Entretien avec Damien Grava
Camille Blouin

L’entretien s’est déroulé de vive voix le 25 février 2025. Damien Grava est architecte et cofondateur de l’association « les Saprophytes » qui, née en 2007, est devenue une SCOP en 2017. Cette SCOP a pour vocation de rendre la ville plus solidaire, humaine et créative.

1. Formation et situation professionnelle

Camille Blouin1 : Bonjour Damien [Grava]. Je vous remercie de m’accorder de votre temps pour réaliser notre enquête sur le design et ses pratiques. Notre entretien, qui va porter sur le design et les communs, comporte quatre volets. Donc le premier volet c’est par rapport à la formation et la situation professionnelle.

Pourriez-vous tout d’abord nous dire quelques mots sur votre formation et le type de structure, université, école, entreprise, etc., dans laquelle vous travaillez actuellement ?

Damien Grava : Et bien je suis Damien Grava, je suis architecte diplômé de l’école d’architecture de Paris la Villette en 2007, et j’ai cofondé avec cinq autres personnes l’association qui s’est transformée en coopérative « les Saprophytes ». En 2007 je suis en post-diplôme et on a d’abord créé une association qui s’est ensuite transformée en coopérative en 2017, donc dix ans plus tard, pour pouvoir répondre à des marchés de maîtrise d’œuvre, ce que le statut associatif ne nous permettait pas.

C.B : D’accord.

D.G : Voilà.

2. Rencontre avec les communs

C.B : Super. Notre présente enquête porte sur les communs et le design. Pour le design, les communs semblent surtout impliquer le partage de connaissances informatiques ou numériques dans le cas de l’open design, et le partage de connaissances pratiques dans le cas du design écosocial par exemple. À quelle occasion vous êtes-vous intéressé à cette question des communs ? De quel type de commun s’agissait-il ?

D.G : Euh, moi je crois qu’on fait des communs depuis le début de notre activité, même si le terme était pas encore trop à la mode à l’époque, enfin trop peu cité au moins quoi. En fait, on fait de par, déjà, notre pratique d’architectes, de paysagistes d’urbanistes, et aussi designers… En fait les espaces qu’on aménage sont plutôt à destination du plus grand nombre, enfin, en tous cas pour les usagers. En fait cette question-là de l’usager, elle est au cœur de notre pratique et notamment comment est-ce qu’on donne plus de pouvoir à la parole des usagers. À l’époque y’avait pas cette notion de « maître d’ouvrage » qui est assez répandue maintenant, et en fait, bah, pour moi, mettre l’usager au cœur des décisions, et aussi après de la gestion des espaces, pour moi, c’est vraiment ce qui fonde un commun. Et donc, du coup, on a tout le temps, dès le premier projet, enfin dès notre création, c’est ce qu’on a voulu faire en fait. Voilà.

C.B : Ok.

3. Origine des communs

C.B : L’élaboration d’un commun implique toujours un collectif et un partage de compétences et de savoir-faire, d’où notre idée que à l’origine des communs, il y a un besoin insatisfait, voire une souffrance. Qu’est-ce qui, à votre avis, préside à l’avènement de communs en design ?

D.G : Euh, qu’est-ce qui préside, bah, une volonté locale, de vouloir un commun. Alors, après, moi je parle de mon statut d’aménageur, d’architecte, de paysagiste, qui fabrique des espaces, donc je suis pas dans le design d’objet donc du coup. C’est tout le temps des choses très localisées et, du coup, qui répondent à un besoin local d’une population locale et, en fait, ce qui préside c’est ça, c’est le besoin de cet espace-là. Pour nous, on considère que ce besoin est le…c’est pas l’envie d’un air, hein, qui peut fabriquer ce lieu, c’est le besoin d’usagers qui ont besoin d’avoir cet espace là et donc du coup de ce besoin se fabrique le commun.

4. Commun et tiers-lieu de recherche

C.B : Les précédentes décennies ont vu fleurir des hackerspaces, puis des mackerspaces sous forme de FabLabs, par exemple. Dans le cadre de notre enquête, imaginons un commun qui réunirait designers, chercheurs et usagers au sein d’un tiers-lieu dédié à la recherche pratique et théorique en design. S’il existait, participeriez-vous à ce type de commun ?

D.G : Bah oui, et on est à l'origine d’un qui, même si il n’était pas aussi poussé tel que vous le présentez là, on est à l’origine d’un, de la création d’un espace comme ça à Condition publique, donc à Roubaix, qui s’appelle la « Fabrique d’architecture bricolé Fab », et qui est un lieu de bricolage partagé qui mélange et des amateurs, et des artistes et des artisants, et qui est utilisé de temps en temps par des écoles, notamment d’archi, pour pouvoir avoir un espace de création ou d’expérimentation, notamment autour de la terre crue. Et donc c’est un lieu qu’on a monté de rien, aujourd’hui on s’en occupe plus. On y est de temps en temps pour l’utiliser, mais on est plus porteurs du projet : c’est la Condition publique qui s’en occupe, qui est un espace culturel à Roubaix. Et voilà.

C.B : Ok.

D.G : Oui, et on l’utilisait, on l’utilise comme espace de création et de construction, aussi comme espace de formation.

C.B : C’est vous qui donnez les formations là-bas ?

D.G : Oui

5. Conclusion

C.B : Est-ce qu’il y a un point sur lequel vous souhaitez revenir ou autre chose que vous souhaitez aborder ?

D.G : Bah, sur les communs j’imagine ?

C.B : Oui [rire]

D.G : [rire], bah, pour moi les communs c’est un vrai acte politique, qui remet en question la notion de propriété privée et je pense que c’est vraiment très important de toujours l’avoir en tête pour éviter que ça ne devienne qu’un mot valise comme un autre et que ça tombe dans les oubliettes des mots, des mots récupérés par les politiques et autres, et entreprises, et du coup pour éviter de le vider de son sens c’est vraiment important de prendre conscience que ça peut vraiment remettre en cause la question de la propriété privée. Pas forcément individuelle mais collective et pour ça c’est fondamental, et fondateur. Voilà.

C.B : Oui j’imagine bien, bah, merci pour le temps que vous m’avez accordé !

D.G : Avec plaisir !


  1. Camille Blouin est étudiante en Master 2 « Design, Arts, Médias », à Paris 1 Panthéon-Sorbonne », promotion 2024-2025.