Professeur des universités, département Arts plastiques, Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Membre de l’EA 4010 AIAC-EPHA
Résumé
Une réflexion importante sur la question de l’exposition accompagne la montée du fascisme en Italie. Ce texte montre, avec le cas particulier de la Triennale de Milan, héritière de la Biennale de Monza, comment cette réflexion s’est articulée à une promotion de l’architecture moderne et à une transformation de la notion d’arts décoratifs vers celle de design, dont cette manifestation s’est faite dès l’origine une grande promotrice.
Abstract
An important reflection about exhibitions accompanies the rise of fascism in Italy. This text shows, regarding the specific context of Milan’s Triennale—heir to Monza’s Biennale—how this reflection has always been related to a defense of modern architecture and to a transformation of the notion of decorative arts, towards the new notion of design, which this exhibition has since its origin promoted.
1. L’exposition en Italie avant le fascisme
La question de l’exposition connaît des transformations importantes en Italie au cours des années 1920. Jusque-là, le pays conserve des traditions et particularismes régionaux forts qui font que les différents secteurs artistiques sont extrêmement conformistes. Chaque région cultive une forme d’historicisme nostalgique de sa grandeur passée, qui laisse peu de place à l’innovation ou à l’adoption de traditions extérieures : ce qui unifie l’Italie, c’est surtout son passé catholique et le grand récit de la Renaissance. La création artistique fait constamment référence à cette histoire ; les tendances académiques dominantes sont éclectiques ou néoclassiques – même si l’art nouveau arrive brièvement en Italie du nord vers 1900 (sous le nom de « style Liberty ») – et elles font l’objet d’un enseignement exclusif dans les écoles d’art ou d’architecture. Le lieu où se manifeste le plus spectaculairement la mainmise du « parti traditionnaliste » dans le champ de l’art est la Biennale de Venise. Celle-ci, fondée en 1895, incarne plus que tout autre événement l’idée d’une utilisation de l’exposition à des fins de promotion et d’exaltation de la grandeur de la tradition. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, elle rassemble les artistes académiques italiens qu’elle confronte aux artistes officiels de toute l’Europe, le lieu étant à l’image de cela : bâtiments en forme de temples classiques ou de pastiches de telle ou telle époque ou styles régionaux. Les accrochages sont très chargés et se visitent comme les Salons parisiens du 19^e^ siècle : c’est-à-dire comme un lieu intimidant de consécration des valeurs les plus académiques1.
La situation artistique commence à changer peu de temps avant la Première Guerre mondiale, autour de la mouvance futuriste. Celle-ci, qui au départ a une coloration plutôt littéraire, se calque sur les avant-gardes artistiques parisiennes et refuse la séparation des arts ou le fait de se limiter au cadre de l’Italie. La promotion des progrès à venir conduit les Futuristes à militer « contre Venise2 » et pour la destruction des valeurs anciennes, ce qui dans l’Italie de l’époque passe pour la provocation suprême. À partir des années 1920, en raison notamment de la proximité du chef de file du mouvement, Filippo Tommaso Marinetti, avec Benito Mussolini, le Futurisme commence à obtenir une forme de reconnaissance officielle, sa branche picturale, étant même exposée collectivement à la Biennale de Venise en 1930. À ce moment-là, plusieurs Futuristes d’une nouvelle génération deviennent des acteurs importants de la rénovation de la scène de l’art ; notamment Enrico Prampolini, Mario Sironi et Fortunato Depero. Ceux-ci sont actifs dans les différentes initiatives patronnées par le pouvoir : la Biennale de Monza, la Triennale de Milan et surtout la Mostra della rivoluzione fascista (Exposition de la révolution fasciste) de 1932. Cette dernière, qui est la plus célèbre et la plus spectaculaire des expositions de l’époque, se situe à bien des égards dans le prolongement des avant-gardes des années 1910-1920, tout en produisant une bonne illustration de ce que Walter Benjamin dénonce quelques années plus tard, comme « l’esthétisation de la politique que pratique le fascisme3 ». Elle fait d’ailleurs presque figure « d’œuvre d’art totale fasciste », pour reprendre l’expression de l’historienne Marla Stone4. La plupart des visiteurs, y compris les visiteurs étrangers, y sont impressionnés par les moyens mis en œuvre, voire complètement fascinés, comme Le Corbusier, qui parle à son sujet de « miracles de visualisation et d’enseignement5 ».
Ceci étant dit, l’Exposition de la révolution fasciste fait un peu figure d’exception dans l’histoire de l’exposition en Italie et il est bien difficile de la rattacher aux autres manifestations de l’époque. En effet, le grand débat des années 1920-30 concerne surtout la place de l’art et de l’architecture modernes au sein de la société.
Jusqu’à l’arrivée du Fascisme au pouvoir, les Italiens présentent régulièrement leur pays dans les expositions internationales ou universelles, en mettant en avant de grands modèles du passé, sous la forme de pastiches plus ou moins savants. C’est encore le cas, lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris en 1925, où le Pavillon Italien d’Armando Brasini est une sorte d’hommage savant à l’architecture de la Renaissance. Bien entendu, les Italiens ne sont pas les seuls : l’ensemble de l’exposition parisienne est une longue litanie de styles anciens remis au goût du jour. Mais, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, différentes mouvances européennes s’opposent à cette tendance, en mettant en avant des valeurs modernistes ; faisant de l’exposition temporaire le signe avant-coureur de transformations susceptibles de suivre dans l’ensemble de la société. À Paris en 1925 sont ainsi présentés le Pavillon de l’Esprit Nouveau de Le Corbusier, La Ville dans l’espace de Friedrich Kiesler ou le pavillon soviétique de Constantin Melnikov. Ces exemples, ainsi que celui des expositions du Werkbund à la même époque, ont une grande influence sur l’idée que se font les Italiens des arts décoratifs et de l’architecture modernes et du potentiel des expositions à en faire la promotion6.
2. Le fascisme et l’art moderne
Si le fascisme s’associe au modernisme, cela tient à différents facteurs contextuels : la relation entre Mussolini et Marinetti, l’influence de Margherita Sarfatti et plus généralement la volonté de faire table rase du passé pour reconstruire la société. Mussolini explique lui-même cela, à propos des choix faits à l’Exposition de la révolution fasciste où, selon ses mots, il faut que l’aménagement soit « nouveau, ultramoderne et audacieux et de ce fait, délivré des échos mélancoliques des styles décoratifs du passé7 ». Selon la même logique, tout au long de son existence, le gouvernement fasciste choisit de se désintéresser de la culture classique, telle qu’elle est présentée dans les musées, académies, opéras et autres institutions officielles, culture jugée trop poussiéreuse et éloignée du peuple, au profit d’initiatives plus éphémères et spectaculaires, au premier rang desquelles les spectacles de plein air et les expositions. Le développement important d’une réflexion sur l’exposition – et singulièrement sur la scénographie d’exposition – en Italie accompagne ainsi, assez logiquement, l’essor du fascisme. Cela ne veut évidemment pas dire que tous les scénographes d’exposition italiens des années 1920-40 sont fascistes ; néanmoins, comme le dit Claudio Fogu, « si une forme d’art devait être considérée comme particulièrement représentative d’une esthétique fasciste, ce ne serait pas autre chose que l’art d’organiser, d’assembler et de produire des expositions non-artistiques pour un public de masse8 ».
