Professeur émérite des universités, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Membre de l’Institut Acte
Résumé
L'appel fait aujourd'hui à la notion de design consiste peu ou prou à lui demander de parfaire une économie qui fait de l'innovation l'un de ses maître-mots. Cet appel ne correspond pas à la position historique d'une pratique qui a cherché non pas à formaliser, à codifier ou à informer le monde, mais à faire en sorte que, selon la fameuse formule de Louis Sullivan, les fonctions y soient suivies de formes. Cet article en rappelle l'enjeu : non pas modéliser des usages ni induire des comportements, mais augmenter la perceptibilité des situations techniques.
Abstract
The appeal made today to the notion of design consists more or less in asking it to perfect an economy that makes innovation one of its key words. This appeal does not correspond to the historical position of a practice that has sought not to formalize, codify or inform the world, but to ensure that, according to Louis Sullivan's famous expression, form ever follows function. This article reminds us of what is at stake: not to model uses or induce behaviors, but to increase the perceptibility of technical situations.
Introduction
Si je frappe sur la barre d’adresse de mon navigateur internet l’expression « design comme solution », le moteur de recherche que je sollicite me propose aussitôt nombre de réponses où figure l’expression design thinking. Pour en savoir davantage sur cette expression, je me réfère à l’encyclopédie en ligne Wikipedia. Elle me renvoie l’information suivante : « Le design thinking (littéralement « penser le design »), en français démarche design ou conception créative, est une méthode de gestion de l'innovation élaborée à l'université Stanford aux États-Unis dans les années 1980 par Rolf Faste. Il se veut une synthèse entre pensée analytique et pensée intuitive. Il fait partie d'une démarche globale appelée design collaboratif. Il s'appuie en grande partie sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l'utilisateur final. Contrairement à la pensée analytique, le design thinking est un ensemble d’espaces qui s’entrecroisent plutôt qu’un processus linéaire ayant un début et une fin ».
De pareil texte, je retiens d’abord la date (1980) qui ne renvoie sûrement pas aux premiers usages modernes du mot design (toute une histoire s’est produite, dont les tensions restent à étudier, avant que cette appellation ne soit rapportée aux démarches, conceptions et méthodes que le mot thinking est supposé nommer), le lieu (les États-Unis, l’université de Stanford) qui n’est pas indifférent (je vais y revenir) et le rapport, au demeurant répété avec insistance dans la suite de l’article, avec l’innovation. Mais si je m’arrête plus précisément sur l’énoncé de la définition, je me trouve quelque peu gêné par l’étrange logique qui s’y déploie. Deux affirmations y sont en effet produites consécutivement qui sont pourtant difficiles à assembler puisque d’une part il est dit, comme on vient de lire, que le design thinking « se veut une synthèse entre pensée analytique et pensée intuitive » et que, d’autre part, il opère « contrairement à la pensée analytique »1. Voilà qui semble bien étrange, comme est étrange aussi la traduction qui, passant de design thinking à « penser le design », échange d’une part la position d’un sujet grammatical avec celle d’un complément d’objet, d’autre part la fonction d’un participe présent avec celle d’un infinitif. L’éditeur n’y trouve cependant rien à redire puisqu’il n’accompagne pas l’énoncé global des mentions dont il est en d’autres cas capable, par exemple celles-ci : « Cet article n’est pas rédigé dans un style encyclopédique » ou « La mise en forme de cet article est à améliorer ». Autant dire que tout le propos que je viens de citer passe aujourd’hui pour plausible. Cette plausibilité affecte manifestement l’appellation design, concerne en tout cas l’appel adressé à ce mot. Il s’agit ici de la critiquer.
1. Le langage de l’innovation
Reprenons patiemment le lexique en cours. « Innovation », « démarche globale », implication des « retours de l’utilisateur final », dit notre texte de référence. La dernière notion, celle de « retour », est sûrement compatible avec l’idée, par hypothèse caractéristique du design thinking, d’exister comme « un ensemble d’espaces qui s’entrecroisent plutôt qu’un processus linéaire ayant un début et une fin ». Elle l’est du moins en ceci qu’elle doute qu’il y ait au processus en question un terme. Mais, même si elle évoque l’idée « d’entrecroiser », elle n’efface pas pour autant toute notion de ligne. Sans doute serait-il plus rigoureux d’évoquer un bouclage rétro-actif capable de faire entrer « l’utilisation » (mot capital) dans les préoccupations de « l’espace d’entrecroisements ». « Préoccupation », c’est un terme que je propose d’entendre au pied de la lettre : il désigne un souci présent d’avance. De ce souci la démarche globale ne se départit pas puisqu’elle est encore supposée susceptible de s’occuper (j’insiste décidément sur ce verbe) des « retours » d’expérience. Or tout ce processus de bouclage, il faut bien qu’il soit lancé. L’opération de ce lancement a un nom, celui d’innovation.
