L’entretien qui suit a été réalisé par écrit le 9 avril 2025. Chloé Desmoineaux est une artiste numérique française, vivant à Marseille, dont le travail explore les intersections entre art, technologie et féminisme. Inspirée par les médias tactiques, le cyberféminisme et la fiction spéculative, iel crée des installations interactives et détourne des jeux vidéo pour questionner les notions de genre, d’identité et les relations inter-espèces. Depuis 2016, son travail intègre une dimension curatoriale visant à donner de la visibilité aux créateur·ices des communautés expérimentales et queer du jeu vidéo. Iel a co-organisé les événements Art Games Demos aux côtés d’Isabelle Arvers jusqu’en 2023, et a co-curaté l’exposition S’il vous play pour l’Institut Français en 2018. En 2021, iel a fondé le hacklab transféministe FluidSpace, un espace de rencontre hebdomadaire dédié à l’expérimentation technologique à travers un prisme féministe.
1. Formation et situation professionnelle
Brice Barthez1 : Pourriez-vous tout d’abord nous dire quelques mots sur votre formation et le type de structure (université, école, entreprise…) dans laquelle vous travaillez actuellement ?
Chloé Desmoineaux : J'ai une formation artistique à l'école nationale supérieure d'art de Bourges (DNAP) et l'école d'art d'Aix en Provence (DNSEP). Je travaille actuellement comme artiste numérique dans le domaine du jeu vidéo expérimental (avec diverses institutions, école d'art, de design, espace culturels, institut français, musés, salons et festivals de jeux vidéo, médiathèque...)
2. Rencontre avec les communs
B.B : Notre présente enquête porte sur les communs et le design. Pour le design, les communs semblent surtout impliquer le partage de connaissances informatiques ou numériques — dans le cas de l’open design — et le partage de connaissances pratiques — dans le cas du design écosocial, par exemple.
À quelle occasion vous êtes-vous intéressé.e à cette question des communs ? De quel type de commun s’agissait-il ?
C.D : A l'école d'art d'aix en provence, j'ai participé à un projet de création de fête foraine numérique. Un concept d'antonin fourneau, qui mélangeait à la fois l'esprit fablab, l'éthique hacker, la zone d'autonomie temporaire d'Hakim bey.
Le BookEniarof : Livre de cuisine pour fabriquer des installations, compile nombreuses astuces pour reproduire des oeuvres créés dans ce contexte.
Dans le cadre de rencontre entre hackerspace, j'ai découvert l'éthique du logiciel libre, pour faciliter échange des savoirs, gratuité pour faciliter l'accès et la transmission.
3. Origine des communs
B.B : L’élaboration d’un commun implique toujours un collectif et un partage de compétences et de savoir-faire, d’où notre idée que, à l’origine des communs, il y a un besoin insatisfait, voire une souffrance. Qu’est-ce qui, à votre avis, préside à l’avènement de communs en design ?
C.D : Je dirais que l’avènement des communs en design naît de la nécessité de résister et s'émanciper aux/des structures dominantes et d’ouvrir des espaces de création autonomes, inclusifs et expérimentaux. L'open design permet le partage des savoirs plutôt que de capitaliser dessus, en expérimentant collectivement plutôt qu’en suivant des standards productivistes, et en remettant en question la propriété des outils et des créations, il ouvre des perspectives vers des formes de production et de création qui ne sont plus dictées par le profit, mais par la nécessité, la solidarité et la subversion. Le désir de partager ses savoirs situées et locaux, dans des perspectives féministe, la remise en question des modes de transmissions et lieux d'apprentissages, notamment dans des contextes majoritairement d'apprentissage de savoir technique, peut justifier un besoin du communs en design.
4. Commun et tiers-lieu de recherche
B.B : Les précédentes décennies ont vu fleurir des hackerspaces, puis des mackerspaces — sous forme de FabLabs, par exemple. Dans le cadre de notre enquête, imaginons un commun qui réunirait designers, chercheurs et usagers au sein d’un tiers-lieu dédié à la recherche pratique et théorique en design. S’il existait, participeriez-vous à ce type de commun ?
C.D : Oui je suis déjà à l'origine d'un espace de création et expérimentation numérique et technique de ce genre. Le Fluidspace à Marseille, lui-même à l'intérieur d'un atelier collectif dont la dynamique est similaire. Ce qui motive cet espace, c'est l'émancipation technique féministe, la création en collectif, l'accessibilité par la mise en commun d'outil, l'auto-formation à partir de base féministe et d'éducation populaire.
5. Conclusion
B.B : Y a-t-il un point sur lequel vous souhaitez revenir ? Un autre que vous souhaitez aborder ?
C.D : Merci pour ton intérêt et bonne recherche !
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Brice Barthez, étudiant en Master 2 Design, Arts, Médias, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2024-2025. ↩