Design graphique et pédagogie: une école inclusive en projet
Maryam Alikhani, Émile Huc

Séance n°1, mercredi 29 janvier 2025. Compte-rendu rédigé par Camille Blouin

Podcast 1
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La première séance de conférences intitulée « Design graphique et pédagogie : une école inclusive en projet » est présentée par Maryam ALIKHANI et Émilie HUC, a mis l’accent sur le fait que le design graphique, souvent négligé dans le domaine médical et pédagogique, peut avoir un réel impact sur l’inclusion des personnes minoritaires de notre société, notamment les personnes neuroatypiques. C’est à travers la présentation de leur projet qu’elles nous détaillent la façon dont le design graphique dépasse une finalité esthétique et peut devenir un agent de transformation sociale.

1. Maryam Alikhani : un accompagnement pédagogique et médicale

Maryam Alikhani, directrice artistique, designer et doctorante à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, propose d’utiliser le design graphique pour accompagner les personnes autistes ainsi que leur entourage (famille, personnel médical) dans leur parcours. Elle met en avant le fait que l’autisme ne touche pas seulement la personne autiste, mais aussi son entourage. Son projet se distingue par une volonté forte de rassembler et de créer du lien entre la famille, l’enfant et les groupes de soignants. L’accompagnement qu’elle propose commence dès l’annonce du diagnostic, un moment souvent difficile pour les familles, qui peuvent être confrontées à des risques de dépression et à des problèmes d’adaptation, souvent saisis par l’urgence de la situation. Elle souligne que c’est précisément à cette étape que l’entourage a le plus besoin de se sentir soutenu et soudé.

Dans son projet intitulé BuildTogether, elle développe un système combinatoire visant à établir une relation forte et progressive entre les trois principaux acteurs du cycle de l’autisme. Ce programme, conçu pour être mis en place parallèlement aux consultations médicales en clinique ou dans des centres spécialisés pour enfants autistes, s’étend sur une période de 50 semaines. Chaque famille reçoit une nouvelle mallette toutes les deux semaines.

En collaboration avec des professionnels de santé, 25 thématiques majeures ont été définies, couvrant des aspects médicaux, psychiatriques et des exercices moteurs. Pour chaque thème, quatre niveaux de progression sont établis afin d’adapter le contenu des mallettes aux besoins spécifiques de chaque enfant. L'utilisation de couleurs vives ajoute de la gaieté à sa conception, reflétant ainsi son désir d'aborder sa recherche délicate de manière joyeuse. Les familles participant au programme assistent à une session bimensuelle avec les professionnels de santé afin de recevoir la mallette correspondante et d’évaluer l’évolution de l’enfant. Son projet propose donc, par l’intermédiaire du design graphique, d'accompagner les familles dans la découverte des particularités de leur enfant de manière douce et bienveillante. Elle souhaite transformer chaque apprentissage en un défi ludique, et faire en sorte que chaque réussite soit symbolisée par une structure — un empilement de boîtes faisant colonnes — qui évolue et se développe au fil des progrès réalisés. Cette manière de rendre visible l’évolution d’une personne permet à l’entourage et la personne autiste de se rendre compte de chaque effort et de s’en souvenir de manière ludique, les jeux proposés permettent d’inclure les personnes de l’entourage dans cette construction. Chacun trouve donc une certaine satisfaction de voir grandir la structure au fur et à mesure, ce qui peut renforcer les liens et maintenir une certaine positivité de la situation parfois difficile à gérer émotionnellement. 

2. Émilie Huc : une inclusion sociale pour les minorités à l’école

Émilie Huc, designer graphique et doctorante à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, débute en exprimant son intérêt pour l’enfance, en particulier pour les enfants neuroatypiques. Elle met en avant certaines difficultés telles que la dyslexie, la dyspraxie ou encore le TDAH, et souligne leurs conséquences, notamment le stress que cela engendre et le risque d’exclusion à l’école. Elle retient cette notion d’exclusion en tant que conséquence de la différence des enfants, ce qui l’a menée à se questionner sur un moyen de rapprocher, de créer de nouveaux liens entre tous ces enfants. Elle évoque ensuite une différence entre l’intégration et l’inclusion, l’intégration ne signifiant pas nécessairement que les uns et les autres se côtoient mais plutôt se tolèrent en partageant un espace, tandis que l’inclusion se définit par le fait de mélanger des personnes différentes, de composer une communauté. Elle précise ensuite que c’est vers une inclusion qu’elle souhaite mener à bien son projet. À partir de cela, elle s’est questionnée sur un support avec lequel elle pourrait travailler, un support accessible aux enfants. 

C’est vers le jeu qu’elle s’est tournée, indiquant ses propriétés éducatives, boostant la créativité et la réflexion des enfants, et donnant un sentiment de liberté. Elle nous parle du jeu comme un tiers-lieu dans lequel des enfants peuvent se retrouver et remettre à 0 tous les a priori qu’ils peuvent avoir sur les uns et les autres : « c’est un lieu où tout le monde démarre avec la même chose, des règles à suivre et un but commun ». En ce sens, elle a choisi de créer un jeu de memory en repensant graphiquement les cartes pour qu’elles véhiculent un véritable message d’acceptation de la différence, associant graphisme et phrases impactantes menant à la réflexion. D’autre part, ce jeu de memory est augmenté de cartes « défi » invitant les enfants à réaliser des actions traduisant les difficultés éprouvées par les enfants neuroatypiques. Par exemple, chacun peut voir qu’un problème de lecture peut être un défi à relever, ou bien chacun peut comprendre plus simplement comment certains problèmes peuvent vraiment affecter la vie de tous les jours des personnes concernées. 

Enfin, elle nous fait part de la difficulté à trouver la limite dans les cartes « défi », parce que l’ajout de difficulté dans les défis à relever peut dans certains cas les rendre irréalisables par des enfants neuroatypiques. À travers cette difficulté, il est notable que le design graphique à un réel impact. C’est aussi à ce moment-là qu'elle s’est rendu compte de l’importance d’associer les futurs destinataires d’un projet à la réalisation de celui-ci, bien que ça puisse limiter la créativité du designer, ce qui peut parfois être frustrant. L’implication sur le terrain permet d’obtenir le point de vue nécessaire à avoir pour le développement d’un projet.

3. Conclusion 

Le design graphique joue un rôle important dans la manière dont les enfants perçoivent le monde. Il permet de développer leur imaginaire, et joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la vie quotidienne en facilitant la compréhension, l’accessibilité et l’inclusion. Par ailleurs, en tant que designer, nous ne pouvons prétendre améliorer l’habitabilité du monde sans interroger ses habitants et leurs besoins et attentes. Bien que cela impose parfois des limites à notre vision créative, c’est précisément cette démarche collaborative qui enrichit le métier de designer et ouvre la voie à une multitude de perspectives et d’innovations.


Figure 1. Conférence 1