Emmanuel Guy, Le Jeu de la guerre de Guy Debord. L’émancipation comme projet.
Kim Sacks

Maître de Conférences en Design, Université de Strasbourg.

Résumé

Le livre d’Emmanuel Guy, Le Jeu de la guerre de Guy Debord, L’émancipation comme projet, propose de confronter l’histoire du Jeu de la guerre à celle de ce qu’il convient d’appeler design. A travers un ouvrage d’historien riche, c’est de stratégie d’émancipation de la société du spectacle dont il est question.

Abstract

Emmanuel Guy's book, Le Jeu de la guerre de Guy Debord, L'émancipation comme projet, discusses the history of the Jeu de la guerre in relation to the history of what it is the custom to call design. Through this complex historical perspective, the book questions the emancipation strategy from the society of the spectacle.

Avant-propos

Le livre d’Emmanuel Guy, publié aux éditions B42 sous le titre Le Jeu de la guerre de Guy Debord. L’émancipation comme projet, expose l’histoire du Jeu de la guerre de Guy Debord au travers d’un ouvrage composé de neuf chapitres et accompagné d’une importante iconographie, d’annexes et de l’appareillage attendu d’une publication scientifique (index, bibliographies, biographies).

Il s’agit, sans aucun doute possible, d’un travail d’historien, reconnaissable par la documentation riche et précise, aussi bien en ce qui concerne les documents archivistiques que les textes théoriques connexes au sujet traité. Cette approche historique référencée de 192 pages retrace la naissance du Jeu de la guerre de Guy Debord et son histoire inextricable des idéologies politiques des situationnistes. La particularité de l’ouvrage est qu’il aborde le Jeu de la guerre comme un objet du design, tout d’abord en explorant l’histoire des relations entre les situationnistes et certains acteurs du champ du design, puis en analysant les conditions d’existence de cet objet atypique, ses enjeux et ses modes de distribution. A travers de ce Jeu, c’est d’un projet d’émancipation de la société du spectacle dont il est question.

L’auteur rappelle, à juste titre, que le Jeu de la guerre a ses adeptes. Toutefois, le Jeu ne fait que peu l’objet d’analyse conceptuelle par la recherche en design, exception faite de quelques rares études spécifiques au Jeu de la guerre comme celles de McKenzie Wark, d’Alexander Galloway ou de Richard Barbrook, toutes en langue anglaise :

« Trois auteurs de langue anglaise se sont récemment penchés sur ce jeu : McKenzie Wark, Fifty Years of Recuperation of the Situationist International, New York, Temple Hoyne Buell Center for the Study of American Architecture / Princeton Architectural Press, 2008, p. 28 ; Richard Barbrook, Class Wargames. Ludic Subversion Against Spectacular Capitalism, Londres, Minor Compositions, 2015 ; Alexander R. Galloway, « Debord’s Nostalgic Algorithm », Culture Machine, no 10, 2009, p. 131-156.1 »

Bien que les travaux abordant les travaux de l’Internationale Situationniste ne manquent pas, les travaux traitant spécifiquement du Jeu de la guerre comme objet central d’étude ne sont pas courant, et encore moins en le confrontant à l’histoire du design. Et c’est exactement ce que cette ouvrage cherche à faire, à savoir, participer d’une écriture nouvelle de l’histoire du design, en révélant les nombreuses frictions de la pratique du design avec l’œuvre complexe de Debord et des situationnistes.

Ce texte d’Emmanuel Guy s’inscrit dans un corpus de recherches que l’historien développe depuis près d’une dizaine d’années, qui permet d’approfondir significativement les recherches scientifiques autour de Guy Debord, notamment par la publication de textes inédits. Nous relevons notamment les travaux suivants :

- Fabien Danesi, Emmanuel Guy et Fabrice Flahutez, Undercover Guy Debord, Paris, Édition Artvenir, 2012.
- Emmanuel Guy (dir.) et Laurence Le Bras (dir.), Guy Debord : un art de la guerre, Paris, Gallimard Bibliothèque nationale de France, 2013.
- Fabien Danesi, Emmanuel Guy et Fabrice Flahutez, La Fabrique du cinéma de Guy Debord, Arles (Bouches-du-Rhône), Actes sud, 2013.
- Emmanuel Guy, « Par tous les moyens, même artistiques » : Guy Debord stratège : Modélisation, pratique et rhétorique stratégiques , thèse de doctorat en Littérature française, Littérature comparée, Histoire de l'Art, Sous la direction de Anne Larue et de Fabrice Flahutez, 2015.
- Emmanuel Guy (dir.) et Laurence Le Bras (dir.), Lire Debord, avec des notes inédites de Guy Debord, L'échappée, Paris, 2016.

Et enfin, l’ouvrage dont nous traitons ici, Emmanuel Guy, Le Jeu de la guerre de Guy Debord. L'émancipation comme projet, B42, 2020.

