Docteur en esthétique et sciences des arts, EDESTA Université Paris 8, Yann Aucompte est professeur agrégé de Design et Métiers d’art, enseignant en DNMADe Graphisme, design du livre et de l’édition, au Lycée Jean-Pierre-Vernant, Sèvres (92), France.
Résumé
Cet article propose d’examiner les représentations usuelles du medium observées dans les milieux du design graphique sous le prisme de l’histoire des idées et de la philosophie critique des techniques. Nous aborderons ici quatre moments significatifs pour la pratique du design décrits par ces notions : medium-maîtrisé-par-les-sciences, medium matière-essence, medium-réseau-normatif, medium-expressif. L’histoire des idées et la philosophie permettent de resituer les grands enjeux sociétaux à l’œuvre derrière les descriptions de la technique que nous avons reçues en héritage. Ce court panorama de moments/définitions permet de situer les transformations et circulations de nos représentations du medium : elles sont principalement construites par les classes lettrées de la société et donnent donc une inflexion particulière à nos perceptions.
Abstract
This article aims to analyze the representations of the medium used in graphic design circles with History of idea and the philosophy of techniques. Here we choose four significant moments for the practice of design: medium-controlled-by-science, material-essence-medium, normative-network-medium, expressive-medium. History and philosophy can restore the major societal issues at work behind the descriptions of technology that we have inherited. This short overview of definitions allows us to situate the transformations and circulations of our representations of the medium: they are produced by the literate class of the society, they do give a certain turnaround to our perceptions.
Introduction
L’objet de cet article est d’apporter un éclairage sur la notion de « medium » depuis l’histoire des idées et la philosophie des techniques1.
Dans le champ des arts, le terme « medium » désigne le produit qui permet de fixer le pigment du peintre2. Il pose selon sa qualité des questions de mise en œuvre spécifique : peinture pour fresque qui nécessite une mise en œuvre urgente, peinture à l’huile où l’application successive de couches et le séchage entendent un travail de longue durée, etc. En art, le medium est souvent décrit par les acteurs comme étant informe pour laisser l’intention de l’artiste donner forme à l’œuvre, c’est une définition presque académique de cette notion3. C’est donc une définition hylémorphique du medium qui a souvent cours : les œuvres sont des matières informées. Cette définition diviserait l’activité picturale avec d’un côté la peinture de l’autre le pinceau. Mais c’est l’art moderne qui remet le medium au centre de l’activité de l’artiste et du spectateur4. De cette définition, nous tirons encore une certaine façon de penser notre activité.
En effet, en design la prise en compte de ces contraintes techniques constitue la base de la formation des praticiens : que peuvent le support, la machine, le matériau ? La formation des designers se fait encore sur la même base technique que les arts plastiques. Ainsi les moyens industriels de production sont-ils souvent pensés comme des mediums (matériaux) ou des outils. Le medium y est comme un synonyme du terme « moyen » ou « matériau ». C’est d’abord la peinture (ou encore la pierre, l’argile, etc.) qui a été le medium mais aujourd’hui les artistes travaillent les données, la finance, le corps, le son, etc. Autant d’autres matières qui ont connu des histoires techniques bien différentes. À l’heure du numérique triomphant, le medium nous paraît désigner un plus grand spectre d’enjeux5 que nous dirons médiologiques6 : effets des médias sur la conscience des publics, milieux dans lesquels des activités vont pouvoir se développer ou non, etc., qui font que « tel ou tel stock d’idées ne peut pas survivre et se reproduire dans n’importe quel milieu, par n’importe quel médium7 ». En effet, les techniques sont toujours aussi des technologies de l’esprit et véhiculent donc des idées, d’une façon qui fait que « l’instrument instrumentalise ses maîtres supposés » et que « le pouvoir reste à l’outil8 ». Le design s'inscrivant dans la massification des produits de consommation, les approches médiologique et technique paraissent aujourd’hui essentielles pour comprendre les enjeux de nos pratiques disciplinaires.
Les pratiques actuelles puisent à des définitions techniques très différentes de ce qu’est le medium comme matière. La plupart des façons de décrire le medium-matière nous proviennent de milieux et moments très différents : milieux historiques, professionnels, philosophiques,etc. Ces descriptions sont souvent accumulées et mêlées dans nos façons de percevoir la question du medium : matériau, véhicule, ensemble de normes d’usage, etc. Retraçons une brève histoire, sélective, de ces différentes origines techniques de la définition des moyens d’action techniques et des matériaux pour en problématiser les enjeux sociétaux. Nous tenterons de parler « techniquement » tel que Bruno Latour le proposait avec ses modes d’existence : la technique c’est ce qui tient ensemble des éléments de natures différentes et les fait fonctionner socialement dans des organisations et des représentations9. Elle obéit donc autant à des propriétés physiques qu’à des organisations et des idéologies10 auxquelles nous déléguons des activités11.
Notre culture est fortement influencée par l’Humanisme et sa typographie12, mais tient également bon nombre de ses activités des organisations sociétales apparues dans l’Antiquité avec l’écriture. Notre culture traite donc les mondes naturel et social dans une perspective grammaticale et visuelle : les êtres du monde sont séparés, linéarisés, réduits, etc.13 Cette perspective visuelle14 irrigue toutes nos représentations et activités. Nous prendrons le champ du design graphique comme exemple, afin de rendre plus explicite cette tradition. Il reste cependant que les autres design pourront trouver là une base de réflexion à leurs relations aux techniques et aux mediums. Nous aborderons ici quatre moments significatifs pour la pratique du design graphique qui définissent des ontologies différentes du medium : medium maîtrisé par les sciences, medium matière-essence, medium réseau normatif, medium expressif.
1. Ingénierie et commandement : un médium fait d’interactions
Pour décrire cette ontologie du medium nous prendrons un premier exemple dans le champ du graphisme, bien avant qu’il y ait quelque chose comme du design graphique. Cependant ici nous allons voir que quelque chose de l’ordre du design est à l’œuvre dans l’ingénierie naissante. En 1694, l’Académie est missionnée15 pour concevoir un caractère typographique : le Romain du Roi. C’est le symbole d’un « design graphique » qui discipline les artisans par la géométrie et qui canalise la recherche d’efficacité sur des méthodes de contrôle par la connaissance16. Le caractère est d’abord conçu par des mathématiciens selon des règles abstraites et d’observations empiriques : division en 12 pour les échelles de corps, en 6 pour le dessin des lettres sur une grille de 2304 modules, cela à partir de mesures de proportions de lettres sur des caractères de titrage existants jugés les mieux gravés17 mais aussi sur la calligraphie telle qu’elle est pratiquée par Nicolas Jarry (1615-1666) (forme moins italienne et plus rigide d’écriture de chancellerie à la française18), géométrisation de la construction des lettres, etc. Il s’agit de faire rentrer dans une logique de mathématique descriptive des mesures géométriques, comme on l’a fait alors pour les bateaux et les machines artisanales19. Dans cette entreprise les graveurs de poinçons ne sont que les ouvriers qui exécutent ce dessin. Des graveurs comme Grandjean tenteront d’appliquer les règles de correction optique usuelles (penché des fûts, correction optique des formes horizontales, etc.) parfois sans succès : leurs travaux seront détruits par les académiciens à plusieurs reprises20. Ces caractéristiques de la méthode de conception donneront aux caractères des traits rigides et inconfortables à la lecture pour les contemporains. Dans cette démarche il s’agit techniquement de maîtriser la conception d’un élément clef de la production d’imprimés, mais aussi d’établir un rapport de production dans lequel la raison scientifique hiérarchise les pratiques et les savoirs. Le motif du travail n’est pas la réalisation des individus mais la maîtrise des forces fondamentales de la nature.
