Éditorial n°2
Catherine Chomarat-Ruiz

1. Pendant le confinement

Il est inévitable que Design, Arts, Médias apparaisse comme une revue née pendant le confinement. Parue pour la première fois fin 2020, alors que bon nombre de nos enseignements se tenaient désormais à distance, les comptes rendus et critiques parus à mi-chemin entre le premier dossier thématique et celui-ci demeurent marqués par les expositions dont on parle sans avoir pu les voir – je pense à Rem Koolhaas – faisant ainsi la part belle aux livres qu’on pouvait heureusement lire…
En ce début d’été de 2021, notre revue offre à la lecture un dossier dont le thème ne peut qu’entrer en résonance avec cette actualité, puisqu’il s’agit d’interroger les liens que design et industrie entretiennent à l’ère de l’anthropocène. Sans dévoiler le dossier que Gwenaëlle Bertrand et Maxime Favart ont dirigé, il est évident, à mentionner cette époque géologique où les êtres humains deviennent force principale de changement, que les articles sélectionnés éclairent à leur façon la période sanitaire, née des bouleversements que connaît notre planète. Les notions d’anormalité, de care, de vulnérabilité, d’utilité, du sens de la vie, y sont analysées, l’hypothèse d’une industrie « ouverte », ou celle d’un design situé y sont évaluées… Et ce ne sont-là que quelques exemples.

2. Dans l’élan du dé-confinement

Il ne faudrait cependant pas en conclure que, né pendant le confinement, Design, Arts, Médias demeure prisonnière de cette période. Ce dossier thématique était prévu bien avant que le Covid 19 ne vienne bousculer nos vies, il interroge ce lien design/industrie sans fatalisme aucun et, en cela, il dépasse ce confinement.
De même, la critique de l’exposition Pro_création se demande ce que le numérique peut bien apporter aux expositions, et la conclusion vaut que ces événements se tiennent en temps de crise ou pas.
Quant à la vingtaine de conférences qui ont été transcrites pour la rubrique « Paroles d’auteurs », elles témoignent, certes, de l’angoisse de voir disparaître le lien professeurs/étudiants, pour ne pas dire d’une forme de savoir. Mais, dans le même temps, ces textes et ces fichiers sons ne traduisent-ils pas la vivacité du savoir et des savoir-faire en design, vitalité que la crise sanitaire n’a pas réussi à mettre à mal?
S’il fallait avancer un autre argument, je pourrais citer les deux entretiens qui, parus dans « Paroles d’auteurs », poursuivent le travail d’investigation de la Biennale internationale du design à Saint-Étienne : la continuité de ce travail suggère, lui aussi, le caractère non-confiné de notre revue.

3. Par-delà le confinement et le dé-confinement

Par-delà la factualité de l’événement sanitaire, les articles, entretiens, critiques composant cette seconde édition de Design, Arts, Médias ont sans doute valeur d’archives. S’ils disent explicitement quelque chose de cette crise, ils recèlent vraisemblablement un sens moins immédiat qui, pour l’heure, nous échappe et ne pourra être mis au jour que dans un regard rétrospectif.
Ce regard est celui du lecteur, sans doute, mais il est en premier lieu celui des étudiantes et des étudiants qui, empêchés, vivant parfois dans des conditions difficiles, voire indignes, n’en constituent pas moins les forces vives de ce numéro. Si de jeunes chercheurs ont publié aux côtés de leurs aînés dans le « Dossier thématique », ils ont aussi nourri les rubriques « Paroles d‘auteurs » et « Critiques ». Nul doute que, en revenant sur le fruit de leurs efforts et, pour certains d’entre eux, de leur première publication, ils auront des choses à dire, à nous dire.
Et il nous incombera alors de savoir, avec humilité, les écouter.