysage à hériter », Sciences du Design, n° 11, 2020, p. 70-79, (consulté le 26/04/2024), URL : https://www.cairn.info/revue-sciences-du-design-2020-1-page-70.htm?ref=doi ; DOI :https://doi.org/10.3917/sdd.011.0070
BERTRAND Gwenaelle, FAVARD Maxime, « Éditorial. Réinterroger les pratiques du design et de l'industrie à l'ère de l'Anthropocène », dans BERTRAND Gwenaelle, FAVARD Maxime (dir.), Design et industrie à l'ère de l'Anthropocène, dans Design Arts Médias, consulté le 19/10/2023, 2021, (consulté le 26/04/2024), URL : https://journal.dampress.org/issues/design-industrie-anthropocene/editorial.
BONNEUIL Christophe, FRESSOZ Jean-Baptiste, L'Événement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, Paris, Seuil, 2013.
BORNAND Elvire, FOUCHER Jacky, « Entre déviance et normalisation, dynamique de l'innovation publique et implication du designer : retour réflexif sur un cas d'étude », dans Sciences du Design, n° 5, 2017, p. 85-102, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.005.0085
BOUDVIN Simon, Ailanthus altissima, une monographie située de l'ailante, Paris, B42, 2021.
CALLON Michel, « La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L'année Sociologique, n° 36, 1986, p. 169-208.
FABRICATION-MAISON, PASQUIERS Olivier, Petit atlas de la débrouille, Paris, Fabrication Maison, 2020.
FORAY Dominique, « Les modèles de compétition technologique. Une revue de la littérature », dans Revue d'économie industrielle, 48, 1989, p. 16-34.
FRANCASTEL Pierre, Art et technique aux XIXe et XXe siècle, Paris, Gallimard, 1956.
GAILLEMIN Jean-Louis, « L'ésotérisme au Bauhaus », dans L'Esprit du Bauhaus, Paris, Les Arts Décoratifs, 2016, p. 22-33.
GALISON Peter, DASTON Lorraine, Objectivité, Dijon, Les presses du Réel, 2012.
GENOSKO Gary, « Megamachines : From Mumford to Guattari », Explorations in Media Ecology, n° 14, 2015, p. 7-20, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.1386/eme.14.1-2.7_1.
GOURLET Pauline, « Vers une approche développementale du design », dans Sciences du Design, n° 11, 2020, p. 124-133, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.011.0124.
GUATTARI Félix, Les Trois écologies, Paris, Galilée, 1989.
GUATTARI Félix, Qu'est-ce que l'écosophie ?, Paris, Lignes poche, 2013.
GRAS Alain, La Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003.
GRAS Alain, Le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007.
KAMOUN Emna, DENUIT Jonathan, « Le design agent de liaison : retour sur une formation en design des politiques publiques au sein des collectivités territoriales », dans Sciences du Design, n° 17, 2023, p. 64-81, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.017.0064.
KAGAN Sacha, Art and Sustainability. Connecting patterns a Culture of Complexity, Blefeld, Transcript Verlag, 2013.
KYES Zack (dir.), Forms of Inquiry [En ligne], 2007, (consulté le 26/04/2024), URL: http://formsofinquiry.com/.
LATOUR Bruno, Nous n'avons jamais été modernes, Paris, La Découverte, 1991.
LAVERDUNT Damien, RAJCAK Hélène, Écologie tout-terrain, Paris, Milan, 2022.
LÉCHOT-HIRT Lysianne, ENCKELL Julie (dir.), Les intelligences multiples du design : textes de Lysianne Léchot Hirt et autres essais. Métis presse, Genève, 2022.
HÉMON Stéphanie, GENTÈS Anne et BESSIÈRES Dominique, « Le design à l'épreuve du territoire : pratiques exploratoires et métiers émergents », dans Sciences du Design, n° 17, 2023, p. 82-100, (consulté le 26/04/2024), URL :https://doi.org/10.3917/sdd.017.0082
MANÇON Camille, « Projeter des démarches situées : la matière anthropologique dans la pratique de design », dans Revue Design Arts Médias, Collectif (dir.), Matière/Matériau(x)/Médium : des controverses fécondes, Revue Design Arts Médias, 11/2023, (consulté le 06/11/2025), URL : https://journal.dampress.org/issues/matiere-materiau-x-medium-des-controverses-fecondes/projeter-des-demarches-situees-la-matiere-anthropologique-dans-la-pratique-de-design.
MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, Paris, Éditions du Seuil, 1977.
MORIN Edgar, La Méthode, t.6, Éthique, Paris, Éditions du Seuil, 2004.
MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, Éditions du Seuil, 2005.
MORIN Edgar, La Méthode, t.4. Les Idées : leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation, Paris, Éditions du Seuil, 2014.
MORIN Edgar, « Complexité restreinte, complexité générale», dans Le Moigne, Jean-Louis et Morin Edgar, (dir.), Intelligence de la complexité. Épistémologie et pragmatique, Paris, Hermann, 2013.
MORIZOT Baptiste, « La néoténie dans la pensée de Gilbert Simondon, ontogenèse d'une hypothèse », dans Barthélémy, Jean-Hugues (dir.), Cahier Simondon, 3, Paris, L'Harmattan, 2011.
MORIZOT Baptiste, Pour une théorie de la rencontre. Hasard et individuation chez Gilbert Simondon, Paris, Vrin, 2016.
MORIZOT Baptiste et MENGUAL Estelle Zhong, Esthétique de la rencontre, Paris, Seuil, 2018.
NOVA Nicolas, Enquête, Création en design, Genève, Head, 2021.
SERVIGNE Pablo, STEVENS Raphaël, Comment tout peut s'effondrer, Paris, Seuil, 2015.
SIMONDON Gilbert, L'Individuation à la lumière des notions de formes et d'information, Millon, Paris, 1958.
SIMONDON Gilbert, L'Individu et sa genèse physico-biologique, Millon, Paris,1995.
SIMONDON Gilbert, L'Invention dans les techniques, Cours et conférences, Paris, Seuil, 2005.
SIMONDON Gilbert, Du Mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 2012.
SIMONDON Gilbert, Sur la Technique (1953-1983), Paris, PUF, 2014.
DE VISSCHER Emile « Le designer et la matière à l'heure de la crise écologique », dans Revue Design Arts Médias, Collectif (dir.), Matière/Matériau(x)/Médium : des controverses fécondes, Revue Design Arts Médias, 11/2023, (consulté le 26/04/2024), URL : https://journal.dampress.org/issues/matiere-materiau-x-medium-des-controverses-fecondes/le-designer-et-la-matiere-a-l-heure-de-la-crise-ecologique