Le soutien que les fascistes accordent à certaines pratiques artistiques ou architecturales modernistes est particulièrement lié à la personnalité de Margherita Sarfatti, maitresse de Mussolini de 1912 jusqu’aux années 19309. Sarfatti, qui est critique d’art et philanthrope, est en effet proche dès les années 1910 de la plupart des acteurs du Futurisme, tout en réunissant autour d’elle des artistes et architectes de différentes tendances, notamment néoclassique. En 1920, elle décide de fédérer plusieurs mouvances artistiques, au sein d’un groupe : Novecento. Celui-ci regroupe des artistes et architectes aux pratiques très hétérogènes (de Gio Ponti et Giovanni Muzio à Giorgio De Chirico, Giorgio Morandi, Carlo Carrà ou Mario Sironi). Son mot d’ordre principal est la recherche d’une sorte de moyen terme entre néoclassicisme et tendances avant-gardistes. Il est possible de voir là une forme de « retour à l’ordre », notamment pour certains futuristes historiques, comme Carrà, mais il est difficile d’appliquer cette idée à l’ensemble du mouvement10.
En 1923, Sarfatti organise une exposition en forme de manifeste du mouvement Novecento et la fait inaugurer par Mussolini. Certains artistes choisissent alors de s’éloigner d’elle – refusant de se laisser instrumentaliser par le nouveau régime –, mais toute une génération de jeunes artistes et architectes modernistes s’accommode très bien de ce patronage, d’autant plus qu’il ouvre la porte à nombre de commandes. En 1931, un comité, où siège Margherita Sarfatti, fonde une exposition quadriennale à Rome, afin de trouver un équivalent de la Biennale de Venise, mais qui soit réservé aux artistes italiens. Cette exposition est alors largement consacrée aux représentants du groupe Novecento.
La politique culturelle fasciste est, quant à elle, formellement inaugurée lors du Congrès de Bologne en 1925. Ce congrès, organisé par un disciple de Benedetto Croce, Giovanni Gentile, réunit plusieurs centaines d’intellectuels italiens, dont Luigi Pirandello, Curzio Malaparte, Giuseppe Ungaretti et Filippo Tommaso Marinetti. Le « Manifeste des intellectuels fascistes », qui est produit à cette occasion, condense assez bien l’état d’esprit du moment :
« [Notre patrie représente] une conception austère de la vie et de la profondeur religieuse, qui ne sépare pas la théorie de la pratique, ni le dire du faire et ne dépeint pas d’idéaux magnifiques où, en attendant leur réalisation, nous pouvons continuer à vivre, lâches et misérables ; mais [elle promeut] un effort difficile visant à idéaliser la vie et à exprimer les croyances de chacun à travers une même action ou des mots qui sont eux-mêmes des actions11. »
Ce manifeste reflète une prise de position politique visant à établir une synthèse entre volonté révolutionnaire fasciste et maintien des traditions italiennes12. Ceci étant dit, dans les débats du Congrès, la position défendue par Margherita Sarfatti est explicitement que le fascisme se doit de défendre un certain libéralisme en matière artistique13. De fait, bien que le Congrès de 1925 ait abouti quelques mois plus tard à la création d’une instance de contrôle, l’Istituto nazionale di cultura fascista, il n’y a pas, au cours des années qui suivent, d’hostilité particulière à l’encontre des artistes et des œuvres modernistes de la part du pouvoir.
C’est sans doute ce qui explique qu’un certain nombre d’expositions, y compris en faveur de l’art et de l’architecture modernes, aient lieu, la plupart fonctionnant de fait comme vitrines du régime. Le cas le plus frappant concerne l’architecture moderne, pour laquelle Mussolini s’engage à plusieurs reprises. C’est le cas notamment, lorsqu’il inaugure la troisième exposition d’architecture rationnelle à Rome en 1931. À cette occasion, le critique Pietro Maria Bardi lui remet un « Rapport sur l’architecture », où il présente celle-ci comme un art officiel ; exaltant la fonction idéologique de l’architecture, dont le devoir est, selon lui, de se poser en défense et illustration des conquêtes du fascisme, « scellant à jamais le triomphe de l’idée fasciste à travers le monde14 ». Pour Bardi, il y a alors une sorte de principe d’équivalence entre architecture moderne et architecture fasciste.
Dans les années qui suivent, différentes polémiques cherchent à s’opposer à l’architecture moderne, mais à chaque fois Mussolini fait savoir son soutien. L’architecte Giuseppe Pagano peut donc assez légitimement déclarer en 1934, que « l’architecture moderne est désormais un art d’État15 ». La bienveillance vis-à-vis de la modernité diminue néanmoins progressivement après 1936, date du début de l’Empire16, mais les expositions impliquant des artistes et architectes modernistes continuent, quasiment jusqu’à la fin du régime en 1943.
3. Fondation de l’ISIA et de la Biennale d’arts décoratifs de Monza
Outre le contexte politique plutôt favorable, les questions posées par le Futurisme, pour ce qui est de l’art, et par le Style international, pour ce qui est de l’architecture, forment le point de départ permettant de comprendre le développement d’une réflexion sur l’exposition en Italie dans les années 1920-30. Les premières discussions ont notamment lieu dans le cadre de l’ISIA (Istituto Superiore per le Industrie Artistiche), une école d’art créée en 1922, année de la Marche sur Rome, dans l’ancien palais royal de Monza, à côté de Milan.
Cette école ne ressemble pas aux Académies existant jusque-là. Son initiateur est le député socialiste et critique d’art, Guido Marangoni, qui s’associe pour l’occasion à L’Umanitaria, une société philanthropique de Milan. Il s’agit d’une école professionnelle, qui vise à initier aux arts appliqués des jeunes gens issus de milieux défavorisés. L’enseignement, qui s’inspire du Werkbund allemand, est très novateur, à l’image de ce qui se passe exactement à la même époque au Bauhaus ou aux Vhutémas en Russie : ateliers de céramique, verre, fer forgé, etc., ainsi que cours ou conférences d’histoire de l’art et de graphisme publicitaire17. Comme pour le Bauhaus et les Vhutémas, l’école a une existence limitée — dans son cas, par manque de financement — puisqu’elle ferme en 1943. Entretemps, elle est tout de même un lieu de rencontre pour quelques-uns des plus importants architectes, décorateurs et scénographes d’exposition italiens des années 1930-40 : notamment Giuseppe Pagano, Agnoldomenico Pica et Marcello Nizzoli.
