Designer, diplômée du master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020.
Résumé
Cet article traite d’Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, écrit par Timothy Morton, publié en français en 2018 par les éditions de la Cité du design de Saint-Étienne, dans la collection « Culture technique / Culture design ». L'auteur nous offre une perspective nouvelle face à l’urgence écologique, se fondant sur l’idée que les hyperobjets sont des problèmes à aborder d’un point de vue décalé de l’anthropocentrisme qui subsiste dans la pensée. Édité par la Cité du Design il est intéressant d’observer sa réflexion par le prisme du design, partageant les inquiétudes du philosophe quant à la problématique écologique.
Abstract
This article deals with Hyperobjects : Philosophy and Ecology After the End of the World, wrote by Timothy Morton, edited in French in 2018. It offers us a new perspective regarding the ecological emergency, based upon the idea that the hyperobjects are the new problems to be discussed from a point of view less anthropocentric. Edited by la Cité du Design, it is interesting to observe the reflexion of Timothy Morton via the prism of design, which shares the worries of the philosopher facing the ecological problematic.
1. Hyperobjets, un concept détaillé
Timothy Morton, né à Londres en 1952, est originaire du domaine de la théorie littéraire et occupe la chaire d’anglais Rita Shea Guffey à la Rice University au Texas. Philosophe contemporain, il se réclame de l’OOO (ontologie orientée objet), et demeure proche de Graham Harman, fondateur de l’OOO. Amateur de musique et de science-fiction, il puise dans ce domaine ses références pour soutenir son propos, ce que l’on peut voir dans Hyperobjets où il mobilise Le seigneur des anneaux, Star Wars, Doctor Who, etc. Dans la mouvance de l’OOO, Timothy Morton rejette l’anthropocentrisme de la discipline philosophique et propose cette entrée dans le domaine comme la meilleure alternative pour fonder une nouvelle approche du monde face à l’urgence écologique.
Hyperobjets est une présentation et une ouverture philosophique sur le concept d’hyperobjets : ces choses qui nous dépassent et que l’on ne voit pas, mais qui sont là et interagissent avec nous. Plus particulièrement, l’auteur cherche à tendre un fil entre philosophie et écologie en vue de repenser notre manière d’aborder le « réchauffement planétaire », terme qu’il substitut à changement climatique et qu’il juge plus adapté à la situation. Pour ce faire, il commence par traiter de la fin du monde comme d’un événement qui a déjà commencé, directement relié au réchauffement planétaire, son hyperobjet de prédilection. Ce faisant, il contrecarre l’idée d’apocalypse à venir et situe la date de la fin du monde à deux occasions : d’abord en 1784, date du dépôt de brevet de la machine à vapeur par James Watt et dès 1945, avec Trinity, le premier essai d’arme nucléaire réalisé au sein du Manhattan Project. Ces éléments marquent « un accroissement logarithmique des actes des humains comme force géophysique1 » : soit le départ de l’ère de l’anthropocène. Les humains exercent désormais une force suffisante pour faire pression sur l’environnement, géologiquement parlant. L’ouvrage est découpé en deux parties : dans un premier temps, le concept d’hyperobjet est présenté, expliqué et ses différentes dimensions décomposées. Dans un second temps, Morton s’interroge sur la manière de vivre avec eux, maintenant qu’ils sont révélés. L’hyperobjet réchauffement planétaire est le cœur de sa pensée, c’est pourquoi cet exemple sera utilisé de manière récurrente pour imager le propos du philosophe.
Un hyperobjet est un objet invisible, massivement réparti dans l’espace-temps, qu’il n’est pas possible d’appréhender visuellement au-delà de « signes indiciels » qui prouvent qu’il existe. Ces signes indiciels se présentent sous la forme d’un sac plastique abandonné, d’une mare de pétrole qui flotte à la surface de l’eau ou encore de cette chaleur anormale ressentie à l’approche de l’hiver. Dans cette première partie, Timothy Morton nous détaille ce qu’est un hyperobjet et s’efforce de nous en présenter les différentes caractéristiques.
1.1 Viscosité et non-localité
Premièrement, les hyperobjets sont visqueux : ils nous collent à la peau, comme on ressent la pluie ou la chaleur sur la nuque. Il n’y a pas d’écart entre notre peau et l’hyperobjet réparti dans l’espace, même s’il est invisible. Pour Morton, c’est un fait, comme Néo qui se fait aspirer par un liquide argenté2 (référence qu’il emploie), nous sommes dans la « matrice », dans l’hyperobjet. L’apparition des effets des hyperobjets constituent une preuve qu’ils existent, qu’ils sont là même s’ils ne sont pas les hyperobjets eux-mêmes, qui dans leur unité sont impalpables et impossibles de localiser à un endroit précis. Les hyperobjets sont donc non-locaux. L’espace qu’ils occupent est infiniment plus grand que ce que nous sommes capables de percevoir. C'est pourquoi il est impossible de nier leur existence en les réduisant à une manifestation locale abondant dans le sens des détracteurs du phénomène. Admettons : une température idéale correspondant aux prévisions « normales », à un endroit précis de la planète, ne suffit pas à dire que le réchauffement planétaire n’existe pas. En effet, une manifestation isolée ne suffit pas à réfuter la théorie : le lien de causalité entre une manifestation et son hyperobjet est plus complexe que cela, du fait de la distance entre les deux.
