Du handicap comme vulnérabilité à la considération des oppressions validistes : pour une praxis solidaire en design
Manon Ménard

Manon Ménard est designer graphique, docteure en design et chargée d’enseignements en design à l’université de Toulouse - Jean Jaurès. Sa thèse (2018-2023) menée au sein du laboratoire PROJEKT de l’université de Nîmes et financée dans le cadre du projet ANR « Aspie-friendly, construire une université inclusive », concerne l’inclusion pédagogique et sociale des personnes autistes à l’université et porte un regard critique sur les pratiques participatives en design. www.manonmenard.com

Résumé

À partir des champs d’études sur le handicap (disability studies, feminist et critical disability studies, crip theory) et ses corrélations avec le design, cet article interroge la compréhension des situations de vulnérabilité vis-à-vis des conditions d’oppression. En abordant les enjeux liés au handicap au regard de systèmes oppressifs (notamment le validisme), il s’agit de discuter la nature des perspectives émancipatrices que peuvent incarner les pratiques en design.

Abstract

Based on the fields of disability studies, feminist and critical disability studies and crip theory, and their correlations with design, this article looks at how situations of vulnerability are understood in relation to conditions of oppression. By looking at disability issues from the perspective of oppressive systems (in particular ableism), the aim is to discuss the nature of the emancipatory perspectives that design practices can embody.

Introduction

Dans le champ du design occidental au XXe siècle, la question du handicap a été abordée à la fois en termes d’accessibilité des espaces, des usages, ou encore des interfaces, et a permis la conceptualisation de méthodologie de conception destinée à une meilleure prise en compte de l’expérience de vie handicapée. Bien que ces approches en design puissent être des réponses à des problématiques aux enjeux environnementaux, fonctionnels, ou encore sociaux, elles restent encore décriées par les personnes handicapées dans la manière dont elles instrumentalisent leur expérience à des fins d’innovation et/ou de production. Ces critiques mettent notamment en doute la répartition des bénéfices (qu’ils soient fonctionnels, monétaires, affectifs, politiques, temporels) d’une solution en design initialement destinée à améliorer leur condition de vie. Le handicap semble alors inlassablement en prise avec des considérations paradoxales quant à la façon de situer un problème, relatif au corps handicapé d’un côté, et à l’environnement de l’autre. Mais, pour l’une et l’autre de ces situations, le problème reste lié à une non-conformité, une « anormalité », du corps avec son milieu. Le problème apparaît notamment comme tel dès lors que le cours des choses est menacé par une rupture, à savoir par la manifestation de ces conditions de vulnérabilité. Si la notion de vulnérabilité semble alors centrale lorsqu’il est question du handicap, celle-ci mérite néanmoins d’être interrogée au regard de sa réception dans les champs de pratique en design : « [les] histoires de conception racontent une histoire plus large de la façon dont la conception moderne a défini le handicap sur une plus longue période et dans des domaines variés de la vie1 ».

Pour ce faire, je propose dans un premier temps de revenir sur l’évolution des définitions du handicap et la manière dont la considération des systèmes d’oppression est venue transformer la compréhension des situations de vulnérabilité. Ce cadrage historique permettra de préciser en quoi les approches critiques et féministes des travaux contemporains par des chercheurs·euses et militants·es handicapés·es (parfois les deux à la fois) semblent opérer un déplacement en proposant non pas un nouveau modèle du handicap basé sur des principes de vulnérabilités (qu’ils soient d’ordre médical ou environnemental), mais des perspectives alternatives en termes de politique du handicap. Je poursuivrai sur la considération des conditions de vulnérabilité et sur ses enjeux vis-à-vis des pratiques en design, en abordant les limites d’un design « empathique », dont le caractère universel semble perpétuer l’idée d’une vulnérabilité hors sol et individualisée. En revanche, en soulignant la position valido-centrée d’une telle approche en design, j’aborderai la manière dont certaines pratiques de conception militantes pour le handicap déplacent l’attention sur les conditions de vulnérabilité vers les conditions d’oppression. Enfin, à la lumière des travaux présentés, je reviendrai sur la possibilité d’envisager les pratiques en design comme une praxis solidaire, afin de conscientiser les relations de pouvoir au sein mêmes des processus de conception. Cette focale me permettra de mettre en discussion la position des designers comme de potentiels·les alliés·es, et leurs possibilités d’exercer depuis l’expérience des personnes concernées, soit depuis les espaces de vulnérabilité.

1. Du pathologique au culturalisme : définir le handicap

1.1 Modèles et analyses historiques du handicap

La loi française du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit le handicap comme une « limitation d’activité ou restriction » subie par une personne au sein d’un environnement « en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques2 ». Cette définition, corollaire au discours des politiques européennes3, inscrit le handicap comme la conséquence d’une action empêchée du fait d’une incompatibilité environnementale et comportementale. En effet, ce dernier dépend des manières dont, instituées et constituantes, les normes définissent la position hiérarchique des corps (physiques et psychiques) selon leur possibilité d’interaction et de déplacement où ils évoluent4. Si ces normes incarnent une position depuis laquelle elles évaluent et différencient les corps — une position explicite au cours du XIXe siècle concernant le développement du modèle médical du handicap (rehabilitation model) par les travaux de scientifiques valides et sachants —, elles témoignent également de règles implicites qui maintiennent l’ordre social établi5. En outre, si la norme résiste peu à la valeur du jugement de ce — celles et ceux — qui l’énonce ou de la situation à partir de laquelle elle émerge6, elle souligne la manière dont l’environnement matériel et les conditions de production de ces environnements ont participé à la fabrication du handicap. Théorisée dans la seconde moitié du XXe siècle comme le modèle social du handicap (social model)7, cette considération du handicap comme le symptôme d’une action empêchée contribue à extraire le caractère pathologique du corps et le projeter sur un environnement inadapté et une société dysfonctionnelle. Dans cette même perspective, le Disability Rights Movement (le mouvement de luttes anglo-saxon pour les droits des handicapés·es) des années 1960-1970 pointent les défaillances d’un système qui précarise les personnes handicapées par un manque d’accessibilité à l’espace public et au travail, et plaident pour la reconnaissance du statut de citoyen·ne8. La mobilisation des handicapés·es durant la seconde moitié du XXe siècle en Amérique du Nord contribue à la modification de la législation états-unienne, et au développement des disability studies (études du handicap). Ainsi, la reconnaissance du handicap comme relatif à un système d’oppression empreint de barrières sociales et environnementales s’effectue sur la base des revendications de personnes concernées pour une vie digne et contribue à l’émergence du dialogue entre chercheurs·euses et militants·es (lorsqu’iels ne sont pas les deux).

Ces changements paradigmatiques quant à la considération du handicap comme une construction sociale ne manquent donc pas d’interroger ce qui, d’après la prise en compte des conditions d’observation et d’analyse, relève de la vulnérabilité. En effet, si la question de la vulnérabilité entendue comme l’exposition à de potentielles blessures9 — relatives à un diagnostic médical (modèle médical) et à un problème d’accessibilité (modèle social) — concerne le handicap, c’est non sans une certaine complexité. Il s’agit de reconnaître à la fois une situation de vulnérabilité permanente pour les personnes handicapées, tout en soutenant que ce sont ces mêmes conditions de vulnérabilité qui permettent la reconnaissance de leur identité. Autrement dit, toujours au seuil d’une humanité que le discours normatif dominant concède à leur accorder10, les personnes handicapées semblent se définir perpétuellement par la négation de leurs conditions de vie — par ce qu’elles ne sont pas — vis-à-vis des conditions de vie de personnes valides, dont l’absence présumée de vulnérabilité en fait par ailleurs des existences impensées.

Concernant les champs de la conception, le travail des designers destiné aux personnes handicapées souligne comment historiquement l’évolution de la considération de l’origine d’un problème oriente les processus de conception comme procédé de résolution et production de solution (problem-solving) telles que les emblématiques nomenclatures anthropomorphiques du designer industriel Henry Dreyfuss. De fait, de la Conception Centrée Utilisateur·rice11, au développement du free barrier design et de la conceptualisation de l’Universal Design par Ronald Mace12, à la démocratisation de l’Inclusive Design par l’entreprise Microsoft13, la prégnance de la figure du corps déviant dans le champ du design mobilise depuis longtemps les designers. Néanmoins, si le spectre des usagers·ères s’est élargi pour laisser place à la considération de corps non valides, l’approche réparatrice et l’analyse valido-centrée des usages reste prégnante et empêche l’expression de certaine manière d’être au monde.

