Designer, Diplômée du Master 2 « Design, Arts, Médias », Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2021
Résumé
Dans cet article, il s'agit de comprendre l'impact du kitsch dans la création d'objets de luxe. Cette industrie fait aujourd'hui face à une demande croissante, induite par le besoin de s'extraire d'une vie pénible grâce à des objets apportant un supplément d'âme. Il est alors complexe de rester créatif dans une société en perpétuel mouvement. Le kitsch, par la reprise du passé et la création de pastiches, se dévoile comme le parfait vecteur créatif pour les marques de luxe. Cet article interroge donc le kitsch comme étant une fatalité dans l'industrie du luxe. Nous aspirons dès lors à comprendre pourquoi le luxe fait usage du kitsch en tant que vecteur créatif, puis, nous explorerons une forme de luxe qui ne semble pas faire usage du kitsch, et enfin, nous tenterons de démontrer l'authenticité du kitsch.
Abstract
In this research, we need to understand the impact of the "kitsch" in the creation of luxury objects. This industry faces a growing demand, induced by the need to get out from a painful life through some objects that's bring an extract soul. Therefore, it is complex to stay creative in a society in perpetual motion. By reviving the past and creating pastiches, the kitsch revealed himself as the perfect creative vector for luxury brands. Does the kitsch became inevitable in the luxury industry? This article questions kitsch as an inevitability thing in the luxury industry. We will try to understand why luxury uses kitsch as a creative vector. Then we will explore a form of luxury that doesn't seem to use kitsch. Finally, we will try to demonstrate the authenticity of kitsch.
Introduction
L'an dernier, lors de la visite d'une exposition sur Alaïa et Balenciaga1, j'ai fait un constat : les formes si bien sculptées, volumineuses et complexes que présentaient cette exposition ne ressemblaient plus aux vêtements de défilé que nous pouvons voir aujourd'hui. En un demi-siècle, le luxe inhérent aux robes amples dessinant les courbes du corps ont laissé place aux vestes oversize, dans l'esprit streetwear. Quelle est cette nouvelle esthétique que les conservateurs d'une mode aux formes sculptées, structurées, qualifieraient de mauvais goût, voire de kitsch ?
Quand nous parlons de luxe, nous percevons toute chose qui n'est pas nécessaire à l'existence de l'homme comme étant du luxe, par exemple un ordinateur recouvert de strass. On peut rapprocher le luxe du superflu, de l'excès, de l'abondance. Ainsi, le luxe est le propre de l'homme puisque, comparé à l'animal, celui-ci est un être de désir. Néanmoins, le luxe des uns n'est que la nécessité des autres. Pour certains, le luxe sera de bénéficier d'un moment en famille en vacances et, pour d'autres, ce sera l'achat d'un objet très coûteux. Tout le monde est donc sensible au luxe. Il se vulgarise, se répand. Tout le monde désire posséder ce qu'on met sous ce terme, alors chacun souhaite se distinguer pour sortir de cette vulgarité. Le luxe devient un moyen de se différencier d'autrui. Il semble permettre à tout à chacun de montrer sa supériorité. Comment le luxe peut-il répondre à une demande croissante, se renouveler sans cesse, tout en restant créatif ?
Quant au kitsch, n'est-il pas la solution pour le renouvellement du luxe ? Le terme kitsch peut être perçu de manière péjorative, comme une esthétique de mauvais goût. Il peut aussi être vu de manière positive, comme une force créative. Le kitsch semble renvoyer à une esthétique, impliquant une conception et une finalité ostentatoire. On lui prête des principes visuels : il change les formats, les supports, il émet une symbolique des couleurs inversées et altérées, il s'exprime par l'inversion de contexte, il se permet tout. Cependant, on ne peut réduire le kitsch à quelques principes visuels. Comme l'exprime Abraham Moles2, le kitsch s'avère être davantage un état d'esprit, une manière d'être et de penser réglées sur des clichés, que des objets.
Soutenu dans le cadre du master 2 « Design, Arts, Médias », mon mémoire m'a alors permis de comprendre si le kitsch est devenu omniprésent, ou non, dans la création d'objets de luxe (accessoires de mode). En accord avec nos hypothèses de recherche, cet article va tout d'abord, interroger le kitsch en tant que vecteur créatif pour les marques de luxe. Ensuite, nous explorerons la question de la haute facture, comme une forme de luxe sortant des entraves du kitsch. Enfin, il s'agira d'envisager le kitsch comme une authenticité de l'artifice, une forme de kitsch authentique dans son usage et sa création.