1.2 Ondulation temporelle
Les hyperobjets ne sont pas éternels mais leur temporalité dépasse de loin la nôtre. L’humain créé des choses qui lui échappent temporellement et physiquement parlant et des choses qui ont une incidence sur l’avenir éloigné mais que les hyperobjets occupent cependant. Il cite, pour exemple, la masse de toutes les entités radioactives répandue sur la planète. En somme, il est plus simple de se faire à l’idée d’un infini sur lequel nous ne pouvons plus agir, que d’affronter l’idée que développe Morton : nous sommes responsables de l’« immense finitude3 » des hyperobjets. Nous sommes obligés de prendre conscience de l’effet de chaque décision : si je jette mon gobelet dans la nature, celui-ci me survivra et je complique la vie de l’être qui sera là dans un millier d’année. Ici apparaît une notion importante qu’il développe plus tard, celle d’un « ailleurs » qui n’existe pas.
1.3 Phasing
Les hyperobjets sont tellement grands que nous ne pouvons les voir dans leur totalité et les saisir en entier. Pour les « attraper » il faut focaliser notre attention sur des fragments : notre voiture, la température affichée à l’écran, une chaleur inattendue. Les hyperobjets sont phasés : nous les apercevons seulement par intermittence et, la plupart du temps, ils nous sont retirés de la vue. Nous n’avons la capacité de les comprendre qu’à travers des tranches, souvent calculées via les mêmes technologiques qui font grossir leur impact (pensons aux DATA Center). Ces signes indiciels, manifestations mentionnées plus haut, sont des métonymies des hyperobjets.
1.4 Interobjectivité
Par ce phasing, les signes indiciels, aussi appelés « signes de causalité », présentent une abolition de la séparation entre cause et signe. Réutiliser l’exemple du sac plastique relatif à l’hyperobjet réchauffement planétaire est possible : le sac abandonné est à la fois le signe du surplus d’entités de son espèce et une des causes de l’urgence écologique. Les hyperobjets révèlent le caractère interobjectif de toute entité.
Le maillage interobjectif tel qu’il le décrit est un ensemble de maillons et de trous entre les maillons. Ce réseau de relation interobjectives est ce qui rend possible les liens de causalité entre les choses. Ces choses ne concernent pas seulement le non-humain : en effet, pour l’auteur, chaque être humain est une de ces entités prise dans le maillage. L’intersubjectivité est un sous-objet, une forme d’interobjectivité humaine. Pour s’imaginer le maillage, il suffit de se rapporter à la géométrie calée des toiles d’araignées. De la même manière que l’araignée comprend qu’un insecte vient de percuter sa toile en ressentant les vibrations qui parcourent les liens tissés, l’information nous arrive lorsqu’un objet se présente à nous. On peut l’imaginer comme un voile organique, dépendant de l’arrivée et du retrait des objets. L’interobjectivité permet à Timothy Morton d’arriver à l’idée que nous ne pouvons faire une expérience directe des hyperobjets, mais seulement par la médiation d’autres entités que l’on a devant soi4.
Sa préoccupation principale concerne le réchauffement planétaire, mais un hyperobjet peut prendre la forme de la totalité de la masse radioactive sur la planète, de la machinerie capitaliste, ou encore de la famille comme indiqué dans les remerciements en début d’ouvrage. En mettant en relation ces caractéristiques, l’auteur déroule le problème : l’humain, se rendant compte de la présence des hyperobjets, se retrouve dans une situation complexe. Il fait désormais face à sa responsabilité dans la création de ces hyperobjets car ils sont issus notamment de la pensée relative au capital, mais aussi de sa participation -ou non- à faire grossir cet hyperobjet.
Sa viscosité lui rappelle qu’il ne peut plus se mouvoir en dehors de cet hyperobjet. Sa non-localité rompt toute possibilité de dénialisme face à l’urgence écologique car si cet hyperobjet n’est pas visible à l’œil nu, il n’est pour autant pas possible de réfuter ladite urgence en se basant sur une seule expérience « normale » du climat à un point donné. L’espace et le temps qu’il occupe dépasse l’échelle humaine. Apparaissant par phases, seules ses empreintes sont visibles, et permettent de révéler le caractère profondément interobjectif de lui-même, et l’humain, en tant qu’être et sujet, fait partie de ce maillage. S’il n’y a pas d’« ailleurs », Timothy Morton avance également qu’il n’y a pas de présent car l’avenir l’ « épuise ». En reprenant les empreintes de l’hyperobjet, celui-ci soutient que la forme tient du passé et l’invisibilité de l’avenir. Une fois que la manifestation est apparue il est en effet trop tard : l’hyperobjet a fait son effet, le sac plastique est présent dans la nature et a joué sa part dans le réchauffement climatique. L’hyperobjet interobjectif est donc un mouvement constant entre futur et passé.