1. Discussion autour du Jeu de la guerre

1.1. Remarques générales

Commençons par quelques remarques générales pour introduire l’argumentaire de l’ouvrage. Dès la première page, Emmanuel Guy définit les prémisses de son argumentation : « On connaît Guy Debord pour avoir été poète, cinéaste, artiste, théoricien révolutionnaire, directeur de revue et fondateur de mouvements d’avant-garde. Mais il a surtout été stratège. Qu’entend-on par là ?2 »

L’auteur affirme que le programme de Guy Debord est l’émancipation de la société du spectacle et pour ce faire, il va concevoir le Jeu de la guerre, un outil pour ceux.celles dont le projet ou dessein est la révolution. Or, pour qu’il y ait émancipation, il faut nécessairement qu’il y ait un sens stratégique. Voilà le cœur du Jeu de la guerre : le développement de l’esprit stratégique et tactique. L’objectif est clair, il s’agit de concevoir un outil pour aider les révolutionnaires à aborder la révolution avec cette connaissance pratique de la tactique et de la stratégie. De cette façon, la proposition de Debord est de donner accès à l’émancipation par le biais du jeu, pas juste le jeu comme concept mais bien le Jeu de la guerre spécifiquement. Si l’on pouvait se poser la question du choix de la notion de stratégie plutôt que celle de praxis, pourtant déjà largement étudiée chez Guy Debord, Hannah Arendt, Aristote ou Karl Marx, Emmanuel Guy convoque le lexique situationniste : « Penser dialectiquement et penser stratégiquement, c’est même chose [sic].3 » Et y ajoute que « ressourcée à ses origines et notamment à la théorie de Clausewitz, la stratégie implique nécessairement une dialectique à l’œuvre. A contrario, la dialectique a pu donner à Debord l’impression de pouvoir "tourner" sans stratégie […]. La stratégie est donc ce qui permet à la théorie de ne pas rester lettre morte4 ».

A cette première notion clef s’articule un second axe, plus implicite : la critique du fonctionnalisme. Ces deux thèmes principaux, la stratégie et la critique du fonctionnalisme, s’annoncent comme essentiels à la compréhension de l’argumentation et délimitent l’objectif analytique et historique que ce fixe l’auteur. L’ouvrage se structure en faisant dialoguer les deux points suivants :

- Pour mener sa réflexion sur la stratégie, Emmanuel Guy documente l’histoire du développement du Jeu de la guerre par une analyse des circonstances qui vont amener Guy Debord à la production du jeu. Debord va s’appuyer sur deux inspirations qu’il fera converger : 1) sur les Kriegsspiele5 qui sont les pratiques de pédagogie militaire de la fin du 18^e^ siècle 2) les jeux pensés par les avant-gardes.

- Pour croiser la conception du Jeu de la guerre avec l’histoire du design, Emmanuel Guy documente extensivement le dialogue entre l’Internationale Situationniste et certains acteurs du champ du design, notamment autour des discussions sur l’héritage du Bauhaus, par le biais des oppositions entre Max Bill et Asger Jorn. Il va également consacrer tout un pan de son argumentation autour des idéologies du design en général – et du design italien en particulier – et l’opposition à celles motivant le Situationnisme. Emmanuel Guy rappelle combien le design est, pour Debord, proche du spectacle : « Les conditions de production et de circulation du design sont les conditions mêmes de la matérialisation et de la pénétration dans la vie quotidienne du spectacle.6 » En outre, l’auteur va s’appuyer sur les réponses d’Ettore Sottsass Jr. aux critiques du design. Nous pourrions l’illustrer par cette courte citation du texte : « Ettore Sottsass Jr. va incarner les contradictions et les tensions qui animent la profession de designer, partagé qu’il est entre une conception critique du design, une histoire personnelle qui le lie à la gauche et une adhésion de fait aux lois du marché, par exemple dans ses collaborations nombreuses avec Olivetti.7 »

1.2. Développement de l’argumentation

Au travers du Jeu de la guerre, l’auteur nous invite donc à penser Guy Debord avant tout comme un stratège, et ce, à la fois par l’objet qu’il produit mais également par la conduite de ce projet, de sa vente et de sa stratégie de communication. Ce texte invoque une discipline que l’on n'attribue que rarement au travail de Guy Debord : le design. Du fait de son médium, de sa forme, de ses conditions de production, tout autant que de sa propension à relever de problématiques de conditionnements des comportements par le biais de l’architecture, ou de l’urbanisme, le Jeu de la guerre se révèle comme un objet distinct du reste de l’activité de Debord, et de façon générale de l’Internationale Situationniste. Emmanuel Guy nous suggère que cet objet s’inscrit dans une longue histoire, peu connue, des conflits idéologiques autour de l’héritage du Bauhaus – et par extension, de ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler design.

1.2.1. L’héritage du Bauhaus

Dès le premier chapitre, l’auteur revient longuement sur le conflit idéologique qui oppose Max Bill à Asger Jorn, ce dernier ayant été particulièrement sensible aux idées relayées par la revue Potlatch qui sont proches de celles du mouvement CoBrA, dont il est l’un des membres fondateurs. Asger Jorn va proposer à Max Bill de participer à l’édification de l’Hochschule für Gestaltung d’Ulm, dont Bill est porteur sur demande d’Inge Scholl et son mari Otl Aicher.