Remerciements : Roberto Barbanti, Damien Laverdunt, Jérémie Elalouf


  1. J'utiliserai l'orthographe « medium » pour parler de moyens techniques au sens latin, et je distinguerai « médias » (information de masse) et « media » pluriel de « medium ». 

  2. AUCOMPTE Yann, « Moments techniques en design graphique : du medium dans l'histoire des idées et des pratiques », Revue Design Arts Médias, 05/2024, (consulté le 6/11/2025), URL : https://journal.dampress.org/varia/moments-techniques-en-design-graphique-du-medium-dans-l-histoire-des-idees-et-des-pratiques 

  3. Par exemple BERTRAND Gwenaëlle, FAVARD Maxime, « Le design à l'épreuve des déchets manufacturés : un anti-paysage à hériter », Sciences du Design, n° 11, 2020, p. 70-79, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.011.0070

  4. Par exemple GOURLET Pauline, « Vers une approche développementale du design », Sciences du Design, 11, 2020, p. 124-133, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.011.0124

  5. Par exemple HÉMON Stéphanie, GENTÈS Annie, BESSIÈRES Dominique, « Le design à l'épreuve du territoire : pratiques exploratoires et métiers émergents », Sciences du Design, n° 17, 2023, p. 82-100, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.017.0082

  6. Par exemple BORNAND Elvire, FOUCHER Jacky, « Entre déviance et normalisation, dynamique de l'innovation publique et implication du designer : retour réflexif sur un cas d'étude », Sciences du Design, 5, 2017, p. 85-102, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.005.0085

  7. Par exemple ADVERSE Angélica, DORNAS Adriana, « Déployer les styles visant l'agencement des sens dans le design : de l'ambiguïté fonctionnelle à la performance rituelle », Sciences du Design, n° 16, 2022, p. 30-45, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.016.0030

  8. Par exemple BERTRAND Gwenaëlle, FAVARD Maxime, « Le design à l'épreuve des déchets manufacturés : un anti-paysage à hériter », op. cit., 2020, p. 70-79, (consulté le 26/04/2024), URL : https://doi.org/10.3917/sdd.011.0070

  9. Par exemple STIEGLER Bernard, « Du design comme sculpture sociale », dans Brigitte Flamand (dir.), Le design. Essais sur des théories et des pratiques, Paris, Éditions du regard / Institut français de la mode, 2006, p. 243-258. 

  10. AKRICH Madeleine, « La description des objets techniques », dans AKRICH Madeleine, CALLON Michel, LATOUR Bruno, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris, Presses des Mines, 2006, p. 159-178 ; LATOUR Bruno, Enquête sur les modes d'existence, une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte, 2012, p. 216-217. 

  11. SIMONDON Gilbert, L'Individu et sa genèse physico-biologique, Millon, Paris, 1995, p. 50-58 ; SIMONDON Gilbert, L'Individuation à la lumière des notions de formes et d'information, Millon, Paris, 1958, p. 213. 