2. Fin du monde
2.1 Inexistence du présent et monde comme effet esthétique fragile
Timothy Morton commence la seconde partie de son ouvrage en annonçant que le présent n’existe pas mais, qu’en plus, le monde lui-même est une notion fragile et illusoire. Ce que nous appelons « monde » est un « effet esthétique fragile5 ». En supposant qu’il tienne de la manière dont on perçoit les choses, lorsque l’on commence à ouvrir son regard et ses perceptions sur la grandeur des choses et leur finitudes, observables par la mise présence des hyperobjets, alors on se rend compte que la notion de monde ne tient plus debout. Le monde est effet esthétique résultant d’une « masse » d’objets interconnectés que l’on perçoit et ressent. De par ce principe, le monde est fragile car, en s’ouvrant grâce aux hyperobjets, les sens se déplacent et perçoivent autrement, quelque chose de mouvant et qui dépasse la perspective anthropocentrée de ce monde.
2.2 La disparition de l’ailleurs
Dans la continuité de cette idée, il amène la disparition de l’ailleurs, lequel aspirerait les conséquences de nos actions, ou encore serait le récipient de nos erreurs, faisant disparaître comme par magie nos déchets. Il donne à voir comment nos inquiétudes au sujet du climat se profilent dès qu’il est question de parler du temps. La distinction entre arrière-plan et avant-plan n’existe plus car ce qui était à l’arrière-plan et que l’on pouvait mettre de côté est maintenant à l’avant-plan des conversations. Cela se manifeste tout simplement à travers l’expression « parler du temps qu’il fait », d’ordinaire une activité innocente, pour meubler la conversation, mais qui aujourd’hui ne peut se faire sans avoir à l’esprit les dangers amenés par les changements climatiques. C’est toujours là, grondant, menaçant, qu’on le veuille ou non.
2.3 Rééquilibrer l’asymétrie entre humains et non-humain
Cependant, optimiste, Timothy Morton pousse à envisager la fin du monde non pas comme pas la fin de la vie mais le début d’une ère ou l’humain est libéré de l’illusion d’un « monde » solide. Au lieu de repousser le problème, il veut tirer parti de ce que les hyperobjets nous montrent. Le monde étant pour lui « une série d’effets esthétiques synchronisés », qui fonctionnent ensemble, en sortant du cocon du monde une nouvelle perspective s’ouvre : celle d’une possible alliance entre humains et non-humains. Ce faisant, il sera possible de rééquilibrer ce qu’il nomme comme une asymétrie ontologique entre humains et non-humains. Il avance qu’une progression dans l’ère de l’asymétrie (ère dans laquelle nous sommes entrés) est possible en reconnaissant qu’aucune décision ne peut être pure et exempte de compromis. Peu importe la posture que l’on prend aujourd’hui, elle sera toujours hypocrite, fragile et faible de l’être face à l’hyperobjet, soit parce qu’elle ne suffit pas (végétarisme, recyclage, etc.), soit parce qu’elle est contreproductive (dénialisme). Décaler le point de vue anthropocentrique de la pratique éco-philosophique permettrait, selon l’auteur, d’annihiler le rapport d’assujettissement de l’objet à l’humain. D’ailleurs, celui-ci se réfère à l’époque ou des artistes comme John Cage libèrent l’objet (dans son cas le piano), des contraintes « romantiques » que l’on imposait à l’art : à savoir être le médiateur de l’« espace intérieur » de l’être humain. Pour Morton les objets « parlent », sont doués d’élocution. C’est pourquoi « L’art à l’ère de l’asymétrie doit ainsi être un accordage avec l’objet6. ». L’artiste devient une sorte de traducteur de l’intériorité des objets. Alors que la politique ou l’éthique n’a pas encore pris le contrepied en rapport aux hyperobjets, l’auteur considère l’art comme un guide pour se positionner face à eux. Il énonce une différence entre être un génie et avoir du génie, qui résulte d’une collaboration entre le « moi intérieur » et au moins une autre entité. Il appelle à ne pas négliger les accords que l’on passe avec les choses que l’on utilise, et que l’art exploite. Par exemple, dans le cas d’un poème, le poète passe un accord avec le papier, l’encre, l’air, l’éditeur, le langage, etc.
