Diplômée du master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon – Sorbonne, 2021-2022
Résumé
Les reproductions tissées de tableaux, productions de l'industrie textile entre Lyon et Saint-Etienne, se popularisent au XIXesiècle avec la mécanique Jacquard. Images contextuelles, nées dans et pour une époque dont les préoccupations peuvent sembler aujourd'hui lointaines, elles évoquent pourtant immédiatement peinture classique, estampe de reproduction, photographie et imagerie numérique. En précipitant la rencontre entre beaux-arts et programme, ces images échappent à toute catégorisation hâtive.
Leur existence pose la question de la reproduction : le tableau se perd-il à être tissé ? Peut-on conserver, dans sa démultiplication, le tableau original ? Après avoir constaté la rupture du tableau tissé avec la matérialité de l'original, puis sa volonté de faire pourtant référence à un irréel commun, nous proposerons avec Walter Benjamin d'utiliser la traduction comme paradigme pour penser les reproductions tissées. Nous sommes invités à accueillir les possibles qu'offre la construction lente et sensible d'une relation avec le métier Jacquard, cette relation étant d'autant plus porteuse qu'elle est inconfortable, fragile et inventive.
Abstract
Woven reproductions of paintings, productions of the textile industry between the french cities of Lyon and Saint-Étienne, are popularized in the 19th century. Contextual pictures, from and for a time whose preoccupations might seem distant from us today, they yet immediately resemble classical painting, print, photography and digital imagery. By confronting the fine arts and programming, these images refuse any hasty categorization.
Their existence raises the issue of technical reproduction: is the painting lost in its weaving? Is it kept in its multiplication? After noticing the gap between the materialities of the woven and the painted images, then yet their common reference to the « unreal » of the original, we are proposing, according to Walter Benjamin, to use translation as a paradigm to understand woven reproductions. This work invites us to welcome the possibilities offered by the slow and sensitive construction of a relationship with the Jacquard craft; this relationship being all the more promising for being uncomfortable, fragile and inventive.
Introduction
Les tableaux de soie tissée, qu'ils reproduisent ou dérivent d'œuvres peintes, ou soient dessinés spécifiquement pour le tissu, sont toujours en tension. En effet, le rapport à la peinture, et de façon moindre à d'autres techniques visuelles, est au cœur de la technique du tissage Jacquard, mise en place au début du XIXe siècle1. À la différence des métiers à tisser à la tire, présents en France depuis le XVIIe siècle siècle, les métiers à mécanique Jacquard sont basés sur le « codage » d'un dessin en une carte perforée, contrôlant alors le mouvement des fils de chaîne : c'est la mise en carte. De la finesse et de la sensibilité de ce processus dépend la ressemblance du tissage au tableau peint. Au XIXe siècle siècle, on valorise les tableaux tissés par leur capacité au trompe-l'œil, à égaler la peinture en détails et la gravure en contrastes. Ces images dérivées de la peinture cherchent donc parfois à rivaliser avec elle. Quel rapport le tableau tissé entretient-il avec son original peint ? La mise en carte est-elle un processus de transfert, copie, duplication, métamorphose ? En d'autres termes, le tableau se perd-il à être tissé ?
En tant que reproduction mécanisée d'une œuvre d'art, le tableau tissé gagne en capacité de diffusion ce qu'il perd en unicité. Dans le présent article, nous observerons d'abord, en accord avec Walter Benjamin, la perte des éléments matériels de l'objet-tableau, rompant ainsi avec l'« authenticité » de l'œuvre d'art. Les reproductions tissées semblent même se désintéresser de l'objet-tableau, pour chercher à « faire passer » quelque chose du tableau directement : transmission d'un irréel ou référence commerciale à un sujet populaire ? Enfin, nous suggèrerons de voir les reproductions tissées comme des tentatives de traduction, de la peinture au tissage. Nous proposerons de tendre vers une traduction tissée benjaminienne des tableaux, soit d'utiliser la tension du tissage Jacquard vers la peinture comme occasion de bouleverser le médium. Les essais de traduction — industrielle et personnelle — de deux tableaux, grâce à l'entreprise Linder, cise dans le département de la Loire, nous ont permis d'expérimenter de premières traductions tissées.
Figure 1. Reproductions tissées de La colline de Chaillot pendant l'exposition internationale de 1937, vue de la Tour Eiffel, André Devambez et d'un tableau sans titre de Pascal Bost, trois tailles, métier Jacquard à jet d'air, contexture d'ameublement, Camille Aguiraud, Léa Barelli, Linder, 2022.