La discipline du design se définit de façon doxique sur l’idée de « conception », pratique naissant avec l’ingénierie : « la raison des effets est contenue dans le dessin21 » peut sembler être une maxime fonctionnant pour l’ingénieur et le designer. Aussi la première des définitions du medium que nous rencontrons souvent est l’idée selon laquelle il est une matière docile à une pensée géométrique et mathématique. Le “designer-ingénieur” mobilise des savoirs mathématiques et scientifiques pour optimiser l’exploitation d’un medium. Cependant il le fait toujours à partir d’une observation des artisans et de leur production pour conduire les produits à un degré d’élégance-rationalité, qu’il juge bon selon ses critères.
Nous pouvons situer l’essor de ce type d’ingénierie aux XVIIe et XVIIIe siècle. Il s’élabore alors une nouvelle approche des sciences : le but n’est plus la production exclusive de descriptions de la réalité, répétables et donc vraies, mais le spectacle de l’efficacité de la découverte dans des inventions techniques22. La forme privilégiée de la démonstration scientifique est la machine car elle démontre que le savoir est vrai lorsqu’il modifie le réel. Les académiciens observent les pratiques des métiers (Encyclopédie Diderot & D’Alembert, Vaucanson, Desgodets, etc.) puis cherchent des moyens mécaniques pour automatiser les gestes et réduire le nombre des ouvriers.
Pour les académiciens de cette époque, la pensée de Descartes23 est une excellente réflexion sur leur philosophie et une synthèse de leurs ambitions : « aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.24 ».
Pour eux, le monde est une mécanique horlogère, prévisible et fondamentalement matérielle dans ses dynamiques25. Les outils principaux de ces académiciens sont le calcul et la géométrie. Dans cette définition, le monde est fait de particules mues par les lois de l’attraction : objets cosmiques, animaux, plantes, etc. Cependant la technique ingénieuriale n’est pas affaire de matériaux ou de matières. En un sens la technique n’est plus ou pas encore une question de physique mais bien plus de mécanique pure26 : il est question de forces, de temps et d’espace (res extensa) qui sont les éléments fondamentaux des matériaux. Paradoxalement, ce sont les organisations du travail27 qui sont décrites en priorité car elles sont la vraie matière-medium de ces dispositifs. Elles décrivent l’affairement d’artisans et de gestes dans un théâtre mécaniste. L’ambition est de les remplacer par des dispositifs mécaniques ou machiniques pour améliorer et rationaliser la production28— si les artisans ne sont que des petites machines imparfaites il suffit de comprendre leurs fonctions « techniques-géométrisées-mécanisées » pour les remplacer par des automates plus efficaces29. À cette époque, de même que pour la production d’une œuvre d’art, l’objet le plus anodin comme l’épingle30 engage une suite de gestes nombreux. Aussi la technique est pour beaucoup le travail d’un medium-géométrique-mécanique qui engage des gestes et protocoles collectifs de travail31 : le design consiste alors en une rationalisation mécanique de la production collective.
Si cette forme de science se développe considérablement dès Louis XIV c’est que le pouvoir politique pense en tirer un avantage stratégique. Les premiers objets concernés par cette automatisation ne sont pas anodins eu égard à la politique du Roi Soleil : la flotte de navires de guerre de l’Arsenal32, et après son règne le tissage, qui est la clef de la politique commerciale colbertiste (métier à tisser mécanique notamment). Le savoir et la technique sont au service du contrôle et du pouvoir33 : la nature est un magasin (fond de réserve) dans lequel puiser, les sociétés non-occidentales (colonies) sont des sources de forces de travail et de matériaux, l’ouvrier est quant à lui un rouage du fonctionnement de la manufacture qu’il faut discipliner.
Nous avons donc ici comme le point de départ34 de notre définition du medium-ingénieurial docile à la conception : il constitue un matériau géométrique et calculable disposé aux manipulations. Plastique et manipulable il peut être transformé plus efficacement : il faut pour cela décrire les forces fondamentales à l’œuvre. Cette conception permet également de cadrer une chaîne de production et ses ouvriers.
2. Bauhaus et sciences mystiques (modernisme)
L’autre définition du medium que nous mobilisons fréquemment est celle du medium-matière : matière-signe en même temps matière-essence. Elle est medium au sens premier : elle est entre deux ordres de réalité. C’est cette définition ou ontologie, quasi hégémonique, qui nous rend difficile la compréhension de l’ontologie précédemment décrite. Nous sommes éduqués en tant que designers à cette approche du médium par des exemples canoniques tels que la chaise Wassily de Marcel Breuer. Dans cette chaise les matériaux occupent des fonctions qui mettent en expérience leurs propriétés matérielles et leurs forces mécaniques. Les composantes suivent la palette d’une gamme de formes géométriques. Les matériaux n’ont pas d’ornements pour laisser apparaître leurs qualités de surface : cette dernière doit être comme le résultat d’un procédé d’usinage qui laisse voir le matériau même, sa surface n’étant que la face visible des limites d’un matériau-substance partout homogène dans sa structure.
Dans le domaine du design graphique, cette façon de penser se traduit par une forte géométrisation des signes et une focalisation sur les images photographiques. Ce paradigme présente une attirance pour les ontologies d’image qui traduisent les forces de la chimie et de l’optique dans leurs manifestations visuelles, comme par exemple chez Lazlo-Moholy Nagy la photographie et le cinéma. Ainsi, un caractère typographique comme le projet de modèles d’écritures Universal (typographie35, écritures et lettrages) de Herbert Bayer reflète assez bien cette ontologie par son aspect industriel. Le designer tente de produire un alphabet typographique fortement géométrique qu’il veut universel dans ses choix formels. Il accompagne son projet typographique de formes d’écritures tapuscrites et manuelles. Dans les années 1960, il poursuit son projet qui devient le Basic Alphabet et « tente de réorganiser l’écriture elle-même36 » en amenant des nouvelles ligatures pour réduire le nombre de signes de l’alphabet : « le Basic Alphabet reflète la véritable intention derrière l’Universal Type : la réduction et la simplification de l’écriture vont créer une langue plus démocratique, efficiente et progressiste37 ». Les formes puisent à l’origine grecque des lettres latines que nous utilisons. Pour Mike Mills, c’est également un ensemble de choix culturels qui amène Bayer à géométriser les lettres : pour mettre « de l’ordre et de la rationalité dans ce qui apparaît comme le chaos et l’indiscipline des cultures de masse38 ». Les choix de simplification de la structure de la lettre et l'effacement des traces calligraphiques du dessin des lettres participent « à refléter “l’intemporalité” des lois structurelles plus qu’une personnalité humaine39 ». Ce projet s’inscrit initialement dans les réformes pédagogiques de l’Allemagne du premier quart du XXe siècle : usage d’une casse, abandon des lettres gothiques, etc.40 Cette traduction de la conception moderne-mystique du Bauhaus se caractérise par une forme de méconnaissance des enjeux du graphisme41 tels qu’ils ont été développés par le monde de l’imprimerie jusqu’alors : un caractère typographique lisible est un équilibre entre une grammaire visuelle cohérente et une variation formelle entre les lettres, qui permet un contraste et donc un meilleur déchiffrement des signes. En même temps, Bayer retire les empattements pour supprimer le superficiel dans un geste proche de celui du taylorisme42. En ce sens, il convoque un universalisme dialogique : tout à la fois technique, mystique, culturel, économique, etc. Il tente d’appliquer la méthodologie développée par ses camarades pour produire des objets.
