Coline Degruson est doctorante en histoire de l’art contemporain sous la direction de Richard Leeman, au sein du laboratoire ARTES de l’Université Bordeaux Montaigne. Elle est également chargée de cours à l’Université Bordeaux Montaigne et enseigne l’art contemporain à l’Icart Bordeaux. Ses recherches portent sur l’étude des écrits de François Morellet dans un prisme de compréhension plus général de relecture historiographique de l’abstraction géométrique au travers de l’écrit d’artiste.
Résumé
Comment penser le système au sein de la création artistique contemporaine ? Cette étude de cas sur l’œuvre de François Morellet explore l’envers d’un œuvre systématique marqué par l’écriture. La rationalisation d’un vocabulaire abstrait géométrique se développe chez l’artiste par l’utilisation de motifs anticompositionnels tels que des réseaux de trames. Ses trames sont développées picturalement dans un premier temps, pour s’étendre dans l’espace et enfin dans l’architecture, ceci afin d’interroger la persistance d’un motif. Cette double constante systématique de l’œuvre plastique et de l’écriture révèle une conception du système très personnelle, tout en s’ancrant dans une continuité théorique concrète.
Abstract
How to ponder the question of system in contemporary art ? The case study of François Morellet shows how systems organise his whole work and writing entreprise, both with a singular approach deeply rooted in a theoretical legacy of concrete art. Rationalisation of a geometrical abstract vocabulary in the artist’s approach consists in using grids-based systems in his works. Grids are part of a pictural approach in his early career, then they are developed in space, finally to be part of architecture. All things considered, these elements interrogate the persistence of such pattern.
Introduction
« Fils monstrueux de Mondrian et Picabia1 », c’est ainsi que François Morellet aimait à se définir, en même temps qu’il aimait diffuser une biographie par date laconique (fig. 1) dans laquelle il définit lui-même ses orientations, non sans humour. Ces deux manières de résumer son apport à l’abstraction géométrique sont représentatives de la versatilité de l’artiste. En effet, ce dernier est connu pour jongler inlassablement entre humour et goût pour la contrainte. Il résume sa démarche en développant des contraintes qu’il nomme ses « règles du jeu ». Associer la question ludique du jeu à celle de la contrainte systématique dans un pur esprit oulipien, c’est ce qui caractérise probablement le mieux l’œuvre de l’artiste qui cherche avant tout à « en faire le moins possible2 » c’est à dire substituer toute recherche arbitraire au profit d’un principe génératif.
Figure. 1 : Capture d’écran de la page d’accueil du site de François Morellet, url : https://francois-morellet.fr/
Le systématisme de la création de Morellet se révèle au travers d’un œuvre complexe, dont les prémisses se déclarent dès 19463, et ses premières œuvres abstraites dès 1950. Néanmoins, nous faisons le choix de commencer cette étude en 1951, avec son premier voyage initiatique où il fit la découverte de Max Bill au Brésil, qui fut révélateur à plus d’un titre. Le développement d’un art systématique chez Morellet se déroule pour nous de 1951 à 1971, période charnière qui marque le début de sa reconnaissance muséale qui n’a jamais cessé jusqu’à nos jours4.
1. Voyages initiatiques
1.1. Découverte concrète brésilienne
François Morellet est un artiste choletais né en 1926, qui est l’un des artistes pionniers du systématisme à la française. Si il est relativement isolé en province5, à Cholet, Morellet n’est pas pour autant isolé des recherches plastiques des artistes contemporains étrangers. La détermination géométrique de l’artiste se dessine à l’aune de deux voyages essentiels pour lui : le premier est à Rio de Janeiro en 1950, le deuxième se situe à Grenade en 1952. C’est en 1950, lors de son premier voyage au Brésil, que Morellet fait la rencontre avec l’œuvre de Max Bill, ou plutôt de ses admirateurs, nombreux au Brésil, après son exposition au musée de Sao Paulo qui se terminait tout juste. Morellet fait par exemple la rencontre décisive d’Almir Mavignier, jeune artiste brésilien, qui lui raconte et lui montre les traces de l’exposition de Max Bill, sous la forme de reproductions en noir et blanc. Il fut convaincu par la suite en y retournant une deuxième fois, cette fois-ci accompagné de sa femme Danielle, en 1951, juste après la première Biennale d’art de São Paulo, dont le pinacle fut justement une œuvre de Max Bill6, nous prouvant à nouveau à quel point il a pu faire école dans ce pays.