1. Adieu, authenticité
Pour Walter Benjamin, le cœur de l'œuvre d'art n'est pas son « contenu2», mais son authenticité. L'inscription de l'œuvre dans son histoire matérielle garantit son unicité. Par conséquent, elle est ce qui caractérise l'œuvre d'art relativement à sa reproduction. Il est clair que l'authenticité, unicité matérielle dans un espace-temps, n'appartient qu'au tableau original, et ne se transmet pas à ses reproductions. C'est un point de rupture : « Ce témoignage, reposant sur la matérialité, se voit remis en question par la reproduction, d'où toute matérialité s'est retirée3 ».
À la différence par exemple de la photographie, les tableaux tissés semblent faire systématiquement disparaître jusqu'aux signes de la matérialité du tableau original : craquelures de vernis, peintures ternies, épaisseur de la toile, manques, usures, marques, retouches. Un détail matériel de l'histoire de l'œuvre peinte ne peut se transmettre dans le tissage sans être remanié entièrement, traité par le métier de façon égale à l'ensemble du reste du tableau.
Les reproductions de deux tableaux tissés avec Léa Barelli, chargée des collections de l'entreprise Linder, ne font apparaître qu'un seul indice de la matérialité des tableaux : la texture du tableau de Bost. En effet, le relief du tableau original, créant des ombres en photographies, a été interprété en tissage par une multitude de toutes petites formes irrégulières de couleurs différentes. Le résultat tissé rappelle presque un tableau impressionniste. Sans connaissance du tableau original, cette texture n'est pas reconnaissable en tant que signe du relief peint. Elle devient un élément autonome du tissage. La disparition de l'image de la matérialité (au-delà de la matérialité même du tableau) semble émanciper la reproduction tissée, en l'absence de l'original, de sa qualité seconde, dérivée, référentielle.
Figure 2. Détail du tissage, tableau de Pascal Bost, Camille Aguiraud, Léa Barelli, Linder, 2022.
Figure 3. Image tissée reprenant un motif du Printemps, de Pierre-Auguste Cot, probablement fabriquée par Neyret Frères, 13cm x 7cm.
Par ailleurs, le tableau tissé efface aussi la profondeur de construction de l'image peinte, touche sur touche. À sa place, il fait directement apparaître l'image dans la technique. C'est le croisement mécanique répétitif et programmé des fils de chaîne et de trame qui produit l'image reconnaissable. À la manière des mosaïques ou des affiches publicitaires de John Maeda, les tableaux tissés sont de ce fait polarisés :
« L'unité programmatique du numérique doit être distinguée du détail de la peinture ou de la photographie. [...] Elle suppose un changement de focale, un balancement entre le point de vue rapproché qu'exige la partie et ce point de vue plus éloigné qui permettra d'intégrer le tout dans un champ visuel et autorisera son identification. Tendue entre une visée locale et une visée globale, la partie et le tout, l'attention visuelle de l'observateur est intensément activée4. »
Le corps en se reculant fait émerger le sens depuis les croisements mécanisés de fils horizontaux et verticaux. En ce sens, « plus [le tableau tissé] se montre, plus [il] se cache5 ». Une aura, « singulière trame de temps et d'espace : apparition unique d'un lointain, si proche soit-il6 », se retrouve ainsi au sein même du tableau tissé, reproduction non-authentique, soutenue aussi par la tension vers la peinture, le choix d'un sujet déjà connu et apprécié, la virtuosité technique valorisée, mais aussi un prestige historique de la tenture.
On ne peut s'empêcher de remarquer que les tableaux tissés, s'ils veulent re-/produire l'original peint, s'y prennent assez mal : réduction des formats, disparition de la couleur ou tâches encrées arbitraires, sélection d'un motif sans son fond... Les différences excèdent les simples contraintes techniques. Les tableaux tissés produisent aussi leur propre aura, radicalement différente de celle d'un tableau peint benjaminien, puisqu'elle va de pair avec des conditions de visibilité étendues. La reproduction la plus proche du tableau est-elle réellement l'horizon visé ? Au contraire, les tableaux tissés semblent vouloir « faire passer » quelque chose du tableau, en se libérant de la matérialité du tableau-objet.
Les raisons en sont-elles par ambition commerciale —évoquer le tableau par un tissage rapide et bon marché —, par facilité technique, volonté de démontrer la virtuosité de la maison, choix personnels du metteur en carte ? Ou bien la perte des informations matérielles est-elle nécessaire à la continuation des formes présentes dans le tableau, à leur libération d'une matérialité qui les enferme ?
2. Ce qui passe du tableau au tissage
2.1. Libérer l'irréel du tableau
Dans L'imaginaire (1940), Jean-Paul Sartre refuse l'idée selon laquelle l'artiste « réalise » dans le tableau une image mentale : « En fait le peintre n'a point réalisé son image mentale : il a simplement constitué un analogon matériel tel que chacun puisse saisir cette image si seulement on considère l'analogon7 ».