Cette définition s’inscrit dans la stricte continuité d’une vision ingénieuriale héritée de la Renaissance. Mais ce courant a pris une tournure mystique tout au long du XIXe siècle : les courants comtistes et saint-simoniens43 ont érigé la gravité et les forces de la nature en religion en France. La forme de pensée la plus proche de nos pratiques est certainement celle du Bauhaus. Elle a puisé quant à elle au mysticisme de l’Idéalisme allemand. Ce courant de pensée, à certains égards romantique, est marqué par la pensée d’Emmanuel Kant : ce courant dévoie également certains principes de sa philosophie. Si les choix formels du Bauhaus sont dictés par une admiration pour l’industrie américaine, ses procès et son architecture, néanmoins ce mysticisme reste latent44. Ces idées kantistes sont influencées au fil du XIXe siècle par les découvertes du rôle de l'électricité et du système nerveux dans les mouvements du corps45 : on pense alors tenir la matière même de l’esprit — une approche matérialiste se fait jour dans le questionnement sur l’opposition entre esprit et corps.
Ce mysticisme est manifeste dans le premier Bauhaus dirigé par Gropius : théosophie, mazdaznanisme, références mystiques chrétiennes médiévales, etc.46 Les tenants de cette école sont influencés par leur éducation philosophique mais aussi par des pédagogies alternatives comme celles de Friedrich Fröbel (1782-1852) et son principe de Kindergarten où l’écriture, l’exercice physique et le dessin47 sont traités ensemble comme les bases d’une éducation nouvelle débarrassée des tendances aristocratiques à l’ornement48. L’intérêt pour les dessins d’enfants et la notion d’artiste-enfant49 qui connaît un grand intérêt en Allemagne au tournant du XIXe et du XXe siècles est à mettre en parallèle avec l’essor de l’étude des cultures visuelles non-occidentales : ces formes sont jugées primitives50 par l’européocentrisme d’alors, ce dernier voit dans ces modes de représentations une forme non cultivée plus proche des fonctionnements spontanés et universels des êtres humains.
Les techniques de dessin pour l’éducation de Heinrich Pestalozzi (1746-1827) sont aussi importantes pour le Bauhaus selon Ellen Lupton et J. Abbott Miller. Ces techniques s’appuient sur une technique de dessin au carreau ou à la trame de points. L’idée de Pestalozzi est de « casser la complexité de la nature en formes de bases… pour identifier et “ élémentariser” les formes géométriques sous-jacentes au monde visible51 ». Chez Fröbel « il y a une correspondance entre la surface de la grille (Netzfläche) et la façon dont nous recevons les images sur la rétine (Netzhaut)52 ». Débarrassées de tout décor, les productions du Bauhaus nous placent dans la situation esthétique de percevoir — dans les matières fabriquées — les forces à l’œuvre dans le réel avec une franchise des aspects53. Cela est possible car les signes adoptent une forme proche des fonctionnements physiologiques de la perception et s’effacent dans l’expérience du lecteur, qui ne voit plus que les matériaux et ses forces54. Ce mysticisme-rationnel tient aussi du kantisme (diffusion des idées de Kant dans la culture commune) cette forme de représentation du medium : nous percevons le monde dans l’espace et le temps, mais ici dans un dévoiement de la pensée de Kant les schèmes de la perception deviennent « géométriques ». Ainsi travailler les matériaux dans ces formes revient à travailler avec le vocabulaire même de l’esprit humain55. Les objets, retrouvant une forme primitive, élèvent l’âme et nous mettent en contact avec les principes fondamentaux de la réalité perçue.
L’un des aspects du medium est qu’il est une force intermédiaire avec les fondements du réel. Le projet idéologique (doctrine), consiste à faire des mediums une empreinte du réel, révélant les fonctionnements fondamentaux et cachés de la nature.
3. De la théorie de l’information à la médiologie (fonctionnalisme)
Cette question se développe également dans le design graphique fonctionnaliste, parfois appelé « style suisse » ou « constructivisme suisse » dans le courant des années 1950, qui deviendra l’équivalent du style international dans les années 1970, les techniques de mise en page tendent à rationaliser toutes les décisions visuelles : grille modulaire, un caractère typographique dans deux corps, une casse et une seule graisse, des formes géométriques, etc.56. La fonction recherchée est la lecture linéaire non perturbée (fer à gauche, caractères sans empattements de type grotesques, etc.). Pour les designers de cette époque, les signes semblent déculturalisés et débarrassés de toute référence. La recherche d’un « encodage » pousse les graphistes à revoir les contenus en simplifiant les hiérarchies d’information du texte. Ils passent de la linéarité du texte « à lire » à la discontinuité du message « à voir ». Josef Müller-Brockmann teste ses affiches dans la rue, pour l‘exposition Der Film (1960), en effectuant des prises de vues de plus en plus éloignées pour vérifier la force des signes qu’il emploie57. Rien ne doit perturber le rythme hypnotique de la lecture ou de la visibilité.
Le modèle-exemple qui permettrait de comprendre la pensée à l’œuvre n’est plus un objet ou un processus de travail mais l’idée même “d’information”. Ici serait certainement le télégraphe qui serait l’objet-idéal-typique qui par ses contraintes techniques force à adopter un langage fait de signaux binaires. Par cette simplification pourtant cette technique permet de communiquer de l’information.
Il s’agit d’une définition encore répandue qui nous parvient également du XXe siècle. L’acception du medium-réseau en tant que code ou norme : froid, contraignant et technicien. Celui-là même qui impose un lourd apprentissage en même temps qu’une simplification extrême de nos idées et désirs.
Cette définition semble nous parvenir de l’émergence de la théorie de l’information appliquée à la culture : presse, radio, télévision, cinéma, etc. Ce que l’on appelle alors les « médias de masse ». Pour les contemporains ce qui semble évident est une nette augmentation de la circulation des idées58. Cependant, cette situation engage trois autres modèles du medium qui vont venir s’agencer avec cette reculturalisation des techniques : l’information, la fonction et la médiologie59. Cette dernière discipline constitue une véritable thématisation de la notion de medium dans le champ de la philosophie de la technique.
Premièrement, ce paradigme est issu d’une réflexion60 sur la société de l’information et ses futures extensions informatiques, qui sera le premier modèle décrit ici. À ce titre, il est inscrit dans les utopies de la théorie de l’information (J. von Neumann, C. Shannon) et de la Cybernétique (N. Wiener) : comment faire pour que la production de formes (l’information) soit entièrement quantifiable et calculable61 ? Techniquement, il s’agit de faire passer un message par un « medium ». Ce medium résiste à l’information car il génère du bruit. Or selon ces théoriciens et ingénieurs la solution est de simplifier les signaux pour les renforcer afin qu’ils résistent aux dégradations : c’est ce qui donnera le numérique binaire à la base de l’informatique moderne. La méthode consiste à simplifier les formes jusqu’à un système de signes binaires pour que le message passe sans altération. De ce fait, dans ce paradigme du medium il y a une neutralité de l’information : elle est calculée et donc pour cela elle est présumée objective62. Tout medium véhiculant du sens n’est plus porteur de signes ou de symboles, mais de signaux abstraits qu’il faut décoder63.
Dans l’après-guerre émergent les notions de tendances techniques64 et de systèmes techniques (notamment chez Bertrand Gille)65. Nous pourrions parler ici de formation d’une théorie de la fonction. Les designers n’ont pas cependant repris à la lettre ces théories pour établir leur propre tendance fonctionnaliste66 : il demeure de grandes similarités cependant. Les fonctions des objets y sont naturalisées dans des essences d’activités humaines : couper, trancher, se couvrir, etc.67 Ces fonctions sont transhistoriques et interculturelles, mais elles produisent des modes de sociabilité particuliers à chaque société68. Les fonctions sont articulées entre elles et définissent les institutions de leur époque. Les fonctions sont les essences anthropologiques des objets. Le travail du designer ne doit plus consister qu’à rechercher cette essence en supprimant le décor, le superflu, le surplus culturel, etc.69 En émerge alors la bonne forme, celle qui est forte et qui pour le modèle cybernétique résistera au bruit du medium70. Le fonctionnalisme est inspiré par la Gestalt Theorie qui théorise également la Gute Form ou « forme forte » : toutes les formes géométriques que le cerveau perçoit malgré des perturbations visuelles. La référence se retrouve dans l’exposition de Max Bill Die Gute Form, qu’il organise à Bâle en 1949, la notion est utilisée par l’État fédéral suisse, un prix porte ce nom, etc.