C’est pourquoi, en basculant vers un spectre d’analyse du handicap comme condition relative aux relations de pouvoir, l’appréhension diffère de la vulnérabilité à celle de l’oppression, et influent sur l’approche des processus de conception.

1.2 Vers une justice sociale du handicap

En abordant la question du handicap par le prisme de la justice sociale en design14, l’ancrage théorique dans et par lequel j’oriente cette proposition permet de saisir l’expérience de vie des personnes handicapées par le prisme des discriminations et des systèmes d’oppressions. Cet ancrage, issu de précédents travaux de recherche15, m’a orienté vers des espaces de réflexion au sein desquels la notion de vulnérabilité se fait quasiment absente16. Pourtant, la vulnérabilité et le handicap semblent bien partager un même champ de signification, ou tout du moins, un champ de pratique propre aux métiers du soin, soit au domaine du care17. C’est pourquoi, en expliquant le glissement opérant de l’approche du handicap par la vulnérabilité à celle de l’oppression, je désire souligner en quoi cette dernière participe au renversement de la nature du problème, du prisme pathologique au prisme du validisme.

Le care, d’abord théorisé comme éthique (ethic of care) en 1982 par la psychologue et chercheuse en théorie féministe Carole Gilligan, « repose sur une compréhension grandissante de la psychologie des rapports humains 18» et celle de leur interdépendance19. Appréhendé depuis une perspective politique, le care correspond aux activités destinées au soin, au soutien et au maintien du tissu social, des activités qui conscientisent les conditions de vulnérabilités enchevêtrées des vies humaines et non humaines20. De fait, travailler sur les enjeux du design à l’égard du handicap d’après des perspectives théoriques du care apparaît comme opportun afin de « mettre en valeur les capacités et les pratiques inhabituelles liées aux “anormalités”21 » et contribuer au déploiement de pratiques situées, soucieuses du contexte depuis lequel elles s’établissent. De point de vue des pratiques en design, Royer et Pontille précisent que le care ne peut se contenter d’être présenté comme une « approche » unique : « Les relations de réciprocité entre la discipline et le concept s’ancrent dans différentes thématiques (santé, qualité de vie environnementale et sociale, écologie, etc.), renvoient à des niveaux d’analyse variés (individuels, sociaux, politiques, naturels) et à plusieurs champs disciplinaires (sociologie, anthropologie, psychologie, science médicale)22 ».

Malgré les perspectives fructueuses entre les théories du care et les études du handicap permettant d’alimenter le dialogue sur la représentation des vulnérabilités réciproques — notamment entre handicapés·es et personnels·es de soin précarisés·es23 — les théories du care sont relativement absentes des recherches contemporaines en théorie du handicap, notamment lorsqu’il s’agit de design24. Faisant des enjeux en termes de justice sociale du handicap une priorité, les études du handicap témoignent de la nécessité de (re)politiser le sujet25. En effet, les travaux académiques dans le champ du handicap en Occident ont historiquement évolué sous l’influence des Disability Rights Movement26. Ils ont contribué à la production de connaissances scientifiques, tributaires de savoirs situés27 et relatifs à l’expérience de vie handicapée vis-à-vis des systèmes d’oppression. Les travaux des chercheurs·euses en disability studies sont alors marqués par la nécessité de saisir l’expérience handicapée de façon multidimensionnelle afin de mieux saisir les raisons et conséquences de leur discrimination28. Cette nécessité, largement revendiquée par des chercheurs·euses elleux-mêmes concernés·es, permet d’élaborer de nouvelles épistémologies du handicap, critiques et féministes, à l’encontre du savoir hégémonique les concernant29.

De fait, et comme nous allons le voir, les travaux en feminist et critical disability studies à la fin du XXe siècle, s’ils ne se réfèrent pas au champ lexical de la vulnérabilité et aux théories du care, ont néanmoins emprunté aux champs des black feminist studies (les études féministes noires), au gender studies (les études sur le genre) et au queer studies, afin d’appréhender leurs conditions de subordination d’après un point de vue intersectionnel, contre le régime de l’hétéronormativité hégémonique et le validisme. Dans une perspective émancipatrice, les militants·es handicapés·es témoignent par conséquent de leur volonté de dépasser la question de vulnérabilité comme condition de subordination, à savoir celle d’une analyse pathologique de leur existence, afin de penser cette dernière par et pour elle-même, échappant au regard du valide.

1.3 Définir le problème : un système validiste

En 1989, la chercheuse en disability studies Susan Wendell, réaffirme le caractère socialement construit du handicap à partir d’une réalité biologique qui échoue néanmoins à se définir en dehors d’une réciprocité avec la figure de l’homme valide. Dans une perspective féministe, Wendell expose les limites d’une compréhension du handicap comme le revers négatif du valide — comme la femme le serait de l’homme —, une figure indéfiniment « autre », celle de la « différence 30», sans que ne soit interrogée en retour l’identité construite de la validité31. Cette façon de saisir le corps handicapé d’après des modèles de pensées au sein desquels il est initialement absent participe simultanément à son objectivation et son exclusion comme corps « sachant » :

Lorsque nous faisons des gens des « autres », nous les regroupons en tant qu’objets de notre expérience au lieu de les considérer comme des sujets d’expérience auxquels nous pourrions nous identifier. Si vous êtes « autre » pour moi, je vous vois principalement comme le symbole de quelque chose d’autre — généralement, mais pas toujours, quelque chose que je rejette et crains et que je projette sur vous. Nous pouvons tous agir de la sorte les uns envers les autres, mais très souvent, le processus n’est pas symétrique, car un groupe de personnes peut avoir plus de pouvoir pour s’autoproclamer comme étant le paradigme de l’humanité et faire en sorte que le monde réponde à leurs besoins et valide leurs propres expériences.32

Au même titre que le genre, le handicap présenté comme une identité de nature occulte les manières dont ces principes identitaires légitiment — en même temps qu’elles sont légitimées par — un système de répartition des corps selon des rapports de domination. Rompre avec la naturalisation du handicap c’est rendre explicites les limites normatives qui ont imprégné l’ensemble des organisations sociales, en fabriquant des « corps capables »33. Ces limites font alors échos aux critiques des chercheuses en critical disability studies adressées au modèle social du handicap au début des années 2000. Ces dernières pointent son incapacité à qualifier un environnement d’inadapté autrement que par une approche fonctionnelle du corps en interaction — une grille de lecture du corps prisonnière du cadre productiviste et consumériste dominant34. Si le modèle social est reconnu pour avoir contribué à l’accessibilité d’infrastructures dont les handicapés·es étaient alors privés·es, celui-ci incarne une approche capacitante prenant l’homme blanc valide comme idéal à atteindre : « le handicap est également une idéologie omniprésente, souvent non formulée, qui informe nos notions culturelles de soi et d’autrui35 ». La critique de ce modèle pointe avec quels paradoxes la question de la vulnérabilité des personnes handicapées n’a été pensée jusqu’alors et uniquement à travers un modèle libéral d’autonomie profitable au système capitaliste, lui-même porteur de principes d’exclusion des corps36.

À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, les travaux en feminist et critical disability studies concourent ainsi à la conceptualisation du validisme (ableism) comme principe structurel d’organisation, constitutif d’un système d’oppression37. La nature discriminatoire de ce système repose sur la valorisation de la productivité sociale, d’une autonomie idéale et de la « performance capitaliste38 ». Pour les chercheurs·euses et militants·es handicapés·es, sortir d’une lecture validiste des modes d’existences handicapés·es, qui passe non plus par un arrangement avec le statu quo, mais par son renversement, est primordial. Cette compréhension par et pour elles-mêmes des expériences de vie des personnes handicapées est revendiquée pour provoquer un bouleversement épistémologique dans le champ des études du handicap. En effet, si le modèle social du handicap a permis d’extraire le caractère pathologique du corps handicapé pour interroger celui de l’environnement, le validisme comme cadre d’analyse permet d’étudier les biais et les effets pathologiques du capitalisme néolibéral concernant la production des connaissances sur le handicap. À cet effet, pour l’écrivaine et militante handicapée Marta Russell et le professeur en droit canadien, Ravi Malhotra, la domination des carcans économiques capitalistes produit des richesses sur la base de l’exclusion du corps handicapé — soit du corps non productif et inefficace —, et fait du handicap un « aspect central des contradictions du capitalisme » :

Nous considérons le handicap comme une catégorie socialement créée d’après les relations de travail, un produit de la structure économique exploitante de la société capitaliste : une structure qui crée (puis opprime) le corps dit handicapé comme une des conditions qui permet à la classe qui détient le capital d’accumuler des richesses.39

La présence du corps handicapé comme corps travailleur au sein d’une société capitaliste est dès lors ambiguë, en ça qu’il rend explicite la vulnérabilité de ce système qui se maintient en même temps qu’il maintient une politique d’exclusion (fig.1).