Le kitsch, une force créative
1.1 Un manque de créativité de la part des marques de luxe
Pour comprendre la dialectique entre luxe et kitsch, il est important de saisir les enjeux de notre société. Comme l'exprime Valérie Arrault, notre société est postmoderne, c'est-à-dire quelle prône la fin des « grands récits » et d'une vision chronologique et causaliste de notre existence. Une des caractéristiques de l'esthétique postmoderne, et du kitsch, se trouve dans l'usage du passé, de l'histoire comme une « banque d'icônes interchangeables3 ». Ce goût de l'hétéroclite permet d'effectuer une synthèse des éléments pour appréhender la réalité complexe de notre société. L'apparition du postmodernisme est liée aux bouleversements de l'organisation du monde en fonction des progrès de la techno-science et des mentalités sociales. Cette progression de la technique occasionne des nuisances (pénibilité du travail, perte d'épanouissement, etc.) L'être humain a donc besoin de compensations pour vivre dans notre société : loisirs, distractions, etc. Luxe et kitsch peuvent être perçus comme des processus compensatoires du système. Ils donnent un supplément d'âme aux objets, ils leur ajoutent une valeur (symbolique, qualitative ou sociale). Ils permettent de sortir des banalités de consommation du quotidien. En outre, face à un surplus d'informations et à la complexification des relations, le kitsch permet de faire une synthèse des éléments en passant par des clichés ou des signes pour comprendre la complexité de notre monde.
On peut penser que le mariage entre luxe et kitsch s'adresse à tout le monde, puisque toute personne a besoin de s'extirper des duretés de la vie le temps d'un instant. Néanmoins, nous sommes seulement dans un changement de cible qui est en accord avec les bouleversements sociaux. L'envie de posséder des biens somptuaires grandit chez les classes les moins fortunées qui ont vu leurs revenus augmenter. Pour ces classes, la valeur du produit et de la marque est synonyme de luxe. Par ailleurs, notre société de l'information voit émerger les réseaux sociaux, un terrain très prisé des jeunes générations. Ces réseaux créent chez les jeunes le besoin d'atteindre rapidement la réussite sociale. Il faut montrer sa valeur, sa réussite et cela passe souvent par les marques de luxe. Ainsi, l'augmentation du nombre de potentiels consommateurs, ainsi que le renouvellement perpétuel des produits, imposent une certaine cadence de production aux marques de luxe. Comment les marques peuvent-elles se renouveler en continu sans être en panne créative ? Quoi de mieux que le kitsch faisant appel à une riche et longue histoire ?
1.2 Le kitsch comme principe créateur
Le kitsch confère dès lors une grande liberté créative : pas de hiérarchie, pas de chronologie à respecter. Chaque créateur est libre de s'approprier et de combiner des éléments du présent. Il existe plusieurs variantes du kitsch en tant que principe créateur. Tout d'abord, nous pouvons distinguer plusieurs formes de résurgence du kitsch dans la mode. Comme l'exprime Marie Schiele dans une conférence donnée à l'Institut Français de la Mode, en octobre 20144, le kitsch peut être intégré à un projet, c'est-à-dire que l'accumulation, le contraste, l'assemblage d'éléments hétéroclites sont des principes intégrés à un projet intellectuel précis. L'incohérence stylistique apparente devient un moyen de réfléchir sur l'époque. Par exemple la collection Prada 20165 expose les incohérences de notre époque. Par la volonté de démontrer que la seule chose qui nous rattache au monde sont les objets, le créateur, Alessandro Michele, mélange tous les styles : un fort contraste des couleurs, une accumulation d'accessoires en tout genre, de multiples poches pour récolter des objets (preuve de souvenirs), de nombreux imprimés, assortis à des matériaux luxueux. Par ailleurs, le kitsch peut se présenter comme principe créatif constant, par exemple la collection Moschino 20146. Cette collection met particulièrement en avant la démarche créative de Jeremy Scott (directeur artistique de la maison), qui ne se prive pas d'utiliser la culture populaire et de la remixer en tout sens pour créer de nouvelles pièces. Le créateur s'empare de morceaux de la culture populaire et en fait un prétexte pour justifier cette débauche ornementale. Il mélange une image de prestige (haute couture) avec une image de bien commun (fast food). L'esthétique proposée par ce créateur s'ancre dans un imaginaire collectif, celui de notre enfance, des publicités que l'on peut voir à la télévision. Il se positionne entre l'usage de la culture populaire comme style et comme satire de la société. Le kitsch est aussi dénonciateur et révélateur de notre époque. Enfin, le kitsch devient une manière de faire de la mode, notamment avec la collection Gucci 20177. Dans cette collection-là, le kitsch joue la carte du ringard, par l'assemblage de divers styles, mais un ringard attirant puisqu'il repose sur les éléments d'un imaginaire collectif. Ainsi, l'usage du kitsch est pluriel, il ressurgit sous diverses formes dans la création de biens de luxe. Tantôt, il dénigre, tantôt, il célèbre. Il est une force vive.