Le medium accueille donc une forme, mais il est imparfait et distord les intentions qu’on y insère. Cependant, dans ce paradigme, il en va ainsi de toutes les époques de l’humanité : il faut se soumettre au système technique qui organise nos activités71.
Alors que les deux modèles précédents connaissent un important succès dans le champ du design fonctionnaliste, la médiologie vient apporter une vision critique. Pour Régis Debray, fortement inspiré par Marshall McLuhan, Jacques Derrida et Bernard Stiegler, toutes les cultures ont des mediums (médias) : le Moyen-âge avait les cathédrales et leurs images comme nous avons Twitter (X). Chaque modalité technique induit des conditions de réception qui transforment les modes de vie collectifs et les individus jusque dans leur conscience profonde : McLuhan parlera de l’incroyable résistance au sommeil des illettrés72. Pour lui, ce sont ces media qui façonnent les formations des consciences, ils ont donc une fonction politique majeure. Pour McLuhan pas d’État démocratique sans imprimerie, qui amène les langues nationales73 et pas de culture scientifique sans typographie, qui permet l’impression en multiple et le souci d’exactitude dans l’écriture scientifique74.
Les mediums ne sont donc pas neutres, nous acceptons leurs normes au prix d’une lourde adaptation physique et mentale75. Les sociétés de lecteurs sont ainsi des sociétés capables d’une attention soutenue et longue mais perdent en échange une réactivité et une empathie spontanée avec l’environnement76. C’est au prix de cette intoxication volontaire que nous pouvons échanger de l’information de façon massifiée. Comme formulé en introduction, pour la médiologie et ses héritiers il y a une orientation grammaticale (encodage) des technologies culturelles77. La typographie renforce encore ce que l’écriture à ancré dans la formation de nos esprits. Elle nous pousse à traiter toutes les activités du monde en les abordant comme l’alphabet : nous divisons, répétons, linéarisons, homogénéisons et décontextualisons les éléments de la réalité78 avec un système technique devenu hypnotique79. Nous reportons cette méthodologie technique sur tout : l’informatique est ainsi une façon d’engrammer le monde dans une écriture. Par là nous nous éloignons de notre relation poly-sensorielle au monde80.
4. Medium comme outil d’expression des individus et la technique comme idéologie (la crise postmoderniste)
Enfin le dernier, des plus communs parmi les paradigmes du « medium », c’est certainement celui du medium-libérateur ou du medium expressif (socialement). Il est le résultat d’une résistance à « l’obéissance à la nature du medium » promulguée par les modernistes et les fonctionnalistes81. Cette contestation du rôle du medium provient d’une triple remise en cause théorique : la technique n’est plus un instrument au service des êtres humains, le projet progressiste qui promulguait l’usage des mediums s’est avéré mensonger, l’omniprésence des mediums nous détruit mentalement et physiquement car nous perdons tout contrôle sur eux. Aussi dans la postmodernité se pose la question d’ouvrir les medias aux minorités pour qu’ils expriment un point de vue situé.
L’exemple-modèle ici pourraient être à nouveau les systèmes médiatiques de l’information. Cette fois pourtant nous serions plutôt dans les télés associatives, les chaînes câblées régionales aux États-Unis, ou encore avec les radios-libres en France et en Italie dans les années 1980. Dans un second temps de l’analyse nous pourrions y voir également un medium comme les réseaux-sociaux : réseau libérateur de parole qui menace à chaque instant de devenir un outil de manipulation.
Le projet de revue Output, dirigé par les étudiants de Cranbrook Academy of Art82 de Bloomfield Hills en 199283, semble être un bon exemple de ce paradigme du medium. Chaque numéro de la revue est conçu par une école d’art américaine. Dans le numéro 2, produit par Cranbrook, les étudiants s’enferment dans une pièce et allument la télévision et la radio, disposent des imprimés sur une table. En se plaçant dans cette situation, ils tentent de produire une expérience de saturation cognitive proche de celle imposée par le système médiatique. Ils tirent des images de tout ce qui est alors pour eux un ensemble de mediums différents et produisent des compositions qui empilent les images (layering) dans une démarche typique de la déconstruction : une approche du design graphique qui tend à brouiller la lecture et à déhiérarchiser la mise en page. Les pages de la revue sont illisibles, au sens attendu pour une revue académique. Des courtes citations se superposent à des visuels, sur des macules d’impression déjà couvertes d’images. Lors de sa publication, la revue passera d’abord inaperçue. Après plusieurs numéros, elle sera le point de départ des « legibility wars84 » initiées par Steven Heller. Les pragmatiques et les fonctionnalistes reprochent à la revue d’être un terrain de jeu pour l’expression des étudiants, débarrassé des contraintes du message et du sens. Dans ce dialogisme se dit assez bien le tragique du postmodernisme : alors que les praticiens abandonnent la posture d’auteurs pour traduire l’expérience de saturation provoquée par les outils modernes, il leur est reproché de chercher à s’exprimer personnellement. En effet, la revue apparaît comme l’outil d’expression d’une communauté située, celle des étudiants qui sont isolés dans leurs écoles, qui prennent parfois la forme de colonies d’artistes aux États-Unis. Les étudiants sont « des groupes de la subculture qui sont à la fois les récepteurs et les émetteurs d’un codage verbal85 ». Le medium est ici un média de diffusion, mais sa fonction n’est pas de massifier ; au contraire la revue vise à communiquer les préoccupations d’un groupe minoritaire. Le medium est aussi la matière des messages et des images fournies par les médias de masse.
Dans le design graphique cela correspond à une certaine méfiance pour le fonctionnalisme : l’écriture typographique rend les lecteurs passifs, promouvant la lisibilité devenu autoritaire à l’encontre de l’expression libératrice, la mise en page est parfaitement claire est neutre et le reflète une société d’après-guerre dont les habitudes sont dépassées par les nouvelles formes technologiques et culturelles. C’est donc un paradoxe ou un dialogisme qui caractérise cette définition du medium. En effet, pour tout une branche de la théorie des techniques, les outils se sont entièrement autonomisés dans un devenir-progrès-rationnel détaché de toute raison instrumentale. Les techniques ne sont plus au service de l’être humain mais d’elles-mêmes86. Avec ces nouvelles modalités techniques modernes, le progrès est un but en soi au détriment des catastrophes et des inconvénients qu’il génère. Nous sommes passés d’une technique qui permet de dire « je veux » à une technique qui nous dit « il faut »87. Le problème étant que les systèmes techniques n’ont pas d’autorégulation88. L’expérience de Hiroshima/Nagasaki laisse penser que rien n’est absolument bon dans le progrès et les techniques89, dans le sens où les mediums ne sont « ni bons, ni mauvais, ni neutres 90». D’un point de vue technique, la valeur des mediums ne dépend plus de l’usage que l’on en fait. Pour certains ils sont bons et mauvais à la fois comme un médicament91, parfois décrits comme aux effets contraires à l’objectif poursuivi (l'hôpital rend malade, l’école fait perdre des savoirs, la voiture nous ralentit, etc.)92. Enfin, pour une certaine philosophie des techniques, il n’y a pas de réels progrès linéaires mais des trajectoires techniques93 qui dépendent des valeurs défendues par les sociétés94. Les techniques déjà en place créent des verrous socio-techniques qui immobilisent les transformations sociales et excluent des inventions plus efficaces ou utiles.