Anne Beyaert8 décrit une situation similaire au rapport entre image irréelle et analogon matériel de Sartre, lorsqu'elle étudie les affiches de John Maeda. L'image numérique en effet n'est pas « réalisée » puisqu'elle demeure sur l'ordinateur. Maeda dénonce, proche de Josef Albers : « L'image imprimée devrait être considérée comme illusoire et ne restitue qu'une facette de ce qui existe dans l'univers numérique9 ». Pour l'autrice pourtant, l'image « dégagée » de l'ordinateur et livrée aux contingences de l'impression n'est pas une version dégradée de l'image numérique mais plutôt « stabilisée10 ».
À la différence de l'analogon sartrien, l'image imprimée n'est pas le seul moyen d'accès à l'image numérique, qui peut être visualisée sur écran. Là encore, la variété des technologies et des réglages de chaque écran influe sur l'apparence de l'image, faisant de chaque visualisation d'image numérique un analogon éphémère de l'image codée — répondant, quant à elle, à des paramètres qui restent inchangés (codes hexadécimaux pour les couleurs, par exemple). En cela, l'image numérique reste inaccessible, comme l'image mentale du peintre de Sartre, et inépuisable. La « vraie » image, l'image irréelle, c'est le code.
Ainsi, les multiples exemplaires de chaque reproduction tissée d'un tableau démontrent l'existence de la carte Jacquard, matrice « en puissance » qui s'incarne principiellement à l'infini. Dans le tissage Jacquard de tableaux, nous trouverions donc deux objets irréels. Le premier serait la carte perforée Jacquard, image virtuelle ne pouvant être saisie que par son incarnation dans des versions-simulations tissées portant la contingence de la matière. Le second serait une image mentale dont le tableau et son tissage seraient des analogons.
De ce point de vue, les reproductions tissées, en étant des analogons du même irréel, continueraient le tableau peint. Mieux, elles libèreraient l'irréel de sa seule incarnation peinte, démontrant ainsi son existence autonome.
2.2 Faire référence
Parmi les tableaux exposés à l'occasion de l'exposition Tableaux de soie, à Saint-Etienne, se trouvent les modèles L'Orage et Le Printemps édités par Neyret Frères, créés respectivement en 1899 et 190811. Le catalogue de l'exposition avance les différentes hypothèses de l'origine de ces images. L'Orage est présenté comme une copie dont « l'original12 », peint par le français Pierre-Auguste Cot en 1880, se trouve au Metropolitan Museum of Art de New-York. Le modèle du Printemps serait une huile sur toile, esquisse d'un tableau plus important exposé au Salon en 1873. Cette peinture aurait appartenu aux collections anciennes du musée de Saint-Etienne, fréquenté par les dessinateurs de rubans. Un point remarquable est celui de la multiplicité des variations autour de ces tableaux de Cot. On relève les formats de base des tissages, 40 x 18 cm, noir et blanc seul ou colorisé (teint) par l'arrière, des formats dits « carte-postale » en 12 x 7 cm, des rubans de soie façonnée dans les tons gris, bleus ou rouges, des panneaux décoratifs de 21,1 x 58 cm, mais aussi plusieurs versions du Printemps en tapisserie et leurs cartons fabriqués par la manufacture d'Aubusson, et jusqu'à des lithophanies13 reprenant le même thème. L'explication de cet enthousiasme est double pour Nadine Besse et Marie-Caroline Janand : popularité du sujet, et occasion de virtuosité technique dans la copie, qui offrent au tissage Jacquard le terrain pour « se mesurer aux arts de la peinture et de la gravure dans leur propre domaine technique14 ».
L'inspiration de ces tableaux est attribuée à la fois à une interprétation libre du roman Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre (1788), très en vogue au XIXesiècle, et à la reprise d'éléments surtout paysagers de Daphnis et Chloé, un roman pastoral grec. Besse et Janand relèvent les nombreuses incohérences dans l'âge des personnages, les éléments de décors et de végétation par rapport aux supposées sources d'inspiration. « C'est le cas des images tissées qui, pour les petites, relèvent plus du mythe de Paul et Virginie que de l'ouvrage lui-même15 ».
On voit ici le glissement entre référence et continuité : si la différence de nature entre le roman original et chacune de ses reprises est claire, et malgré les parfois grandes libertés prises avec la fidélité à l'original, comment ne pas reconnaître aussi la participation de ces reprises approximatives à la diffusion d'un même mythe ? Du point de vue du mythe, c'est-à-dire de l'ensemble, et non plus de l'original, chaque reprise de reprise se vaut dans la constitution performative du commun, en ce qu'elle combine « invariance et renouvellement16 ». La reproduction de l'original peint — elle-même une esquisse du tableau final de Cot —semble par conséquent uniquement servir de moyen pour diffuser des images décoratives, commerciales, référençant des thèmes déjà populaires.
Dans ces deux positions, la « ressemblance sélective » des images Jacquard sert donc à transmettre le « sens17 », ou l' « irréel » présent dans le tableau, plus que le tableau lui-même dans son entièreté et dans sa matérialité... et en cela, ne perd-il pas le tableau ?