2.4 Faire le deuil d’une Nature bienveillante
Considérant les hyperobjets comme des unités gigantesques dont les parties sont toujours plus nombreuses que l’unité-mère, à l’image de matriochkas arborescentes, Timothy Morton appelle à l’action et à la prise de décision sans avoir toutes les données. Il s’agit de développer une pensée ne devant pas dépendre d’un deus ex machina pour nous sortir de la problématique des hyperobjets et, plus précisément, puisque c’est le thème principal de l’ouvrage, du réchauffement planétaire. Pour se positionner face aux hyperobjets il faut dépasser la passivité. Même si les humains sont mal préparés à la temporalité des hyperobjets qui les dépassent, une vision sans égo est nécessaire. Par la dilatation de leur espace-temps, ils poussent à réfléchir au-delà d’intérêts personnels et à davantage entrer en connexion avec les autres. En m’ouvrant à une pensée vers l’avenir et donc pour l’être qui sera là après moi, bien des années plus tard, sans moi et sans souvenir de moi, je peux me positionner plus justement face aux hyperobjets. Il est question de dépasser l’injonction du présent qui, de toutes façons, n’est plus pour l’auteur. Il conclut sur l’idée que « Les êtres non-humains sont responsables du moment suivant dans l’histoire et la pensée humaine7. » et qu’il revient à l’art de faire un travail de deuil du concept de Nature et d’un ailleurs tels qu’il les défini. Aussi, il confère à l’art le rôle d’interprète des hyperobjets. Ce faisant, les hyperobjets permettent aux êtres humains d’être délivrés d’une vision illusoire du monde, celui du « fantasme d’une nature neutre ou bienveillante8 », et poussent alors à une ouverture vers un futur certes inquiétant, mais sur lequel nous avons une emprise, via les relations esthético-causales impliquées par l‘interobjectivité révélée par les Hyperobjets.
2.5 Que retenir de cette lecture ?
Timothy Morton signe un ouvrage complexe, qui en appelle à une bonne connaissance des fondamentaux en philosophie. Les exemples et références issus de l’art et de la science-fiction sont bienvenus pour illustrer son propos soutenu, rédigé dans un style personnel voir parfois provocateur, qu’il justifie par une envie de bousculer et de faire réagir le–la lecteur-rice dès l’introduction. La pensée qu’il déroule le long d’Hyperobjets mérite d’être interrogée au regard de l’art, comme il le suggère, mais également par le prisme de la sociologie, du design et peut avoir une résonnance au quotidien. Mais cela nécessite un effort d’accessibilité, qui se fait d’ailleurs peut-être à travers les différentes plateformes qu’il utilise pour communiquer : son blog, son instagram ou encore Twitter.
3. Hyperobjets et design, une exploration possible
Nous voudrions à présent nous risquer à commenter l’ouvrage. Le concept d’hyperobjets, pivot de l’ouvrage, révèle une potentialité philosophique nouvelle se détachant d’une perspective anthropocentrée, et qui serait salvatrice au regard de l’urgence écologique. Dans Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, Timothy Morton donne à l’art une place toute particulière, comme une sorte d’interprète des différents effets des hyperobjets. Observer cette pensée par le prisme du design ouvre également une porte sur un champ de questions qu’il serait judicieux de traverser.
La pratique du design, fondamentalement orientée vers l’humain (faite par lui, pour lui) et propulsée par les événements qui ont découlés de l’industrialisation, fait partie d’un système complexe qui échappe à ses pratiquant-es même. Le domaine se retrouve aujourd’hui à devoir rendre des comptes, prendre sa responsabilité face au raz-de-marée d’objets qu’il a aidé à créer depuis deux siècles. Timothy Morton parle d’une revanche des objets9 sur les humains, qui par leur masse les englobent. Et face à cela, comme face au réchauffement planétaire, il pousse à l’action, à la prise de décision, le regard porté vers un futur aux contours certes incertains, mais dont on sait une chose : les hyperobjets, eux, y seront. Alors, comment le design peut-il s’emparer de cette notion d’hyperobjet ? Le ou la designer, entité tentaculaire peut intervenir à plusieurs niveaux : de l’usage au langage, de la forme au service, etc. Il-elle peut donc sculpter le quotidien et le monde, qu’il soit effet esthétique donc fragile, voire illusoire ou non, comme le soutient Morton. Comment cette créature-là peut-elle s’intéresser au sujet, non pas comme un dieu mais comme un-e interprète des relations mises en exergue par la présence des hyperobjets ? Pour tenter de répondre à cette question, j’aborderais successivement trois points mettant en jeu, d’abord, la question du design prospectif, puis la notion d’un design interobjectif et enfin, je proposerais d’interroger la discipline dans un rapport temporel accordé sur celui des hyperobjets.