Figure 1. Boucle de l’oppression systémique à l’égard des personnes handicapées lorsque le travail est compris comme la norme de référence dans un système capitaliste. Schématisation proposée à partir de la lecture des travaux de M. Russel et R. Malhotra. Manon Ménard (2021)

Cette théorisation du validisme, outre la possibilité d’un décentrement du regard vers une approche systémique d’un régime de vulnérabilité produite par le capitalisme, annonce de nouveaux cadres d’analyse en disability studies.

1.4 La théorie crip

Le début du XXIe siècle marque une friction épistémologique dans les études du handicap puisque les chercheurs·euses en feminist et critical disability studies viennent éclairer par leurs travaux une approche culturaliste du handicap permettant d’appréhender les défaillances systémiques et politiques des sociétés occidentales. La question de la vulnérabilité — si elle persiste quant à la considération des souffrances physiques inhérentes à certains corps négligés par le modèle social40—, est abordée pour interroger l’incapacité des structures sociales à repenser leurs systèmes d’organisation dans une perspective émancipatrice et anti-validiste. S’il ne s’agit plus de se concentrer sur l’accessibilité à un mode de vie socialement valorisé, il importe de mettre en question les fondations mêmes de ce mode de vie hégémonique dans ce qu’il a d’individuellement et de collectivement oppressif. Ainsi, le chercheur américain en queer studies et critical disability studies, Robert Mc Ruer, présente une conceptualisation culturaliste du handicap, d’après une approche intersectionnelle, anti-hétéronormative et anti-validiste, qu’il nomme crip theory :

La théorie crip comme signes culturels de modes de vie queer et handicapés émerge de la tradition des études culturelles qui interrogent l’ordre des choses, et considèrent comment et pourquoi cela est construit et naturalisé, comment cela est intriqué dans des relations économiques, sociales, et culturelles complexes, et comment cela devrait être changé.41

Afin de lutter contre tout système d’oppression qui administre les corps du centre à la marge, la reconnaissance convergente et singulière des corps défiant le statu quo42, est nécessaire : « Se reconnaître crip peut être une façon de reconnaître que nous avons tous des corps et des esprits avec des capacités changeantes, qui luttent avec les sens politiques et historiques de tels changements43». Pour la chercheuse féministe en disability studies, Alison Kafer, la crip théorie s’apparente à un « modèle politique-relationnel hybride du handicap », une grille de lecture queer et féministe des existences handicapées. Le validisme est reconnu comme un principe structurellement discriminant, et contre quoi les pratiques émancipatrices et d’entraide mutuelle se revendiquent44. La reconnaissance de subjectivités « déviantes », « anormales », par la théorie crip produit des discours de contre-culture sortant des cadres normatifs.

La performance vidéo « In My Language » (2007) de l’artiste, militante anti-validiste et autiste étasunienne Amanda Baggs est par exemple illustrative de la manière dont la culture crip échappe à la compréhension de la culture dominante. En communiquant par « son langage natif » — des « sons rythmiques 45» produits par ses interactions avec son environnement — Baggs souligne l’« asymétrie de pouvoir » entre différents modes de communication. Elle explicite comment la naturalisation de l’un a entraîné la pathologisation de l’autre : « [Baggs] n’est prise au sérieux qu’une fois qu’elle a appris le discours dominant, tandis qu’à l’inverse, l’impuissance des autres à comprendre son langage natif est considérée comme « naturelle » et non problématique46 ». L’artiste militante expose le paradoxe d’un langage qui, à partir de ses propres modalités de jugement, définit ce qui tient du vulnérable sans comprendre le langage de cette vulnérabilité. En revanche, ce dernier est capable de saisir à travers l’apprentissage du langage dit légitime, les modalités de son jugement.

En France, si le militantisme handicapé a été historiquement et médiatiquement invisibilisé47, des chercheurs·euses participent aujourd’hui à la diffusion de la théorie crip par un travail important de traductions et de publications, comme les textes pionniers de la chercheuse et psychologue Charlotte Puiseux48, ou encore ceux croisant les questions de genre et de sexualité dans le champ du handicap des chercheurs·euses et militants·es Zig Blanquer49 et Enka Blanchard50. La création en novembre 2022 d’Ostensible, un programme de recherche-création en disability et crip studies, fondé par les chercheureuses et artistes performeureuses No Anger et Lucie Camous, est également un nouvel espace de représentation et d’expérimentation dans les champs de l’art contemporain en France. Dédié à la diffusion de récits esthétiques et politiques à propos des corps handicapés, ce projet vise la lutte contre les oppressions validistes51. De fait et tout comme dans les pays anglo-saxons, ces champs d’études sont portés en France par des personnes handicapés·es, et pointent la faible présence de personnes concernées dans les études supérieures et dans la recherche, résultat d’un validisme institutionnalisé. Conséquence de quoi ce contexte contribue à l’invisibilisation académique52 et médiatique de leurs travaux53. Afin de pallier ce manque, la plateforme Crashroom est dédiée à la traduction de textes issus des disability studies et des neurodiversity studies (étude en neurodiversité) et contribue au partage en accès libre de ressources sur le handicap écrit par des personnes concernées. Elle a été conçue pour garantir l’accessibilité de la lecture sur écran54.

Compris par le prisme de la justice sociale, le handicap met ainsi en lumière la façon dont un système d’oppression validiste nie simultanément d’autres façons d’être au monde et leur propre mode de production de savoir. À cet égard, la considération de ces subjectivités en design reste un angle mort propre à l’analyse validiste des processus de conception.

2. Design et validisme : quelles corrélations ?

2.1 Biais validistes en design

Identifier la réciprocité entre la manière dont les savoirs dans le champ du handicap sont produits et la façon dont les pratiques en design ont simultanément bénéficié et participé à la production de ces savoirs, permet de reconnaître le rôle du design vis-à-vis « des rhétoriques matérielles, qui révèlent les attributions culturelles du savoir et du pouvoir 55». En effet, le validisme, en tant que systèmes d’oppression qui régulent la relation savoir-pouvoir, n’échappe pas au champ du design. Il peut se révéler lors des différents temps de la conception et être constitutif de stratégies d’exclusion mobilisées en amont.

Le validisme est également marqueur d’une rhétorique et d’un discours performatif (souvent implicite et involontaire), qui peuvent se manifester par le sens que véhiculent les productions en design, et notamment dans le champ de la publicité et du marketing. L’avocate et militante pour les droits des handicapés·es, Elisa Rojas, dénonce par exemple dans une interview pour Libération publiée en 2017, la façon dont les campagnes publicitaires de prévention pour la sécurité routière utilisent la figure de l’handicapé·e comme une figure menaçante vis-à-vis des comportements à risques. Rojas souligne comment, par la hiérarchisation des vies et l’utilisation de la peur de l’accident comme synonyme de la situation de handicap, ces campagnes participent à légitimer un discours validiste concernant les vies dignes d’être vécues : « Ils en arrivent à dire que le handicap est la pire des choses qui puisse arriver à une personne, même pire que de mourir. En tenant ce discours, ils s’adressent aux personnes valides mais à aucun moment ils ne s’adressent à celles qui sont déjà handicapées56 ».