Une telle démarche ne reconnaît en effet que la qualité communicative de l'œuvre, sa capacité à transmettre un contenu18. Mais il paraît discutable d'affirmer que c'est là l'essentiel de l'œuvre. Sartre lui-même, après 1947, affirme à propos du Tintoret :
« Cette déchirure jaune du ciel au-dessus du Golgotha, le Tintoret ne l'a pas choisie pour signifier l'angoisse, ni non plus pour la provoquer ; elle est angoisse et ciel jaune en même temps. Non pas ciel d'angoisse, ni ciel angoissé ; c'est une angoisse faite chose19. » La peinture matérielle n'est plus séparable de ce qu'elle transmet, l'œuvre n'est pas un système de signification.
3. La reproduction accompagne les vies quotidiennes
L'essence du tableau est-elle dans sa matérialité, son authenticité, son irréel... ? À partir de quand la perte des éléments —matériels, figuratifs, représentatifs, référentiels... — du tableau signe-t-elle la perte du tableau lui-même ? Les modes de relations entre peinture et tissage sont d'évidence plus complexes que rupture totale ou continuité directe. Les itérations tissées d'un tableau sont bien reproductions, c'est-à-dire qu'elles participent à sa diffusion, au sens biologique. Contre le danger de la perte (la mort) du tableau original, qui risque de se perdre, dans l'oubli, ou les dégradations matérielles, la reproduction technique vise la perpétuation d'un genre, d'une classe, d'une même source.
Trois traits des reproductions tissées de tableaux ressortent ainsi, dans leur relation avec la peinture : leur caractère second, dérivé d'après un modèle auquel ils font référence par des motifs reconnaissables, l'affirmation de leur autonomie par rapport à ce modèle (sélections, modifications, formats, technique, aura, destination...), et enfin leur passage à une diffusion large et commerciale. Ce changement de régime de visibilité porte la volonté de s'inscrire dans les vies quotidiennes.
Ce que Benjamin nommait l'actualisation de la chose reproduite, par la multiplication de ses reproductions, soit la capacité de l'œuvre à « s'offrir en n'importe quelle situation au spectateur ou à l'auditeur20 », est aussi l'effort pour se rapprocher de son public. Le matériau de la soie n'est pas sans rôle dans ce rapprochement. Matériau sensuel, gardant la chaleur de la peau, le motif se découvre aussi sous le bout des doigts. Les images tissées prennent la place, en raison de leur matière textile, d'accompagnement des corps21 et des vies quotidiennes. Les sujets reproduits sont en effet en majorité des scènes de vie, des portraits de personnages de la vie politique de l'époque. On trouve des « paysanneries » dans la deuxième moitié du XIXe siècle, dont L'Angélus de Millet, des scènes de chasse de grands formats pour les salles à manger bourgeoises, des paysages montagneux, mais aussi des signes d'appartenance à un groupe religieux ou politique, images religieuses de personnages populaires (Thérèse de Lisieux, Bernadette de Lourdes et le Curé d'Ars), images « événementielles » de commémoration22... En somme, ces images sont proches des vies de leurs possesseurs. Tisser un tableau est ainsi un moyen, par le choix de l'œuvre reproduite et par le format et le matériau du tissage, d'accompagner la vie de l'époque. Cela « confère un certain degré de maîtrise à des œuvres » qui, sans cela, resteraient davantage coupées de la vie, dans le musée ou la collection particulière. Elles réussissent à « faire entrer l'art dans les habitations23 ».
3.1 Les tableaux tissés comme des traductions
Les images tissées sont donc polarisées, en tension entre l'original et les vies des récepteurs, et, de la même façon, entre peinture, art solitaire, prestigieux, singulière apparition de l'image par la matière, et technique moderne de reproduction mécanique, suite de tâches spécialisées. Pourtant, que ce soit pour un métier ancien ou numérique, la mise en carte n'est jamais la numérisation machinique de l'image analogique. Elle demande toujours un cerveau qui réfléchit à la traduction de chaque élément, couleur, fond, figure, touche, lumière, dans la langue du tissage, soit en termes d'armures, de fils pris ou laissés, de flottés, de contexture chaîne, de capacité du métier, d'épaisseur et de nature des fils, de réflection de la lumière, de solidité du tissage, de sensibilité à la lumière, de dessin fait par la trame ou par la chaîne... En cela, elle se distingue des reproductions techniques par appareils, décrits par Benjamin : film, photographie. La conversion n'est pas laissée à l'appareil dans le clic du déclencheur. Elle demande au contraire un processus long et sensible, et singulier au metteur en carte.