Qu’est-ce que cette innovation ? Consultons la même encyclopédie, elle témoigne décidément pour les vérités d’aujourd’hui. Que dit-elle ? Rien, c’est vrai, qui concerne explicitement et directement le design, mais ceci en revanche que « dans le domaine de l'ingénierie, l’innovation est un cœur de métier ». S’agissant de cette dernière expression, « le cœur de métier », un lien activable donne accès à sa définition. Il s’agirait du « cœur de compétence ou de la compétence distinctive (souligné dans l’original) d’une entreprise », c’est-à-dire de « ce qu’elle fait mieux que ses concurrents. Cela peur être toute compétence depuis le développement de nouveaux produits jusqu'à l’implication des salariés. Les théories actuelles préconisent que les activités qui ne font pas partie du cœur de compétence de l’entreprise soient externalisées. On appelle « recentrage » la stratégie d'entreprise qui consiste à concentrer ses activités sur son cœur de métier ou cœur de compétence ». La source ajoute aussitôt : « Si une compétence distinctive conduit à un avantage durable pour l’entreprise, il s’agit d'un avantage compétitif, théorisé par M. Porter (1985, The competitive Advantage) ».
Il y aurait beaucoup à dire sur cette dernière phrase qui fait un tout du durable et du compétitif mais aussi sur l’ensemble qui, de lien en lien, de renvoi en renvoi, lie finalement le design – le design en tant que design thinking – à l’ingénierie puis à l’économie via une certaine notion de l’avantage. Un homme comme Tomàs Maldonado a sûrement joué un rôle dans cette affaire, lui qui depuis l’École d’Ulm dont je vais reparler jusqu’à l’université de Bologne et la Polytechnique de Milan en passant par le Royal College of Arts et Princeton, a « orienté l'éducation au design vers la pensée systémique pour atteindre un équilibre entre la science et le design, et entre la théorie et la pratique, incorporant des méthodes de planification, la théorie perceptive et la sémiotique »2. Mon propos ne sera toutefois pas ici d’étudier précisément la signification de pareille carrière, mais plutôt de discuter du moment où commence à paraître acceptable tout le langage qui la définit et, avec lui, ce qui me semble bien relever d’un certain emportement (emballement aussi bien) de l’appellation design. Auparavant, de quoi a-t-il pu être question avec cette appellation ? C’est ce que je propose de préciser rapidement.
2. La position historique du design
En 1953, à Ulm en Allemagne, fut fondée une école dont nous ne doutons pas, comme du reste pour le Bauhaus qui l’avait précédée d’un peu plus de trente ans, qu’elle ait concouru à forger l’idée moderne de design. Pourtant elle s’appela sans ce mot, elle se nomma Hochschule für Gestaltung. Certes il est convenu que « design » puisse traduire ce « Gestaltung ». La même convention opérait déjà quand il s’agissait de rendre en américain tel ou tel texte écrit par Walter Gropius dans les années 1920. Pour autant embarque-t-elle avec assez de clarté et de précision ce qui pouvait, et peut toujours au reste, être signifié par le vocable Gestalt et ses dérivés ? Ce vocable a une tradition en allemand. Bien avant qu’il soit question de le rapporter au design, chez un penseur comme Herder (1744-1803) par exemple3, il nomme une perceptibilité particulière dont il est possible de rendre compte en français en évoquant la notion de forme. Considérons ce dernier mot, c’est là qu’est l’enjeu. La question est de savoir s’il s’entend toujours dans « design ».
La réponse n’est pas positive. Mais il faut, pour comprendre cette réponse en préciser le contexte. Il y va du retrait, en notre temps, d’un certain souci ou d’une certaine attitude auxquels en effet le mot « design » a été lié (que cette liaison ait existé, cela n’est pas douteux, cela se lit dans des textes signés par exemple Sullivan, Wright ou Moholy-Nagy) et en même temps (je veux dire : concomitamment ou presque) d’une variation non négligeable dans la compréhension de la notion de forme.