À l’époque de la fondation de l’ISIA, les facultés d’architecture sont refondées en Italie et, comme le remarque l’historienne de l’architecture Marida Talamona, « la mise en place de cette rénovation coïncide avec la consolidation du fascisme ». Citons les mots de Mussolini, lors d’un discours à l’Académie des Beaux-Arts de Pérouse en 1926 : « Nous ne devons pas rester seulement contemplatifs. Nous ne devons pas nous contenter d’exploiter notre patrimoine culturel. Nous devons créer un patrimoine neuf à placer aux côtés de celui de l’Antiquité. Nous devons créer un nouvel art, un art de notre temps, un art Fasciste18. »
Peu de temps avant la création de l’ISIA — et sans doute dans le but de diffuser les nouvelles idées en matière d’arts appliqués en Italie — Guido Marangoni décide de créer aussi une Biennale d’arts décoratifs au même endroit19. Cette biennale a pour objectif de rassembler les arts appliqués en provenance de toute l’Europe, sans orientation particulière. Néanmoins, en raison de son lien avec l’enseignement de l’ISIA elle devient progressivement le rassemblement des artistes, architectes et décorateurs modernistes. Le Futuriste Fortunato Depero en est un membre influent à ses débuts, de même que l’architecte Gio Ponti et encore une fois Margherita Sarfatti, la muse de Novecento.
Au départ, la Biennale delle arti decorative (Biennale des arts décoratifs) organisée au Palais royal de Monza, est pensée comme une « petite sœur de la Biennale de Venise20 », même si elle est tout de même de dimensions assez importantes, puisqu’elle accueille dès sa première édition 1115 exposants, répartis dans 186 salles (dont 11 délégations étrangères, toutes européennes21). Il n’y a pas grand-chose de révolutionnaire dans les présentations : la majorité des exposants proposent de l’ameublement et des arrangements d’objets décoratifs22 inspirés de la tradition historique de l’art italien – Ezio Giovannozzi refait des tables de pietra dura à la manière du mobilier toscan du 16e siècle – ou du folklore de telle ou telle région – à l’instar de la salle sarde aménagée par Melchiorre Melis. Assez curieusement, ce qui passe pour moderne dans ce contexte est plutôt la tendance néoclassique proposée par le jeune Gio Ponti. Le seul élément qui détonne est la Salle Futuriste aménagée par Fortunato Depero. Ceci étant dit, il ne s’agit pas du Futurisme provocateur d’avant la Première Guerre mondiale, mais plutôt d’une version édulcorée, transposée dans des objets décoratifs de « style futuriste », et dont la provocation doit déjà sembler passablement émoussée. La présence d’une Salle Futuriste est néanmoins l’indice d’une volonté des organisateurs de proposer des formes innovantes et de ne pas se contenter de recycler les formes historiques ou folkloriques23.
L’édition suivante n’est pas très différente, avec une mise en avant encore plus marquée du folklore, à l’encontre des différents styles historicistes. Cette présence du folklore se traduit par des sections consacrées aux traditions des régions italiennes : les Abruzzes, la Sicile, les Pouilles, la Campanie, le Piémont, la Sardaigne, etc24. La partie la plus audacieuse est la « Salle de l’art abstrait et de la plastique pure » aménagée par l’architecte belge Victor Bourgeois, cette fois-ci dans un « style cubiste », qui fait écho à l’Exposition internationale des Arts décoratifs de Paris de la même année.
En 1927, les orientations vers l’artisanat et les arts appliqués, très marquées jusque-là, sont laissées de côté au profit de la promotion du mouvement Novecento. Ce mouvement devient alors dominant — ses protagonistes (Sarfatti, Sironi, Carra, Ponti) orientant désormais les décisions du conseil d’administration — et il se substitue aux tendances historicisantes ou folkloriques des éditions précédentes25. Cette édition de la Biennale – qui n’est pas très innovante, si l’on excepte le « pavillon du livre » de Fortunato Depero, où des textes en volume tiennent lieu de murs – se situe pourtant à un moment charnière de l’histoire de l’exposition en Italie, puisqu’elle accompagne l’arrivée massive des débats sur l’architecture de Style international dans ce pays. En effet, après les débuts de la revue néoclassique de Marcello Piacentini, Architettura e Arte decorativi (1921), les discussions sur le devenir de l’architecture ou sur la mission de l’architecte prennent beaucoup d’ampleur, ce qui se reflète dans la structuration de plusieurs groupes engagés en faveur du modernisme international : notamment le Gruppo 7 (à Turin) et le MIAR (à Rome). À partir de 1928, ces deux groupes s’organisent autour de la revue Casabella (fondée par Guido Marangoni) et dans une moindre mesure de Domus (fondée par Gio Ponti) ; deux revues où ils rendent compte de toutes les expériences en matière d’architecture, de décoration et de scénographie d’exposition à l’étranger, se posant également en correspondants de la Biennale de Monza26.
4. De la Triennale de Monza à la Triennale de Milan
En 1930, à l’occasion de sa quatrième édition, la Biennale de Monza devient une triennale. La question de l’architecture – encore marginale lors des éditions précédentes – et des débats qu’occasionne le rationalisme devient alors centrale, au détriment de la question de la décoration ou des arts appliqués, même si les sections principales sont encore « le meuble », « l’ornement » (c’est-à-dire la décoration d’intérieur), « l’art de la présentation » (peinture publicitaire et emballage de produits), « le théâtre » (scénographie et costumes) et « le costume » (c’est-à-dire l’habillement et les bijoux27). À partir de là, deux camps se font face : d’un côté les néoclassiques – souvent liés au groupe Novecento –, (autour de Gio Ponti, Emilio Lancia, Mario Sironi et Giovanni Muzio) et les rationalistes – correspondants italiens du modernisme international – (autour de Luigi Figini, Gino Pollini et Giuseppe Terragni).