Pour décrire ce processus, le terme de traduction est quelquefois employé sans être précisé, assez naturellement. Or, la transposition du tableau peint dans le tissage Jacquard est véritablement une tentative de traduction : traduction par la mise en carte, dans le but de communiquer dans le langage de la machine (afin de contrôler son comportement, l'image analogique est numérisée, transformée en une carte à l'usage mécanique) ; traduction qui demande une solide connaissance des deux médiums, afin d'anticiper l'effet produit en tissage. De la même manière que la traduction d'un texte tente le transfert impossible de l'œuvre en langue originale dans la langue du traducteur, le tissage Jacquard semble tenter le transfert du tableau peint dans son propre médium. Si alors les reproductions tissées sont des traductions — dérivées, autonomes, et visant une plus large diffusion de l'œuvre —, les penser avec « La tâche du traducteur » ouvre les possibles d'une pratique de la reproduction-traduction benjaminienne des tableaux. Cette lecture personnelle et non-conventionnelle du texte (« transposé » du domaine du lire à celui du voir), nous aidera à penser, avec Walter Benjamin, une traduction-tissée libre et riche, voulant « évoquer l'écho de l'original ».
3.2 La tâche du tisseur-traducteur
Les tableaux tissés se présentent d'emblée comme de « mauvaises traductions », au sens de Benjamin. En effet, ils renoncent à certains éléments du tableau afin de transmettre au mieux le sens. Plus encore, ils ne semblent considérer le tableau peint que dans sa capacité à communiquer un contenu. Se destinant aux récepteurs, leur but commercial influe sur le choix des sujets, références à des thèmes populaires ou occasions de démontrer la virtuosité technique de la maison, l'adaptation des éléments représentés, le choix de formats adaptés à l'accrochage au mur ou en cartes postales, signets de livres...
La bonne traduction de Benjamin au contraire s'intéresse à l'insaisissable, au poétique de l'œuvre, en sus du communicable. L'essentiel ne peut être restitué qu'en se faisant acteur, sensible, ouvert, attentif à l'œuvre dans son mode de représentation.
3.3 Le critère de traductibilité : tisse-t-on tous les tableaux ?
Pour Benjamin, la traductibilité d'une œuvre ne dépend pas des traductions qui en sont faites. Elle est une qualité intrinsèque à l'original.
« [la traductibilité d'une œuvre] peut signifier : parmi la somme de ses lecteurs, cette œuvre peut-elle jamais trouver son traducteur suffisant ? Ou bien, plus justement : de par son essence, admet-elle, et s'il en est ainsi —conformément à la signification de cette forme — désire-t-elle même la traduction24 ? »
Une œuvre capable de trouver son traducteur suffisant reviendrait à être « adaptée au tissage ». Joubert de l'Hiberderie note déjà qu'« il faut donc qu'un Maître, chargé de vous conduire, vous fasse sentir ce qu'il convient de supprimer ou d'ajouter, soit dans le contour, la touche ou la lumière, pour vous former une façon de peindre qui produise de beaux effets en étoffe25 ». Ainsi le choix de l'œuvre tissée obéit-il aussi à sa disposition à être tissée. Celle-ci pourrait être définie : contraste élevé ou faible, nombre de couleurs, séparation possible des tons, grandes zones d'une même valeur, etc. L'œuvre « traductible » est plutôt celle qui, de par son essence, désire son tissage, et non simplement ne le permet. Ainsi, un tableau intissable peut-il désirer sa traductibilité.
Finalement, la traductibilité apparaît comme un trait objectif de l'œuvre, fonction inverse de sa capacité de communication. Ce ne sont donc pas des intérêts commerciaux qui doivent déterminer le choix d'une œuvre à reproduire. À l'inverse, les tableaux de Cot ou de Millet ont été précisément reproduits parce qu'ils faisaient sens pour le public de l'époque.
3.4 Survi(vanc)e de l'œuvre et post-maturation des médiums
La traduction vise la survivance de l'œuvre. Ce n'est pas un transport du texte d'une langue à l'autre, mais une transformation, une métamorphose du texte. Ce point est manifeste de la peinture au tissage. Nous avons établi l'impossibilité évidente de transporter l'œuvre peinte, avec sa matérialité et son « authenticité », dans le tissage. Au cours du tissage Jacquard, l'œuvre dessinée passe par la mise en carte, puis le lisage, enfin le tissage. La transmission entre avant et après est (une suite de) métamorphose(s), non un transfert direct. Comme l'indique Benjamin :
« Car dans sa survivance, qui ne mériterait pas ce nom si elle n'était transformation et renouveau du vivant, l'original se modifie. Même des mots fixés, il y a post-maturation26. »
Ainsi, même s'il perdure dans « ce qui lui est propre », l'original n'est pas fixe, autorisant du même coup la pluralité des traductions et leur étalement dans le temps. Chaque traduction est vouée à être dépassée dans la croissance de la langue, et en cela montre la «post-maturation » de l'original.