Pour Asger Jorn, l’expérimentation artistique tenait une place prépondérante à l’École du Bauhaus ; selon lui, l’idée de vouloir mettre au premier plan les mathématiques de la conception et les exigences industrielles est un non-sens, en tout cas en ce concerne l’idée originelle du Bauhaus. Cette conception d’un art expérimental, sans finalité autre que l’expérimentation elle-même ne se conjugue pas avec la conduite de projet, cher à Max Bill, ce dernier le faisant savoir à Jorn. « Jorn réplique en envisageant de fonder de son côté un Bauhaus imaginaire, un Bauhaus de l’image et de l’imagination qui serait le pendant du Bauhaus de l’objet fonctionnel et du calcul de Max Bill.8 »

Au travers de ce conflit autour de l’héritage du Bauhaus se dessine les contours d’une confrontation conceptuelle fondamentale : la place du fonctionnalisme dans la création. Il en résulte la constitution du Bauhaus Imaginiste, porté notamment par Asger Jorn, dont l’idéologie est diamétralement opposée à l’Hochschule für Gestaltung d’Ulm. Emmanuel Guy renvoie sur ce point à la lecture de Contre le fonctionnalisme9 d’Asger Jorn. La publication d’un extrait de texte de Jorn dans le numéro de décembre 1954 de Potlatch marque la proximité de l’Internationale Lettriste et du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, préfigurant leur unification au sein de l’Internationale Situationniste : « Lors de l’exposition de la galerie Taptoe, qui consacre au printemps 1957 le rapprochement de l’Internationale lettriste et du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, Asger Jorn montre ses céramiques d’Albissola et Debord ses plans psychogéographiques – ces deux ensembles rendent compte de leur critique commune du fonctionnalisme.10 » Les deux mouvements convergent, en particulier, du fait de leur position politique concernant le fonctionnalisme, que l’on retrouve de façon assez évidente dans la lecture du Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale de 1957.

Si cette unification de l’Internationale Lettriste et le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste est essentielle à l’analyse du Jeu de la guerre que nous propose Emmanuel Guy, c’est qu’elle contextualise la prévalence d’un courant anti-fonctionnaliste au sein de l’Internationale Situationniste dès sa constitution. C’est donc dans ce contexte qu’à la fin de l’année 1957, les Situationnistes expérimentent la mise en œuvre des projets de labyrinthes, sorte d’expérience ludique du dédale, de la construction d’ambiances, dont l’enjeu est d’opposer « l’urbanisme unitaire11 » à un « urbanisme totalitaire12 ». Selon Emmanuel Guy, ces expérimentations, dont certaines n’ont jamais été réalisées pleinement, préparent les conditions d’apparition du Jeu de la guerre : « Ces projets permettent de comprendre plus avant le "labyrinthe éducatif" qui sert d’écrin à la première apparition du Jeu de la guerre, et notamment la valeur éducative du double jeu qui s’y déroule, celui du dédale de couloirs et celui du jeu stratégique de plateau que l’on finit par y rencontrer.13 »

1.2.2. Contexte de guerre(s)

Malgré l’importance de la question du fonctionnalisme dès les premières pages de l’ouvrage, l’auteur définit le contexte dans lequel le Jeu de la guerre naît, en revenant sur l’étonnant manque de références à la Seconde Guerre mondiale dans l’œuvre de Debord. Emmanuel Guy signale à juste titre que, même si Debord a eu une jeunesse « tranquille » et « bourgeoise » et qu’il a été « relativement à l’abri du danger et du besoin14 », il en demeure que de nombreux aspects de son environnement sont directement affectés par la Shoah : dans son entourage notamment, il a des amis dont les familles ont été décimées, comme Gil J. Wolman, ou d’autres qui subirent les conséquences des combats armés tel que Michèle Bernstein qui a fui les bombardements15. L’auteur identifie quelques occurrences de l’émergence du contexte de la guerre dans les écrits situationnistes, notamment l’utilisation répétée du terme « concentrationnaire16 » en ce qu’il apparaît fréquemment dans les textes publiés dans l’Internationale situationniste.

Pour Guy Debord, au-delà des considérations évidentes, la Seconde Guerre mondiale s’impose comme une rupture en raison des deux points suivants : 1) elle est le moment qui doit engendrer un changement radical des personnalités politiques et culturelles 2) elle est le point culminant de la révélation du système spectacle qui survit à la guerre. En outre, Emmanuel Guy souligne que le contexte de la guerre s’immisce dans la pensée de Debord par le biais de l’analyse et la compréhension des enjeux stratégiques des révolutions. La guerre transparaît en filigrane d’une méthode d’accomplissement de la révolution, s’inscrivant de facto dans le projet d’émancipation du système spectacle. En ce sens, l’auteur revient longuement sur la relation de l’Internationale Lettriste et des réflexions autour de la guerre, tout particulièrement la guerre d’Espagne, remontant ainsi la généalogie de la critique de l’aliénation dans les relations entre travail, liberté et dictature. L’auteur argumente que la focalisation de Debord sur la « guerre d’Espagne » traduit une volonté de faire incarner à l’expression l’internationalisation du projet révolutionnaire et son articulation avec les médias de masse par le biais du développement extensif du photojournalisme17.