Cette année-là, le critique Edoardo Persico fait paraître dans La Casabella, un article en hommage à la Salle 130 de la Triennale de Monza qui, selon lui, condense les enjeux de l’architecture moderne :
« Les sourires et l’indignation des hommes de goût, des intellectuels et des architectes néoclassiques, sont prévisibles : la Salle 130 à l’exposition de Monza, ces cylindres noirs, ces vitrines qui croupissent dans une lumière calme, sont des choses qui rappellent trop le goût pour les machines. Qu’est-ce que l’art a à faire avec les machines ? La beauté de la Salle 130 consiste justement dans le fait d’avoir accepté le goût de la machine, de l’avoir soumise à sa discipline moderne et qu’il en soit sorti comme une création autonome, comme un fait plastique neuf dans lequel on peut lire clairement les règles essentielles de l’art. La salle 130 peut être considérée comme une des œuvres les plus significatives qui ont été créées en Italie, en suivant l’ordre de l’architecture moderne28. »
L’article de Persico peut se lire comme un manifeste mettant en avant une réévaluation de l’espace d’exposition : comme moyen de faire passer des idées modernistes et comme potentiel de création de dispositifs inédits. Au même moment a lieu un autre manifeste moderniste, également à la Triennale de Monza, mais cette fois sous la forme d’une maison : la Maison électrique des architectes Luigi Figini et Gino Pollini du Gruppo 7, considérée par la suite comme l’une des premières – si ce n’est la première – affirmation du rationalisme architectural en Italie29. L’occasion n’est pas choisie au hasard : en 1930 la Triennale de Monza renonce définitivement aux environnements historicistes ou folkloriques et invite à la fois le Werkbund allemand (sous l’égide de Ludwig Hilberseimer) et le célèbre architecte autrichien Joseph Hoffmann30. La même année, en raison d’un succès international de plus en plus grand, il est décidé de transférer la Triennale d’arts décoratifs à Milan, dans un bâtiment construit spécialement pour l’occasion par l’architecte néoclassique, Giovanni Muzio31. De manière significative, la manifestation change de nom ; elle devient officiellement « Exposition triennale des arts décoratifs et industriels modernes et de l’architecture moderne ». La présence de l’architecture et du monde industriel est actée.
La Triennale de 1933 est sans doute la plus ambitieuse exposition d’architecture en Italie avant la Seconde Guerre mondiale : y sont présentées cinq expositions thématiques dans le bâtiment principal – architecture, arts décoratifs et industriels, aménagement de l’espace… – et cinq autres dans le parc attenant, ainsi qu’un ensemble de petits pavillons entièrement meublés et décorés, confiés à des architectes et décorateurs différents (sur le modèle de l’exposition du Weissenhof Siedlung de Stuttgart en 1927). La Triennale est placée sous le signe de la collaboration des arts : et notamment de la relation souhaitée entre architecture et art de la fresque. Une telle relation peut sembler difficile à mettre en œuvre, sachant que l’un des traits marquants de l’architecture rationnelle, d’inspiration internationale, tient justement à l’usage de murs blancs et de cloisons transparentes. Il semblerait que le projet soit en fait né d’une demande de peintres qui ne souhaitent pas se voir relégués hors de la Triennale, ce qui implique d’en « conquérir les murs32 ». Cela donne lieu à une question intéressante : comment faire une place à l’art de la fresque – inspiré du grand art du Quattrocento – dans une exposition dominée par l’architecture rationaliste33 ?
Bien que la Triennale de Milan de 1933 présente côte à côte les fresques antiquisantes de Mario Sironi et une architecture rationaliste influencée par le Bauhaus, c’est tout de même principalement une exposition en forme de manifeste de la nouvelle architecture de Style international34. Elle fait date en rassemblant des représentants de toute l’Europe, à une époque où l’architecture moderne est un peu partout en crise. L’une des sections rend hommage à des architectes modernes considérés comme des modèles ; notamment à l’architecte futuriste Antonio Sant’Elia (l’accrochage est supervisé par Marinetti et Prampolini), mais aussi Le Corbusier, Loos, Mendelsohn, Mies van der Rohe, Gropius, Dudok, Hoffmann, Wright, Lurçat, Melnikov et Perret. Si l’on excepte l’exposition « International Style » du MoMA, quelques mois plus tôt, c’est sans doute l’une des premières rétrospectives de cette mouvance à cette échelle.
Pour le reste, la plus grande partie de la Triennale de 1933 est une exposition sur l’habitat : vingt-cinq pavillons temporaires sont construits dans le parc du Sempione, devant le bâtiment principal, et 18 pays participent à une exposition collective sur ce thème. Les pavillons présentent des réflexions sur la standardisation de l’habitat, ainsi que sur la fonction sociale de l’architecture : pavillon de la presse (Baldessari), villa-studio pour un artiste (Figini et Pollini), maison de vacances sur un lac (Terragni), maison coloniale (Piccinato) 35…
La Triennale de 1936, comme celle de 1933, est l’une des plus grandes manifestations modernistes d’architecture et de design des années 1930. À cette époque, il n’y a plus du tout de manifestations modernistes en Allemagne (où domine l’esthétique nazie) ou en URSS (où domine le réalisme socialiste) ; c’est aussi le moment où le Style international commence à avoir un certain succès aux États-Unis, succès qui se confirme surtout à partir de la décennie suivante. La Triennale reprend le schéma de l’édition précédente, avec des sections spécifiques – « habitation », « systèmes constructifs et matériaux », « architecture internationale », « industrie textile », « scénographie théâtrale », « mobilier naval », « arts décoratifs et industriels »… – ; c’est l’occasion à la fois de montrer de l’architecture novatrice (comme en 1933) et du design ou de la scénographie d’exposition. Contrairement à la Triennale de 1933, il n’y a pas de construction de pavillons, mais des expositions documentaires, à partir de l’idée d’architecture, d’habitat, d’urbanisme, d’architecture rurale ou vernaculaire, etc36.
Au sein de cette dernière catégorie, l’exposition sur l’architecture rurale, organisée et mise en scène par Giuseppe Pagano et Guarniero Daniel, est intéressante à plus d’un titre. Pagano y expose ses propres photographies : un travail entrepris depuis plusieurs années déjà et qui consiste à aller systématiquement documenter l’architecture vernaculaire du monde rural italien. Il s’agit pour lui de montrer que l’évolution de l’habitat rural prouve que « l’esthétique est subordonnée à la logique fonctionnelle » et que ce constat enseigne à l’architecte contemporain cette « habitude morale de soumettre son imagination personnelle aux lois de l’utilité, de la technique et de l’économie, sans pour autant renoncer à la finalité esthétique de son travail37 ». Cette proposition — ainsi que la manière dont sa présentation de plusieurs centaines d’images est systématisée sur soixante-deux panneaux en forme de grilles — ne peut manquer de faire penser à des recherches artistiques plus récentes (notamment au travail typologique de Bernd et Hilla Becher sur les bâtiments industriels, mines, hauts-fourneaux38…). Pagano et Daniel font également paraître un ouvrage à l’occasion de l’exposition : ils y détaillent leur recherche, à l’aide de très nombreuses illustrations39.