3.1 Un travail au conditionnel
Je commencerais par dire qu’il n’y a pas de réponse claire et certainement pas unique à cette question, ce qui en fait sa pertinence. Cette pensée contemporaine de l’hyperobjet a le mérite de pousser à s’interroger sur la discipline, se confrontant aux notions évoquées plus haut : à la viscosité, la finitude, et aux multiples dimensions des créations humaines qui finissent par les dépasser. Peut-on imaginer un design comme « carnet exploratoire » des échanges entre humains et non-humains avec les hyperobjets ? Et quel type d’exploration est-il permis de mettre en place ? Si l’on reprend l’exemple de l’ensemble des matériaux radioactifs répandus sur la planète, peut venir à l’esprit le travail d’Anthony Dunne et Fiona Raby du studio éponyme et leur Huggable Atomic Mushroom10. Le coussin en forme de champignon radioactif s’adresse aux personnes souffrant de la peur d’être atomisé. Ce type de projet cherche à faire réfléchir et tente de susciter autre chose qu’un design défini par l’avancement de produits utilisés de manière à façonner le désir du consommateur. Formulation que l’on comprend familièrement à l’évocation du design. Le Mushroom pose la question de comment le design est capable de manipuler nos réponses émotionnelles.
Dunne & Raby ont pour habitude de pousser leurs étudiants à se confronter à ce qui gêne, ce qui perturbe, au lieu de simplement songer à donner une forme à un objet11. Cette même position est adoptée par Timothy Morton qui cherche, en amenant son concept d’hyperobjet à jour, à poser l’être dans une situation instable mais qu’il juge libératrice. L’objet en question traduit un rapport particulier à l’hyperobjet « matériaux radioactifs » et la menace qui pèse avec lui. L’exploration ici est cognitive : on travaille la mémoire et le sensoriel, l’affect, en explorant comment le design peut modifier le comportement de ces personnes sensibles à la menace radioactive. Il est question d’entretenir le lien entre le sujet humain et l’hyperobjet dans lequel il évolue. Le design cartographie, impacte. Ici, si j’extrapole avec en tête le maillage interobjectif de toute entité (dont font partie humains et non-humains), je pense à cette peluche comme une tentative de « toucher », de se lier à l’hyperobjet, celui qu’on ne voit pas mais qui est bel et bien là.
Il est d’ailleurs intéressant de noter le rapprochement langagier qui est possible entre la pensée de l’OOO, ontologie orientée objet fondée par Graham Harman, aussi appelée réalisme spéculatif, et la pratique du design spéculatif, tel que défendu par Dunne & Raby dans leur ouvrage Speculative everything12.
Les deux fonctionnent sur un mode de décalage. Dans le premier, il s’agit de penser une réalité qui se détache et existe au-delà du regard humain et de la subjectivité de chacun. Dans le design spéculatif, le terme revêt un sens de recherche axé sur un mode conditionnel. Et si.
Dans les deux cas, il est question de renverser un « ordre dominant » de la pensée. Avec Graham Harman, notre conscientisation des choses n’est pas garante de la réalité ; mieux, cela n’exclut pas une réalité indépendante à notre regard humain. C’est ce que prêche Timothy Morton, proche d’Harman et adhérant à cette philosophie : qu’on le veuille ou non, qu’on les voit ou les pense, ou non, les hyperobjets sont réels et ils existent. Quant à Dunne & Raby, le conditionnel utilisé dans leur travail permet de défendre un design comme repaire de questions critiques et non pas comme protocole de résolution de problèmes. Dunne & Raby annoncent que « Dans les scénarios que nous développons, nous croyons, premièrement, qu’ils doivent être scientifiquement possibles, et deuxièmement, il devrait exister un chemin entre là où nous sommes aujourd’hui et là où nous sommes dans le scénario. Un enchaînement d’événements crédible qui mène à une nouvelle situation est nécessaire, même s’il est purement fictionnel13. ». Ainsi, aussi bien Timothy Morton que le duo de designer partagent une inquiétude face au futur menacé par l’urgence écologique qui inquiète. Le premier pousse à une action immédiate sans attendre des données qu’il serait de toutes façons impossibles à compiler, les deux autres produisent de multiples scénarios, se saisissent des données présentes et arpentent les possibilités. Cependant, contrairement à Timothy Morton, je ne pense pas que le présent n’existe pas. Peut-être est-il effectivement un enchaînement de fragments du temps, comme les perles d’un chapelet que l’on égrène frénétiquement et donc constamment en mouvement. Néanmoins, la sensation est là, comme le bois des perles sur la peau, nous ressentons ce « là où nous sommes » dont parlent Dunne & Raby, et en faisons l’expérience. Ce qui à mes yeux révèle sa réalité. Il me paraît important d’observer ce moment et de s’en emparer pour mieux suivre l’injonction à l’action. « La forme, c’est la mémoire14. » déclare Morton, donnant alors aux choses formalisées un caractère passéiste. Je pense que ces « souvenirs » doivent entrer dans la composition du futur. Ainsi, il serait donc possible que nos villes s’établissent à partir du plastique ou du textile en trop, reconditionnés, réutilisés, transformés, ceux-là même que l’on accumule compulsivement. Que se passerait-il si les deux mouvances se rejoignaient sur ce point, entre « où nous sommes » et « futur futur » ? Dépasseraient-ils l’Huggable Atomic Mushroom, pour un plus vaste projet, explorant davantage la traversée des humains dans l’hyperobjet ?