La guerre d’Algérie va radicaliser encore davantage le situationniste : « Ainsi, nous pouvons dire que la guerre d’Algérie fut non seulement une expérience de politisation pour le jeune Debord, mais aussi le terrain d’une acculturation stratégique, d’un développement de ses capacités d’analyste stratégique, dont les articles de l’Internationale situationniste témoignent régulièrement.18 » Emmanuel Guy identifie le tournant que constitue la signature par Debord du Manifeste des 121 : il inscrit le situationniste dans le discours public, revendiquant son droit à l’insoumission, d’abord face à la guerre d’Algérie mais plus généralement étendu à son projet d’émancipation. Du fait notamment de l’enjeu du traitement médiatique – journaux et radio – cette guerre va profondément marquer la conception de Debord de La Société du spectacle19 ; les problématiques de représentations, de médiatisation, de l’histoire et d’images sont au fondement de la pensée du temps spectaculaire20.

C’est dans ce contexte que la question de la mise en place de la stratégie révolutionnaire se pose. En témoigne la publication du texte de Mustapha Khayati qui mène au dit « scandale de Strasbourg » en 1966 puis à la publication des textes en 1967 : « La Société du spectacle, de Guy Debord, chez Buchet-Chastel, et Le Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, de Raoul Vaneigem, chez Gallimard.21 » La guerre d’Algérie est donc un tournant majeur pour Debord. Mais l’idée d’une guerre symbolique – et du risque de la victoire – est présente dans la pensée du situationniste dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, en atteste l’engagement des textes de la revue Potlatch dès 1954. L’auteur note que le concept même de potlatch, à la fois pour Johan Huizinga et pour Georges Bataille fait écho à la « une guerre symbolique et une inévitable escalade de la violence, jusqu’à l’anéantissement de l’un des opposants.22 »

1.2.3. Des Kriegsspiele au Jeu de la guerre

Emmanuel Guy consacre un chapitre entier, le troisième, à documenter les connaissances de Debord, en s’appuyant sur ses notes. Il analyse en détail les textes et documents que Debord avaient à sa disposition, tout particulièrement le texte de Johan Huizinga publié en français en 195123 dont l’importance pour la pensée du situationniste est illustrée par le nombre de notes et références dans la revue Potlatch. L’auteur contextualise le concept de jeu pour Debord, ce qu’il permet d’atteindre lorsque celui-ci est en dialogue avec l’esprit stratégique, et montre en quoi – et par quoi – Debord cherche à requalifier ce qui définit la notion de jeu, particulièrement celle offerte par Huizinga. L’idée centrale de ce volet de l’argumentation est de faire émerger ce qui, dans l’histoire du Jeu de la guerre, relève de l’utilisation du jeu comme constitution de situation dont l’enjeu est stratégique. Pour l’expliquer, l’auteur revient sur l’histoire du Kriegsspiel – jeu de pions du XIXe siècle, ayant vocation à enseigner les tactiques militaires :

« Le Kriegsspiel s’impose dans un contexte de grand bouleversement du système militaire prussien. Après les deux défaites infligées par les armées de Napoléon en 1806 à Auerstaedt et Iéna, et sous l’impulsion des grands réformateurs Gerhard von Scharnhorst, August Neidhardt von Gneisenau et Carl von Clausewitz, ou d’intellectuels tels que Wilhelm von Humboldt, un vent de réforme souffle sur une cour jusqu’alors très conservatrice et sclérosée.24 »

La filiation entre les Kriegsspiele et le Jeu de la guerre se dessine alors : Debord est fasciné par la lecture de Carl von Clausewitz25, dont la traduction française par Denise Naville en 1955 permet au situationniste d’approfondir encore davantage sa pensée stratégique. Même s’il semble évident que le Jeu de la guerre s’inscrit dans l’héritage des nombreux jeux stratégiques – le King’s Game de Christopher Weickmann, les échecs, les Kriegsspiele mais aussi le poker – l’auteur propose de regarder du côté des avant-gardes pour comprendre en quoi il s’en démarque. En ce sens, il invite ses lecteurs à explorer les oppositions existantes entre le travail de Debord et celui, entre autres, de Marcel Duchamp, en particulier en ce qui concerne les échecs, dont les travaux abordant cet aspect de la vie de l’artiste ne manquent pas. Entre les lignes, l’on peut lire la relation qu’entretient Debord avec le monde de l’art, notamment les surréalistes, voir y trouver les signes de son ambivalence à l’égard des pratiques artistiques d’avant-gardes. Ou peut-être plus précisément, nous y percevons la contradiction qui existe à la fois chez Duchamp et Debord, qui consiste à penser simultanément la mort de l’auteur26 et l’artiste comme unique moteur d’une émancipation possible – par le biais du ready-made pour le premier et du détournement pour le second.

Notons ce point qui nous semble pertinent : Emmanuel Guy suggère que pour Duchamp, les échecs pourraient se conjuguer avec la chance, voir s’hybrider avec les jeux d’argent27. Ce thème qu’il développe dans un court paragraphe du troisième chapitre au sujet de Duchamp, réapparaît plus tard dans l’argumentation pour l’analyse de la relation du Jeu de la guerre et du poker, objet principal du chapitre 6 de l’ouvrage28.

