Entretien avec Mehdi Medjber alias Actylo
Lina Amalou

Lina Amalou1 : Bonjour Mehdi, je me permets de te tutoyer, comme tu me l'as demandé avant le début de l'interview. Tout d'abord, merci, c'est gentil de ta part de m'accorder du temps dans le cadre de notre enquête sur le design et de ses pratiques. Tu es un jeune designer et graphiste de 22 ans, tu commences à te faire une place dans l'univers des jeux vidéo. Peux-tu me parler de la formation en design que tu as reçue ?

Mehdi Medjber : C'est normal, je suis content d'être là. Merci de m'avoir proposé. Je n'ai pas suivi une formation spécifique à ça. Dès que je suis sorti du lycée après mon bac S spécialité mathématiques classiques, j’ai fait une année qui avait pour nom « Manaa », il s’agit de la mise à niveau des arts appliqués. Pendant une année, on te remet à niveau sur plein de domaines artistiques, que cela soit la mode, le paysagisme, ou autres, sans diplôme ou examen à la fin. En sortant de ça, j'ai effectué un « DUT MMI », Métiers des Multimédias et de l’Internet et je n’ai pas vraiment aimé puisqu'il y avait tout un côté réseau, programmation, que j'aimais un peu moins. Ensuite, j'ai décidé d'arrêter l'école et de commencer à travailler. En d'autres mots, je n'ai pas vraiment suivi de formation spécifique pour être designer dans le graphisme ou autre, j'ai appris en 95 % du temps par moi-même en autodidacte sur les réseaux, les tutoriels et les communautés, qui étaient là-dedans.

L. A : Tu ressens un décalage entre la formation que tu as suivie et ce que tu exerces maintenant ?

M. M : Légèrement, en formation les cours qu'on a pour être graphiste et designer sont très scolaires. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais ce qui différencie vraiment ce que je faisais avant et maintenant, c'est tout ce côté scolaire. Quand tu apprends en autodidacte, tu apprends des choses différentes, c'est ce côté méthodologique que tu dois apprendre par toi-même. Au sein même des créations en elles-mêmes, il n'y a rien qui change spécifiquement, ça dépend avec qui tu travailles.

L. A : Tu travailles tout seul ?

M. M : Oui, je travaille 100 % tout seul depuis maintenant plus d'un an, et j'arrive à me faire des clients grâce aux réseaux sociaux et grâce aux contacts. Je travaille depuis chez moi, c'est un confort qui me plaît beaucoup, on ne va pas se le cacher. Je le souhaite à beaucoup de personnes de trouver ce confort-là, c'est très agréable. Effectivement, il y a aussi des points négatifs, mais je recommande aux personnes qui ont envie et la possibilité de faire ça.

L. A : Concernant les projets, cela te prend combien de temps ?

M. M : Tout dépend le projet, si je prends une bannière pour les réseaux sociaux à titre d'exemple, ça peut prendre minimum deux heures, voir jusqu'à quatre heures.

L. A : Tu travailles plus rapidement ou ça dépend du projet ?

M. M : Je trouve que je travaille plus rapidement. Cependant, cela dépend également du projet. Il faut que j'arrive à me mettre une bonne méthodologie et c'est une méthodologie, comme je l'ai dit précédemment, qu'on doit acquérir tout seul. Tu apprends à bien t'organiser à bien ranger tes dossiers, c'est quelque chose que j'ai appris également en alternance. J'ai beaucoup appris sur le tas, puisque je ne suis pas vraiment allé à l'école après le lycée. En d’autres mots, je considère travailler plus efficacement et cela que ce soit moi dans ma manière de travailler et de m'organiser ou que ça soit dans les logiciels et dans les améliorations que je leur donne. Pour la vidéo, j'utilise beaucoup de plugins d'extensions externes qui me permettent de travailler beaucoup plus rapidement et d'avoir des raccourcis. Ce genre de choses, dans notre métier, on apprend des techniques pour être de plus en plus efficace.