La campagne d’octobre 2022 de la banque Crédit Agricole est un autre exemple illustratif de la manière dont le validisme imprègne les stratégies de communication dans le champ de la conception et du marketing. Visible à la station du métro de la station Jean Jaurès de la ville de Toulouse, cette campagne a fait usage d’une métaphore perpétuant le principe validiste du « quand on veut, on peut ». Avec l’inscription entre chaque espace vertical des marches de la sortie du métro : « L’optimisme ça aide aussi à monter les marches » (fig.2), les mécanismes validistes à l’œuvre sont ici multiples. D’abord, l’usage grammatical du terme « aussi » laisse sous-entendre que l’argent (objet de commerce de la banque en question), se soustrayant à l’optimisme, ne serait pas l’unique élément permettant l’ascension des marches. Il marque symboliquement une ascension d’ordre social, faisant elle-même allusion au patrimoine économique comme marqueur social déterminant dans une société capitaliste. Or, si l’optimisme devient un critère pour gravir les marches (pour la réussite socio-économique), le choix stratégique du dispositif publicitaire tend à renforcer un double angle mort à l’égard des personnes handicapées pour qui la possibilité d’ascension (physique ou symbolique) ne dépend pas d’un comportement individuel. L’inaccessibilité des infrastructures publiques est en revanche un facteur considérable de la précarisation de leur condition de vie économique, sociale, affective, politique, etc.


Figure 2. Campagne marketing du Crédit Agricole sur les marches des escaliers de la sortie de métro Jean Jaurès à Toulouse (octobre 2022)

Si les mécanismes validistes en design, conscients ou inconscients, témoignent d’une forme de fidélité aux systèmes productivistes et consuméristes, les pratiques en design à destination des handicapés·es peuvent, elles aussi, être en prise avec certains préjugés basés notamment sur des procédés empathiques.

2.2 Limite des approches empathiques

Les designers sont encouragés·es à adopter des « postures d’écoute, d’empathie, d’observation et d’analyse des situations, par l’intermédiaire de méthodes issues des SHS et/ou du codesign57 ». Néanmoins, et tout comme le soulignent Royer et Pellerin à partir des travaux de la chercheuse en science politique et théorie du care, Joan Tronto, outre le recours à une approche empathique, les designers doivent rester attentifs·ives à la figure « privilégiée » qu’iels incarnent vis-à-vis des conditions de vie qu’iels observent. À ce titre, les chercheurs·euses étudiant les relations de pouvoir présentes dans les processus de conception collaboratifs pointent les limites d’une approche basée sur l’empathie comme la fabrique d’un regard surplombant et pathologisant, particulièrement prégnant concernant le handicap :

La personne non handicapée ne dispose pas des compétences alternatives développées par les [personnes handicapées], et surestime donc la perte de fonction que présente le handicap, et est en outre susceptible de penser à des solutions normatives pour les personnes valides plutôt qu’à des solutions plus adaptées à l’expérience de vie d’une [personne handicapée].58

L’empathie est souvent présentée comme un trait de caractère fondamental chez les designers afin qu’iels puissent répondre au mieux au besoin des usagers·ères, jusqu’à en faire un des principes méthodologiques clefs du Design Thinking59. Cette attribution tend cependant à couper toute possibilité critique destinée à mettre en doute l’expertise empathique des designers comme figure d’autorité, pourtant elleux-mêmes en prise avec leur propre subjectivité et responsabilité :

Dans les processus de conception qui ont pour principe la notion d’empathie, les relations de pouvoir inégales entre le concepteur et les sujets recherchés, qui sont réifiées, sont renforcées et amplifiées dans la mesure où le concepteur définit ce qui sert ou non de solution à un problème de conception identifié par le concepteur lui-même dans une situation beaucoup plus large et complexe (d’oppression). L’empathie dans les processus de conception peut donc être associée à l’objectivation et à la déshumanisation des sujets, ayant pour seul intérêt le développement de la marchandise.60

Dans une autre mesure, les militants·es handicapés·es dénoncent la manière dont les procédés empathiques, largement destinés à sensibiliser, mettent l’accent sur l’effet émotionnel et la perte de qualité de vie que représente une pathologie, au détriment des enjeux politiques du handicap, du droit à la participation et à l’autodétermination61. En effet, lorsque le principe de « se mettre à la place de » est mobilisé comme une potentielle réponse en conception, il fait du corps handicapé un problème à résoudre (problem-solving), une perspective validiste et limitante vis-à-vis des possibilités pour ce corps d’exister par et pour lui-même. Ces considérations favorisent notamment l’appréhension du handicap comme un levier d’innovation, orientant les potentielles réponses en design vers des perspectives solutionnistes62, ou encore vers certaines formes d’instrumentalisation du handicap comme motif de divertissement. C’est notamment ce que dénonce l’écrivain·e et militant·e queer, anti-validiste et antiraciste, Harriet de Gouge, dans son article de blog à propos d’un escape game initié par des universités parisiennes pour sensibiliser « de manière fun et innovante aux handicaps63 ». L’auteur·e pointe la façon dont ces initiatives dépolitisent les problématiques liées aux handicaps et « permettent d’ignorer les vraies problématiques, plus difficiles à transformer en matériel comique64 ».

Revendiquant des alternatives crip quant à la façon de concevoir pour les personnes handicapés·es, les chercheurs·euses en disability studies soulignent pourtant la présence d’une culture crip en design : les « crip technosciences65 .

2.3 Les crip technosciences

Dans son ouvrage Building Access : Universal Design and the Politics of Disability, la chercheur·euse Aimie Hamraie revient sur la manière dont les militants·es handicapés·es ont contribué à façonner la culture crip et comment cette dernière a été invisibilisée par les approches dominantes en design. Cet effacement est particulièrement explicite selon Hamraie au regard de l’histoire des bordures de trottoir. Dans les années 1970 à Berkeley en Californie, le groupe militant handicapé des Rolling Quads a mené des actions nocturnes destinées à détruire les coupes de trottoir à l’aide de massue, pour ensuite les redessiner avec la pose d’asphalte. Hamraie nomme ces bordures les « crip curb cut ». En effet, en refaçonnant l’infrastructure urbaine par une perturbation frictionnelle, les handicapés·es manifestent avec force la présence de leur absence dans l’espace public. Par cette action, iels matérialisent leur perpétuelle négociation avec les structures de pouvoir en jeu dans l’espace public. L’origine critique de cette action a été totalement effacée de l’histoire par la manière dont la culture du design dominante est venue redessiner harmonieusement l’accessibilité des bordures de trottoirs, aux coupes et rampes lisses et inclinées. Hamraie parle alors de « métaphore libérale de la bordure de trottoir », corollaire à la rhétorique du modèle social du handicap et de son approche néolibérale de l’autonomie, conforme et se conformant au statu quo.

Les récits initiaux issus de la culture crip convoquent pourtant un paradigme différent de l’accessibilité, abordant cette dernière selon une perspective « anti-assimilationniste » par des « bidouillages technologiques » : « il ne s’agit pas d’une tentative d’intégration (comme dans l’approche libérale des droits des personnes handicapées), mais plutôt de l’utilisation de la technologie comme moyen de friction contre un environnement inaccessible66 ». Si pour Hamraie les « curb cut » libéraux incarnent une facilité d’accès à la productivité et à la consommation dans l’espace public, le « crip curb cut », en tant que matérialisation d’un choc frictionnel, explicite ce qu’iel nomme un « epistemic activism », à savoir la mise en visibilité et lisibilité d’un savoir subalterne pour lequel les personnes handicapées sont les experts·es. Ce savoir crip interroge simultanément les modes de productions de la culture dominante et ses modèles d’accès, tout en mettant en cause les cadres normatifs dominants.

À cet effet, Hamraie et l’anthropologue américaine en disability studies, Kelly Fritsh, présentent dans un manifeste en 2019 les « crip technosciences ». Il s’agit d’une approche féministe de la conception qui invite à porter un regard critique sur les enjeux d’accessibilité en design depuis une perspective anti-assimilationniste. En reconnaissant l’expertise des handicapés·es, les crip technosciences sont présentées selon 3 grands principes :

- Les crip technosciences abordent l’accessibilité en termes de friction, une relation de négociation davantage qu’une résolution de problème.

- Les crip technosciences, en luttant contre le libéralisme individualiste, font de l’interdépendance une technologie politique de solidarité.

- Les crip technosciences soutiennent les mouvements du Disability Justice, des luttes en faveur d’une justice du handicap, tenant compte des oppressions intersectionnelles.