Les trajectoires techniques ne sont pas basées sur la reconnaissance scientifique d’un usage fonctionnel de propriétés naturelles efficaces. Les innovations techniques ne sont pas vraiment des choix d’efficacité, car « on ne choisit pas une technologie parce qu'elle est plus efficace mais c'est parce qu'on la choisit qu'elle devient plus efficace95». Les techniques, au départ séduisantes et pleines de possibles, se déploient : mais les aspects négatifs n’apparaissent qu’avec la socialisation. Les techniques offrent des horizons d’attentes qui captent collectivement la conscience des individus. Ces derniers perdent toute capacité critique : ce que Stiegler nomme l’epochè96 est à la fois la suspension d’incrédulité vis-à-vis des techniques nouvelles et la suspension des croyances qui avaient lieu avec le système technique alors abandonné. Une fois structurées dans les relations humaines et sociales, les techniques ont déjà transformé les organisations et les consciences : il est, pour ainsi dire, “trop tard”.
La société capitaliste basée sur l’investissement a permis des progrès notables, mais pour certains penseurs elle a perdu ses valeurs fondamentales97. Elle ne propose plus aujourd’hui de véritables progrès mais des innovations98 : c’est-à-dire qu’elle tente de faire adopter des techniques existantes, pour faire changer les comportements des consommateurs et les intégrer à des réseaux de consommation devenus addictifs99. Cette saturation technique, notamment des mediums d’information, dépasse nos limites cognitives et nous détruit mentalement100. En même temps, cette saturation technique a son pendant écologique : l’anthropisation forcenée et l’extractivisme décomplexé détruisent toute possibilité de vie sur Terre101.
Là où l’histoire montre qu’il est humainement possible de contrôler les techniques102, la technologie, quant à elle, est devenue une méga-machine103 hors d’échelle de toute maîtrise : citoyenne, étatique, morale, etc. Les techniques ne sont plus uniquement des objets visibles, évitables et destructibles comme naguère pour les Luddites104 : le danger est omniprésent car les techniques sont ultra-médiales105 donc nanoscopiques, omniprésentes, invisibles. Cette ultra-médialité fait que tout aujourd’hui est medium, par le numérique notamment : nous sommes sans cesse en train de mettre en forme des communications de toutes sortes qu'elles soient sonores, visuelles ou écrites. Mais cela entend aussi que les choses les plus anodines de notre environnement contiennent des éléments techniques ou médiologiques qui nous transforment106 ou nous surveillent à notre insu107 : géants du web et leurs objets connectés bien sûr, mais aussi les nano-particules, puces RFID, ondes, etc.
Pourtant, à ce danger tout une frange des pratiques artistiques et en design répond par l’adoption critique de ces techniques semblant proposer que : « L’artefact technique devrait être conçu comme œuvre d’art, expression du désir d’être (humain) sous des formes sans cesse renouvelées108 ». Par cette hypothèse éthique et pratique les designers font une pratique109 singulière des techniques au lieu d’adopter des usages normatifs. C’est en ce sens donc que cette ontologie du medium peut être convoquée comme “expressive”.
5. Des réactions pratiques notables, mais un manque de modèles intellectuels
Le design s’est trouvé pris dans l’étau de ces critiques : doit-il continuer à participer à cette situation110? Le design graphique a ainsi pris diverses options pour résorber ces contradictions :
— travailler manuellement et non pas avec un ordinateur (Stefan Sagmeister, Lorraine Wild) ou maîtriser les ordinateurs à un très haut niveau de virtuosité (The Designers Republic^TM^, The Attik, John Maeda, etc.). Ici le problème est de fait technique puisqu’il s’agit d’incorporer les problèmes apportés par le numérique (PAO). Les designers graphiques sont mis en difficulté par une révolution de leurs outils qui permet à des non-professionnels de réaliser des travaux de qualité (apparemment) professionnelle. Le medium-calculable de l’ordinateur détruit le métier. Il l’ouvre à des amateurs mais surtout à des niveaux de décisions dans les organisations qui permettent de se passer des ouvriers. L’exercice de la production de formes géométriques et mécaniques (photographie) ne passe pas plus par les gestes artisanaux du maquettiste et une recherche éthique de neutralité démocratique (fonctionnalisme) : le résultat visuel correspond à la nature calculante de l’outil qui génère à moindre effort des formes géométriques (images vectorielles) et des images mécaniques (photographies pixellaires). À ce “moindre effort” les designers graphiques de la postmodernité réagissent par l’imposition d’un effort visible, d’une virtuosité : soit dans la manipulation des ordinateurs à un haut niveau de connaissance de ses fonctionnements et de ses possibilités, soit dans l’abandon de ces outils pour laisser la place à un savoir-faire de fabrication visuelle artisanale qui affirme que la compétence du métier est ailleurs111 ;
— diffuser des laissés pour compte en devenant éditeur au contrôle du medium (les revues Emigre, Output, etc.). Les graphistes constatent la tendance massifiante des outils de communication. Le medium est normalisant pour la vie des consciences humaines de par l’échelle de sa diffusion. Les designers graphiques réduisent alors l’échelle du public auquel il s’adresse. Bien souvent les designers parlent aux designers : mais le discours n’est pas formel ou décoratif, il devient critique et théorique. La tendance “naturelle” du médium à la massification est détournée par la volonté de donner la parole à des minorités : graphistes amateurs, expatriés, pédagogies minoritaires (Cranbrook, Calarts), etc. ;
— faire du bruit médiologique le cœur du travail au détriment du message (David Carson, Output, Jeffery Keedy, etc.). Le designer graphique ne s’impose plus l’obligation de neutralité. Le medium étant porteur de questions éthiques, le designer se fait l’expert médiologique des questions de manipulation de l’information. Le praticien pousse les images à la limite de la lisibilité et du visible en mettant en scène des exercices de styles, des petits laboratoires en quelque sorte, des situations-limites de la mise en page : Carson remplace le texte par des dingbats, Joani Spadaro et Teal Triggs empilent les images et les textes, etc. Les travaux ne sont pas théoriques mais pratiques, parfois expérimentaux — mais les choix graphiques sont toujours portés sur des productions usuelles qui ne sont pas détachées des interactions sociales quotidiennes (magazines, catalogues, etc.). Le designer graphique affirme la présence du medium en montrant par l’exercice de la lecture qu’il influence la conscience des publics. Les compositions sont illisibles et donc le medium est très visible car il est mis en accusation : c’est au sens premier une approche critique (krinein) ;
— imiter la maladresse d’un usage amateur, dans un esprit vernaculaire, tout en jouant d’une sécheresse et d’une sobriété documentaire112. Non pas pour donner la parole aux esthétiques minoritaires cette fois, mais pour montrer le sérieux et la dimension intellectuelle d’une approche critique. Le design n’est pas une activité de manipulation de medium, il n’y pas de virtuosité apparente ou de savoir-faire, ce n’est pas non plus une question sociale. Les designers graphiques documentaires critiques (James Goggin, Zak Kyes, De Valence, Jean-Claude Paillasson à l’IRD de L’ESADSE, Alexandru Balgiu, etc.) mettent également le medium au centre des attentions en affirmant ses propriétés formelles (trames apparentes notamment). Mais les images ne sont quasiment pas manipulées (du moins en apparence). Elles sont traitées comme des documents et souvent accompagnées de textes théoriques. L’objet de ces travaux est de former un nouveau public autour de pratiques culturelles qui portent une attention, voire cultivent une méfiance, à l’endroit des images.