3.2 Un design « interobjectif »
Comment d’ailleurs ce voyage, ce croisement entre design et hyperobjet pourrait-il être expliqué, schématisé ? En 2008, Nathan Crilly, Anja Maier et P. John. Clarkson signent un article15 reprenant le modèle de Shannon (également cité par Timothy Morton) formalisant la déclaration d’intention du ou de la designer vers l’utilisateur-rice, comme un rayon linéaire, d’un point A à un point B, ininterrompu, aussi simplement perçu qu’envoyé. Le modèle redéveloppé révèle une complexité toute autre et un espace d’interaction entre les différent-es auteur-es et destinataires-ices qui définissent l’objet de design, et qui se fait dans les deux sens. Il n’y a plus seulement A et B mais de multiples intermédiaires (fabricant-es, chercheur-euses, publicitaires, etc.) qui viennent nourrir l’objet. L’artefact, puisqu’il est question dans l’article de développer sa qualité de transmetteur et receveur médiatique, est en fait défini par de multiples messages et interventions. En utilisant ce modèle comme processus de création/fabrication de l’objet, on peut y ajouter une caractéristique nouvelle des objets, amenée par l’OOO : ceux-ci sont doués de parole et nous transmettent leurs intentions propres. Reconnaître l’existence de l’hyperobjet c’est aussi admettre sa présence dans le maillage existant du modèle de Nathan Crilly. En compilant ces différentes qualités, il peut être intéressant de se demander s’il n’y a pas, là, la véritable condition de possibilité des objets. Imaginons, à la place des flèches timides, les « zones d’interobjectivité16 » qui sont au-devant de chaque entité.
Figure 1. Hanne Reibre, Reprise du modèle développé de Nathan Crilly, Anja Maier et P.J. Clarkson avec l’apparition de la couche de l’interobjectivité de l’hyperobjet
On a donc là le fameux maillage de l’hyperobjet dont parle Timothy Morton. De cette manière il est possible d’imaginer le design comme une traduction des relations entre soi -son espace intérieur-, les autres, les objets eux-mêmes, et l’hyperobjet qui les englobe. Et chaque création qui en émerge est le passage de l’idée à la forme d’un fragment révélé de l’hyperobjet auquel on s’intéresse en tant que concepteur-rice. De plus, considérant ainsi les échanges entre les uns et les autres, la hiérarchisation entre les entités n’est plus possible, et les sujets non-humains agissent sur les humains de la même manière que ces derniers agissent sur les objets. Peut-être presque aussi littéralement que la masse, portée par le ou la propriétaire de la célèbre Do hit chair de Marijn Van der Poll, pensée au sein du studio Droog Design et paru en 200017. Ce cube de métal de métal invite ses propriétaires à le marteler, lui donnant une forme de fauteuil par la force exercée des coups répétés. Si le rapport est inversé, alors on revient à ce que note Timothy Morton quand il exprime que la tasse de café « tassomorphise18 » la main qui la tient, comme l’humain a tendance à anthropomorphiser tout objet. Qu’est-ce qu’implique cette pensée, d’une chose qui module l’être vivant à sa guise ?
En entrant dans cette zone d’interobjectivité peut-on considérer la pratique du design comme une traduction des hyperobjets ? Est-ce qu’admettre cette relation peut permettre d’en prendre le contrepied ? C’est-à-dire dépasser la posture de traducteur-rice passif-ve, inconscient-e, ancré-e, dans un maillage dont il-elle n’a pas conscience ; et cesser de contribuer à faire grossir l’hyperobjet de son choix : capitalisme, réchauffement planétaire, marée de plastique, pollution, etc.
En admettant une relation d’égal à égal entre humains et non-humains, où tout est connecté et dont les répercussions ne sont pas immédiates mais sont désormais envisageables, quelle position est-il possible de prendre ? Celle d’œuvrer pour réduire la « date limite » des hyperobjets ? D’en modifier leur essence ? Réfléchir la connexion d’objet à objet permet de dépasser point de vue au caractère immédiat et éphémère des solutions envisagées aujourd’hui ?