Outre les expositions consacrées à tel ou tel aspect de l’architecture et de l’urbanisme, il y a également des présentations plus classiques, comme lors des précédentes éditions, ainsi que des sections étrangères qui permettent de confronter Alvar Aalto et Max Bill avec Luigi Figini ou Luciano Baldessari. La Salle de l’Orfèvrerie italienne traditionnelle (organisée par Franco Albini et Giovanni Romano) est particulièrement remarquée pour ses systèmes de vitrines autoporteuses, qui anticipent sur les réalisations d’après-guerre (notamment celles du duo Franco Albini / Franca Helg). Le Salone della Vittoria est, quant à lui, l’un des clous de l’exposition et est très largement admiré par la critique de l’époque, pour la manière dont l’espace est modelé par des murs à claire-voie alternativement blancs et noirs et un éclairage artificiel indirect. Au centre de la salle se trouvent deux socles ; sur le premier figure une œuvre de Lucio Fontana – une statue monumentale symbolisant la Victoire – et, sur le deuxième, deux chevaux dressés sur leurs pattes arrière. Sur le premier socle est inscrite la phrase suivante : « Le peuple italien a créé l’Empire avec son sang. Il le fécondera avec son travail et le défendra contre quiconque avec les armes40 ».
La Triennale de 1940 est un peu une curiosité, compte tenu du contexte politique. Pour des raisons assez évidentes peu de pays sont représentés ; principalement l’Italie, la France, l’Allemagne et ses satellites. Parmi les particularités de 1940 figure une exposition de graphisme, organisée par Guido Modiano et une exposition sur le cinéma, proposée par Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque de Paris, avec les metteurs en scène Luigi Comencini et Alberto Lattuada41. Pour le reste, il y a des sections sur le livre d’architecture, sur l’encadrement, la dentelle et la broderie, la céramique, l’art sacré et l’équipement pour les colonies. La présentation de l’Allemagne permet de constater qu’en 1940 l’heure n’est plus aux expérimentations modernistes du Bauhaus : cette section semble ainsi renouer avec les débuts de la Biennale d’arts décoratifs de Monza, en présentant de l’artisanat traditionnel issu de plusieurs régions du pays.
5. Autour de la Triennale de Milan, le triomphe de l’exposition au service de la propagande
La Triennale de Milan n’est pas le seul lieu d’expositions innovantes en Italie au cours des années 1920-30. À partir de 1930 de plus en plus d’expositions sont consacrées à des thématiques mêlant art, politique et industrie : expositions en partie documentaires, en partie fictionnelles, en forme d’attractions touristiques, qui permettent au pouvoir de proposer une alternative aux présentations artistiques traditionnelles. Ainsi, en 1936 ont lieu deux expositions consacrées à l’usage des plastiques et une autre aux affiches et arts graphiques ; en 1937 une exposition est consacrée à la mer et une autre au théâtre ; puis ont lieu une exposition sur le vol dans l’art italien et une présentation autour des minéraux (1938) ; une série d’expositions au Cirque Maxime de Rome (1939), une exposition coloniale (1940), une exposition d’étoffes (1942) ; jusqu’au grand projet inabouti d’Exposition universelle de Rome (EUR) en 1942.
Dans cette série deux expositions se singularisent par leurs ambitions formelles. La première est l’Esposizione aeronautica italiana (Exposition de l’aéronautique italienne), au Palais des expositions de Milan (site de la Triennale) en 1934. Il s’agit d’une exposition organisée par l’architecte rationaliste Giuseppe Pagano et il y est question de commémorer les exploits des pionniers de l’aviation italienne et des pilotes de guerre fascistes. Comme dans d’autres expositions de l’époque, une place importante est occupée par les thématiques guerrières, avec des salles consacrées à la guerre en Lybie ou à l’aviation pendant la Grande guerre. Comme à la Triennale de 1933, on trouve les dernières innovations en matière de scénographie d’exposition, de la part d’artistes (Marcello Nizzoli, Erberto Carboni, Mario Sironi, Bruno Munari), d’architectes (Giuseppe Pagano, Gio Ponti, Luciano Baldessari, le groupe BBPR) et d’un écrivain (Edoardo Persico). Cette exposition présente un assez grand mélange stylistique ; le parti pris de Giuseppe Pagano étant en quelque sorte de laisser carte blanche pour chaque salle à des équipes mixtes (architectes / designers / artistes). L’une des salles qui fait le plus parler d’elle est la Salle d’Icare, mise en scène par Giuseppe Pagano et Bruno Munari, où une figure ailée est happée vers le ciel au cœur d’une spirale monumentale de lumière en acier. Un autre exemple d’aménagement particulièrement intéressant est la Salle des médailles d’or, conçue par Edoardo Persico en compagnie du peintre Marcello Nizzoli. L’armature de l’installation est une sorte quadrillage en bois qui occupe toute la salle. Les objets, photographies et panneaux de textes sont montés directement sur la structure et semblent flotter dans l’espace, ce qui n’est pas sans rappeler les systèmes de montage de l’exposition FIFO de Lissitzky et Moholy-Nagy (1929) ou, après la Seconde Guerre mondiale, les propositions de Franco Albini ou de l’Independent Group.
L’Exposition aéronautique italienne est souvent comparée à l’Exposition de la révolution fasciste, dont elle semble être un complément. À l’époque, Anna Maria Mazzucchelli explique qu’on y retrouve les mêmes orientations entre d’un côté des artistes inspirés du Futurisme ou de la grande histoire de l’art et de l’autre des architectes rationalistes. La plus grande réussite en la matière, explique-t-elle, est la Salle des médailles d’or de Persico et Nizzoli, où « l’explosion des documents dans un espace baigné d’une lumière irréelle ; les subtils profils blancs qui s’annulent sur le blanc des parois, enfermés entre un sol et un plafond noirs donnaient un sentiment d’horizontalité infinie ; la logique de la composition évoquant Melnikov et Kandinsky42 ». Selon elle, le caractère abstrait des présentations, le non didactisme et la carte blanche laissée aux artistes, facilitent l’adhésion du public, montrant bien l’intérêt et la réussite d’une telle entreprise.
La deuxième exposition qui est particulièrement notable est la Mostra nazionale dello sport (Exposition nationale du sport) – une présentation qui a lieu, là aussi, au Palais des expositions de Milan entre deux triennales –, dont le maitre d’œuvre est l’architecte néoclassique Giovanni Muzio43 (1935). Cette exposition est un peu différente de celle consacrée à l’Aéronautique italienne et se rapproche sans doute plus des techniques employées par Herbert Bayer dans ses différents projets des années 1930 (notamment la Baugewerkschafts Ausstellung (Exposition du syndicat des travailleurs de la construction) de Berlin en 193144). Comme le remarque l’historienne de la photographie Antonella Russo, « à la différence des pays démocratiques, où l’État se limite à favoriser le développement des structures et activités sportives des citoyens, le fascisme attribuait au sport un rôle déterminant dans le projet de construction de l’“homme intégral”. C’était un projet ambitieux où l’attention au corps tenait lieu de valeur spirituelle et où confluaient le culte fasciste de la jeunesse, le mépris du danger, la discipline, la volonté d’exceller, et qui aboutissait au développement de l’“instinct guerrier” pour l’affirmation de la primauté de l’Italie45 ». À l’Exposition du sport, comme à l’Exposition de l’aéronautique (et à l’Exposition de la révolution fasciste), le parcours est réparti en sections, confiées à des équipes mixtes réunissant architectes, designers et artistes. Parmi celles-ci on retrouve certains concepteurs des expositions de la Triennale de Milan, notamment Giuseppe Terragni, Mario Sironi ou le groupe BBPR. La plupart des sections sont consacrées à un sport en particulier (sports collectifs, athlétisme, lutte, natation, course automobile…) et les autres sont plus généralistes (organisations sportives pour la jeunesse, techniques sportives, machines, loisirs…).