Historiquement, quand Frank-Lloyd Wright par exemple affirme que l’époque a « besoin de designers », c’est pour dire qu’un changement décisif a eu lieu dans les modes de production mais que ce changement essentiellement technique et économique manque de quelque chose. Il n’est pas à soi seul capable mettre de la forme (les « rythmes de la forme », dit même très exactement Wright4) au monde. Ce discours formulé de façon publique en 1930 procède, ainsi que le précise l’éditeur5, d’écrits rédigés depuis 1894 et correspond donc bien à la période constitutive de l’idée moderne de design. Le développant, Wright suppose une certaine plasticité de l’époque6. Ce propos est intéressant de manière générale dans la mesure où ce qu’il envisage là, c’est la malléabilité encore possible des productions d’un temps qu’on préfère depuis (nous l’avons vu plus haut à propos de Maldonado et ce n’est pas sans conséquence quant à l’idée même de design) penser en termes de système. Mais il est encore intéressant d’une manière plus particulière parce que cette thématique de la plasticité ramène objectivement à celui qui a initié la tradition allemande de la Gestalt, à savoir, je l’ai nommé déjà, Herder. Bref (je passe sur nombre de lectures qui seraient utiles à ma démonstration mais lui ferait excéder la taille d’un article), il y a bien eu un moment où le mot « design » fut appelé pour signifier l’importance d’un travail défini comme une addition au cours par hypothèse encore modelable d’une technique et d’une économie passées au niveau de puissance propre aux machines et aux machinations de la grande industrie. « Addition », ce mot se trouve précisément chez Louis Sullivan7 (avec qui Wright avait travaillé), juste avant que soit prononcée la formule devenue fameuse : « Form ever follows function ». Une lecture détaillée de ce texte montrerait que si cette forme qui vient en suivant a quelque chose d’un ajout, ce n’est pas qu’elle enjolive ou ornemente ce qui ne serait autrement que tristement fonctionnel, c’est que, ne se trouvant pas dans la perspective d’une fonctionnalité réduite à sa seule exigence, elle ne saurait être demandée à ce titre. Cela veut dire, pour aller vite, que l’enjeu historique du design, ce n’était pas d’implémenter les fonctionnements d’un supposé « système » de production. Ce n’était pas non plus, à l’inverse, de porter sur ce supposé système un regard plus ou moins empreint de nostalgie. Non, l’enjeu, c’était de s’intéresser à une phénoménalisation (j’ai parlé plus haut de « perceptibilité ») qui, justement, n’a rien de systématique.
3. De la fonction à la forme
Comprendre ce que les initiateurs de ce qui s’appellera finalement design ont souhaité nommer en parlant de forme et/ou de Gestalt n’est pas une mince affaire. C’est qu’il y va d’une tension quelque peu paradoxale. Dans la façon qui fut la leur de travailler la perceptibilité, les premiers designers, même quand ils ne s’appelaient pas ce nom, ont pu donner le sentiment d’être allés à l’encontre de cette idée de supplément formel que je viens de suggérer. Ne serions-nous donc pas avisés de penser que, lorsqu’ils entreprenaient de simplifier les allures des objets résultant des poussées techniques de l’époque8, ils contribuaient surtout à réduire la distance entre formes et fonctions au bénéfice pour ainsi dire de ce dernier registre ? Considérons un cas, celui du véhicule automobile. Ce genre de véhicule s’est longtemps présenté à la perception muni d’éléments résiduels provenant des modes de voiturage en vigueur avant la motorisation de la propulsion, par exemple ces marchepieds autrefois utiles à la montée des passagers, mais devenus purement formels et, en fait, ornementaux, faute d’avoir encore la fonction qui était la leur à l’époque précédente (dans la voiture au sens strict tirée par un animal, l’assise des passagers est haute et nul ne peut l’atteindre sans un dispositif lui permettant de s’élever). Le travail du design, aussi anonyme ait-il alors été, aura consisté à ôter ce genre de reste et, plus généralement, à faire valoir pour le plus grand nombre de productions possible la moindre apparence. Voilà le paradoxe. Comment la sorte de soustraction dont nous venons de trouver un exemple pourrait-elle s’accommoder de l’exigence auparavant rappelée de faire addition au seul registre des fonctionnalités ?
Sur le plan conceptuel, des travaux comme ceux de Portmann étudiant la forme animale (Gestalt derechef) et liant cette notion à celle d’auto-présentation pourraient être d’un grand secours9. Seulement, comme ces travaux n’ont pas été menés dans le champ du design, il faudrait justifier leur importation dans ce champ. Je ne saurai ici qu’en signaler l’intérêt en citant cette phrase où Portmann lie très explicitement la notion de forme à celle d’une sensibilité réceptrice : « Nous voulons », écrivait-il, « ramener l’attention à la propriété la plus significative de la forme : faire apparaître la spécificité de telle espèce dans le langage des sens, attester cette spécificité de manière immédiate dans la forme »10. Reste que le design a bien été capable de se débrouiller lui-même avec son paradoxe en considérant que l’addition formelle dont il entendait faire son affaire ne saurait jamais résulter d’un emprunt ou d’une transposition. L’enjeu essentiel, ce n’était pas seulement de faire quelque chose d’époque, c’était de faire ressortir les éléments constitutifs, matières aussi bien que matrices, de cette époque. Et là est bien, là était bien l’ajout. Car s’il est indispensable à une fonction de fonctionner, il ne lui est pas pareillement nécessaire de se lier à une sorte de manifeste.