Une dernière phase du kitsch est la logique du logo (ce dernier a fait son grand retour dans les années 90, car la période était plus prospère). Le logo est un moyen d'afficher sa richesse de manière ostentatoire. Il permet de rassurer sur l'agent que nous possédons. Il a cette force qui repose sur l'alliance entre l'image et le sens. Il a la force d'un symbole. Comme l'énonce Noami Klein, « [...] les logos sont devenus notre première approximation d'une langue internationale, car ils sont reconnus et compris en beaucoup plus d'endroits que l'anglais8. » Tout visuel devrait pouvoir se dire et se traduire en toute langue, donc dans ce que chacune a de plus plat et de plus pauvre. Le particularisme est donc réduit à un cliché. Le logo permet de renverser sa position sociale et de signifier son appartenance à un groupe. On n'achète plus des sacs ou des chaussures, on achète du signe. Le logo devient graduellement un accessoire de mode. Il a changé de taille, il prend de l'ampleur, comme l'exprime la journaliste, Antigone Schilling, « Le vêtement devient quasi secondaire et la marque se réduit presque à la force de son logo9. » La pauvreté du style est ici masquée par l'omnipotence et l'omniprésence du logo.
Tous les moyens sont bons pour bénéficier de l'image qu'apportent une marque de luxe et son logo. La contrefaçon devient un moyen beaucoup moins onéreux de posséder des biens de luxe et de s'approprier leur valeur, afin d'atteindre rapidement l'image de la réussite sociale. Ainsi, certaines marques de luxe se jouent de ce pillage. Gucci se moque des copies bon marché en parodiant son propre nom : Guccy. Le tout est de retourner la contrefaçon à son avantage, d'en faire une mode. Même les plus riches peuvent acquérir du vrai-faux luxe. Par l'ensemble de ce jeu d'appropriation, le signe semble être partout.
1.3 Un luxe sémiotique
Ce jeu nous démontre que les signes sont utilisés par tous : marques, artistes/créateurs, etc. Chacun renchérit sur les signes créés par d'autres. Nous sommes donc dans une surenchère de signes. Les consommateurs finissent par eux-mêmes devenir des panneaux publicitaires. Ils se déplacent en portant un sac ou une casquette avec un logo inscrit en gros sur ceux-ci. Face à cette sémiotisation totale, des artistes entrent en lutte. Une guerre sémiotique se met en place. Kidult10, un street artiste, engage un combat contre la marchandisation de son art. Il tague l'enseigne d'une boutique de luxe. Celle-ci réplique en imprimant le tag sur un t-shirt, pour ensuite le vendre à des centaines d'euros. En retour, l'artiste fait de même. Dans son combat, Kidult se retrouve au cœur de la machine commerciale. Chacun tente de pièger l'autre et se fait piéger à son tour. Nous sommes dans un marché du signe où le luxe finit par ne plus être lui-même qu'un signe. Naomi Klein, journaliste, essayiste, réalisatrice et altermondialiste canadienne, avance aussi que la résistance sent un peu l'effet de mode, puisque l'ensemble des logos détournés ressemblent fortement aux originaux. Ce qui était une manière de répliquer face à l'omniprésence des marques semble davantage nous prouver que nous sommes intégralement colonisés par elles. Toute résistance est inutile. Par conséquent, avec le signe, nous n'avons plus besoin de savoir lire ou écrire pour accéder à la culture, ce sont des compétences mineures. Le kitsch, en aplatissant les signes, permet à tout le monde de comprendre le monde qui nous entoure sans compétence spécifique. Le signe devient une nouvelle forme d'alphabétisation, de langage universel. Il est présent partout. Ainsi, les signes finissent par se superposer. Il n'y a plus de points de repère, aucun signe n'est supérieur aux autres, tout est égal. Tout est alors sémiotisé, tout est objet de marché, c'est ce que nous dit Jean Baudrillard quand il nous parle de « la blancheur des signes11 ». Le signe perd sa profonde signification, il n'est plus qu'apparence et superficialité.