De cette façon, le tissage d'un tableau démontre, par les choix faits, les couleurs de fils, les matériaux (soie, fils métallisés, coton, synthétique), les armures, les zones, le lissage, etc. une vision singulière et historique du tableau. Le tableau est différent pour un bourgeois du XIXe siècle, un moderne du XXe siècle ou une étudiante en design du XXIe siècle. Certaines références ne font plus sens aujourd'hui, des styles de peintures deviennent datés, perdent leur ancrage dans un contexte singulier.
Le choix même du tableau peut être impacté, comme le montrait André Malraux avec l'évolution de la notion de « chef d'œuvre ». Enfin, « de même que le ton et la signification des grandes œuvres [picturales] se transforment totalement avec les siècles, de même se transforme aussi [les médiums]27 ». Le jaunissement du vernis, le pâlissement des pigments, les craquelures, les accidents ancrent l'œuvre dans le temps matériel. En outre, les techniques du tissage changent, et l'on ne tisse plus Jacquard de la même façon sur un métier à commande numérique que sur un métier à bras. Chaque tissage est voué à être dépassé dans la progression du goût et des techniques. Ainsi, on ouvre ici de surcroît une pensée vivante de la peinture et du tissage Jacquard, et remet en question la permanence de l'original. Loin d'être pour toujours déterminés, ils mûrissent, évoluent et se renouvellent. Les traductions tissées successives d'un même original se doivent de montrer la maturation de l'œuvre peinte, conjonction de l'évolution matérielle de l'œuvre et de la maturation du médium peinture.
3.5 La parenté des médiums visuels : vers l' « image pure »
« la traduction est finalisée en dernier lieu en vue de l'expression du rapport le plus intime entre les langues28. »
Il s'agit en fait de qualifier la relation établie par la traduction entre la langue originale d'une part, et la langue maternelle du traducteur (ou langue de destination) d'autre part. Ces langues sont parentes dans ce qu'elles visent toutes deux la pure langue, de manière incomplète. De même, la peinture et le tissage, deux médiums de l'incarnation matérielle surtout visuelle, visent ce que nous appellerons l'« image pure ». L'image pure serait l'horizon visé par tout moyen d'expression visuelle, et correspondrait à une stricte descente de l'image mentale de Sartre dans la matérialité. Inatteignable, cette notion d'image pure est formée ici en réponse à la pure langue de Benjamin, pour pousser le croisement entre langues et médiums visuels.
Ce qui est appelé dans la traduction visuelle d'une œuvre, l'image pure, c'est l'irréel immanent que Sartre trouvait dans les tableaux du Tintoret. La « déchirure jaune qui est l'angoisse faite chose » réalise l'image pure. Elle est l'incarnation directe, qui ne représente plus, qui n'a plus d'analogon matériel ni d'irréel visé, mais qui est pure création, dont le sens est immanent, sauvée du langage comme système de signification.
3.6 La littéralité contre la fidélité, Jacquard bouleversé !
Plutôt que de sacrifier la littéralité syntaxique à la restitution du sens, la traduction de Benjamin s'émancipe de la nécessité de communiquer. Benjamin propose à la traduction «dans un mouvement d'amour et jusque dans le détail, [de] s'annexer dans sa propre langue [le] mode de visée [de l'original]29 ». Il ne s'agit donc pas de transmettre en tissage le contenu du tableau reconnaissable, mais plutôt, à chaque détail de l'original, considérer le mode de représentation et l'effet produit, pour tenter de faire correspondre ce mode de pensée étranger dans la technique qui est la nôtre.
Les grands flottés ou la multitude de zones minuscules d'armures différentes sont par exemple étrangers au (estranged, exilés, aliénés, en terrain étranger dans le) Jacquard industriel. Peu efficaces, utilisant beaucoup de matière ou peu solides, ils produisent un tissu à poches, mettent en difficulté le tissage. Leur inadéquation technique montre que le tableau original n'a pas été peint pour le tissage. Ils reconnaissent dans l'original un médium autre, une technique autre, une matière autre.
« Si dans l'original teneur et langue sont agrégées en une unité certaine comme le fruit et sa peau, la langue de la traduction enveloppe sa teneur comme un manteau royal aux larges plis. Car elle signifie une langue qui la dépasse et reste à cause de cela, en face de sa propre teneur, inadéquate, forcée, et étrangère. Cette brisure empêche une transmission qui en même temps est inutile30. »
Les lignes brisées, les formes désagrégées laissent-elles pour autant voir l'origine picturale de l'image ? La mise en carte numérique du tableau de Devambez semble manquer ce point, qui semble aussi bien provenir d'une photographie.
Jacquard doit se « laisser violemment ébranler » par la peinture, plutôt que de chercher à faire une peinture tissable, faire « sauter les cadres vermoulus » de son médium pour « élargi[r] les frontières31 » du tissage. Le tissage Jacquard, en tentant la traduction d'une œuvre peinte, se « pictorialise ».