L. A : Tu as un projet dont tu es particulièrement fier ?

M. M : Je pense que c'est le thriller que j'ai fait pour l’Ultimate WANTED #3 : pour ceux qui suivent la communauté Smash Bros, c'est un thriller d'annonce d'un très gros événement, qui a eu lieu, il me semble, en août 2021. C'était un très gros projet, j'étais vraiment fier de ce projet, je me suis mis à fond dedans, c'est une très grosse vidéo de cinq minutes. Le fait de voir les gens crier quand il y avait l'annonce de la date, de les voir hypers c'était un excellent souvenir. Aujourd'hui, je pense que c'est l'une des vidéos dont je suis le plus fier. Si c'est plus sur le côté graphique, design, je dirais, que c'est une charte graphique que j'ai fait récemment, qui est la première d'ailleurs que j'ai faite pour une association qui fait de l'E-sport. J'en suis très fier, je l'ai réalisée avec des copains à moi, on a pu travailler efficacement là-dessus. Je n'avais jamais fait de charte graphique avant et je n'avais pas cette méthodologie-là et je devais faire de la recherche de mon côté. J'ai pu en faire une complète, avec les logos, l'utilisation des couleurs, tous les éléments essentiels pour avoir un Stream Twitch convenable derrière, c'est une grande fierté.

L. A : C'était pour quel genre d'événement ? La Japon expo ?

M. M : Non, pas du tout, je n'ai jamais eu encore l'occasion de travailler pour des événements de ce genre, le seul événement où j'ai pu contribuer, c'était avec le Z Event2. Il y avait des collaborations de Smash Bros en collaboration avec le Z Event, et j'ai pu travailler là-dessus et faire des vidéos promotionnelles, mais sinon, c'est vraiment centré sur le E-sport.

L. A : C'est déjà très bien, et le contraire ? Un projet dont tu es le moins fier ?

M. M : J'avoue que ce n'est pas une question, que je me suis posée. Je pense que c'est comme tout le monde, des projets qu'on faisait au début, mais dans un contexte plus récent. Je pense que c'est compliqué de ne pas être fier d'un projet dans le sens où si je ne suis pas fier de quelque chose, je ne le sors pas ou j'essaie d'en sortir quelque chose. Je dirais le projet dont je suis le moins fier et que j'aurais pu améliorer un peu, je n’ai pas vraiment d'idée particulière, mais je dirais que généralement je ne sors que des choses dont je suis fier et dont je considère l'amélioration qu'il peut y avoir derrière.

L. A : Selon toi, il y a des choses qu'il faudrait changer dans la formation que tu as reçue ?

M. M : Pour celle d'art appliqué, il n’y a rien à changer, c'était très formateur. En ce qui concerne le DUT MMI, je pense que c'est une formation qui correspond très bien à ceux qui veulent travailler dans les métiers d'Internet. En ce qui me concerne, j'avais certaines attentes et c'était loin de ce que j’attendais. Pour vraiment donner mon avis sur une formation de manière optimale il aurait fallu que je sois dans une formation 100 % dans la vidéo ou dans le graphisme et là j'aurai eu des choses à dire qui soit vraiment pertinentes. Cependant, étant donné que je me suis trouvé dans une formation qui n'était pas 100 % ce que je voulais c'est dur de faire un argumentaire. Surtout que je ne suis pas allé au bout de cette formation-là mais, du coup, pour ceux qui veulent faire de la vidéo ou du graphisme, je conseille de ne pas aller faire de DUT MMI, il y a plein de choses à coté et il vaut mieux se focaliser sur des choses qui sont à 100 % là-dedans.

L. A : Une question semblable, mais cette fois sur le métier que tu exerces, il y a selon toi des choses à changer ?

M. M : Alors, en tant que designer graphiste, ce qui faudrait sûrement changer, c'est la manière de trouver des clients. On est toujours à courir un peu après l'argent contrairement à un travailleur classique, il faut qu'on se démène pour trouver des contrats. C'est peut-être cet aspect là qu'il faut changer ou améliorer, avoir des fils de contact plus aisément. Mettre en place des plateformes pour mettre en contact les graphistes entre eux ou à certains qui ont trop de travail de trouver de l'aide parmi les autres graphistes, des contrats plus fluides, de faire marcher cela plus rapidement et aisément.


  1. Lina Amalou est étudiante en Master 2 Design, Arts, Médias, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023. 

  2. « Le Z Event est un évènement 100% en ligne qui rassemble plusieurs animateurs spécialisés dans le streaming de jeux vidéo pour un marathon d’un week-end au profit d’une association engagée » Fondation GoodPlanet, « Position de la Fondation GoodPlanet suite à l’annonce du Z Event 2022 », dans Fondation, p. 1. Cf. https://www.goodplanet.org/wp-content/uploads/2022/09/Z-Event-Position-Fondation-GoodPlanet.pdf, consulté le 1er février 2023.