6. Le « savoir pratique » de la scénographie d’exposition italienne
À partir de 1928, les Italiens ont accès aux modèles français, autrichien, hollandais, soviétique et allemands, par le biais de reproductions dans des revues spécialisées, telles que Domus, Casabella et plus tard Quaderni. Dans ces revues, ils découvrent les projets architecturaux de Walter Gropius et Ludwig Mies van der Rohe et certaines des expositions de propagande organisées par El Lissitzky pour le compte du gouvernement soviétique. Ce que les Italiens perçoivent de la modernité internationale devient progressivement une sorte de mot d’ordre général — particulièrement chez les jeunes architectes et designers. De fait, ce qui est propre à l’Italie et fonde sa différence d’avec les expériences allemandes ou soviétiques, tient davantage à une pratique assez spontanée du design, de l’architecture ou de la scénographie d’exposition – rendue possible par des circonstances particulières – qu’à une application de théories préalables. Ainsi, ce n’est que vers le milieu des années 1930, après avoir réalisé quelques expériences, que les Italiens commencent à réfléchir plus théoriquement à ce que représente la scénographie d’exposition, en mettant en avant des positions sensiblement différentes de ce que l’on peut trouver à la même époque dans d’autres pays.
De manière générale, ce qui ressort de la position italienne est la volonté de « faire fusionner » les pratiques d’artistes, de designers et d’architectes en un tout qu’est l’exposition. Il ne s’agit pas du rêve wagnérien de l’œuvre d’art totale, mais plutôt de considérer que l’exposition est une forme de langage en soi, même lorsqu’il s’agit d’une forme transitive permettant de faire passer des messages (comme c’est le cas dans les expositions publicitaires ou de propagande). C’est ce que dit Agnoldomenico Pica, en rapprochant l’essor de la scénographie d’exposition de l’évolution des techniques de communication dans le monde moderne : « c’est à peu près vers la fin de la Première Guerre mondiale que notre civilisation commença à avoir une foi de plus en plus grande dans la communication instantanée (…). Dans ce processus de retour aux images l’exposition, qui est une forme particulière et spectaculaire d’organisation des images, a assumé immédiatement et avant d’autres techniques, une fonction prééminente46 ». Cette position fait écho à celle de Pietro Maria Bardi, qui explique dans un article de 1931, qu’il s’agit de : « réconcilier l’architecture, la peinture et la sculpture et d’imaginer des “formes” d’exposition qui sont cependant de l’art en tant qu’ensemble47 ». Peu après, l’historienne d’art Anna Maria Mazzucchelli évoque, quant à elle, un goût des expositions pour « une façon de faire spécifique, une manière de disposer les choses qui est davantage une “construction” qu’une “illustration” », ce qui a ses yeux en fait quasiment un « critère esthétique48 ». En 1941, Giuseppe Pagano, architecte rationaliste qui est sur le point de s’opposer au fascisme (après en avoir été l’un des plus grands défenseurs) et d’en subir les conséquences (il meurt en déportation à Mauthausen en 1945), rédige un long article pour un numéro spécial de Casabella consacré à l’art de l’exposition. Cet article peut faire figure de manuel, de commentaire théorique et de conclusion de la période la plus créative de la scénographie d’exposition en Italie.
Le premier constat que fait Pagano est que les expositions sont des véhicules permettant de faire évoluer le goût du public :
« La principale condition (je dirais même la condition nécessaire) pour qu’une exposition se transforme vraiment en une expérience courageuse et profitable et devienne un véhicule naturel pour le progrès du goût est représentée par son caractère provisoire. Sans cette caractéristique (…) les expositions se transforment en banales reconstructions stylistiques, où la prudence architectonique interprète mal l’intention novatrice des organisateurs49. »
Le deuxième constat qui découle du précédent est qu’une exposition peut aussi être un lieu de débat parmi les créateurs. Selon ses mots :
« où peuvent s’étendre les rêves architectoniques des architectes modernes ? Dans les expositions ! De fait, au cours des années qui vont de 1927 à 1932 les architectes italiens doivent se contenter, quasi-exclusivement d’édifices provisoires construits pour les foires, expositions, présentations : avec ces pavillons intelligents, le public italien avait le moyen de connaître les premiers pas de l’architecture moderne ». Selon lui, la réussite matérielle d’une exposition, qu’elle soit artistique, commerciale, de propagande, commémorative ou autre, est nécessairement conditionnée par trois pôles correspondant à trois questions : « qui la finance ? » (ce qui implique la question des commanditaires et de l’administration) ; « qui l’organise ? » (des techniciens spécialisés qui suivent des arguments spécifiques) et « qui la réalise ? » (direction artistique des installations). Pagano en appelle alors à la collaboration entre secteur public et secteur privé (il cite les sociétés Montecatini, Fiat et Olivetti) et entre artistes et architectes, rappelant l’intérêt des contributions de Nizzoli, Sironi ou Persico à l’organisation d’expositions au cours des années qui précèdent50 ».
Ce texte peut ainsi apparaître comme un plaidoyer pour une pratique de l’exposition qui ouvre sur des questions rarement abordées simultanément : questions d’organisation, voire d’administration, de partenariats, d’interdisciplinarité, de réception par le public… Son acquis principal est de reconnaître le caractère complexe de l’exposition : entre théorie et pratique, entre architecture, art et design, entre disciplines hétérogènes, entre public, secteur privé et autorités de tutelle.
