Entretien avec Élodie Elsenberger
Klara Kuchcakova

L’entretien qui suit a été réalisé de vive voix. Élodie Elsenberger est artiste plasticienne et designer dont la pratique est souvent collective.

1. Formation et situation professionnelle

Klara Kuchcakova1 : Bonjour, Elodie Elsenberger. Je vous remercie de m’accorder de votre temps pour réaliser notre enquête sur le design et ses pratiques. Notre entretien, qui va porter sur le design et les communs, comporte quatre volets. Pourriez-vous tout d’abord nous dire quelques mots sur votre formation et le type de structure (université, école, entreprise…) dans laquelle vous travaillez actuellement?

E.E : Alors, moi j’ai fait une formation dans une école d’art et design, donc un diplôme d’arts plastiques avec une option en design d’objet et design d’espace. Je me suis installée en indépendante et donc j’ai commencé à mener des projets plutôt de manière collective au sein de Matières Expériences : donc on était à deux et on a plutôt travaillé sur la lumière comme expérience à faire, à rendre accessible pour le plus grand nombre, notamment avec le dispositif Création en Cours qui nous a pas mal soutenu.

J’ai aussi travaillé pour des compagnies, de la scénographie et aujourd’hui je suis toujours indépendante mais avec ma pratique à moi, où je travaille la céramique et les matières minérales, que j’essaye de faire parler, de rendre souple, de fondre je dirais même. Et je travaille aussi au sein d’un collectif qui s’appelle le Collectif J’aimerais qui est un collectif pluridisciplinaire qui rejoint art, design, architecture, où on s’est nommés « explorateurs d’espaces ». Et l’idée est d’aller questionner nos pratiques d’indépendants, de travailler de manière collective pour aller s’intéresser à l’espace public, à l’espace en général et repenser nos méthodes de travail à la fois entre nous mais aussi avec les commanditaires et les habitants aussi souvent et/ou les usagers.

2. Rencontre avec les communs

K.K : Notre présente enquête porte sur les communs et le design. Pour le design, les communs semblent surtout impliquer le partage de connaissances informatiques ou numériques — dans le cas de l’open design — et le partage de connaissances pratiques — dans le cas du design écosocial, par exemple. À quelle occasion vous êtes-vous intéressée à cette question des communs ? De quel type de commun s’agissait-il ?

E.E : A plusieurs endroits, moi, quand je génère, que je fais de la recherche d’émail par exemple, souvent les recettes sont quelque chose de très gardé par les céramistes parce que ça prend du temps et c’est compliqué à mettre en œuvre. Et je me suis dit que je trouvais ça bien dommage parce que ça faisait pas beaucoup avancer les gens : donc mettre en commun, ça, je trouve ça hyper important. Donc j’essaye au maximum d'être ouverte, en tout cas sur ce que je fais et de le rendre accessible, si on me le demande en tout cas. C’est ça qui nous fait avancer le plus clairement : plus on partage, donc ça pose parfois des questions de droits d'auteur et d’exploitation de ce qu’on fait, mais je pense qu’on peut arriver, pas à se partager, mais travailler en intelligence collective.

C’est vrai que par rapport à l’espace public, il y a ce truc de comment les décisionnaires ne sont pas que les commanditaires et les personnes qui gèrent la ville, et que les habitants ont leur mot à dire et ont leur place dans la réflexion : mais réellement, pas que dans des concertations bidon comme ça peut exister beaucoup, et c’est pas toujours simple de le mettre en œuvre parce que parfois les temporalités de projet font qu’il n’y a plus de place pour ça, mais oui, d’arriver à l’inclure clairement. J’ai l’impression que nous, en tout cas, c’est important et même nécessaire dans notre pratique. Moins de verticalité et plus d’horizontalité clairement c’est ce qu’on essaye de faire.

3. Origine des communs

K.K : L’élaboration d’un commun implique toujours un collectif et un partage de compétences et de savoir-faire, d’où notre idée que, à l’origine des communs, il y a un besoin insatisfait, voire une souffrance. Qu’est-ce qui, à votre avis, préside à l’avènement de communs en design ?

E.E : Pour moi il y a un truc sociétal, on a été dans une ère vraiment très très individualiste pendant longtemps, où chacun pour soi…bon, c’est un peu caricatural mais qu’il y a des switchs qui se font. Je le vois comme un truc lié peut-être à l’écologie, comme quoi il y a une course effrénée à la matière pour satisfaire des besoins souvent individuels sauf, qu’en réalité, ça nous impacte tous donc ça remet le fait qu’on est tous reliés dans cette affaire : donc ça nous oblige à nous questionner de manière collective et avancer ensemble. Pour moi, un changement de notre manière de nous voir sur notre planète nous oblige à nous voir de manière collective et à remettre du commun parce que, pour moi, c’est ça la base en fait.

4. Commun et tiers-lieu de recherche

K.K : Les précédentes décennies ont vu fleurir des hackerspaces, puis des mackerspaces — sous forme de FabLabs, par exemple. Dans le cadre de notre enquête, imaginons un commun qui réunirait designers, chercheurs et usagers au sein d’un tiers-lieu dédié à la recherche pratique et théorique en design. S’il existait, participeriez-vous à ce type de commun ?

E.E : Ah oui, j’ai l'impression moi que c’est le genre d'endroit que j’essaye de créer et dans lequel j’essaye de m’inscrire donc clairement. Après plus il y a de points de vue, de positionnements différents plus on est riches au final dans les propositions.

5. Conclusion

Y a-t-il un point sur lequel vous souhaitez revenir ? Un autre que vous souhaitez aborder ?

E.E : Non


  1. Klara Kuchcakova est étudiante en Master 2 « Design, Arts, Médias », à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, promotion 2024-2025.