Je viens de dire « ressortir », j’aurais pu, je pourrais dire aussi : « exposer » ou « exprimer », ces verbes ayant l’un comme l’autre la capacité de signifier par leur préfixe (l’ex- latin) une mise au dehors, l’élément d’une parution. Ailleurs il m’est arrivé de parler d’un prendre « aspect » en rappelant ce que ce mot peut signifier si on le décompose : ce qui advient à un regard, ce qui fait face à ce regard, ce à quoi une vue peut se tenir. Cette vue n’est pas particulièrement pragmatique ni utilitariste. Sans exclure tout rapport d’usage, sans faire obstacle à l’utilisation, la forme dont il a pu être question au temps fondateur du design moderne ne sert ni l’un ni l’autre : elle n’est pas leur auxiliaire. Elle-même ne se justifie pas de donner lieu à une activité qu’elle pourrait motiver, que peu ou prou elle programmerait ou qu’à tout le moins elle informerait. Là est sans doute le point crucial. Les théories de l’information, les travaux de Wiener et de Shannon, à peu de chose près contemporains dans l’espace américain de l’acceptation par Moholy-Nagy du vocable « design » et, dans l’espace européen, du retour de la notion de Gestaltung, ne sont pas historiquement à la source du design. En se liant à la perspective de produire de la forme, ce dernier n’envisageait pas de formaliser, coder, voire quantifier un ensemble d’éléments et de messages dont la distribution allait bientôt pouvoir prétendre, comme on le voit aujourd’hui, à être informatiquement calculée. La perspective pratique des théories de l’information, c’est d’examiner jusqu’à quel point et dans quelles conditions il est possible d’induire des comportements (qu’ailleurs on appelle « usages »), le cas échéant de simuler des conduites (la différence que je marque ici entre le comportement et la conduite tient au moins à ce que cette dernière implique la pratique d’un choix qui n’a pas connaissance, au moment où il se fait, de toutes ses conditions et conséquences). La notion de forme, qu’on l’examine dans le contexte du design historique ou dans celui des travaux de Portmann, n’implique pas cette logique inductive. Si les tenants du premier design lui ont tout de même trouvé une valeur « organique », c’est dans l’idée, encore une fois formulée par Wright, de « faire mieux »11 en impliquant « pour la vie », comme dit le titre retenu par Moholy pour son ouvrage posthume12, une autre valeur que l’efficacité. Un objet que qualifie le design ainsi compris ne s’offre pas seulement à l’usage ni ne s’accomplit dans la seule utilisation. À sa perception pratique s’ajoute un degré supplémentaire d’aperception. Cette aperception est l’élément d’une sorte d’attention à la situation des cas fonctionnels, lesquels, cessant ipso facto d’être distraitement usuels, cessent du même coup aussi d’emporter, d’emmener, voire de séduire, dans tous les cas d’assujettir. Il devient alors même possible d’admettre au registre des gestes des valeurs qui, si l’on veut bien y réfléchir, sont à leur tour pratiques : la retenue, le suspens, la désactivation.
4. Penser par construction
Au jeu du calcul et du calculable, la première tradition du design, donc, ne s’est pas astreinte. Elle lui a opposé, d’avance pour ainsi dire, une autre pratique dont le terme d’Entwurf témoigne assez bien. « Entwurf », c’est l’un des mots que Gropius écrivit au centre du schéma récapitulatif qu’il glissa dans les statuts du premier Bauhaus et qui se trouve encore dans le titre d’un ouvrage publié en 1992 par Otl Aicher, l’un des fondateurs de l’école d’Ulm13. Bien qu’on le traduise conventionnellement par « projet » et « conception », il signifie aussi « esquisse », « essai » ou « proposition ». Du point de vue de la méthode, c’est-à-dire du cheminement du travail, la différence est de taille. Comme au temps lointain où émergea en Europe la notion de disegno, la question est au fond toujours de savoir ce qui du dessin ou du dessein a la primeur dans la formation, la fabrication et même, à certains égards, la réussite des objets. Les calculateurs en tiennent peu ou prou pour la seconde hypothèse, y compris lorsqu’un risque est en jeu, et quand bien même tous les gestes et toutes les opérations ne sont pas, loin s’en faut (c’est encore vrai aujourd’hui14), mathématiquement décrites et comprises. De même ont fait les classiques en art quand ils ont entrepris de cadrer la puissance inventive du dessin. Mais il est possible de penser à l’inverse cette puissance : plutôt qu’application ou traduction visuelle d’un dessein, elle serait manière de donner à une idée ses premiers traits, de l’esquisser. Ce que l’on fait alors valoir, c’est moins le projet, a fortiori le programme, que l’essai, la façon sur pièces ou la pensée par la construction (Bau, en allemand).