La traduction tire sa direction du contenu (du « sens ») du tableau, puis suit, dans la littéralité, la fidélité à l' « insaisissable » de l'œuvre originale. Cette pratique bouleverse le tissage lui-même. Évoquer l'écho de l'original est reconnaître sa différence et se laisser écarteler, secouer par elle, au risque de faire échouer le tissage. La traduction d'une œuvre est le lieu où, loin de conforter ses propres moyens, comme dans le cas de motifs dessinés pour leur tissage, le tissage Jacquard peut sortir de sa sclérose et transformer ses techniques et ses gestes.
Conclusion
La question originelle, « le tableau se perd-il à être tissé ? », a donc été dépassée. Considérer le tableau tissé comme une traduction permet de résoudre la contradiction insurmontable entre une peinture originale unique et des re-productions mécanisées qui prétendent la démultiplier. La peinture est le point d'origine ouvrant, en plus de sa propre existence, la possibilité d'existence de ses traductions tissées.
Le paradigme de la traduction nous invite à penser le premier moment du tissage, en amont du déclenchement32 de la machine. Loin d'être seulement un passage nécessaire pour pouvoir tisser l'image, c'est un temps de négociation entre la volonté de fidélité au tableau original et les possibilités de la machine. Philippe Payen de la Garanderie parle, à propos de la traduction benjaminienne, de « gestion des risques de perte en un travail d'invention ». C'est d'une « gestion des risques33 » qu'il s'agit ici aussi, devant le danger toujours présent de perdre tout le tableau, par excès de conservatisme ou par dépassement des capacités techniques. Ce travail nécessite non seulement des connaissances théoriques, mais aussi une plongée sensible dans le médium-tissage. Ainsi seulement le tableau peint ne sera pas phagocyté, digéré sans distinction par une mise en carte trop emprise des « formulations34 » (façons de faire usuelles, traditions, formes déjà trouvées), mais sera en mesure de bouleverser de l'intérieur le tissage, de repousser les frontières des possibilités techniques. Le tissage d'un tableau qui résiste, dans la reconnaissance et la négociation avec cette résistance, étend ses propres moyens. Dans sa relation avec la peinture, le tissage-traduction fait sauter ses limites techniques. Quitte à être inconfortable, fragile, hésitant, il ouvre les possibilités de représentation de Jacquard.
Le paradigme de la traduction apparaît donc comme un moyen de bouleversement des techniques propres à un médium. On pense donc d'abord aux lieux dans lesquels il est possible de s'abstraire de finalités commerciales, afin de faire avancer la recherche : universités, écoles, tiers-lieux, ateliers... Le projet effectué avec l'entreprise Linder démontre pourtant que la traduction peut avoir lieu dans des lieux industriels et commerciaux, ceux-là même qui ont produit les tableaux tissés du XIXe siècle.
Les tentures réalisées dans le cadre du projet de diplôme l’ont été grâce à l’entreprise Linder et en particulier la responsable des collections Léa Barelli. Les images sont libres de droit.
Figure 1. Reproductions tissées de La colline de Chaillot pendant l’exposition internationale de 1937, vue de la Tour Eiffel, André Devambez et d’un tableau sans titre de Pascal Bost, trois tailles, métier Jacquard à jet d’air, contexture d’ameublement © Camille Aguiraud, Léa Barelli, Linder, 2022.
Figure 2. Détail du tissage, tableau de Pascal Bost © Camille Aguiraud, Léa Barelli, Linder, 2022.
Figure 3. Image tissée reprenant un motif du Printemps, de Pierre-Auguste Cot, probablement fabriquée par Neyret Frères, 13 cm x 7 cm.