1.2.4. Les règles et les implications stratégiques de la communication

Dès ses premières mentions, le Jeu de la guerre est décrit comme unissant « les avantages du jeu d’échecs et du poker.29 » Puisqu’il faut bien comprendre les règles du jeu pour en discerner ses enjeux, Emmanuel Guy propose deux chapitres qui nous semblent particulièrement complémentaires, le cinquième et le sixième. Le premier analyse les règles du jeu, le plateau, les matériaux, les pièces avec minutie, alors que le second les articule avec les enjeux stratégiques, particulièrement la question du bluff.

Emmanuel Guy décrit minutieusement le plateau : 500 cases, le choix du carré plutôt que l’hexagone, les chaînes de montagnes et l’arsenal, les éléments fixes, mais aussi le choix du métal30. Le mode analytique de l’auteur qui insiste sur les modes de conception et des idéologies gouvernant les choix formels de l’objet se confond avec celui de la critique en design. A titre d’exemple, il qualifie la forme des tours en ce qu’elle « accentue l’aspect mystérieux du jeu, sa facture à la fois moderne – en raison de la pureté des lignes – et archétypique – en raison du caractère éminemment symbolique de chacune des formes simples employées.31 » Il étaye sa description en détaillant les six unités ; les artilleries, les infanteries et cavaleries, les unités de transmissions dont chacune vient en deux variantes, à pied ou à cheval. Encore une fois, l’analyse d’Emmanuel Guy démontre comment la forme suggère la fonction, la base carrée pour les unités pédestres, octogonales pour les cavaliers32. Il est intéressant de noter que Debord opère un choix formel que l’on pourrait qualifier, à défaut d’un meilleur terme, de dépouillé sans artifice ni ornement. Aucune connotation visuelle ou référence à l’univers militaire, ni chevaux ni canons, simplement un plateau aux lignes épurées, des unités et des éléments géométriques, voire même réduits à de simples cubes. Toutefois, cette simplicité esthétique traduit également des règles fines et complexes, dont les combinaisons d’unités laissent déjà entrevoir les enjeux stratégiques : « Ainsi, les 17 pions représentent différents types d’unités : les unités combattantes (9 infanteries, 4 cavaleries, 1 artillerie à pied, 1 artillerie à cheval) et deux unités de transmission, l’une à pied, l’autre à cheval.33 » La forme du Jeu de la guerre semble faire prévaloir sa fonction stratégique et émancipatoire. Le jeu tient donc à la résolution de situations que l’on retrouve chez Clausewitz, en ce que la stratégie nécessite les deux qualités suivantes : « la capacité à prendre en compte une combinaison de possibilités, et les qualités intellectuelles et morales nécessaires pour y parvenir.34 »

Pourtant cette simplicité formelle révèle un versant invisible du plateau : la nécessité pour les joueurs de cartographier mentalement les lignes de transmissions entre l’arsenal et les unités de transmissions. La question de la communication est donc clef pour une stratégie victorieuse. Emmanuel Guy rappelle que chaque pièce doit être dans le rayonnement direct de l’arsenal, ou dans la ligne de relais d’une des unités de transmissions qui en étend le champ de communication. Si la ligne est coupée ou que l’arsenal est pris par l’adversaire, les pièces sont immobilisées. Guy Debord souligne dans les règles du jeu qu’il s’agit d’une des stratégies les plus fréquentes pour atteindre la victoire35. Tour à tour, les joueurs procèdent aux mouvements de 5 unités et ne possèdent qu’une seule attaque sur les unités adverses. A chaque mouvement, le rayon de communication change. La matrice gouvernant les pièces n’existe que dans la représentation continue que s’en font les joueurs. Dans l’unification des échecs et du poker, le Jeu de la guerre hérite de ce que l’on pourrait qualifier de potentiel informationnel : le bluff, en ce qu’il démontre l’importance de la stratégie de communication, fait prévaloir la démonstration de sa propre supériorité sur sa supériorité effective. En d’autres termes, le bluff est, par définition, une stratégie de communication, et s’appuie sur le décalage entre ce qui est effectivement sur le plateau et une information potentielle qui sert à semer le doute dans la projection stratégique.

De cette façon, il semble que le jeu tente de faire un jonction, relativement improbable, entre trois choses : une esthétique géométrique sans référence à l’Histoire des guerres, un ensemble de règles s’appuyant indubitablement sur l’Histoire des jeux de guerres, et finalement, cette extrême contemporanéité de l’inclusion de l’information et de la communication dans la stratégie. Emmanuel Guy rapproche le rôle de la communication dans le Jeu de la guerre et dans l’Internationale Situationniste36. Il remarque qu’il existe une proximité entre les modes de relais d’informations de l’Internationale Situationniste et ceux possibles dans le Jeu de la guerre : la stratégie de diffusion de l’Internationale Situationniste repose sur la distribution de tracts, de brochures, d’affiches et la revue, dont l’objectif est de constituer un réseau continu de personnes, étendant ainsi le champ de communication du mouvement jusqu’à l’internationalisation37.