Pareille manière de procéder se soutient de l’idée que le faire ne se justifie pas seulement par l’agir. Elle plaide, elle aura plaidé en tout cas pour un monde qui, n’ayant pas pour seule ambition de s’affairer ou de s’occuper, peut trouver quelqu’importance à la façon dont il se montre. Considéré dans cette perspective, le design sûrement n’est pas une solution, mais d’abord une recherche. Cette recherche ne relève pas de la seule économie des pratiques. Ni sa voie ni son succès ne sont garantis. Peut-être faudra-t-il pour l’opérer prendre moins de distance qu’il n’est fait aujourd’hui avec l’ambition qui conduisit le design historique non pas à mieux agiter le monde des poussées techniques qui s’y produisaient, mais à travailler au-delà des seuls fonctionnements la situation de ces poussées.
Bibliographie
Aicher, Otl, Le monde comme projet [1992], traduction Pierre Malherbet et Christiane Kopylov, B 42, 2015.
Herder, Johann Gottfried, La Plastique [1778], traduction Pierre Pénisson, éditions du Cerf, 2010.
Moholy-Nagy, Laszlo, « Le design pour la vie » [1947], traduction in L. Moholy-Nagy, Peinture, Photographie, film, traduction Dominique Baqué, Éditions Jacqueline Chambon, 1993.
Portmann, Adolf, La Forme animale, traduction Georges Remy revue par Jacques Dewitte, Éditions La Bibliothèque, 2013
Sullivan, Louis, The tall office building artistically considered, 1896.
Wright, Frank-Lloyd, « L’architecture moderne » [1930], in F.-L. Wright, L’avenir de l’architecture [1953], traduction Georges Loudière et Mathilde Bellaigue, Éditions du Linteau, 2003, p. 107-108.
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Page consultée, comme toutes les autres dans cet article, le 25 janvier 2022. ↩
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Traduction opérée depuis la page https://en.wikipedia.org/wiki/Tom%C3%A1s\_Maldonado. ↩
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Voir sur ce point la première partie de la thèse de Wafa Abida, Du sentiment moderne, éloge des formes d'existence mineure, Université Panthéon-Sorbonne, 2020. ↩
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Frank-Lloyd Wright, « L’architecture moderne » [1930], in F.-L. Wright, L’avenir de l’architecture [1953], traduction Georges Loudière et Mathilde Bellaigue, Éditions du Linteau, 2003, p. 107-108. ↩
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F.-L. Wright, op. cit., note 1, p. 79. ↩
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F.-L. Wright, op. cit., note 1, p. 109-110. ↩
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Cf Louis Sullivan, The tall office building artistically considered, 1896. ↩
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Sur ce point, voir particulièrement la position soutenue par Raymond Loewy, La laideur se vend mal [1952, 1962], traduction Miriam Cendrars, Gallimard, 1963. ↩
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Cf Adolf Portmann, La Forme animale, traduction Georges Remy revue par Jacques Dewitte, Éditions La Bibliothèque, 2013 ↩
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Adolf Portmann, op. cit, p. 269. ↩
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F.-L. Wright, op. cit., note 1, p. 109-110. ↩
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Laszlo Moholy-Nagy, « Le design pour la vie » [1947], traduction in L. Moholy-Nagy, Peinture, Photographie, film, traduction Dominique Baqué, Éditions Jacqueline Chambon, 1993. ↩
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Otl Aicher, Le monde comme projet [1992], traduction Pierre Malherbet et Christiane Kopylov, B 42, 2015. ↩
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Voir la leçon inaugurale de Stéphane Mallat au Collège de France, 11 janvier 2018, qui évoque une certain nombre de problèmes qu’on « comprend mal », voire « pas du tout » à « l’échelle macroscopique », https://www.college-de-france.fr/site/stephane-mallat/inaugural-lecture-2018-01-11-18h00.htm entre 46’ 30 et 47’ 32. ↩