2. La haute facture, vers une perte du kitsch
2.1 De luxe sémiotique à haute facture
En définissant la société dans laquelle nous vivons et son impact sur la consommation, nous avons constaté l'importance de l'usage du kitsch, de la nostalgie, d'éléments du passé pour permettre aux marques de luxe de se renouveler et rester actuelles. Même si l'usage du kitsch semble inévitable, il serait très réducteur de ne pas tenter de trouver une forme de luxe qui ne fasse pas usage du kitsch. Existe-t-il une forme de luxe qui ne contiendrait pas de signes dans son processus créatif ? Revenons sur le terme « kitsch », son inverse serait la notion « classique » ce qui aboutirait à un luxe minimaliste en étant davantage dans la perfection des formes, des matières. Un luxe plus authentique. Un luxe de l'artisanat ? Un luxe dans lequel l'artisan serait maître de la confection de ses objets. Le terme « haute facture » semble être la locution appropriée. Il renvoie à la plus haute branche de l'artisanat, c'est la création d'objets d'exception, par des artisans, qui ont des savoir-faire de prestige. La haute facture permettrait de sortir le luxe de la fatalité qu'induit le kitsch.
Dans notre recherche, il nous est apparu pertinent de rencontrer quelques artisans de la haute facture afin de comprendre tous les enjeux de ce phénomène. Les artisans rencontrés pour ce travail de recherche devaient pratiquer un métier faisant appel à une certaine rareté : plâtrier-staffeur-stucateur, plumassière, brodeuse d'art, tapissier-décorateur et peintre en décor.
2.2 Un luxe authentique : la haute facture
Nous avons recherché un luxe plus authentique, mais qu'est-ce que l'authenticité ? L'authenticité peut être perçue comme toute chose dont la forme et le contenu ne peuvent être mis en doute. Quand on parle d'authenticité par rapport à une œuvre d'art, on semble faire référence à son originalité, son unicité. Une production est authentique au vu des copies qui sont produites et au vu de son origine vérifiée. Comme l'énonce Walter Benjamin, « l'ici et maintenant de l'original constituent ce qu'on appelle son authenticité12 ». Ainsi, un luxe authentique produirait des objets originaux, des objets uniques, car selon ce philosophe la notion de série fait perdre l'originalité d'une production.
La haute facture semble être une forme de luxe authentique. Elle incarne une forme d'authenticité dans son processus créatif, les valeurs qui lui sont associées et son usage. Pour les artisans, la haute facture a une forte signification. Comme l'exprime Eric Leblanc, plâtrier-staffeur-stucateur, « La haute facture, en fait nous on la compare plutôt à un degré d'exigence [...]. C'est-à-dire que dans nos décors, on va travailler pratiquement à zéro défaut. [...] Quand on arrive à ce degré-là, oui on touche la haute facture, autrement on est en perfectionnement jusqu'à ce qu'on arrive à ce niveau- là. On le traduira, dans notre métier, par un mot qui est la maîtrise13. » L'artisan de la haute facture connaît toutes les facettes de son métier sur le bout des doigts : étapes de production, techniques anciennes et modernes, matières, outils, etc. Il agit sur tous les fronts. Le seul outil fiable, qui règne au sein de l'atelier, n'est autre que la main humaine. « Toutes les pièces passent par des mains14. », dit encore Maxence Berthiot, designer chez Revol. La preuve est dans la main, elle raconte la haute facture.
Le temps est aussi un allié. L'artisan compose avec cette temporalité, il fait preuve de patience et de détermination. Il faut laisser le temps aux artisans d'apprendre et de maîtriser les savoir-faire, afin de concevoir des produits d'exception tenant toutes leurs promesses et maintenant ainsi la rêverie qu'ils suscitent. L'artisan vit au sein des rouages de la société qui veut aller toujours plus vite, mais il semble néanmoins moins impacté par cette vitesse de production. Un nouveau rythme, plus lent, se met en place avec la haute facture. L'achat des fruits de cet artisanat va être réfléchi, tel un projet que l'on construit. On prend le temps d'apprécier les productions, on les manipule avec précaution. Ces objets perdurent dans le temps, on les conserve et on les transmet. D e plus, les ateliers des artisans sont des lieux de mémoire. Ils constituent une forme d'archive dans une optique de transmission. La conception des objets au sein de ces ateliers sont des enfants du temps et du savoir, car ils se doivent d'être durables et fiables. Ainsi, les produits sont pensés pour durer toute la vie de l'utilisateur.