Ainsi, en luttant contre un « libéralisme individualiste67 », les crip technosciences sont un champ de savoir et de production qui donne à voir et souligne l’expérience des personnes handicapées échappant à toute grille de lecture normative. À cet égard, la chercheuse-designer Sara Hendren et l’anthropologue Caitrin Lynch travaillent depuis 2016 sur un projet de recherche et d’archivage numérique, Engineering at home, qui présente une bibliothèque d’objets pensés et fabriqués par Cindy, une femme amputée de ses deux avant-jambes et d’une partie de ses doigts. Ces objets « inventés », incarnent selon les chercheuses une « éthique de l’ingénierie au quotidien » qui, sans négliger les apports technologiques en termes de prothèse médicale, illustrent ce que les designers et les experts en ingénierie ne peuvent donner à Cindy, à savoir « une vie sur mesure, personnalisée, adaptée à ses souhaits et aspirations »68. Si le projet ne se réclame pas des crip technosciences, il souligne pourtant la manière dont l’expérience du handicap, en tant que manière singulière d’être au monde, vient questionner la matérialité de nos conditions de vie quotidienne et les stratégies déployées pour s’y adapter.

Pour poursuivre cette réflexion concernant la corrélation entre l’évolution des études du handicap et leur impact sur les champs de la conception, je souhaite conclure sur des propositions quant à la façon pour les designers d’appréhender les enjeux de vulnérabilité par le prisme du validisme, notamment lorsqu’iels ne sont pas concernés·es par les problématiques soulevées.

3. Perspective : lutter contre le validisme en design par une praxis solidaire

3.1. — Vers une praxis solidaire

Au regard des travaux en feminist et critical disability studies, les enjeux pour les pratiques en design témoignent de la nécessité pour les designers non concernés·es d’identifier leurs propres biais validistes pour situer leur pratique à cet égard, afin d’expliciter leur processus de problématisation (problem-posing) en design. Si ce processus nécessite des designers qu’iels prennent position, il contribue à éclaircir la manière dont il est possible en et par le design d’aborder par une approche culturaliste du handicap les questions liées à l’accessibilité d’après le prisme du validisme. Néanmoins, il ne s’agit pas pour les designers valides de prétendre faire du crip69, mais en revanche de considérer ce qui peut en faire des « alliés·es70 ». À ce titre, et au regard des questions de vulnérabilité, les pratiques en design peuvent être reconnues comme des « praxis solidaires 71» qui, différemment que le suppose l’empathie, vise à rendre visible et lisible les savoir d’expérience des personnes concernées dans une perspective frictionnelle et subversive. En effet, en considérant la condition de solidarité telle que théorisée par le pédagogue et philosophe brésilien Paulo Freire, il s’agit de renverser les positions de subordination entre aidant-aidé, et de s’engager dans un processus de libération mutuelle :

Être solidaire est un peu plus que venir en aide à trente ou cent personnes, tout en les gardant captives de la même relation de dépendance. La solidarité ne consiste pas à avoir conscience d’exploiter et donc à « rationaliser » son sentiment de culpabilité d’une façon paternaliste. La solidarité, en exigeant d’une personne qu’elle « assume » la situation de celle ou celui avec qui elle se solidarise, est une attitude radicale.72

Ainsi, appréhendée depuis les travaux de Freire, la praxis solidaire en design est présentée par les chercheurs·euses-designers travaillant sur les enjeux de domination, comme une pratique émancipatrice qui se conçoit d’après la réciprocité entre personnes concernées et læ designer. Dialogique et problématisante, cette pratique place au cœur des discours la question des principes de domination et des systèmes d’oppression à l’égard de personnes marginalisées. En outre, le processus de conception est considéré comme un potentiel processus de transformation permettant d’expliciter les relations de pouvoir en cours et mettant en doute le statu quo. La posture des designers est avant tout celle d’une position d’humilité et de mise en doute :

De plus, la praxis solidaire est un processus d’auto-transformation pour les designers à travers un engagement réel avec la contradiction dialectique inscrite, par leur position dans le projet et au sein des systèmes d’oppression. Cet engagement démystifie le designer en tant que créateur et résolveur de problèmes et, en même temps, énonce la possibilité d’une conscience critique des questions structurelles qui définissent la nécessité (ou non) de générer une solution de conception.73

Considérer la praxis solidaire en design comme un « processus d’auto-transformation » témoigne des possibilités pour les designers de penser la nature et les potentialités émancipatrices de leur pratique.

C’est notamment dans cette intention que le projet « Je suis autiste et… » est né au sein d’une recherche-projet en design menée durant ma thèse de doctorat74. Ce projet, en partenariat avec La Bulle !, une l’association interuniversitaire toulousaine d’étudiants·es autistes, et porté depuis 2021 avec Charlotte Dewarumez-Minot, doctorante en histoire de l’art et militante autiste —, invite à s’interroger sur les « frictions épistémologiques  quant aux champs de savoirs sur le handicap75», et en l’occurrence sur l’autisme76. Les étudiants·es ont été invités·es à réagir graphiquement à un ensemble de phrases composées à partir d’une récolte de données issue d’un questionnaire en ligne envoyé aux universitaires Nîmois (enseignants·es, étudiants·es, personnel administratif), dans lequel leur était demandé d’indiquer 3 mots que le terme autisme leur évoque (fig.3 et fig.4).


Figure 3. Photo prise lors des rencontres avec les étudiants·es autiste de La Bulle ! en février et mars 2021. L’un des étudiants·es est en train « corriger » graphiquement les supports qui lui ont été transmis.


Figure 4. Temps d’affichage des supports graphiquement transformés lors des rencontres avec les étudiants·es autiste de La Bulle ! en février et mars 2021.

Les supports graphiques transformés (corrigés, raturés, modifiés graphiquement) par les étudiants·es autistes composent un paysage visuel qui explicite le poids et les conséquences de certaines représentations dominantes sur l’autisme vis-à-vis de l’expérience autistique elle-même (fig.5 et fig.6). Si le chemin de récolte de données est ici inversé par rapport à une démarche de « récolte de besoin » auprès des personnes concernées, et incarne une démarche « problématisante »77, c’est non pas tant pour « aider » les autistes dans une perspective réparatrice, mais pour rendre visible et lisible les problématiques d’injonction validiste et des procédés d’invisibilisation auxquels iels sont sujets78.


Figure 5. Exemple d’archivage graphique correspondant à la phrase « Je suis autiste et je suis inadapté·e » donnant à voir les réactions des étudiants·es autistes.


Figure 6. Campagne d’affichage en décembre 2022 des productions graphiques du projet Je suis autiste et… à l’université Toulouse - Jean Jaurès.

Je propose pour conclure de revenir sur la manière dont les perspectives de pratique émancipatrice en design permettent d’éclairer les potentialités d’une pratique de conception située depuis l’expérience d’une vulnérabilité marginalisée.

3.2. — Une approche anti-validiste en design depuis l’expérience marginalisée

Travailler avec des personnes marginalisées lorsque, en tant que designer, nous sommes en position de privilégiés·es, requiert une part de responsabilité qui réclame une conscientisation aux enjeux de domination au sein des processus de conception. De fait, que cette responsabilité interroge la posture du designer dans le travail du care79, l’approche de justice sociale en design80, ou la nécessité de situer historiquement et géographique le design au sein de structures socio-économiques et politiques81, elle questionne également les façons de faire projet pour et avec des personnes marginalisées. Comme j’ai pu l’aborder dans le cas de personnes handicapés·es, la manière dont l’expérience de vulnérabilité est appréhendée induit des postures en design qui peuvent diverger du principe d’empathie — comprise comme un moyen de répondre à des besoins spécifiques —, à une position de solidarité — telle une praxis solidaire comme pratique émancipatrice théorisée en pédagogie critique du design.

Dans cette perspective, je postule que les pratiques pour et avec des personnes marginalisées nécessitent d’être interrogées dans leurs dimensions normatives. En effet, de la même manière que le chercheur en art et en design, Fernando Dominguez Rubio, propose de « penser à partir des fragilités » (Thinking from fragility) pour imaginer des « alternatives » et « faire face à nos limites82 », il importe d’appréhender les pratiques de conception depuis les marges, dans une perspective transformative des relations d’oppression. Par-là, je propose de tenir compte des façons dont un projet en design est appréhendé en amont de sa mise en place, à savoir, pourquoi, comment, et depuis qui ? Ce « qui » doit être identifié à la fois d’après sa situation vis-à-vis des relations de pouvoir — et en l’occurrence une position située au regard des problématiques de vulnérabilité — mais aussi selon la nature de ses responsabilités concernant le projet. Par la modélisation de trois approches distinctes de processus de conception, je propose d’interroger la possibilité de faire du design depuis l’expérience marginalisée (fig.7 à fig.9). S’il n’est pas question de prétendre pour des designers non concernés·es de « se mettre à la place de », ou de « prendre la place de », l’enjeu est de saisir ce qui, dans une écologie de projet, émane directement ou non des personnes concernées. En plaçant la question du projet au centre, il devient possible de faire apparaître des modèles de relation interrogeant les pratiques en design pour, avec, depuis, des personnes marginalisées83 :

- La première approche de projet présente un exemple de situation de conception lorsque l’idée du projet ne provient pas des personnes marginalisées concernées par ce dernier. Elle incarne un niveau faible de prise en compte de l’expérience des personnes marginalisées, instrumentalisant leur expérience à des fins de conceptions, c’est-à-dire pour le projet. Des projets dont elles sont susceptibles de ne jamais voir les bénéfices, tel que cela peut être le cas pour des propositions « technocentrées » ou solutionnistes (fig.7).