Cependant aujourd’hui un autre paradigme tend à s’imposer : celui de la complexité. La notion est théorisée par Edgar Morin. La science moderne y apparaît simplificatrice, mutilante et prétentieuse : « [Les] principes [modernes] ont conduit à des développements extrêmement brillants, importants et positifs, de la connaissance scientifique jusqu’au moment où les limites d’intelligibilité qu’ils comportaient sont devenues aussi, voire plus importantes, que leurs élucidations113 ». Loin de proposer une définition théorétique, Morin s’appuie sur une étude sociologique de la recherche des années 1960-1990 dans tous les domaines des sciences : physiques114, de la vie115, sociales116 et philosophie117. L’ensemble des questions traitées ici y est problématisé à partir du modèle de la systémique118. La complexité résonne comme une nouvelle épreuve dans notre compréhension des actions écologiques que le design peut mener. La complexité nous invite à l’humilité, renversant au passage de nombreuses représentations du monde qui constituaient les bases des pratiques de notre discipline.
Cette question doit faire l’objet d’un nouvel article tant elle ouvre à des problématiques nouvelles liées au medium, dont l’exposition nécessite un important développement.
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Remerciements : Roberto Barbanti, Stéphane Darricau, Damien Laverdunt
-
Il ne s’agit pas non plus de partir de la philosophie des techniques qui s’est intéressée à l’art et ses moyens, par exemple : Séris, Jean-Pierre, La Technique, Paris, Puf, 2017, p. 245-280 ou Francastel, Pierre, Art et et technique aux XIXe et XXe siècle, Paris, Gallimard, 1956 ; cependant ces ressources seront convoquées parfois dans le texte pour apporter des éléments de preuve ou de méthode. ↩
-
Entrée « Medium », CNRTL, repérée à : https://www.cnrtl.fr/definition/medium ↩
-
Guérin, Michel, « Qu’est-ce qu’un médium artistique ? », Appareil [En ligne], 17 | 2016, mis en ligne le 11 juillet 2016, consulté le 19 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/appareil/2308 ; DOI : https://doi.org/10.4000/appareil.2308 ↩
-
C’est Clement Greenberg (1909-1994) qui théorise cette situation dans l’art américain, le problème est traité de façon globale ici Ibidem, 2016 : « il n’en reste pas moins que les espèces de médiation sont innombrables : par la matière, le milieu, le transport, l’outil ou l’instrument, la machine, l’appareil, l’information, l’influence, la condition. » ↩
-
Krajewski Pascal, “Qu’appelle-t-on un médium ?”, Appareil, 2015, repéré à : http://journals.openedition.org/appareil/2152; DOI: https://doi.org/10.4000/appareil.2152 puis dans l’art numérique dans Couchot, Edmond, La Technologie dans l’art. De la photographie à la réalité virtuelle, Paris, éditions Jacqueline Chambon, 1998, p. 21-27 ↩
-
Au sens de Debray, Régis, Cours de médiologie générale, Paris, Gallimard, 1991, problématisé également dans le sens avec lequel Bernard Stiegler le prolonge dans La Technique et le temps, Paris, Fayard, 2018 ↩
-
Debray, Régis, Cours de médiologie générale, Paris, Gallimard, 1991, p. 30 ↩
-
Ibidem, p.75. ↩
-
Latour, Bruno, Enquête sur les modes d’existence, une anthropologie des modernes, Paris, La découverte, 2012, p. 211 ↩
-
Ibidem, 2012, p. 217 ↩
-
Ibidem, 2012, p. 218 et p. 233 ↩
-
Plus communément l’imprimerie, dans McLuhan, Marshall, Pour comprendre les médias, Paris, Seuil, 1968, p. 199-207 ↩
-
Ibidem, p. 199-207 ↩
-
Que certains appellent rétinienne après Marcel Duchamp, voir Barbanti, Roberto, Visions techniciennes : de l’ultramédialité dans l’art. Nîmes, Lucie éditions, 2004, p. 17, ou Claire Fagnart dans « Abstraction des images et démesures de la vision ». 2022. hal-03667918, p. 3 ↩
-
Il serait plus précis ici de dire que les académiciens de différents domaines se réunissent pour concevoir une encyclopédie, et dans ce cadre entreprennent la gravure d’un caractère à cet usage exclusif. ↩
-
Mosley, James « les caractères de l’imprimerie royale », Le Romain du Roi, la typographie au service de l’État, 1702-2002, Lyon, Musée de l’imprimerie de Lyon, 2002. voir également Aucompte, Yann, "Quelle(s) écologie(s) pour le graphisme ?", dans Ludovic Duhem (dir.), Écologies du numérique, 2022, URL : http://ecologies-du-numerique.fr/2021/08/24/quelles-ecologies-pour-le-graphisme/ ↩
-
Mosley, James « les caractères de l’imprimerie royale », Le Romain du Roi, la typographie au service de l’État, 1702-2002, op. cit., p.48. ↩
-
Ibidem, p.33. ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Machine et communication, Paris, Vrin, 1987, p. 32 ↩
-
Jusqu’à 5 fois pour certaines lettres, James Mosley, « les caractères de l’imprimerie royale », op. cit., p. 52-53 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Machine et communication, op. cit., p. 32 ↩
-
Ibidem, p. 25-33 ↩
-
Ibidem, p. 211-214 ↩
-
Descartes, René, Discours de la méthode, texte établi par Cousin Victor, Levrault, tome I, sixième partie, 1824 [1637] ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Machine et communication, op. cit., p. 101-103 ; p. 94-95 ↩
-
Ibidem, p. 101-104 ↩
-
Ibidem, p. 54-56 et p. 120-121 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Qu’est-ce que la division du travail ? Ferguson, Paris, Vrin, 1994, p. 29-39 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, La Technique, Paris, Puf, 2017, p. 122 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Qu’est-ce que la division du travail ? Ferguson, op. cit., p. 49-53 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, La Technique, Paris, Puf, 2017, p. 144 ↩
-
Séris, Jean-Pierre, Machine et communication, op. cit., p. 53-158 ↩
-
Ibidem, p. 94-95 ↩
-
Au sens où cette définition se met en relation avec du politique, du juridique, du spirituel, etc. de façon dominante. ↩
-
Le caractère n’est jamais produit dans sa forme typographique, il est dessiné à la main dans chacun de ses usages jusqu’à la sortie de sa version numérique, l’Architype Bayer, en 1997 chez The Foundry Types, sous la direction de David Quay et Freda Sack. ↩
-
Mills Mike, « Herbert Bayer’s Universal Type in its Historical Contexts », p. 38-45, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. Londres, Thames & Hudson, 1993, p. 44 ↩
-
Mills Mike, « Herbert Bayer’s Universal Type in its Historical Contexts », p.38-45, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit., 1993, p. 44 ↩
-
Mills Mike, « Appendix : The Gender of the Universal », p. 46-49, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit., 1993, p. 48 ↩
-
Mills Mike, « Appendix : The Gender of the Universal », p. 46-49, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit.1993, p. 49 ↩
-
Mills Mike, « Herbert Bayer’s Universal Type in its Historical Contexts », p.38-45, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit.1993, p. 38-40 ↩
-
Winkler, Dietmar .R, « Morality and Myth: The Bauhaus Reassessed », dans Bierut, Drenttel, Heller & Holland (éds.), Looking Closer. Critical Writings on Graphic Design, 1994, p. 38-42 ↩
-
Mills Mike, « Herbert Bayer’s Universal Type in its Historical Contexts », p.38-45, dans Lupton Ellen & Miller J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit.1993, p. 41 ↩
-
Régnier, Philippe, « Entre politique et mystique, sécularisation et resacralisation ». Dans Archives de sciences sociales des religions, n°190, 2020, p. 87-108 ↩
-
Lupton, Ellen & Miller, J. Abbott (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory. op. cit. 1993, p. 40 ↩
-
Par exemple dans Abraham, Bénédicte, « La correspondance entre Goethe et Schiller (1798-1805) ou l’émergence progressive d’un discours scientifique sur l’art et la littérature », L'intime [En ligne], 4 | 2016, publié le 01 janvier 2016 et consulté le 04 février 2024. DOI : 10.58335/intime.138. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/intime/index.php?id=138. La relation entre sciences et philosophie est fréquente au XIXe et devient un élément de démonstration philosophique ontologique : Auguste Ott Hegel et la philosophie allemande, Paris, Joubert, 1844, p.61-62. ↩