Les productions des artisans de la haute facture peuvent même être qualifiées d'œuvre d'art. Elles sont souvent uniques, elles portent la trace d'un savoir-faire d'exception. Ces œuvres d'art sont le reflet de la sensibilité d'un artisan, où la précision et la minutie furent de mise dans leurs élaborations. Les matières deviennent formes et traduisent un travail d'excellence. C'est la recherche d'un dépassement du nécessaire qui aurait une valeur absolue et qui mettrait au placard les tourments du kitsch.
Mais cette forme de luxe de l'artisanat est-elle vraiment exempte de toute forme de kitsch? Les artisans créent au sein d'un contexte précis, ils font partie d'un monde qui est rempli de multiples influences.
2.3 Kitsch & haute facture
La réalisation des entretiens avec les artisans a permis la découverte de formes de kitsch dans la haute facture. Par la rencontre de ces artisans, un présupposé a été mis à jour : le kitsch serait fortement présent dans la restauration d'objets anciens, dans la copie. Néanmoins, la restauration est fortement en lien avec la mise en œuvre de grands savoir-faire techniques. La restauration, en artisanat, se caractérise par le fait de réparer un élément pour redonner aux choses leurs aspects d'origine, en utilisant les mêmes techniques de fabrication qu'à l'époque où il a vu le jour. La restauration semble kitsch, par son aspect ancien, mais le kitsch semble être éradiqué par le fait d'être dans la reconstitution à l'identique et d'être en parfaite cohésion avec un style donné. Il y a très peu de création, tout est contraint par le sujet d'origine.
En outre, le kitsch semble émerger de la création contemporaine. L'artisan peut facilement être influencé par ce qui l'entoure : notre société postmoderne et son flot d'inspirations. Un artisan nous confie : « On prépare une statue de la liberté de cinq mètres de haut en plaques de plâtre. [...] Ce sont des plaques qui vont se superposer et on pourra visiter la statue de la liberté à Angers. [...] Le socle sera gris et la statue en plaque verte pour symboliser le cuivre15. »
Figure 1. Statue de la Liberté en plaques de plâtre (5 m), Angers, 15/04/21
Figure 2. Table-langue et tabourets-molaires, plâtre et stuc marbre, Angers, 15/04/21
Cette œuvre reprend les caractéristiques du kitsch relevés par Christophe Genin16 : le changement de format, de support, l'inversion de contexte, etc. L'artisan puise dans ce qu'il aime et ce qui l'entoure. Ainsi, par son expertise technique, l'artisan est capable de proposer tous les styles et à tout le monde. Par la commande d'un client, il peut aussi être amené à faire du kitsch, puisqu'il est au service du goût de celui-ci. Enfin, les ateliers sont des temples de mémoire. On y retrouve de nombreuses pièces issues de chantiers. Ces espaces sont des démonstrateurs des possibilités d'un métier. Tous les styles et toutes les époques s'entremêlent dans un patchwork stylistique. Le kitsch émerge de ce chaos stylistique.
La haute facture semble déjouer l'usage du kitsch à un certain niveau, par la restauration, la reproduction à l'identique sans changement de format, de couleur ou de matériau, une forme d'authenticité du luxe. S'il existe un luxe (plus ou moins) authentique alors existe-t-il un kitsch authentique ? Le kitsch peut être authentique dans son usage, dans la valeur que chacun lui concède, et dans sa création. Par ailleurs, le kitsch se répand de plus en plus. Il investit tous les champs du luxe. On peut alors se demander s'il n'aurait pas réussi à légitimer son authenticité.
3. Le kitsch, une authenticité de l'artifice
3.1. Un kitsch authentique
L'authenticité du kitsch peut se trouver dans ce que les objets apportent aux consommateurs. Posséder un objet de luxe agrémenté de logos, de symboles, prouve l'appartenance de la personne à un « groupe », celui de la réussite sociale. La valeur sociale d'un produit de luxe joue un rôle essentiel dans l'acte d'achat. La consommation de biens de luxe est une action collective qui repose sur l'existence de symboles. Un signe se construit donc par définition de manière relationnelle. Les symboles rattachés à une marque doivent être connus et acceptés par les individus du même groupe. Par ailleurs, le kitsch permet de forger son identité, de montrer son originalité, mettre ses sens en émoi. Il met en exergue des bouts de cultures. Chacun peut piocher dans les signes qui sont mis à disposition pour former son identité. Le kitsch est l'affirmation de soi par l'affirmation de l'artifice. Il met en exergue la diversité de notre monde. Luxe et kitsch s'associent pour procurer au consommateur une forme d'être au monde et une manière de forger son identité. Ces objets kitsch de luxe procurent au consommateur un sentiment d'authenticité, mais qu'en est-il de l'authenticité de ces objets ? L'authenticité peut-elle avoir un lien avec l'aura, concept forgé par Walter Benjamin17 ?