2. Commentaire

L’ouvrage d’Emmanuel Guy est un livre d’historien de très grande qualité, incontournable pour quiconque s’intéresse à l’histoire conflictuelle de l’Internationale Situationniste et du design. La lecture de cette ouvrage est très agréable. L’écriture est claire, le texte est bien construit et l’argumentation découle d’une connaissance approfondie du sujet. L’auteur documente, référence et analyse l’histoire du Jeu de la guerre avec minutie et avec toute la rigueur scientifique du travail d’historien spécialiste. Alors que les travaux de Debord soient abondamment étudiés dans de nombreux champs disciplinaires, cette ouvrage s’impose comme une analyse historique pertinente qui met le Jeu de la guerre au centre de la réflexion ; juxtaposer le Jeu de la guerre à l’histoire du design donne aux lecteurs une vision sur le contexte local et international, les différents mouvements artistiques de la période et les conflits idéologiques qui caractérisent ces différentes approches de la conception – particulièrement la question du fonctionnalisme.

Ajoutons que les annexes complémentent, avec justesse, la richesse de l’argumentation. La reproduction complète des règles38 était indispensable, et en un sens évidente. En parallèle, la « proposition de script pour un film publicitaire39 » dans le cadre de la promotion du Jeu de la guerre contextualise, avec ironie, les ambivalences idéologiques entourant la mise sur le marché du Jeu et son marketing qui mènent à son échec commercial. L’auteur ne manque d’ailleurs pas d’analyser cet échec, ce « splendide fiasco40 », et de celui qu’il qualifie de loser magnifique. Le Guy Debord stratège qu’Emmanuel Guy essaye de saisir est avant tout un Debord de la défaite, pour son projet de jeu, son projet d’émancipation, et peut-être son projet de vie. Finalement, le guide de fabrication41 du Jeu de la guerre révèle peut-être les intentions de son auteur : ce manuel, par l’invitation au détournement qui le caractérise, incite ouvertement à la fabrication de son propre Jeu. Cet aspect est d’autant plus important que ce guide do it yourself permet de sortir du cadre conceptuel, théorique et historique proposé par Emmanuel Guy. Cette notice offre une compréhension par l’action du Jeu de la guerre : pour en saisir la portée stratégique et politique, il doit se pratiquer. Voilà en somme ce que Debord invoque et ce qu’Emmanuel Guy tente de combler en offrant la possibilité aux lecteurs de se construire, d’abord via la lecture des règles, puis via le manuel de fabrication, une vue de ce que le Jeu de la guerre induit en terme de stratégie, politique et philosophique. En d’autres termes, le livre nous offre les outils nécessaires pour expérimenter le projet d’émancipation que s’était fixé Debord.

Notons tout de même que de façon assez étonnante, la théorie de l’information et la communication naissante au sortir de la Seconde Guerre mondiale, n’est jamais traitée par l’auteur42. Pourtant, il semble que les affrontements théoriques qui opposent Debord aux cybernéticiens se fondent, du moins pour partie, sur des conceptions diamétralement opposées de l’idée de l’information, de son usage et des stratégies et tactiques qui en découlent, à la fois philosophiquement et politiquement. Peut-être s’agit-il encore d’une ambivalence du loser magnifique, mais l’information et la communication semblent s’imposer comme la matrice des règles du Jeu. Comme nous l’avons déjà relevé, Emmanuel Guy mentionnent les quelques théoriciens qui s’intéressent au Jeu de la guerre outre-atlantique. Or, notamment pour Alexander R. Galloway, le Jeu de la guerre se comprend par son infrastructure logique :

« Debord était donc intimement conscient de la véritable réalité des jeux, à savoir qu'ils sont une conjonction de deux éléments : l'élément "juridique", c'est-à-dire les sphères du droit et de la règle, et l'élément "géométrique", c'est-à-dire le domaine des arrangements mathématiques et des logiques spatiales. Il ne s'agit plus d'une intervention dans le spectacle ou dans la narration, comme l'étaient ses films, mais il s’agit désormais d'une intervention au niveau d'un algorithme "juridico-géométrique", c'est-à-dire au niveau d'un ensemble fini de règles qui, lorsqu'elles sont exécutées, aboutissent à une machine de simulation de l'antagonisme politique.43 »

Ce glissement semble important pour comprendre les enjeux philosophiques du Jeu de la guerre au prisme de la confrontation avec le design. La question du contrôle y est centrale : les combinaisons et leurs potentiels traduisent, dans l’espace du jeu, quelque-chose d’autre que le spectacle. Il s’agit, comme le suggère Alexander R. Galloway, d’un objet dont l’idéologie sous-jacente ne relève plus du spectacle mais de l’algorithme, dont la proximité avec les enjeux stratégiques semblent assez évident. Pourtant, il y a bien ici une divergence entre l’intention, de Debord, de proposer un support à son projet d’émancipation, et les modes d’apprentissage de la révolution que le Jeu propose. Il façonne paradoxalement – et peut-être non-intentionnellement – un Jeu à l’opposé de la pratique situationniste. Guy Debord propose un cadre mathématique et géométrique dans lequel les potentiels informationnels gouvernent les décisions stratégiques, autrement dit, les projections et prédictions d’actions virtuelles fondées sur de l’analyse informationnelle. Être victorieux au Jeu – et par extension, dans cette simulation de l’antagonisme politique – signifie comprendre l’information, prédire ses transformations futures pour finalement, prendre le contrôle de l’arsenal de communication adverse. Pourtant, cette analyse du Jeu au regard de la cybernétique semble illustrer quelque-chose de l’ordre d’un paradoxe chez Debord :