Quelques années plus tard, en 1946, l’architecte Eugenio Gentili Tedeschi rédige un texte où il cherche à revenir sur les acquis de la scénographie des expositions de la décennie précédente. Son texte peut être lu comme un complément de celui de Pagano. Après avoir discuté des mérites de différentes expositions internationales et après avoir évoqué les expositions fascistes, Gentili Tedeschi en conclut qu’une exposition est nécessairement « supérieure à la somme de ses parties » :
« L’œuvre de l’architecte se déplace de la création entendue comme libre, vers une sélection d’objets qui sont (…) des éléments à employer dans une composition tout en déterminant son caractère : et à partir de telles sélections naît un critère finalement organique dans l’ordonnancement de l’ensemble. Parce qu’à côté des données essentielles il y a le fait de comprendre l’exposition comme une unité en laquelle l’évidence des différentes parties est subordonnée à la clarté explicative de l’ensemble, et dans laquelle les éléments complémentaires doivent comporter la plus grande simplicité et la plus grande cohérence à partir des caractéristiques spécifiques des objets51. »
Dans ces différentes prises de position, il s’agit bien de présenter l’exposition sous les dehors d’une opération de communication, mais pour les scénographes d’exposition italiens, il ne s’agit pas pour autant de proposer des livres illustrés que l’on feuillèterait en regardant distraitement les images, mais bien plus de transformer l’espace d’exposition en un environnement, où la présence du spectateur se fond dans une « expérience de visite52 », qui peut être autant esthétique que didactique, prolongeant en cela la position théorique de quelqu’un comme El Lissitzky sur « l’espace de démonstration » ou la « factographie », tout en convoquant les techniques ancestrales de la rhétorique. Citons Pica : « Il n’y a plus des “objets” ou des “produits” que l’on peut séparer de l’environnement dans lequel ils sont montrés ; il existe à la place un discours qui se doit d’avoir une conclusion, une idée qui doit être démontrée ou défendue, un programme qui doit être illustré ou une théorie qui doit être indiquée ou prouvée. (…). Dans la composition d’ensemble unifiée qu’est l’exposition moderne, il n’est plus important que les objets soient à vendre. De la même manière qu’au théâtre personne ne demande si l’éclairage, le décor ou les costumes sont individuellement responsables de l’enthousiasme du public, dans une exposition c’est la mise en scène complète qui importe53. »
De ce qui précède, il ressort que la scénographie d’exposition, en tant que procédé rhétorique, peut s’adapter à tous les contextes et faire dire tout et son contraire aux objets exposés. De fait, les scénographes des années 1920-1930 ont été amenés à mettre en scène des expositions de propagande pour des causes contradictoires. C’est le cas, de manière notoire, pour Herbert Bayer, lequel participe à la mise en scène de l’Exposition du syndicat des travailleurs de la construction à Berlin en 1931, puis à Deutsche Arbeit, Deutsche Volk (Travail allemand, peuple allemand) en 1934, pour les Nazis, avant d’aller mettre en scène A Road to Victory (Une route vers la victoire) au MoMA, pour le compte de la propagande américaine (1942).
De la même manière, la plupart des scénographes italiens de l’entre-deux guerres participent à l’élaboration d’expositions de propagande fasciste, avant de se mettre au service des grandes foires commerciales ou artistiques après la Seconde Guerre mondiale. Si dans l’Italie de l’Après-guerre, le phénomène d’épuration, que l’on constate en Allemagne et au Japon, conduit à réinventer la principale manifestation d’art moderne : la Biennale de Venise54, il est difficile de repérer une rupture comparable à la Triennale de Milan. D’ailleurs, après l’édition de 1940, ses organisateurs travaillent encore à l’édition de 1943, sans trop se soucier des événements extérieurs. Et lorsque la Triennale rouvre en 1947, c’est avec à peu près les mêmes architectes et designers qu’avant la Guerre, quel qu’ait été leur engagement politique antérieur : Franco Albini, Gio Ponti, Luciano Baldessari, Marcello Nizzoli ou Lucio Fontana figurent tous dans les comités d’organisation de l’Après-guerre.
Bibliographie
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-
Sur les débuts de la Biennale de Venise, voir notamment Lawrence, Alloway, The Venice Biennale 1895-1968. From Salon to Goldfish Bowl, Greenwich, New York Graphic Society, 1968. ↩
-
Cf. « Manifeste contre Venise passéiste » (27 avril 1910). ↩
-
Walter, Benjamin, « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique » (1935), dans Id, Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 113. ↩
-
Marla, Stone, « Staging Fascism : The Exhibition of the Fascist Revolution », Journal of Contemporary History, n° 28, 1993, p. 218. ↩
-
Le Corbusier, dans une lettre à Paul Otlet, 29 juin 1934, citée par Libero, Andreotti, « The Aesthetics of War : The Exhibition of the Fascist Revolution » Journal of Architectural Education, vol. 45, n° 2, février 1992, p. 85. ↩
-
Sur ces influences, voir l’ introduction d’Agnoldomenico, Pica, dans Roberto, Aloi, Esposizioni. Architettura-Allestimenti, Milan, Ulrico Hoepli Editore, 1960, p. XIV et p. XLIII-XLVI. ↩
-
Benito, Mussolini (1931) cité par Jeffrey T., Schnapp, « Fascism’s Museum in Motion », Journal of Architectural Education, vol. 45, n° 2, février 1992, p. 89. ↩
-
Claudio, Fogu, The Historic Imaginary. Politics of History in Fascist Italy, Toronto, University of Toronto Press, 2003, p. 184. ↩
-
Celle-ci fait sa connaissance, lorsqu’il prend la tête de l’Avanti, organe officiel du Parti socialiste italien et le suit lorsqu’il le quitte, avant d’être à ses côtés au moment de sa prise du pouvoir. Sur la personnalité complexe de Margherita Sarfatti, voir Françoise, Liffran, Margherita Sarfatti : L'égérie du Duce, Paris, Le Seuil, coll. « Biographie », 2009. ↩
-
Sur l’idée d’un « retour à l’ordre » de certains anciens Futuristes, voir Benjamin H.D., Buchloh, « Figures d’autorité, chiffres de régression » (1981), dans Id., Formalisme et historicité. Autoritarisme et régression, Paris, éditions Territoires, trad.C. Gintz, 1982, p. 59-82. ↩
-
Giovanni, Gentile, « Manifesto degli intelletuali del fascismo agli intelletuali di tutte le nazioni », Il popolo d’Italia, 21 avril 1925. Toutes les traductions sont de l’auteur. ↩
-
Quelques jours plus tard, Benedetto Croce répond, avec d’autres intellectuels, au manifeste de Gentile par un « contre-manifeste » : « Il manifesto degli intelletuali antifascisti », Il mondo, 1^er^ mai 1925. ↩
-
Jesus Pedro, Lorente, Les Musées d’art moderne ou contemporain : une exploration conceptuelle et historique, trad. J. Bastoen, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 165. ↩
-