  12. Comme avec l'exemple de la brique chez SIMONDON Gilbert, L'Individu et sa genèse physico-biologique, op. cit., p. 43-46 ; MORIZOT Baptiste, Pour une théorie de la rencontre. Hasard et individuation chez Gilbert Simondon, Paris, Vrin, 2016, p. 74. 

  13. AKRICH Madeleine, « La description des objets techniques », dans AKRICH Madeleine, CALLON Michel, LATOUR Bruno, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, op. cit., p. 159-178 ; LATOUR Bruno, Enquête sur les modes d'existence, une anthropologie des modernes, op. cit., p. 159-160. 

  14. SIMONDON Gilbert, Du Mode d'existence des objets techniques, op. cit., p. 56-59 ; SIMONDON Gilbert, L'Invention dans les techniques, Cours et conférences, Paris, Seuil, 2005, p. 99-100 ; GRAS Alain, La Fragilité de la puissance, op. cit., p. 225-227. 

  15. MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, op. cit., 2005, p. 46. 

  16. NOVA Nicolas, Enquête, Création en design, Genève, Head, 2021 ; Boudvin, Simon, Ailanthus altissima, une monographie située de l'ailante, Paris, B42, 2021 – mais aussi dans l'édition illustrée par exemple les Tigres-gauchers : LAVERDUNT Damien ; RAJCAK Hélène, Écologie tout-terrain, Paris, Milan, 2022. 

  17. ALTER Norbert, L'innovation ordinaire, Paris, Puf, 2010, p. 24. 

  18. BERNOUX Philippe, La Sociologie des organisations, Paris, Seuil, 2009, p. 404 ; LATOUR Bruno, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions, Paris, La Découverte, 2011, p. 252-254 et p. 335. 

  19. La bombe atomique et l'informatique, conçus dans un contexte militaire d'urgence, sont souvent les contre-exemples fournis, SÉRIS Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p. 307-308 ; dans des situations de coopération : ALTER Norbert, L'innovation ordinaire, op. cit., p. 13, p. 43 et p. 89. 

  20. GRAS Alain, La Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003, p. 150-151 et p. 223-254 ; BONNEUIL Christophe, FRESSOZ Jean-Baptiste, L'Événement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, op. cit., p. 134-135. 

  21. AURÉLIEN Gamboni, « L'Escamoteur : économie de l'illusion, écologie de l'attention », p. 71-86, dans Yves Citton et Angela Braito, Technologies de l'enchantement. Pour une histoire multidisciplinaire de l'illusion, Grenoble, UGA editions, 2014, en ligne : https://books.openedition.org/ugaeditions/607?lang=fr

  22. Fabrication-maison, PASQUIERS Olivier, Petit atlas de la débrouille, Paris, Fabrication Maison, 2020. 

  23. Dans le sens où les structures semblent s'établir dans un chaos désorganisateur qui associe au hasard les éléments entre eux puis, ayant épuisé son énergie, reste dans un état stable qui va vers son auto-destruction, voir Morin, Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op.cit., p. 34-39. 

  24. Ibidem, p. 82-83. 

  25. LATOUR Bruno, Enquête sur les modes d'existence, une anthropologie des modernes, op. cit., p. 216-217. 

  26. SIMONDON Gilbert, L'Individuation à la lumière des notions de formes et d'information, op. cit., p. 213. 

  27. MORIN Edgar, La Méthode, t.6, Éthique, Paris, Éditions du Seuil, 2004, p. 40-41. 

  28. GRAS Alain, La Fragilité de la puissance, op. cit., 2003, p. 267-269. 

  29. Voir le site de la résidence (consulté le 06/11/2025), URL : https://kerminy.org/PORTAIL/

  30. Voir le site de l'atelier (consulté le 06/11/2025), URL : https://www.atelier21.org/

  31. DE VISSCHER Emile, « Le designer et la matière à l'heure de la crise écologique », dans DAM, Collectif (dir.), Matière/Matériau(x)/Médium : des controverses fécondes, Revue Design Arts Médias, 11/2023, (consulté le 26/04/2024), URL : https://journal.dampress.org/issues/matiere-materiau-x-medium-des-controverses-fecondes/le-designer-et-la-matiere-a-l-heure-de-la-crise-ecologique

  32. Ibidem, p. 230-231. 

  33. Résumant BRIAN Arthur, FORAY Dominique, « Les modèles de compétition technologique. Une revue de la littérature », p. 16-34, dans Revue d'économie industrielle, 48, 1989, p.16. 