Quand on déplace des signes pour produire des œuvres ou des objets kitsch obtient-on une aura ? Ou ces objets ne peuvent-ils avoir d'aura à cause du principe de reprise, d'appropriation, de copie d'éléments existants ? Selon Walter Benjamin, l'aura est fortement liée à l'objet d'art. Toutefois, aujourd'hui, l'art a perdu son sens profond. L'œuvre a été désacralisée, elle a perdu son aura. Les techniques de reproduction ont atteint un niveau tellement élevé, qu'on peut faire circuler des œuvres d'art ou même des biens de luxe, dont leurs copies très rapidement. Gillo Dorfles18 exprime que les reproductions incitent le public à mettre le chef d'œuvre authentique au même niveau que la copie. Ces productions s'imposent-elles comme une nouvelle forme d'art ? D'après ces deux auteurs : non. Néanmoins, les bibelots requièrent un original de notoriété nationale. Ainsi, comme l'exprime Christophe Génin19, l'objet kitsch n'est pas authentique, mais il y a une certaine manière de profiter de l'aura de l'original pour la déplacer, grâce à un mode de production en masse, sur d'autres supports, d'autres matériaux, etc. Il est le résultat d'une variation. Les objets kitsch bénéficieraient d'une forme d'aura et donc d'une forme d'authenticité.
Gillo Dorfles « affirme que tout ce que touche le kitsch perd sa substance originelle20 » Néanmoins, comme Lucius Bruckhardt l'énonce « [...] le faux est vrai à partir du moment où il ne renvoie pas au vrai, mais le transcende. Un vrai-faux bijou n'est pas une copie de tel ou tel bijou véritable, mais d'un bijou qui n'existe pas et ne peut pas exister. Si donc il n'y a pas de bijou véritable dont un faux puisse être la copie, c'est le bijou faux qui est le vrai21. » Même si les objets kitsch se réapproprient des éléments existants, ils en changent le sens profond par le mixage, la juxtaposition d'éléments divers : c'est la naissance du glamour. Ils représentent un monde imaginaire, une rêverie. Les objets de luxe faisant usage du kitsch sont alors authentiques, grâce à l'aura des éléments originaux dont ils sont la reprise, mais aussi car ils peuvent transcender les « originaux » en apportant ce que Lucius Bruckhardt appelle le glamour. Quand nous voyons l'ampleur de ce phénomène kitsch dans l'industrie du luxe, comment ne pas penser que ces productions sont dans l'air du temps et font écho à notre époque.
3.2. Le kitsch au-delà de l'objet de luxe
Le kitsch est présent à de multiples niveaux dans la création d'objets de luxe. Peut-être est-il présent dans d'autres champs du design. Valérie Arrault22 aborde le kitsch du point de vue de l'architecture avec la ville américaine de Las Vegas et le parc d'attraction Disneyland Paris. Las Vegas est une incomparable ville-enseigne. Elle est un véritable patchwork architectural sans unité. Mêlant ancien et moderne, on y effectue un voyage autour du monde en quelques heures. Cette ville se construit sur des signes prélevés dans divers monuments. Disneyland se caractérise par une esthétique du mixage, des pastiches architecturaux, un brassage du temps et de l'espace. Le kitsch est partout. Il irradie les consciences à chaque coin de rue et distrait des duretés de la vie tel une usine à catharsis.
Toutes ces créations sont mises au point par des créateurs. Ces créateurs seraient donc des agents de propagation du kitsch, de son esthétique et de sa mentalité. Le créateur permet aux objets de se renouveler, il peut jouer sur les signes, les mélanger, les permuter. Il est celui qui instrumentalise et qui est instrumentalisé. Il sait comment se jouer des signes pour produire. Cependant, le créateur est perméable, c'est une éponge, il perçoit le monde qui l'entoure et le retranscrit en concepts et en productions. Ainsi, il se laisse emporter dans cette société sémiotique où chacun fait usage de signes pour se distinguer. Par le biais de ces créateurs, le kitsch semble envahir tous les domaines de l'activité humaine.