« Tous les aspects du développement technique dans la société présente, et d’abord les moyens dits de communication, sont orientés vers le maximum d’isolement passif des individus, vers leur contrôle par une liaison "directe et permanente" à sens unique, par des incitations sans réplique diffusées par toutes sortes de leaders. Certaines applications de cette technique en viennent à présenter de dérisoires consolations pour ce qui manque fondamentalement, ou même, parfois, le témoignage à l’état pur de ce manque.44 »

Guy Debord n’est ni étranger à la théorie de la communication ni à la cybernétique et ses acteurs. Il les fustige, les dénigre, les tourne au ridicule. En atteste la publication dans le numéro 9 de l’Internationale Situationniste de la correspondance avec Abraham Moles45 dont ces quelques lignes introductives illustrent le mépris du situationniste envers le cybernéticien : « Petite tête, Il [sic] était bien inutile de nous écrire. On avait déjà constaté, comme tout le monde, que l’ambition qui t’incite à sortir de ton usage fonctionnel immédiat est toujours malheureuse, puisque la capacité de penser sur quoi que ce soit d’autre n’entre pas dans ta programmation.46 » Outre l’évident dédain pour la théorie de la communication et de l’information incarnée par Abraham Moles, Debord montre sa connaissance fine d’un champ auquel il s’oppose, celui du fonctionnalisme et de l’informatique programmatique. Cet exemple montre combien le Debord stratège dont il est question est un Debord éminemment conscient des enjeux technologiques de son temps et des réagencements du politique qui en découlent.

Même si l’objectif de l’ouvrage n’est pas de traiter de la question technologique, notons tout de même que l’ouvrage ne fait aucune mention de la version numérique du Jeu de la guerre, conçu par Alexander R. Galloway avec l’artiste et designer Mushon Zer-Aviv et s’appuyant sur les recherches de Carolyn Kane (Adam Parrish, était en charge de la programmation sur la première version du jeu)47. C’est d’autant plus surprenant qu’Emmanuel Guy fait référence une fois au travail théorique de Galloway et mentionne son texte Debord’s Nostalgic Algorithm48 dans la bibliographie. Le jeu multijoueur en ligne pourrait soulever des questions, très proches de celles traitées dans le livre d’Emmanuel Guy, au sujet de la stratégie, mais les adapter à d’autres aspects du design contemporain : la place de l’écran, l’impossibilité de « lire » le comportement de l’adversaire, voire même aborder la guerre de l’information – cyberwar – thématique éminemment politique notamment en ce qu’elle constitue un espace stratégique contemporain majeur49. Or, Guy Debord cherchait à concevoir un objet qui résisterait au temps, transposable à toutes situations, et qui réduirait à son essence la question stratégique, comme une forme de matrice universelle de la stratégie à l’usage de la révolution. Pourtant, comme le note Alexander R. Galloway :

« En fait, si on le compare à la silhouette de ses autres œuvres, il est étonnamment carré. L'esprit d'"errance" ou de "détournement", issu de la période situationniste, est absent du jeu. Il n'y a pas de mécanisme de renversement de la société, pas de zones autonomes temporaires, pas de conseils ouvriers, pas de villes utopiques, pas de paysages imaginaires du désir, pas de pavés et pas de plage, seulement des grilles de soldats de plomb menant une guerre inventée dans un monde inventé.50 »

Même si dans la forme de la version dite de voyage de 1963, les pièces sont le fruit d’un « détournement et assemblage de pièces de quincaillerie.51 », ces absences sont flagrantes dans les règles. Le détournement n’y existe pas, en tout cas, n’est pas prévu dans le système symbolique simulé par le Jeu. Le hacking comme mécanisme de renversement des sociétés n’y figure simplement pas. Le système « juridico-géométrique » en nie la possibilité même, alors qu’il est pourtant si prévalant dans le projet d’émancipation de la société du spectacle dans son ensemble. Peut-être est-ce là une des conditions de l’échec du Jeu de la guerre, son incapacité à réconcilier la nostalgie du Debord fasciné par les guerres prussiennes et du Debord cherchant à faire du Jeu un modèle d’apprentissage stratégique à destination des révolutionnaires, contre un monde contemporain éminemment technologique.


  1. Emmanuel Guy, Le Jeu de la guerre de Guy Debord. L’émancipation comme projet, Paris, B42, 2020, p. 10. 

  2. Ibid., p. 5. 

  3. Guy Debord, « Strat. 6 janvier 1977 », dans « Fiches de lecture : stratégie et histoire militaire », fonds Guy Debord, BnF, publié dans Laurence Le Bras (dir.), La Librairie de Guy Debord. Stratégie, Montreuil, L’Échappée, p. 429. Cité par Emmanuel Guy, op. cit., p. 12. 