Pietro Maria, Bardi, Rapporto sull’architettura (per Mussolini), Rome, Edizioni di critica fascista, 1931, cité par Marida, Talamona, « Modernité et fascisme : illusions croisées », dans Jean-Louis Cohen (dir.), Les Années 30. L’architecture et les arts de l’espace entre industrie et nostalgie, cat. exp., Paris, CNMHS-Éditions du patrimoine, 1997, p. 129. Après la Seconde Guerre mondiale, Bardi est contraint de quitter l’Italie en compagnie de sa femme Lina Bo Bardi. Il s’établit au Brésil et est engagé par le Musée d’art de Sao Paulo (qu’il dirige de 1947 à 1996). ↩
-
Giuseppe, Pagano, « Mussolini salva l’architettura italiana », Casabella n° 79, juillet 1934, cité par Marida Talamona, op. cit., p. 132. ↩
-
Jesus Pedro, Lorente, Les Musées d’art moderne ou contemporain, op. cit., p. 167-168. ↩
-
Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale. 1918-1957, Milan, Edizioni del milione, 1957., p. 12. ↩
-
Benito, Mussolini, « Arte e civilta », 5 octobre 1926, cité par Jeffrey T., Schnapp, « Fascism’s Museum in Motion », op. cit., p. 87 ↩
-
Le projet de Biennale d’arts décoratifs de Monza est proposé une première fois, dans le Bulletin municipal de Milan, par Guido Marangoni en janvier 1918 et approuvé par le Conseil municipal le 2 octobre 1919. La première édition est inaugurée le 19 mai 1923, six mois après l’ouverture de l’ISIA, par le ministre de l’Instruction publique Giovanni Gentile. ↩
-
Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 8-10. ↩
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Ibid., p. 53-54. ↩
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Parmi les aménagements figure une cuisine, assez traditionnelle, aménagée par Ettore Sottsass Sr, le père du célèbre designer. ↩
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Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 14-15. ↩
-
Ibid., p. 16-17. ↩
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Ibid., p. 18-20. ↩
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C’est particulièrement le cas après que les tenants du rationalisme, Giuseppe Pagano et Edoardo Persico commencent à s’investir dans le comité de rédaction de Casabella. Voir Hélène, Jannière, « La construction d’une scène architecturale : les revues en France et en Italie », dans Cohen, Jean-Louis, (dir.), Les Années 30, op. cit., p. 245. ↩
-
Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 25. ↩
-
Edoardo, Persico, « La sala 130 », La Casa Bella, juillet 1930, dans Sergio, Polano, Mostrare. L’allestimento in Italia dagli anni Venti agli anni Ottanta, Milan, Lybra Immagine, 1988-2000, p. 153. ↩
-
Cette maison est d’ailleurs le seul exemple d’architecture italienne du célèbre ouvrage de Hitchcock et Johnson sur le « style international ». Voir Henry-Russel, Hitchcock et Philip, Johnson, The International Style: Architecture since 1922, New York, W.W. Norton and Company Inc., 1932, p. 145. Une première manifestation du rationalisme architectural en Italie avait déjà eu lieu en 1928, avec la Prima mostra del razionalismo italiano du groupe MIAR au Palazzo dell’esposizioni de Rome (sous l’égide du Syndicat national fasciste des architectes). ↩
-
Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p.57-58. ↩
-
Ce bâtiment est assez comparable au Palais de Tokyo, construit à la même époque, et il renvoie à des présupposés stylistiques qui ne sont pas sans rappeler le « néoclassicisme simplifié » de Marcello Piacentini, le principal architecte officiel de Mussolini. ↩
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Corrado, Cagli, « Muri ai pittori », Quadrante n°1, mai 1933, p. 19, cité par Laura, Malvano, « La peinture murale, lieu privilégié de la politique fasciste de l’image », Ligeia, n° 1, avril-juin 1988, p. 62. ↩
-
Le peintre Mario Sironi essaie de concilier ces deux tendances, de la façon suivante en 1934 : « ce type de décoration, loin d’être un simple caprice décoratif ou un inutile oripeau, pour employer les termes des académiciens du rationalisme, représente au contraire une superbe et fascinante intégration au système architectural. Il donne vie et offre une multiplicité de sens à la parole qui se dégage des rudes et puissantes nervures architecturales. ». Mario, Sironi, cité par Laura, Malvano, op. cit., p. 63. ↩
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Outre la question de l’architecture et celle des collaborations entre plasticiens et architectes, il y a d’autres expositions, consacrées aux écoles d’art, aux transports, à la presse, aux bronzes antiques, et à différentes formes d’arts appliqués. Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 59). ↩
-
Marida, Talamona, « Modernité et fascisme : illusions croisées », op. cit., p. 133. ↩
-
Ibid., p. 134-135. ↩
-
Giuseppe, Pagano et Guarniero, Daniel, Architettura rurale italiana, Quaderni della Triennale, Ulrico Hoepli, Milan, 1936, cité par Marida, Talamona, op. cit., p. 135. ↩
-
Sur ces projets, voir notamment : Bernd, Becher et Hilla, Becher, Typologien industrieller Bauten, Munich, Schirmer/Mosel, 2003. ↩
-
Sur cette exposition, voir Giovanna, D’Amia, « Le débat sur l’architecture rurale en Italie et l’exposition de Giuseppe Pagano à la Triennale de 1936 », In Situ [En ligne], 21 | 2013, mis en ligne le 12 juillet 2013, http://journals.openedition.org/insitu/10454, consulté le 14 septembre 2020. ↩
-
Cette phrase est prononcée par Benito Mussolini le 9 mai 1936, dans son discours de proclamation de l’Empire. ↩
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Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 42. ↩
-
Sergio, Polano, Mostrare, op. cit., p. 154-155. ↩
-
Agnoldomenico, Pica, Storia della triennale, op. cit., p. 36. ↩
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Agnoldomenico, Pica, dans Roberto, Aloi, Esposizioni. Architettura-Allestimenti, Milan, Ulrico Hoepli Editore, 1960, p. XXXII. ↩
-
Antonella, Russo, op. cit., p. 105. ↩
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Agnoldomenico, Pica, dans Roberto, Aloi, op. cit., p. XLII. ↩
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Pietro Maria, Bardi, « Nuove esigenze delle esposizioni », Ambrosiano, 20 mars 1931, dans Sergio Polano, Mostrare, op. cit., p. 154. ↩
-
Anna-Maria, Mazzucchelli, « Stile di una mostra », Casabella, août 1934, p. 80, dans ibid., p. 155. ↩
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Giuseppe, Pagano, « Parliamo un po’ di esposizioni », Casabella Costruzioni, mars-avril 1941, p. 159-160, dans ibid., p. 156-157. ↩
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Ibid., p. 158. ↩
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Eugenio, Gentili Tedeschi, « Organicità e decorativismo nell’allestimento delle mostre », Metron, 1946, p. 10, dans ibid., p. 160. ↩
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C’est la position notamment défendue par Ernesto Nathan Rogers du groupe BBPR dans, « Architettura misura dell’uomo », Domus, 1952, dans Ibid., p. 161. ↩
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Agnoldomenico, Pica, dans Roberto, Aloi, op. cit., p. XLIV. ↩
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Celle-ci est au cours des années 1930 (et jusqu’en 1942) le lieu où s’expriment en premier lieu les gouvernements fascistes européens (Hitler vient personnellement inaugurer le nouveau pavillon allemand en 1934). ↩