Figure 7. Principe de relations supposées lors d’une approche de projet en design avec les personnes concernées et pour le projet en lui-même. Manon Ménard (2023)

- La seconde approche reprend la même situation de conception initiale, lorsque l’idée émane d’individus·es extérieurs·es à la problématique initiale du projet, avec une évolution dans la considération de l’expérience des personnes concernées. Elle expose la manière dont cette expérience est prise en compte dans une approche de projet en design (avec) afin de répondre à des besoins les concernant (pour). Il importe ici d’identifier explicitement les objectifs du projet en amont pour en répartir les bénéfices (fig.8).


Figure 8. Principe de relations supposées par une approche de projet en design avec et pour les personnes concernées. Manon Ménard (2023)

- Quant à la troisième, elle expose une approche de projet lorsque celle-ci est à l’initiative de personnes marginalisées. Ici, c’est la posture du designer (concerné·e ou non) qui évolue, puisqu’iel est appelé pour ses savoir-faire pour des besoins déjà identifiés par les personnes concernées. Dans ce cas, les bénéfices du projet sont étroitement liés à la relation de collaboration entre designers et personnes marginalisées. Cette approche peut être reconnue dans certains cas comme du design militant (fig.9).


Figure 9. Principe de relations supposées par une approche de projet en design depuis l’expérience des personnes marginalisées. Manon Ménard (2023)

Ainsi, ces approches relationnelles des pratiques en design vis-à-vis de personnes marginalisées invitent à questionner l’écosystème d’un projet dans son ensemble afin d’en saisir les dimensions émancipatrices concernant les relations de pouvoir en jeu.

Conclusion

En discutant de l’évolution de la compréhension du handicap, selon la considération de ses modèles (médical et social), ou à travers les études contemporaines sur les enjeux en termes de justice sociale du handicap (Disability Justice et crip theory), j’ai souhaité m’arrêter sur ses conséquences concernant les pratiques en design à l’égard des personnes handicapées. Ce cadrage m’a permis d’interroger la manière dont, d’une approche empathique, à une approche solidaire, les pratiques en design peuvent révéler des conditions d’oppression relative à une situation de vulnérabilité. En effet, la prise en compte des enjeux liés au validisme en design induit d’être attentif·ive aux relations de pouvoir au sein même du processus de conception, et ce au-delà du principe de résolution de problème (problem-solving). Il importe pour les designers de conscientiser leur position et d’interroger les dimensions émancipatrices de leur pratique, en pensant celle-ci comme une potentielle praxis solidaire, depuis l’expérience des personnes concernées par le problème posé. Ce glissement de l’empathie à la solidarité éclaire alors la manière dont, en tant que designers (notamment non concernés·es), nous devons questionner les situations de réalisation d’un projet participatif dans sa dimension collective et structurelle avant même de prétendre à la résolution d’un problème. Dépasser l’empathie comme principe et en appeler à la solidarité doit par exemple prioriser la prise en compte des modalités de rémunération des parties prenantes d’un projet (où les personnes marginalisées restent souvent monétairement lésées), ou encore les dispositions individuelles relatives à la notion de temporalité tel que le théorise le crip time84 (que des injonctions productivistes en design peuvent mettre à mal). Autrement dit, et comme le mentionne Lucie Camous à propos du principe du care dans l’art, il convient de ne pas « rajouter de la précarité supplémentaire », mais de considérer la primauté des conditions matérielles de nos pratiques : « si on parle de care, peut-être qu’on peut aussi se poser la question de la temporalité et qu’on peut créer des projets soit qui apportent des rémunérations, soit qui apportent du temps, pour peut-être ne rien faire que de juste avoir du lien, et penser, et se poser, et faire une sieste aussi85 ».

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  1. Guffey, Elizabeth, Williamson Bess, Making Disability Modern : Design Histories, Londres, Bloomsbury Publishing, 2020, p. 2. 

  2. Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. 

  3. La Convention Internationale Relative aux Droits des Personnes Handicapées des Nations Unies reconnaît que le « handicap évolue et [qu’il] résulte de l'interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres » (2008) 

  4. Foucault, Michel, Les anormaux : Cours au Collège de France (1974-1975), Paris, EHESS, Gallimard, Seuil, 1975. ; Goffman, Ervin, Les cadres de l’expérience, I. Jospeh, I., Dartevelle, M., & Joseph, P. (trad.), Paris, Éditions de Minuit, 1974. 

  5. Ibid. 

  6. Canguilhem, Georges, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 1943. 

  7. Oliver, Mike, « The social model of disability: Thirty years on », Disability & Society, n°28, 2013, p. 1024-1026. 

  8. UPIAS, Fundamental Principles of Disability, 1975. 

  9. D’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, est vulnérable ce qui « peut être blessé », « qui peut être facilement atteint, attaqué ». 

  10. Murphy, Robert F., Vivre à corps perdu : Le témoignage et le combat d’un anthropologue paralysé, Paris, Plon, 1987. ; Stiker, Henri-Jacques, Corps infirmes et sociétés, Malakoff, Dunod, 2013. 

  11. Norman, Don, The Design of Everyday Things, Cambridge, Massachusetts, MIT Press, 1988 [2013]. 

  12. Op.cit. Guffey, Elizabeth, Williamson Bess, Making Disability Modern: Design Histories; Op.cit. Hamraie, Aimi, Building Access: Universal Design and the Politics of Disability; Op.cit. Hendren, Sara, What Can a Body Do?: How We Meet the Built World 

  13. Voir : https://inclusive.microsoft.design/ 

  14. Costanza-chock, Sacha, Design Justice: Community-Led Practices to Build the Worlds We Need, Cambridge, Massachusetts, MIT Press, 2020. 

  15. Ménard, Manon, De l'inclusion à la pluralité : le design à l'épreuve de la normalité. Vers une recherche-projet située depuis l'autisme à l'université, Thèse de doctorat, Université de Nîmes, 9/06/2023. 

  16. Par exemple, au sein de mon manuscrit de thèse dont la problématique porte sur l’inclusion des étudiants·es autistes à l’université, les mots « vulnérables » et « vulnérabilité » apparaissent seulement 4 fois, et ne sont liés à la notion de handicap que pour 3 de ces 4 mentions (Ménard, 2023). 

  17. Dautrey, Jehanne, Design et pensée du care : Pour un design de microluttes et des singularités, Dijon, Les presses du réel, 2018. ; Fisher, Berenice, & Tronto, Joan C., « Toward a feminist theory of care », dans Abel, E. & Nelson, M. (sous la dir. de), Circles of Care : Work and Identity in Women’s Lives, State University of New York Press, Albany, NY, 1991. ; Fleury, Cynthia, Le soin est un humanisme, Paris, Gallimard, coll. « Tracts », 2019. ; Royer, Marine, et Pellerin, Denis, « Le design à l’épreuve de l’éthique du care : retour réflexif pour un possible renouvellement des pratiques en design », Sciences du Design, n°16, 2022, p. 120-137. 

  18. Gilligan, Carol, Une voix différente : pour une éthique du care, Kwiatek, A. & Nurock, V. (trad.), Paris, Flammarion, 2008. 

  19. L’éthique du care se fonde sur la nécessité d’interroger, dans une perspective féministe (depuis le point de vue des femmes), à partir de quels principes moraux et quel régime de rationalité s’est construite la justice états-unienne. 

  20. Op.cit. Fisher, Berenice, & Tronto, Joan C., « Toward a feminist theory of care » ; Laugier, Sandra & VallaudD-Belkacem, Najat, La société des vulnérables. Leçons féministes d’une crise, Parils, Gallimard, coll. « Tracts », 2020. 