3.3 Voir plus loin
A quoi ressemblerait un design acceptant d’être dépassé ? Et les villes, les paysages travaillés via des structures et concepts en design dont la temporalité ne s’échelonne plus sur celle de la moyenne d’une vie humaine mais sur celle, bien éloignée, des hyperobjets ? Timothy Morton donne l’exemple du Dusty Relief19. L’esthétique du bâtiment est intéressante par ses multiples facettes, mais leurs fonctionnalités le sont encore plus. En effet, Dusty Relief répond à l’évacuation de l’ailleurs (celui vers lequel nos déchets seraient magiquement aspirés) et réagit directement à la problématique prégnante de la pollution à Bangkok. Le matériau utilisé pour la construction serait suffisant à attirer vers lui les particules de poussières, pour en débarrasser le climat, et les utiliser comme couche isolante. Penser l’hyperobjet et prendre conscience qu’il n’y a pas un ailleurs pour les objets leur permettant de disparaître, permettrait de réfléchir au design sur un système circulaire, non plus seulement à l’échelle de l’objet isolé et des schémas courts que l’on peut observer dans des initiatives personnelles, mais à des échelles plus vastes. Comment pourrait-on imaginer un paysage urbain modulé par la récupération des déchets : aurions-nous à vivre sous une couche de poussière pour que notre prochain très futur ne soit pas obligé de subir les conséquences de nos actions actuelles ? Quelles seraient les conséquences esthétiques – c’est-à-dire tenant à la fois du sensible et du formel – sur notre environnement ?
Timothy Morton annonce qu’il serait bon d’abandonner l’idée de « Nature » comme celle d’un décor vendu dans les films, cette vaste étendue verte prometteuse, sanctuaire éloigné des empreintes de nos structures industrialisées. Il évoque pour exemple Hobbiton, village des hobbits dans l’œuvre de Peter Jackson, Le seigneur des anneaux20. Il n’est évidemment pas question de s’éloigner du monde végétal et naturel mais de se défaire de l’idée que l’on s’en fait. L’esthétisation du monde est, pour lui, presque aussi nocive que la pollution même : d’abord parce qu’elle est le fruit de notre imaginaire et ensuite parce que si cet imaginaire devait être réalisé, cela nécessiterait une modification si brutale qu’elle ôterait tout caractère naturel à l’environnement. La ville « naturelle » d’Hobbiton n’est qu’une image. D’ailleurs, le relief a été spécialement créé pour les besoins de la saga. En abandonnant cet idéal mais en se concentrant avec notre rapport au monde végétal, serait-il possible de voir, par exemple, dans les travaux de Neri Oxman les futures structures qui nous accueilleront, réanimant le lien entre architecture et biodiversité ? Nous retrouverons-nous au sein d’habitats en soie, dans ses structures autoportées créées à partir d’un dérivé de polymère présent dans les crustacés et travaillé pour être intégré à un système d’impression 3D (Ocean Pavilion21) ? N’y a-t-il pas là un lien direct d’interaction avec ce monde épuisé par la force exercée par les humains ?
4. Conclusion
Les champs exploratoires ouverts par la pensée du design via l’éclairage du concept d’hyperobjets sont nombreux, et c’est à ce titre qu’il me paraît intéressant de s’y arrêter. Toutes les questions ne seront peut-être pas pertinentes, certaines ont déjà été explorées par des designers comme Neri Oxman, le studio Droog Design, Dunne & Raby et tant d’autres. Ou encore déjà posées par des philosophes comme Bruno Latour, Graham Harman ou Quentin Meillassoux, représentant français de l’ontologie orientée objet. Cependant, l’ouverture au futur et la pensée dépassant l’immédiat à l’échelle de la moyenne d’une vie humaine me paraît être une entrée constructive dans le domaine, comme celle des perspectives décalées sur le mode objet pour objet, plutôt qu’objet pour sujet. Expliciter l’interconnexion entre les choses mérite de poser tout-e concepteur-rice face à sa responsabilité et à l’unité des menaces hyperobjectivées, directement issues des créations massives des deux derniers siècles.
Pour conclure, je dirais que le design a une longueur d’avance sur le propos de Timothy Morton, les questionnements apparaissent déjà depuis une dizaine d’années dans les préoccupations des designers et chercheurs-euses. Et ce, bien que les parties qui s’inquiètent de ces problématiques soient minoritaires et que l’industrie du design soit globalement intégrée au système du capitalisme dominant. Néanmoins, nommer ces hyperobjets et les expliciter est une forme d’action sur laquelle il me semble pertinent de s’arrêter, pour, peut-être, donner à voir de nouvelles perspectives fleurir dans le champ des explorations possibles.
Bibliographie
Ouvrages
Dunne Anthony et Fiona Raby, Speculative everything : design, fiction, and social dreaming, London, The MIT Press, 2013.
Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, Saint-Étienne, Cité du design, École supérieure d’art et de design, coll. « Culture technique / Culture design », traduit par Laurent Bury, 2018.
—, La pensée écologique, Paris, Zulma, coll. « Zulma Essais », traduit par Cécile Wajsbrot, 2019.