-
Gaillemin, Jean-Louis, « L’ésotérisme au Bauhaus », p. 22-33, dans L’Esprit du Bauhaus, Paris, Les Arts Décoratifs, 2016 ; Argan, Giulio Carlo, Walter Gropius et le Bauhaus. Marseille, Parenthèses, 2016, p. 45 ↩
-
Exposé dans Fröbel, Friedrich, L’éducation de l’homme, Paris, Hachette, 1861 et Friedrich Fröbel, Manuel des Jardins d’enfants, 1859 ↩
-
Ellen Lupton & J. Abbott Miller (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory, op. cit., 1993, p. 6 ↩
-
Ibidem, p. 19 ↩
-
C’est les travaux théoriques de Paul Klee qui traduisent certainement le mieux ce lien. ↩
-
Citation de Clive Ashwin tirée de Drawing and Education German-speaking Europe, 1800-1900, Ann Arbor, UMI Resarch Press, 1981 dans Ellen Lupton & J. Abbott Miller (dir.), The abc’s of ▲ ■ ●. The Bauhaus and Design Theory, op. cit.,1993, p. 6 ↩
-
Ibidem, p. 9 ↩
-
Huyghe, Pierre-Damien, À Quoi tient le design ? Travailler pour nous, Paris, de L’Incidence éditeur, 2014, p. 65 ; Argan, Giulio Carlo, Walter Gropius et le Bauhaus. Marseille, Parenthèses, 2016, p. 22-23 ↩
-
Selon le développement de Guilio Carlo Argan : «Ces objets étant pensés rationnellement, la réalité engendrée par l’acte deviendrait claire et exacte et l’acte se produirait en elle avec une opportunité, une détermination qui lui garantirait la plus grande efficacité. La fonction vitale sera nette et rigoureuse, dans la même mesure où la réalité au sein de laquelle elle se réalise sera claire et synthétique » ; «une œuvre d’art [...] est la perception pure, une perception rectifiée, telle qu’on peut l’attribuer à une conscience dépouillée de sa propre histoire, de son propre contenu d’expérience, qui ne possède plus de passé ni d’avenir, qui est purement un moment de l’être. L’art est, en somme, la forme du « phénomène » dans Gropius et le Bauhaus, l’architecture dans notre société, Paris, Denoël, 1979, p. 22-23. ↩
-
Formigari, Lia & Anquetit, Mathilde, « Opérations mentales et théories sémantiques. Le rôle du kantisme », Histoire Épistémologie Langage, tome 14, fascicule 2, 1992, p. 153-173 ↩
-
Aucompte, Yann, « L’éthique des pratiques de design graphique dans les transformations apportées par la recherche en design », Entretiens avec David Bihanic, Yoann De Roeck, Stéphane Darricau, Patrick Doan, dans « Paroles d'auteurs », Design Arts Médias [En Ligne], 6 | 2023, URL : https://journal.dampress.org/words/l%27ethique-des-pratiques-de-design-graphique-dans-les-transformations-apportees-par-la-recherche-en-design ↩
-
Purcell, K.William, Josef Müller-Brockmann, Londres, Phaidon, 2006, p. 183 ↩
-
Un exemple de ce techno-positivisme béat est certainement ce sujet de l’ORTF en 1969, dans l’émission Eurêka du 12 novembre où Jean D'ARCY, alors directeur de l'information audiovisuelle de l'ONU est interviewé sur l’avenir de la télématique et ses usages. ↩
-
Debray, Régis, Cours de médiologie générale, Paris, Gallimard, 1991. ↩
-
Par exemple le livre de McLuhan qui relève autant d’une histoire des mediums que d’une prospective McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 1 : La genèse de l’homme typographique. Paris, Gallimard, 1977 et McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 2 : La genèse de l’homme typographique, Paris, Gallimard, 1977 ↩
-
Triclot, Mathieu, Le Moment cybernétique: la constitution de la notion d'information, Paris, Champs Vallon éditions, 2008, p. 69-70 ↩
-
Ibidem, p. 69-70 ↩
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Ibidem, p. 69-70 ↩
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Leroi-Gourhan, André, Milieu et technique, Paris, Albin Michel, 1973 ↩
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Qui sont toutes deux partiellement universalisantes pour certaines lectures théoriques comme celles de Gras, Alain, La Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003, p. 177-190 ; Séris, Jean-Pierre, La Technique, Paris, PUF, 2017, p. 52 ; Stiegler, Bernard, La Technique et le temps, Paris, Fayard, 2018, p. 66 ↩
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Séris, Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p. 262-263 ↩
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Alain Gras parle d’une idée de « finalisme » (p.190) de la technique qui contiendrait sa raison en elle, pour lequel les objets préexistent à leur invention, Gras, Alain, Le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007, p. 189-195 ↩
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Gras, Alain, La Fragilité de la puissance, op. cit., p. 77-81, p. 218-222 ↩
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le « surplus » est un critère de l‘anthropologie structuraliste pour définir ce qu’est l’art : il est inessentiel et gratuit, voir Francastel, Pierre, Art et et technique aux XIXe et XXe siècle, Paris, Gallimard, 1956, p. 110-111 ↩
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Triclot, Mathieu, Le Moment cybernétique: la constitution de la notion d'information, op. cit., p. 28-33 ↩
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Séris fait une typologie de ces organisations dans Séris, Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p. 103-150 ; il rapporte que cette prise de conscience apparaît au XXe siècle : Séris, Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p. 335-336 ↩
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McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 1 : La genèse de l’homme typographique, Paris, Gallimard, 1977 p. 77. Il faut noter ici, cependant, que la source citée par McLuhan a été écrite par un occidental et présente des biais colonialistes qu’il ne faut pas négliger pour l’interprétation des faits qu’il rapporte. ↩
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McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 2 : La genèse de l’homme typographique, Paris, Gallimard, 1977, p. 415 ↩
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McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 1 : La genèse de l’homme typographique, op. cit., p. 328-332 ↩
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Stiegler Bernard, Prendre soin. De la jeunesse et des générations, Paris, Flammarion, 2008, p. 40 ; Barbanti, Roberto, Visions techniciennes : de l’ultramédialité. Nîmes, Lucie éditions, 2004, p. 19 ↩
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McLuhan Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 1 : La genèse de l’homme typographique. Paris, Gallimard, 1977, p. 85-87 ; Kagan, Sacha, Art and Sustainability. Connecting patterns a Culture of Complexity, Blefeld, Transcript Verlag, 2013, p. 43-44 ; Stiegler, Bernard, De la Misère symbolique, 2. La catastrophe du sensible, Paris, Galilée, 2005, p. 50-53 ↩
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Stiegler, Bernard, Prendre soin. De la jeunesse et des générations, Paris, Flammarion, 2008, p. 223-256 ↩
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McLuhan, Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 1 : La genèse de l’homme typographique, op. cit., p. 378 ↩
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McLuhan Marshall, La Galaxie Gutenberg. Tome 2 : La genèse de l’homme typographique, op. cit., p. 283 ; Stiegler parlera d’addiction technique comme modalité de la consommation dans le capitalisme cognitif du XXIe siècle dans Stiegler, Bernard, Prendre soin. De la jeunesse et des générations, op. cit., p. 223-256 et p. 135-170 ↩
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Abram, David, Comment la terre s’est tue. Paris, La découverte, 2013, p. 50-53 ↩
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Évolution inscrite dans le débat sur la déconstruction, le vernaculaire et le postmodernisme dans les années 1990, voir Yann Aucompte, Stéphane Darricau (dir.), La querelle de la déconstruction : un débat philosophique dans le design graphique, une anthologie transatlantique, T&P, Paris, 2023 ↩