  21. Op.cit. Dautrey, Jehanne, Design et pensée du care : Pour un design de microluttes et des singularités, p. 17. 

  22. Op.cit. Royer, Marine, et Pellerin, Denis, « Le design à l’épreuve de l’éthique du care : retour réflexif pour un possible renouvellement des pratiques en design », p. 122. 

  23. À ce propos, le débat en ligne « François Ruffin et militants anti-validistes : Droit à la vie autonome et droits des salariés à domicile : comment concilier les 2 ? » permet de saisir en quoi les handicapés·es et les travailleurs·euses du care sont exposés·es à des régimes de précarité imbriqués : www.facebook.com/ HANDISOCIAL/videos/3036672886610660/ 

  24. Op.cit. Costanza-Chock, Sacha, Design Justice : Community-Led Practices to Build the Worlds We Need ; Op. cit. Guffey, Elizabeth, Williamson Bess, Making Disability Modern : Design Histories ; Hamraie, Aimi, Building Access : Universal Design and the Politics of Disability, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017. ; Hendren, Sara, What Can a Body Do? : How We Meet the Built World, Londres, Penguin, 2020. 

  25. Baudot, Pierre-Yves, & Fillion, Emmanuelle, Le handicap, cause politique, Paris, PUF, 2021. 

  26. Albrecht, Gary L., Ravaud, Jean-François, & Stiker, Henri-Jacques, « L’émergence des disability studies : État des lieux et perspectives », Sciences Sociales et Santé, n^o^19, 2001, p. 43-73. ; Charlton, James I., Nothing About Us Without Us : Disability Oppression and Empowerment, Berkeley, University of California Press, 1998. ; Wasserman, David, & Aas, Sean, « Disability : Definitions and Models », dans ZALTA, E. N. (éd.), The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, 2022. 

  27. Haraway, Donna, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, n°14, 1988, p. 575-599. 

  28. Garland-Thomson, Rosemarie, « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory », NWSA Journal, n°14, 2002, p. 1-32. ; Campbell, Fiona Kumari, « Exploring internalized ableism using critical race theory », Disability & Society, n°23, 2008a, p. 151-162. ; Campbell, Fiona Kumari, « Refusing able (ness) : A preliminary conversation about ableism », M/C Journal, n°11, 2008b. ; Wendell, Susan, « Toward a Feminist Theory of Disability », Hypatia, n°2, 1989, p. 104-124. 

  29. Le point de vue de l’expérience du handicap ne fait par exemple pas partie de l’échantillon depuis lequel les analyses féministes et fondatrices de l’éthique du care se sont établies. Tout en reconnaissant la contribution du travail et de l’œuvre de Gilligan, la théoricienne en black feminist studies Patricia Hill Collins pointe déjà en 1990 cet angle mort depuis l’expérience de la femme noire, regrettant que la blanchité (et la validité) reste une identité impensée, éternelle figure de la « femme universelle ». 

  30. Op.cit. Campbell, Fiona Kumari, « Refusing able (ness) : A preliminary conversation about ableism » 

  31. Op.cit. Wendell, Susan, « Toward a Feminist Theory of Disability » 

  32. Ibid., p. 116 

  33. Kazi-Tani, Tiphaine, « Des corps capables », Azimuts, n°48-49, 2018, p. 64-75. 

  34. Op.cit. Campbell, Fiona Kumari, « Exploring internalized ableism using critical race theory »; Op.cit. Campbell, Fiona Kumari, « Refusing able (ness): A preliminary conversation about ableism »; Op.cit. Garland-Thomson, Rosemarie, « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory »; Op.cit. Guffey, Elizabeth, Williamson Bess, Making Disability Modern: Design Histories 

  35. Op.cit. Garland-Thomson, Rosemarie, « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory », p. 4 

  36. Op.cit. Hamraie, Aimi, Building Access: Universal Design and the Politics of Disability 

  37. Op.cit. Campbell, Fiona Kumari, « Exploring internalized ableism using critical race theory »; Op.cit. Campbell, Fiona Kumari, « Refusing able (ness): A preliminary conversation about ableism » ; Op.cit. Garland-Thomson, Rosemarie, « Integrating Disability, Transforming Feminist Theory » 

  38. Parent, Laurence, « Ableism/disablism, on dit ça comment en français ?», Canadian Journal of Disability Studies, n°2, 2017, p. 183-212. 

  39. Malhotra, Ravi & Russell, Marta, « Capitalism and the Disability Rights Movement », dans Capitalism and Disability, Chicago, Haymarket Books, 2019 [2002], p. 1-10. 

  40. Kafer, Alison, « Introduction : Les futurs imaginés », dans Puiseux, Charlotte (trad.), Feminist, Queer, Crip, 2013. https://charlottepuiseux.weebly.com/introduction-de-feminist-queer-crip-a-kafer.html ; Op.cit.Oliver, Mike, « The social model of disability: Thirty years on » 

  41. Mc Ruer, Robert, « La théorie crip, signes culturels du queer et du handicap », dans Puiseux, Charlotte (trad.), Theory : Cultural Signs of Queerness and Disability, 2006. https://charlottepuiseux.weebly.com/traduction-de-lintroduction-de-crip-theory--cultural-signs-of-queerness-and-disability-robert-mcruer.html 

  42. Aulombard-Arnaud, Noémie, & Puiseux, Charlotte, « Handicap et validité, entre binarisme et continuum. Les apports des théories Crip », https://charlottepuiseux.weebly.com/handicap-et-validiteacute-entre-binarisme-et-continuum-les-apports-des-theacuteories-crip.html, 2019. 

  43. Op.cit. Kafer, Alison, « Introduction : Les futurs imaginés » 

  44. Ibid. ; Hamraie, Aimi, « Making Access Critical : Disability, Race, and Gender », Environmental Design, 2019. https://belonging.berkeley.edu/aimi-hamraie-making-access-critical-disability-race-and-gender-environmental-design 

  45. Lorenz, Renate, Art queer : Une théorie freak, Paris, B42, 2018, p. 52. 

  46. Ibid., p.53 

  47. Concernant les mouvements de luttes pour les droits des handicapés en France, notamment par la création du Comité de Lutte des Handicapés en 1973, et la création du journal « Handicapés Méchants », voir la série de podcasts de Clémence Allezard « Handicap : la hiérarchie des vies » sur France Culture (2022) : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-handicap-la-hierarchie-des-vies?at\_medium=Adwords&at\_campaign=france\_culture\_search\_thematiques&gad\_source=1&gclid=CjwKCAiAi6uvBhADEiwAWiyRdovfK6USSrv1MVv11iF4abTcfSSLN768EYxXgEPKs\_Kc57bTYjSugBoCRd0QAvD\_BwE 

  48. Puiseux, Charlotte, De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste, Paris, La Découverte ; voir aussi le site Web de Charlotte Puiseux : https://charlottepuiseux.weebly.com/ 

  49. Blanquer, Zig, & Dufour, Pierre, « Les noces du courage et du handicap », Sens-Dessous, n^o^8, 2011, p. 32-38. 

  50. Blanchard, Enka, « Cripping Assistive Tech Design : How the Current Disability Framework Limits Our Ability to Create Emancipatory Technology », dans Borangiu, T., Trentesaux, D., Leitão, P., Cardin, O., & Joblot, L. (éds.), Service Oriented, Holonic and Multi-agent Manufacturing Systems for Industry of the Future, 2022a, p. 377-388. ; Blanchard, Enka, « Un corps public : Du handicap en société », Séminaire psychopolitique, Université Polytechnique - Chaire Intelligence spatiale, 2022b, https://www.youtube.com/watch?v=MiMaQ4zdwxM 

  51. Voir : https://linktr.ee/ostensible\_collectif ; No Anger, « L’invisibilisation des artistes handicapé·e·s », Multitudes, n°94, 2024, p. 86-89. ; voir aussi le site Web de No Anger : https://amongestedefendant.wordpress.com 

  52. Les choses tendent à évoluer, comme en témoigne le dossier majeur intitulé « Justice handie pour des futurs dévalidés » du numéro 94 de la revue Multitudes sorti en printemps 2024. Ce dernier présente un important ensemble de textes et de traductions directement issues des savoirs situées de chercheurs·euses et militants·es queer et handicapés·es. 