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Jacquard perfectionne son modèle de métier à tisser des filets de pêche de 1802 à 1805, au Conservatoire des arts et métiers, sous l'impulsion du préfet du Rhône. Il est récompensé en 1805. Jarrige, François, « Le martyre de Jacquard ou le mythe de l'inventeur héroïque (France, XIXe siècle) », Tracés : Revue de Sciences Humaines, n°16, Lyon, ENS Éditions, 2009, p. 101-102. ↩
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« Ces circonstances nouvelles peuvent laisser intact le contenu d'une œuvre d'art - toujours est-il qu'elles déprécient son hic et nunc », Benjamin, Walter, « L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée », Zeitschrift für Sozialforschung, n° 1, 1936, partie II, p. 42 ; Écrits français reprend le texte dans la traduction originale de Pierre Klossowski revue par Walter Benjamin, Paris, Gallimard, 1991. ↩
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Benjamin, Walter, « L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée », Zeitschrift für Sozialforschung, op. cit., p. 42. ↩
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Beyaert, Anne, « L'esthétique du pixel. L'accentuation de la texture dans l'œuvre graphique de John Maeda », Communication et Langages, n°138, 2003, p. 33. ↩
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Tackels, Bruno, L'œuvre d'art à l'époque de Walter Benjamin, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 10. ↩
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Benjamin, Walter, « L'œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée », Zeitschrift für Sozialforschung, op. cit., p. 43. ↩
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Dans cette conception, l'œuvre d'art est un irréel. Le tableau renvoie à autre chose que lui, à « un ensemble irréel de choses neuves, d'objets que je n'ai jamais vus ni ne verrai jamais mais qui n'en sont pas moins des objets irréels, des objets qui n'existent point dans le tableau, ni nulle part dans le monde, mais qui se manifestent à travers la toile et qui se sont emparés d'elle par une espèce de possession », Sartre, L'Imaginaire, Paris, Gallimard, 1986, p. 363. ↩
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Beyaert, Anne, « L'esthétique du pixel. L'accentuation de la texture dans l'œuvre graphique de John Maeda », Communication et Langages, op. cit. p. 25-39. ↩
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Maeda, John, Maeda @ media, Journal d'un explorateur du numérique, Londres, Tames and Hudson, 2000, p. 61. Josef Albers remarque aussi le mauvais rendu des couleurs en reproduction, qui verdit le blanc et rend mal les œuvres de Mondrian. ↩
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Au lieu de considérer l'impression comme l'appauvrissement de l'image numérique, en regrettant les différences de couleur par exemple, on la considère comme la mise en mémoire d'une des versions successives de l'image numérique « plastique », évolutive. Ibidem, p. 27. ↩
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Besse, Nadine (dir.), Images de soie, de Jacquard à l'ordinateur, cat. exp., Saint-Étienne, Musée d'Art et d'Industrie, 2004, p. 83 sq. ↩
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Besse, Nadine (dir.), Images de soie, de Jacquard à l'ordinateur, op. cit., p. 83. ↩
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Porcelaines très fines gravées ou moulées afin d'être éclairées par l'arrière. ↩
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Besse, Nadine (dir.), Images de soie, de Jacquard à l'ordinateur, op. cit., p. 83. ↩
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Ibid., p. 84. ↩
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« À travers cette entrée en matière, c'est donc un double niveau d'organisation du mythe qui se profile : pour exister, le mythe doit circuler dans le temps, voire dans l'espace, en combinant invariance et renouvellement », François, Jéromine, « La constitution d'un mythe littéraire : La Célestine à l'époque contemporaine », Littératures, n°74, 2016, p. 149-158. ↩
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Sartre, attaché au langage, considère la peinture comme un langage « sens dessus-dessous », système de signification « râté »... Astier Vezon, Sophie, « Sartre et la peinture. Sartre préférait-il les mots aux images ? », Sens public, 2019. ↩
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Toujours « le contenu d'une œuvre d'art » mentionné par Walter Benjamin, voir note 2. ↩
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Sartre, Jean-Paul, Qu'est-ce que la littérature ?, Paris, Folio Essais, 1985, p. 14. ↩
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Benjamin, Walter, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproduction mécanisée, Zeitschrift für Sozialforschung, op. cit., p. 42. ↩
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Sur l'accompagnement textile des corps voir Albers, Anni, « Le plan pliable », En tissant, en créant, Paris, Flammarion, 2021. ↩
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Janand, Marie-Caroline, « Relation entre l'iconographie des images tissées et leurs usages », Besse, Nadine (dir.), Images de soie, de Jacquard à l'ordinateur, op. cit., p. 65 sq. ↩
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Entretien avec Sylvain Besson, chargé des collections textiles, Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne, 30 mai 2022, dans Aguiraud, Camille, Tisser la peinture, mémoire de master (non publié), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022. ↩
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Benjamin, Walter, « La tâche du traducteur », Po&sie, n° 55, Paris, Belin et Humensis, 1991, traduit par Broda, Martine, p. 150-158. ↩
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Schmitter, M.-T., Guicherd, F., Philippe de Lasalle, exposition de tentures à l'occasion de l'inauguration d'un médaillon, le 11 mars 1939, Lyon, école de tissage, 1939, p. 11. ↩
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Benjamin, Walter, « La tâche du traducteur », Po&sie, op. cit. p. 152. ↩
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Ibidem. ↩
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Ibid. ↩
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Id. ↩
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Id. ↩
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Id. ↩
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Comme dans un appareil photo, c'est le moment de contact avec la machine, contact ici chargé des informations qui vont être tissées l'installation de la carte Jacquard sur le métier ou le branchement de la clé USB). ↩
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Payen de la Garanderie, Philippe, « La tâche de l'entre-deux : Walter Benjamin », Traduire-écrire, Cultures, poétiques, anthropologies, Lyon, ENS éd., 2014. ↩
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Fox Weber, Nicolas, « Préface », Albers, Anni, En tissant, en créant, op. cit., 20. ↩