Articles
Ackermann, Julie, « Interview avec Timothy Morton, le philosophe qui prône une écotopie hédoniste », Magazine Antidote, 9 juillet 2020. https://magazineantidote.com/societe/interview-avec-timothy-morton-le-philosophe-qui-prone-une-ecotopie-hedoniste/
Crilly, Nathan, Maier, Anja., Clarkson, P. John, « Representing artefacts as media : Modelling the relationship between designer intent and consumer experience. », International Journal of Design, 2(3), 2008, p.15-27. Disponible sur : \<http://www.ijdesign.org/index.php/IJDesign/article/view/429/220>, [consulté le 25 novembre 2020].
Mogas-Soldevila, Laia, Jorge Duro-Royo, Daniel Lizardo, Markus Kayser, Sunanda Sharma, Steven Keating, John Klein, Chikara Inamura, Neri Oxman, « Designing the Ocean Pavilion. », The MIT Lab, 2015.
\<https://neri.media.mit.edu/assets/pdf/IASS2015_MediatedMatter_small.pdf>, [consulté le 20 novembre 2020].
Sitographie et expositions
Exposition Hyperobjects, co-organisée par Timothy Morton et Laura Copelin, du 13 avril au 4 novembre 2018, Ballroom Marfa, Texas. Programme disponible en ligne sur : https://www.ballroommarfa.org/program/hyperobjects/ [consulté le 17 novembre 2020].
Exposition Neri Oxman, Material Ecology, organisée par Paola Antonelli et Anna Burckhardt, du 14 mai au 18 octobre 2020, MoMA.
Site officiel de Neri Oxman, disponible sur : \<https://neri.media.mit.edu/index.html>, [consulté le 20 novembre 2020].
Crédits et légendes
Figure 1. Reprise du modèle développé de Nathan Crilly, Anja Maier et P.J. Clarkson avec l’apparition de la couche de l’interobjectivité de l’hyperobjet, schéma réalisé par Hanne Reibre © Hanne Reibre.
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Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, Saint-Étienne, Cité du design, École supérieure d’art et de design, coll. « Culture technique / Culture design », traduit par Laurent Bury 2018, p. 15. ↩
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Wachowski, Lili, Wachowski, Lana The Matrix, Warner Bros., couleur, 35 mm, 1999. ↩
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Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, op.cit., p. 74. ↩
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Ibid., p. 104. ↩
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Ibid., p. 119. ↩
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Ibid., p. 197. ↩
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Ibid., p. 221. ↩
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Ibid., p. 217. ↩
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Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, op. cit., p. 136. ↩
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Dunne, Anthony, Fiona Raby et Michael Anastassiades, « Huggable Atomic Mushroom », 2004-2005. Site official du duo Dunne & Raby, disponible sur : \<http://dunneandraby.co.uk/content/books/66/0≥, [consulté le 20 novembre 2020]. ↩
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Sudjic, Deyan, B comme Bauhaus : un abécédaire du monde moderne, B42 éd., 2019, p. 129. ↩
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Dunne Anthony et Fiona Raby, Speculative everything : design, fiction, and social dreaming, London, The MIT Press, 2013. ↩
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Ibid., p. 4, traduction de l’auteure de l’article : « In the scenarios we develop we believe, first, they should be scientifically possible, and second, there should be a path from where we are today to where we are in the scenario. A believable series of events that led to the new situation is necessary, even if entirely fictional. » ↩
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Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, op.cit., p. 136. ↩
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Crilly, Nathan, Maier, Anja., Clarkson, P. John, « Representing artefacts as media : Modelling the relationship between designer intent and consumer experience. », International Journal of Design, 2(3), 2008, p.15-27. Disponible sur : \<http://www.ijdesign.org/index.php/IJDesign/article/view/429/220>, [consulté le 25 novembre 2020]. ↩
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Ibid., chapitre « Interobjectivité », p. 98-114. ↩
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Page de présentation de la « Do hit chair », site officiel du studio Droog Design. Disponible sur : \<https://www.droog.com/product/do-hit-chair-new/≥, [Consulté le 20 novembre 2020]. ↩
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Morton, Timothy, Hyperobjets : philosophie et écologie après la fin du monde, op.cit., p. 107. ↩
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NEW TERRITORIES/R&SIE, Dusty Relief, François Roche, Stéphanie Lavaux et Jean Navarro, 2002-2004. Disponible sur le site officiel du FRAC Centre-Val de loire : \<https://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/rub/rub-64.html?authID=157&ensembleID=513≥, [consulté le 20 novembre 2020]. ↩
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Jackson, Peter, Saga Le seigneur des anneaux, New Line Cinema, 2001-2003, 3 DVD. ↩
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Mogas-Soldevila, Laia, Jorge Duro-Royo, Daniel Lizardo, Markus Kayser, Sunanda Sharma, Steven Keating, John Klein, Chikara Inamura et Neri Oxman, « Designing the Ocean Pavilion. » The MIT Lab, 2015. \<https://neri.media.mit.edu/assets/pdf/IASS2015_MediatedMatter_small.pdf>, [consulté le 20 novembre 2020]. ↩