  4. Ibid., p. 12. 

  5. Pour la notation des termes, nous renvoyons à la note 7, « L’orthographe correcte en langue allemande est Kriegsspiel (Kriegsspiele au pluriel). Nous écrivons Kriegsspiel pour désigner les jeux de guerre inventés au XVIIIe siècle à la cour de Prusse et nous utilisons pour désigner le Jeu de la guerre la graphie utilisée par Debord : Kriegspiel, sans double s. », Ibid., p. 9. 

  6. Ibid., p. 128. 

  7. Ibid., p. 127. 

  8. Ibid., p. 25. 

  9. Note numéro 14 : Voir Asger Jorn, « Contre le fonctionnalisme », dans Asger Jorn, Pour la forme, Paris, Internationale situationniste, 1958 ; repris dans Asger Jorn, Pour la forme, Paris, Allia, 2001, p. 25-33. 

  10. Emmanuel Guy, op. cit., p. 29. 

  11. Ibid., p. 30. Voir Guy Debord, « Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale » [1957], repris dans Guy Debord, Œuvres, Paris, Gallimard, 2006. 

  12. Emmanuel Guy, op. cit., p. 30. 

  13. Ibid., p. 31. 

  14. Ibid., p. 37. 

  15. Ibid., p. 38. 

  16. Ibid., p. 50. 

  17. Ibid., p. 43. 

  18. Ibid., p. 47. 

  19. Guy Debord, La Société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992. 

  20. Emmanuel Guy, op. cit., p. 45. 

  21. Ibid., p. 94. 

  22. Ibid., p. 97 

  23. Johan Huizinga, Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, traduit du néerlandais par Cécile Seresia, Paris, Gallimard, 1988 [1951]. 

  24. Emmanuel Guy, op. cit., p. 60. 

  25. Carl von Clausewitz, De la guerre, traduit de l’allemand par Denise Naville, Paris, Minuit, 1955. 

  26. Emmanuel Guy, op. cit., p. 69. 

  27. Ibid., p. 73. 

  28. Ibid., pp. 101-112. 

  29. Guy Debord, « Projet pour un labyrinthe éducatif » [1957], publié dans Guy Debord, Œuvres, Paris, Gallimard, 2006, p. 284-285. Repris par Emmanuel Guy, op. cit., p. 20. 

  30. Emmanuel Guy, op. cit., p. 82. 

  31. Ibid., p. 82. 

  32. Ibid., p. 83. 

  33. Ibid., p. 85. 

  34. Ibid., p. 101. 

  35. Ibid., p. 87. 

  36. Ibid., p. 88. 

  37. Ibid., p. 91. 

  38. Ibid., pp. 164-169. 

  39. Ibid., pp. 174-175. 

  40. Ibid., p. 157. 

  41. Ibid., pp. 170-171. 

  42. Exception faite d’un paragraphe de la conclusion : « Dans les années 1960, le terme cybernétique désignait l’embryon de nos technologies contemporaines de l’information. Debord et ses camarades l’ont vigoureusement combattue, notamment au travers des polémiques qui les ont opposés à Abraham Moles ou Max Bense. Si le terme cybernétique a quasiment disparu de notre vocabulaire, la société de contrôle ludique contemporaine qui est la nôtre aujourd’hui en hérite tout entière. », Ibid., p. 159. 

  43. « Debord was thus intimately aware of the true reality of games, that they are a conjunction of two elements: the “juridical” element, meaning the spheres of law and rule, and the “geometrical” element, meaning the realm of mathematical arrangements and spatial logics. This was no longer an intervention in spectacle or in narrative, as were his films, but now an intervention at the level of a “juridico-geometric” algorithm, that is, at the level of a finite set of rules that, when executed, result in a machine for the simulation of political antagonism. », traduction de l’auteur. Alexander R. Galloway, « Debord's Nostalgic Algorithm », Culture Machine #10, 2009, pp. 131-156. Repris dans Alexander R. Galloway, Uncomputable, New York, Verso, 2021, epub. 

  44. « La Technique de l’isolement », Internationale situationniste, no 9, août 1964, p. 6. 

  45. « Correspondance avec un cybernéticien », Internationale situationniste, no 9, août 1964, pp. 44-48. 

  46. Ibid., p. 47. 

  47. La première version date de 2008, et une nouvelle version à l’été 2020. http://r-s-g.org/kriegspiel/index.php (consulté le 21/11/2021). 

  48. Alexander R. Galloway, « Debord's Nostalgic Algorithm », Culture Machine #10, 2009, pp. 131-156. 

  49. Sur ce thème, nous renvoyons à la lecture de Thomas Rid, CyberWar Will Not Take Place, New York, Oxford University Press, 2013. 

  50. « In fact, viewed against the silhouette of his other work, it is surprisingly square. The spirit of “wandering” or “hijacking,” from the Situationist days, is absent in the game. There is no mechanism for overturning society, no temporary autonomous zones, no workers’ councils, no utopian cities, no imaginary landscapes of desire, no cobblestones and no beach, only grids of toy soldiers fighting a made up war in a made-up world. », traduction de l’auteur. Alexander R. Galloway, « Debord's Nostalgic Algorithm », Culture Machine #10, 2009, pp. 131-156. Repris dans Alexander R. Galloway, Uncomputable, New York, Verso, 2021, epub. 

  51. Emmanuel Guy, op. cit., p. 84.