Le kitsch est présent dans de nombreux domaines. Les changements de notre civilisation ont permis son expansion. Le kitsch devient alors matière première pour toute une production à l'époque postmodenre. N'ayant plus de grands idéaux à comparer et à juger, n'ayant plus de métarécits à propager, il naît un nouvel ordre esthétique dont le seul critère de jugement est celui du goût personnel. Le kitsch semble donc scintillant, car il ne peut plus être réduit à une manière vulgaire, au mauvais goût. Grâce à cet esprit du temps promouvant une forme personnelle de liberté, il peut absorber aussi bien des références du passé que du présent. Il n'a pas davantage à respecter les frontières géographiques, politiques ou culturelles. Il se répand chaque jour de plus en plus. Comme tous les produits de l'air industriel, il est parti pour un tour du monde triomphal déracinant et défigurant toutes les cultures « [...] à tel point qu'il est en passe de devenir la culturel universelle, la première que la planète ait jamais connue23. »
Conclusion
Par cette recherche, nous avons pu comprendre que le kitsch ressurgit comme principe créatif à plusieurs niveaux, afin de permettre aux marques de se renouveler dans un monde en perpétuel changement. Ainsi, le kitsch devient le symptôme des crises de valeurs de notre époque, avec comme meilleur allié le logo. Tout ceci indique que nous sommes dans une société sémiotique, un luxe du signe. Pour en sortir, nous avons tenté de trouver une forme de luxe qui ne ferait pas appel au signe, un luxe de l'artisanat, qui porterait sur la qualité de la matière et des savoir-faire d'un artisan : la haute facture.
Toutefois, grâce aux interviews effectuées auprès d'artisans d'art, nous avons pu constater la présence du kitsch à plusieurs niveaux dans la création de tels objets. Ainsi, nous nous sommes interrogés sur l'authenticité du kitsch au vu de son omniprésence dans de nombreux domaines de la vie humaine. Nous en avons donc conclu que le kitsch est en passe de devenir l'esthétique et même la mentalité de notre temps. Il représente la diversité de notre société par la diversité des styles. On pourrait la considérer comme la version laïque de l'esthétique, acceptant tous les styles sans distinction.
De ce travail a découlé un projet reposant sur les interviews effectuées auprès des artisans de la haute facture. Le projet Kitsch & Haute Facture regroupe une vidéo-documentaire, un carnet d'analyse d'objets-échantillons collectés lors des interviews et un tableau de classification de ces objets en fonction de leur niveau de « kitsch » et de « haute facture ». Par la création d'un documentaire vidéo, le projet vise à montrer l'ambiguïté de la relation entre kitsch et luxe. Comme nous avons pu le voir tout au long de cet article, les formes de kitsch et de luxe sont multiples. En compilant les réalisations, les gestes et les dires de plusieurs artisans, nous espérons mettre en lumière les tensions entre luxe et kitsch, dans un domaine qui semblait pourtant dépourvu de kitsch : la haute facture. Malgré la non-revendication du kitsch par ce domaine, il semble pourtant bien être présent en de nombreux endroits : créations contemporaines, commandes des clients, ateliers. Ce projet aspire aussi à donner plus de légitimité à un phénomène qui est souvent perçu comme étant de mauvais goût et qui est méprisé. Par ce travail de recherche, nous avons découvert le kitsch sous un jour nouveau, bien loin d'être une esthétique seulement condamnable, il est une force créative. C'est ceci que nous souhaitons faire transparaître dans ce projet.
Figure 3. Kitsch & Haute Facture : carnet d'analyse et tableau de classification d'objets récoltés auprès des artisans d'art
Bibliographie
Ouvrages
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Conférences
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Ressources web
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Interview
Eric Leblanc, plâtrier-staffeur-stucateur, interview filmée de 47 min, le 27 février 2021, Brain-sur-l'Authion.
Crédits et légendes
Figure 1. Statue de la Liberté en plaques de plâtre (5 mètres de haut), Brain-sur-l'Authion, 27/02/21 © Alice Leblanc.
Figure 2. Table langue et tabourets-molaires, Brain-sur-l'Authion, 27/02/21, stuc marbre, plâtre © Alice Leblanc.
Figure 3. Kitsch & Haute Facture : carnet d'analyse, tableau de classification et objets récoltés auprès des artisans d'art © Alice Leblanc.