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Katherine et Michael McKoy dirige le département design dans les années 1980-1990, Katherine McCoy va connaître une série de promotion des années 1985 à 1990 qui vont s’intéresser à la French Theory et mettre en critique le fonctionnalisme de façon politique, voir Yann Aucompte, Stéphane Darricau (dir.), La querelle de la déconstruction : un débat philosophique dans le design graphique, une anthologie transatlantique, op. cit., 2023 ↩
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Le numéro 1 est publié en 1991 et produit par les étudiants de la Herron School of Arts et à l’Indiana University à Indianapolis sous la direction de Joani Spadaro. ↩
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Heller, Steven, « The Legibility Wars of the ’80s and ’90s », Print magazine, 2016 ↩
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Triggs, Teal, « Need to Experiment », Eye, n°10, Automne 1993, en ligne : http://www.eyemagazine.com/opinion/article/ need-to-experiment, consultée le 29/09/2020. ↩
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Anders, Günther, L’Obsolescence de l’homme, Paris, Ivrea/encyclopédie des nuisances, 2002, p. 49-50 ↩
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Traduction de l’auteur, Mumford, Lewis, Technics & Civilization, Chicago (IL), The University of Chicago Press, 2010, p. 326 ↩
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Séris, Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p. 58-62 ; Ellul, Jacques, Le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988, p. 241-386 ↩
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Anders, Günther, L’Obsolescence de l’homme, op. cit., p. 261 ↩
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Latour, Bruno, Enquête sur les modes d’existence, une anthropologie des modernes, Paris, La découverte, 2012, p. 223 ↩
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Derrida, Jacques, La Dissémination, Paris, Seuil, 1972, p. 118-213 ; Stiegler, Bernard, Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel, Paris, Flammarion, 2006, p. 74-75 ; Stiegler Bernard, Prendre soin. De la jeunesse et des générations, op. cit., p. 292-293 ↩
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Oxymoron que l’on retrouve chez Illich dans ses différents ouvrages dédiés à ces institutions : Illich, Yvan, Némésis médicale l’expropriation de la santé, Paris, Seuil, 1975 ; Illich, Yvan, La convivialité, Paris, Seuil, 1973 ; Illich, Yvan, Une société sans école, Paris, Seuil, 1971. Nous retrouvons également ces arguments dans Ellul, Jacques, Le bluff technologique, Paris, Hachette, 1988, p. 439 qui reprennent tous deux l’argument de la voiture à Jean-Pierre Dupuy dans « À la recherche du temps gagné » Bulletin interministériel pour la RCB, n°20, mars 1975 versé en annexe de Illich, Yvan, Énergie et équité, Paris, Seuil, 1975 ↩
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Gras, Alain, Le Choix du feu, op. cit., p. 119 ↩
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Ibidem, p. 119 ; Feenberg, Andrew, Pour une théorie critique de la technique, Paris, Lux, 2014, p. 65-68 ↩
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Foray, Dominique, « Les modèles de compétition technologique. Une revue de la littérature », p. 16-34, dans Revue d'économie industrielle, 48 | 1989, p. 16 ↩
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. ou epokhè dans l’orthographe utilisée par le philosophe, dans Stiegler, Bernard, Mécréance et discrédit, 1., La décadence des démocraties industrielles, Paris, Galilée, 2006, p. 29-31 ↩
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Stiegler, Bernard, Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel, op. cit., p. 16-19 ; Stiegler, Bernard, Mécréance et discrédit, 2. Les sociétés incontrôlables d’individus désaffectés, Paris, Galilée, 2006, p. 37-100 ↩
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Alter, Norbert, L’innovation ordinaire, Paris, Puf, 2010 p. 69 ; Callon, Michel, « La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’année Sociologique, 36 (2) | 1986, p. 169-208 ↩
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Stiegler, Bernard, Réenchanter le monde. La valeur esprit contre le populisme industriel, op. cit., p. 142 ; Stiegler, Bernard, « Questions de pharmacologie générale. Il n’y a pas de simple pharmakon », Psychotropes, 13 | 2007, p. 3-4 ; Stiegler, Bernard, Entretien dans l’émission, La tête au carré, sur France Inter – diffusée le 7 juin 2011 ; Bonneuil, Christophe ; Fressoz, Jean-Baptiste, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013, p. 133-137 ↩
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Stiegler Bernard, Prendre soin. De la jeunesse et des générations, op. cit., p. 135-170 ↩
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Bonneuil, Christophe, Fressoz Jean-Baptiste, L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, 2013, p. 247-280 ; Gras, Alain, Le Choix du feu, op. cit., p. 248-259 ; Séris, Jean-Pierre, La Technique, op. cit., p.308-309 ↩
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Stiegler, Bernard, La Technique et le temps, Paris, Fayard, 2018, p. 694-697 ↩
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Chaudet, Bruno, « Lewis Mumford, machines et mégamachines : un auteur et des notions à convoquer en information-communication organisationnelle », dans Revue française des sciences de l’information et de la communication. 19 | 2020, URL : http://journals.openedition.org/rfsic/9032 ; Genosko, Gary, « Megamachines: From Mumford to Guattari », Explorations in Media Ecology, 14 | 2015, 7-20. https://doi.org/10.1386/eme.14.1-2.7\_1 ↩
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Gras, Alain, La Fragilité de la puissance, Paris, Fayard, 2003, p. 42 ↩
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Barbanti, Roberto, Visions techniciennes : de l’ultramédialité. Nîmes, Lucie éditions, 2004 ↩
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Ibidem, p. 83-86 ↩
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Barbanti, Roberto, Les sonorités du monde – De l'écologie sonore à l'écosophie sonore, Dijon, Les presses du réel, 2023, p. 50-52 ↩
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Gras, Alain, Le Choix du feu, Paris, Fayard, 2007, p. 21 ↩
-
Thème développé dans un entretien avec Catherine Geel, dans Stiegler Bernard et Geel Catherine, « Quand s’usent les usages : un design de la responsabilité ? », p. 243-262, Azimuts, nº 36, Une anthologie. A reader, Ésadse/Cité du Design, 2011 ↩
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En ce sens l’histoire de la discipline du design est souvent structurée sur ces questions techniques et environnementales voir Twemlow, Alice, Sifting the Trash, Cambridge (MA), MIT Press, 2017 ↩
-
Aucompte, Yann, « Design graphique comme pratique critique ? Étude de cas à partir d’un poster de Stefan Sagmeister », p. 71-85, Sciences du design, n°7, 2018 ↩
-
voir Aucompte, Yann « Doing Nothing as a Valid Design Decision », dans Romain Mathieu (dir.), Discours critique en art et design- Pratiques et enjeux contemporains, Saint-Étienne, Cité du design/Esadse - Fabelio, 2022, p. 142-147 ↩
-
Morin, Edgar, « Complexité restreinte, complexité générale », p. 28-64, dans Le Moigne, Jean-Louis & Morin, Edgar (dir.), Intelligence de la complexité. Épistémologie et pragmatique, Paris, Hermann, 2013 ↩
-
Morin, Edgar, La Méthode, t.1. La Nature de la Nature, Paris, Éditions du Seuil, 1977 ↩
-
Morin, Edgar, La Méthode, t.2, La Vie de la vie, Paris, Seuil, 1980 ↩
-
Morin, Edgar, La Méthode, t.5, L’humanité de l’Humanité, Paris, Seuil, 2001 ↩
-
Morin, Edgar, La Méthode, t.4, Les Idées. Leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation, Paris, Seuil, 1991 et La Méthode, t.6, Éthique, Paris, Seuil, 2014 ↩
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Au sens de Bertalanffy, Ludwig (von), Théorie générale des systèmes, Physique, biologie, psychologie, sociologie, philosophie Paris, Dunod, 2012 ↩