  34. Citant COWAN Robin (Nuclear power reactors: a study in technological lock-in, New York University, 1988) : « de sorte que le marché peut être conquis par la technologie dite "inférieure" ; c'est-à-dire par celle qui, dans le cadre d'une compétition à n technologies, et au terme d'un développement équivalent de celles-ci, posséderait la capacité de rendement la plus faible », FORAY Dominique, « Les modèles de compétition technologique. Une revue de la littérature », p. 16-34, dans Revue d'économie industrielle, n° 48, 1989, p.16. 

  35. BONNEUIL Christophe, FRESSOZ Jean-Baptiste, L'Événement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, op. cit., p. 128-137. 

  36. SERVIGNE Pablo, STEVENS Raphaël, Comment tout peut s'effondrer, Paris, Seuil, 2015, p. 151-153. 

  37. Hypertélie chez Simondon, SIMONDON Gilbert, Du Mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 2012, p. 23-27. 

  38. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit., p. 106 et p. 113. 

  39. Ibidem., p. 83. 

  40. Projet le Pain commun, voir Samia Achoui, Carole Fritsch, Line Gigot, Martine Guitton et Marie Preston, Le journal Commun #1, Noisiel, Ferme du Buisson, 2019. 

  41. Ibidem

  42. Chose que Dorian Reunkrilerk décrit comme « Cette posture d'entre ou d'intermédiaire favorisant un vague déjà-vu ou déjà-vécu » dans REUNKRILERK Dorian « (Se) Rendre sensible au potentiel médiateur des infrastructures matérielles : discussion sur le Laboratoire organique de Lustar », dans DAM, Collectif (dir.), Matière/Matériau(x)/Médium : des controverses fécondes, Revue Design Arts Médias, 11/2023, (consulté le 26/04/2024), URL : https://journal.dampress.org/issues/matiere-materiau-x-medium-des-controverses-fecondes/se-rendre-sensible-au-potentiel-mediateur-des-infrastructures-materielles-discussion-sur-le-laboratoire-organique-de-lustar

  43. LATOUR Bruno, Où atterrir ? Comment s'orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017, p. 106. 

  44. STIEGLER Bernard, De la Misère symbolique, 2. La catastrophe du sensible, op. cit., p. 197 ; STIEGLER Bernard, La Technique et le temps, op. cit., p. 647. 

  45. Ibidem, p. 86-94. 

  46. SIMONDON Gilbert, L'Invention dans les techniques, Cours et conférences, op. cit., p. 88-92. 

  47. MORIN Edgar,] Introduction à la pensée complexe, op. cit., p. 136. 

  48. Par exemple l'exposition-enquête « polyphonique » En flottement libre, (consulté le 06/11/2025), URL : http://www.raffard-roussel.com/fr/activites-en-flottement-libre/

  49. Voir le projet ici, (consulté le 06/11/2025), URL : https://mwizinsky.net/History-Moves et, (consulté le 06/11/2025), URL : https://mwizinsky.net/South-Side-Speculations

  50. La complexité est une tendance générale du champ de la recherche que Morin observe dans la littérature scientifique. C'est donc une disposition des discours scientifiques : les dispositions en sociologie ne sont pas des états de choses, mais des tendances ou des types de comportements qui ont une grande chance de se produire. 

  51. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, Paris, Éditions du Seuil, 1977. 

  52. MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, Éditions du Seuil, 2005, p. 98-99. 

  53. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit.,1977, p. 101-102. 

  54. MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, op. cit., 2005. 

  55. Ibidem, p. 48. 

  56. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit.,1977, p. 312-314. 

  57. BERTALANFFY Ludwig (von), Théorie générale des systèmes, Physique, biologie, psychologie, sociologie, philosophie, Paris, Dunod, 2012. 

  58. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit., 1977, p. 161-172. 

  59. Ibidem, p. 109. 

  60. Emprunté à Lewis Mumford, Ibidem, p. 167. 

  61. Ibidem, p. 166. 

  62. AUCOMPTE Yann, « Moments techniques en design graphique : du medium dans l'histoire des idées et des pratiques », Revue Design Arts Médias, 05/2024, (consulté le 26/10/2025), URL : https://journal.dampress.org/varia/moments-techniques-en-design-graphique-du-medium-dans-l-histoire-des-idees-et-des-pratiques

  63. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit., 1977, p. 32. 

  64. Ibidem, p. 32. 

  65. MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, op. cit., p. 45 ; MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit., p. 194. 

  66. MORIN Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, op. cit., p. 211. 

  67. Ibidem, p. 21. 

  68. Ibid., p. 21. 

  69. Ibid., p. 206. 

  70. Ibid., p. 206. 

  71. Ibid., p. 239. 

  72. MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe, op. cit., p. 31. 

  73. Ibidem, 2005, p. 99-100. 

  74. GUATTARI Félix, Qu'est-ce que l'écosophie ?, Paris, Lignes poche, 2013, p. 552.