  53. Concernant le domaine du militantisme, un travail important est mené pour les luttes anti-validiste par des organisations et collectifs handie-féministes comme celui des Dévalideuses, du CLHEE, ou encore le webzine féministes Les Ourses à plumes. Voir respectivement : https://lesdevalideuses.org/ ; https://clhee.org/ ; https://lesoursesaplumes.info/ 

  54. Crashroom est un projet du chercheur en histoire de l’art et en philosophie Etienne Chosson, et du curateur d’art Lari Medawar. Voir le site Web : https://crashroom.ooo 

  55. Op.cit. Hamraie, Aimi, Building Access: Universal Design and the Politics of Disability, p. 1. 

  56. Propos d’Elisa Rojas dans Maudet, Elsa, « Handicap, Ces militants qui cassent les codes », Libération, 2017. https://www.liberation.fr/apps/2017/03/handicap-ces-militants-qui-cassent-les-codes 

  57. Op.cit. Royer, Marine, et Pellerin, Denis, « Le design à l’épreuve de l’éthique du care : retour réflexif pour un possible renouvellement des pratiques en design » 

  58. D. E. Wittkower dans Op.cit. Costanza-chock, Sacha, Design Justice : Community-Led Practices to Build the Worlds We Need, p. 83 

  59. Brown, Tim, L’esprit design : Le design thinking change l’entreprise et la stratégie, Londres, Pearson, 2009. 

  60. Serpa, Bibiana Oliveira, & Batista e Silva, Sâmia, « Solidarity as a principle for antisystemic design processes: two cases of alliance with social struggles in Brazil », dans
    Leitão, R.M., Men, I., Noel, L-A., Lima, J., Meninato, T. (eds), Pivot 2021: Dismantling/Reassembling, Toronto, Canada, 22-23 July, 2021, p. 51. 

  61. Allezard, Clémence, « Handicap : La Hiérarchie des vies », Podcast LSD, France culture, 2022, épisode 1-4. ; Op.cit Costanza-Chock, Sacha, Design Justice : Community-Led Practices to Build the Worlds We Need ; de Gouge, Harriet, Pour un validisme « fun et innovant », https://www.harrietdegouge.fr/post/687868740008869888/pour-un-validisme-fun-et-innovant, 2022 

  62. Le solutionnisme est selon le chercheur biélorusse Evgeny Morozov, une idéologie qui considère les technologies comme des opportunités de réponses systématiques à l’ensemble des problèmes sociaux et environnementaux, tout en favorisant et légitimant une quête sans fin d’amélioration des conditions de vie humaines par ces procédés techniques. Dominguez Rubio, Fernando, « Thinking from fragility », Diseña, n°23, 2023 ; Op.cit. Manon Ménard, De l'inclusion à la pluralité: le design à l'épreuve de la normalité. Vers une recherche-projet située depuis l'autisme à l'université ; Morozov, Evgeny, Pour tout résoudre, cliquez ici : L’aberration du solutionnisme technologique, Limoges, FYP, 2014. 

  63. Op.cit. de Gouge, Harriet, Pour un validisme « fun et innovant » ; voir le site Web de Harriet de Gouge : https://www.harrietdegouge.fr/ 

  64. Ibid. 

  65. Op.cit Hamraie, Aimi, Building Access : Universal Design and the Politics of Disability ; Op.cit. Hamraie, Aimi, « Making Access Critical : Disability, Race, and Gender » ; Hamraie, Aimi, & Fritsch, Kelly, « Crip technoscience manifesto », Catalyst: Feminism, Theory, Technoscience, n°5, 2019, p. 1-34. 

  66. Op.cit. Hamraie, Aimi, & Fritsch, Kelly, « Crip technoscience manifesto », p. 11 

  67. Op.cit Hamraie, Aimi, Building Access: Universal Design and the Politics of Disability 

  68. Voir : http://engineeringathome.org/ 

  69. Ces considérations concernant le crip rejoignent ce que le chercheur en design Saul Pandelakis indique à propos du queer : « Il faut qu’on arrive à prendre le queer non pas comme une boîte à esthétique ou une boîte à forme […], mais rentrer dans une problématisation des rapports d’oppression, des rapports de pouvoir, et inventer des espaces où l’on puisse retrouver de la capacité d’agir. » (Choquer et Pandelakis, 2022 : 00:46:45). 

  70. L’utilisation du terme « alliés·es » fait ici référence au nom donné aux personnes militant pour une cause dont elles ne sont pas directement concernées. 

  71. Freire, Paulo, Pédagogie des opprimés, Marseille, Agone, 1968. ; Freire, Paulo, Pédagogie de l’autonomie, Marseille, Toulouse, ERES, 1996. ; Op.cit. Serpa, Bibiana Oliveira, & Batista e Silva, Sâmia, « Solidarity as a principle for antisystemic design processes: two cases of alliance with social struggles in Brazil » 

  72. Op.cit. Freire, Paulo, Pédagogie des opprimés, p. 23 

  73. Op.cit. Serpa, Bibiana Oliveira, & Batista e Silva, Sâmia, « Solidarity as a principle for antisystemic design processes: two cases of alliance with social struggles in Brazil », p. 52 

  74. Op.cit Manon Ménard, De l'inclusion à la pluralité: le design à l'épreuve de la normalité. Vers une recherche-projet située depuis l'autisme à l'université

  75. Op.cit. Charlton, James I., Nothing About Us Without Us : Disability Oppression and Empowerment 

  76. Les classifications nosographiques en vigueur (DSM-5 et CIM-11) présentent les troubles du spectre de l’autisme (TSA) comme des troubles de la communication et des interactions sociales, des comportements stéréotypés et des intérêts dits « restreints », avec ou sans déficience intellectuelle. L’autisme est considéré en France comme un handicap depuis la loi Jean-François Chossy du 11 décembre 1996. 

  77. Op.cit. Freire, Paulo, Pédagogie des opprimés ; Op.cit. Freire, Paulo, Pédagogie de l’autonomie ; Op.cit. Serpa, Bibiana Oliveira, & Batista e Silva, Sâmia, « Solidarity as a principle for antisystemic design processes: two cases of alliance with social struggles in Brazil » Serpa, Bibiana Oliveira, van Amstel, Frederick M.C., Mazzarotto, Marco, CARVALHO, Ricardo Artur, Gonzatto, Rodrigo Freese, Batista e Silva, Sâmia & de Silva Menezes, Yasmin, « Weaving design as a practice of freedom : Critical pedagogy in an insurgent network », DRS Biennial Conference Series, 2022, p. 1-14. ; 

  78. Voir : wwww.jesuisautisteet.com 

  79. Op.cit. Royer, Marine, et Pellerin, Denis, « Le design à l’épreuve de l’éthique du care : retour réflexif pour un possible renouvellement des pratiques en design » 

  80. Op.cit. Costanza-Chock, Sacha, Design Justice: Community-Led Practices to Build the Worlds We Need 

  81. Cozzolino, Francesca, Quinz, Emmanuel, & Szaniecki, Barbara, « Design is the answer, but what was the question? Approches politiques et écologiques du design », Multitudes, n°89, 2022, p. 168-170. ; Masure, Anthony, « Du design « responsable » à la prudence dans le faire », Multitudes, n°89, 2022, p. 181-186. 

  82. Op.cit. Dominguez Rubio, Fernando, « Thinking from fragility », p. 7. 

  83. Ces propositions de modélisation empruntent également aux outils analytiques du réseau Design Justice (https://designjustice.org/), lorsqu’il propose d’étudier les processus de conception en design à l’intersection de 3 questions : Quelles sont les parties prenantes du projet, et à quel stade du projet ont-elles respectivement participé à son élaboration ? Qui est lésé(s) par ledit projet ? À qui et pour qui vont les bénéfices du projet, tous types de bénéfices confondus (d’usage, économique, médiatique, politique, etc.) ? 

  84. Le crip time est relatif à la temporalité du handicap, une manière flexible et non normative d’appréhender le temps qui bouscule les impératifs du temps capitaliste, efficace et productif. Voir à ce propos la traduction sur le site Web des Dévalideuses du texte publié en 2017 de l’auteure en disability studies Ellen Samuels, « Six Ways of Looking at Crip Time » : http://lesdevalideuses.org/6faconsdevoirlecriptime/ 

  85. Bardin, Camille, « Membres empêchés et corps déployés », Podcast Fréquence Émergence, Artagon, 2024, épisode 2.