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Exposition : Fondation Alaïa, Azzedine Alaïa Collector : Alaïa and Balenciaga Sculptors of Shape, Galerie Azzedine Alaïa, Paris, 2020-2021. ↩
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Abraham Moles, Psychologie du kitsch. L'art du bonheur, Paris, éd. Denoël-Gonthier, 1971, p. 181. ↩
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Valérie Arrault, L'Empire du kitsch, Paris, éd. Klincksieck, coll. Esthétique, p. 27. ↩
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Marie Schiele, Une histoire du kitsch et de son usage dans la mode, [conférence, octobre 2014, Paris], Institut Français de la Mode. Disponible sur : https://www.ifmparis.fr/fr/podcasts/une-histoire-du-kitsch-et-de-son-usage-dans-la-mode, [consulté le 29 janvier 2021]. ↩
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Prada (Miuccia Prada), prêt-à-porter automne-hiver 2016-2017, Milan. Disponible sur : https://madame.lefigaro.fr/defiles/prada/automne-hiver-2016-2017/pret-a-porter-0/112979, [consulté le 24 novembre 2021]. ↩
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Moschino (Jeremy Scott), prêt-à-porter automne-hiver 2014-2015, Milan. Disponible sur : https://madame.lefigaro.fr/defiles/moschino/automne-hiver-2014-2015/pret-porter-0/768812, [consulté le 24 novembre 2021]. ↩
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Gucci (Alessandro Michele), prêt-à porter printemps-été 2017, Milan. Disponible sur : https://www.elle.fr/Mode/Les-defiles-de-mode/Gucci/Pret-a-porter/printemps-ete-2017/Milan, [consulté le 24 novembre 2021]. ↩
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Naomi Klein, No Logo : La Tyrannie des marques, Paris, éd. Actes Sud & Leméac, coll. Babel, trad. de l'anglais par Michel Saint-Germain, 2001, p. 24. ↩
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Antigone Schilling, « Logos partout, mode nulle part ? », Slate, publié le 02/12/2018, Disponible sur : http://www.slate.fr/story/170610/logos-partout-mode-nulle-vetements-dior-versace-nike-vuitton, [consulté le 13 avril 2021]. ↩
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Boris Mamenti, « Marques et street art : Les Noces rebelles. », Nouvel Obs, publié le 21/09/2017. Disponible sur : https://o.nouvelobs.com/lifestyle/20170921.OBS4979/marques-et-street-art-les-noces-rebelles.html [consulté le 13/03/2020]. ↩
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Baudrillard, Jean, De la Séduction, Paris, éd. Galilée, 1979, p.133. ↩
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Walter, Benjamin, « Kitsch onirique », Œuvres (1927) ; Paris, éd. Gallimard, tome II, coll. Folio Essais, trad. de l'allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz, Pierre Rusch, 2000, p. 92. ↩
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Entretien avec Eric Leblanc, plâtrier-staffeur-stucateur, le 27 février 2021 (cf. Annexe du mémoire). ↩
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Paroles prononcées par Maxence Berthiot (designer), visite de la manufacture de porcelaine Revol, le 25/02/2020 à Saint-Uze. ↩
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Entretien avec Eric Leblanc, plâtrier-staffeur-stucateur, le 27 février 2021. ↩
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Christophe Génin, Le Devenir kitsch : un modèle global pour nos sociétés ?, [colloque, août 2017, Cerisy], Centre Culturel International de Cerisy. Disponible sur : https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences-humaines/quand-le-kitsch-devient-un-modele-de-societe [consulté le 29/01/2021]. ↩
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Walter Benjamin, « Kitsch onirique », Œuvres (1927), tome II, Paris, éd. Gallimard, coll. Folio Essais, trad. de l'allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz, Pierre Rusch, 2000. ↩
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Gillo Dorfles (dir.), Kitsch : An Anthology of Bad Taste, London, éd. Studio Vista, 1969, p. 31. ↩
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Christophe Génin, Le Devenir kitsch : un modèle global pour nos sociétés ?, op.cit. ↩
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Valérie Arrault, L'Empire du kitsch, op. cit., p. 183. ↩
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Lucius Burckhardt, « Plus toc que nature » dans Le Design au-delà du visible, Paris, éd. Les éditions du Centre Pompidou, p. 55. ↩
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Valérie Arrault, L'Empire du kitsch, op. cit., p. 39*. ↩
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Clément Greenberg, « Avant-garde et kitsch » dans Art et culture : Essais critiques, Paris, éd. Macula, trad. de l'anglais par Ann Hindry, 1988, p. 18. ↩