Max Bill est un artiste suisse descendant de la notion d’Art concret formulée par Theo van Doesburg. Sa formation au Bauhaus de Dessau lui permet une sensibilisation à l’art constructif, au contact de l’enseignement de Laszlo Moholy-Nagy, et Joseph Albers, entre autres. Bien que non signataire en 1930 du manifeste de l’Art concret, Max Bill n’en demeure pas moins foncièrement intéressé par la théorie concrète, étant donné que van Doesburg vante les mérites d’un art contrôlé par la pensée, et programmé à l’avance. Cet intérêt se matérialise sous la forme d’un essai publié pour le catalogue de l’exposition Zeitproblemen der Schweizer Malerei und Plastik7. Cette exposition majeure prend place au Kunsthaus de Zurich, où son conservateur, Wilhelm Wartmann, met en place un véritable panorama de l’art moderne suisse en rassemblant 41 exposants. Serge Lemoine, dans le catalogue de l’exposition Art concret suisse : mémoire et progrès, commente l’évènement en ces termes : « Cette manifestation a été déterminante pour l’avenir de l’art moderne dans ce pays, dans la mesure où elle a permis à la Suisse de prendre la mesure de son originalité et de se sortir de son provincialisme. »8. Max Bill, présent dans l’exposition bien sûr, a publié à cette occasion une réflexion sur l’Art Concret, « Konkrete Gestaltung 9». L’artiste, par ce texte, livre son sentiment : « L’art concret, là où il est le plus fidèle à lui-même, est pure expression de mesure et de loi harmonieuses. Il agence des systèmes et donne vie à ces agencements par les moyens dont dispose l’art10 » La question de l’agencement des systèmes est ici un véritable prolongement du point 5 du manifeste de l’art concret, qui précise « La technique doit être mécanique c’est-à-dire exacte, anti-impressionniste.11 »
Bill se place ainsi dans l’héritage théorique et plastique de van Doesburg, et cette approche de l’art déjà bien systématique a convaincu Morellet de son bien-fondé.
1.2. L’Alhambra, palais des Génies
L’année suivante, Morellet décide de se rendre à Grenade pour visiter l’ensemble palatial de l’Alhambra, joyau hispano-mauresque de l’Andalousie que Victor Hugo fantasma dans Les Orientales12.
Morellet en reparlera beaucoup dans ses écrits, la découverte des entrelacs et des mosaïques mozarabes de l’art nasride a été une révélation. Il fait par exemple souvent l’éloge de l’intelligence des motifs et des compositions qu’il y découvre, qui s’étendent du sol au plafond de ce palais royal qui est l’un des symboles de la Reconquista, après 8 siècles d’occupation dans la région d’Al-Andalus des rois maures13.
Il y rend hommage dans son tout premier écrit publié en 1958. Morellet, au travers de cet écrit assez court, se positionne déjà dans une attitude de recherche en cherchant à « chasser cette “richesse” de nos œuvres14 », autrement dit chercher d’autres sources que l’art occidental. En démontrant rechercher une simplification de son vocabulaire plastique, il reconnaît que « Les créateurs des « arabesques » de l'Alhambra de Grenade, Mondrian, en leur temps, avaient sûrement déjà eu des préoccupations semblables aux nôtres, leur attitude nous encourage.15 »
C’est donc la double influence de l’un des hérauts de l’art concret zurichois et des ornements de l’architecture nasride qui a inspiré Morellet ses premières toiles abstraites géométriques en all over16. Peinture de 1952 en est un parfait exemple, car elle est constituée d’un ordonnancement régulier de formes géométriques, d’une facture neutre, venant questionner les limites du tableau17. Son systématisme atteint déjà une grande maturité en 1953 avec 16 carrés18, une toile blanche sectionnée par une grille de trois lignes horizontales et trois lignes verticales noires, qu’il juge même comme son œuvre la plus « radicale19 ».
Le système opérant dans 16 carrés paraît d’une simplicité confondante étant donné le motif impersonnel de la grille. Pourtant, en 1980 lorsqu’il revient sur l’élaboration de cette œuvre, il révèle ses préoccupations :
« Il est né d'un certain nombre de choix : choix du format, choix des éléments y figurant, choix de leur répartition, choix des couleurs, choix de la matière.
Le format. J'ai choisi le carré parce que c'est une figure qui n'est définie que par une seule décision arbitraire (au lieu de deux pour un rectangle). Cette décision : côté de 80 cm est bien sûr subjective mais très « diluée » puisqu'elle a été appliquée aux 9/10° de ma production des années cinquante. Soit deux décisions (carré + 80 cm).
Les éléments y figurant. J'ai choisi des lignes, parce qu'étant donné un plan (le tableau) une ligne n'est définie, théoriquement, que par sa direction (par exemple, l'angle qu'elle forme avec l'horizontale, ici, les deux extrêmes 0°-90°) et pratiquement aussi par leur épaisseur (ici, 2 mm). Autre décision arbitraire, leur nombre (ici, six). Soit cinq décisions (ligne + 0° + 90° +2 mm + 6).
Répartition. J'ai choisi le plus uniforme, c'est-à-dire même espace entre chaque ligne (20 cm). Soit une décision.
Couleurs. J'ai choisi les deux extrêmes en ce qui concerne l'absorption et la réfraction de la lumière (noir et blanc). Soit deux décisions.
Matière. J'ai choisi une matière lisse (une surface en géométrie ne pouvant être que plate). Soit une décision. Soit en tout 2 + 5 + 1 + 2 + 1 = 11 décisions.20 »
Ainsi, on comprend qu’au-delà d’une œuvre en apparence simple, Morellet a réellement mis en place une matrice systématique décisionnelle, lui permettant de créer cette œuvre la plus neutre possible.
2. Rencontres parisiennes
2.1. Ellsworth Kelly et le hard edge américain
Toujours en 1953, un dernier évènement vient parachever cette entrée dans la création abstraite géométrique de Morellet, il s’agit de sa rencontre avec Ellsworth Kelly. Le choletais rencontre effectivement l’américain grâce à Almir Mavignier, qui les rassemble pour une exposition commune à Nantes en 195221. Ellsworth Kelly s’est installé à Paris entre 1948 et 1954, venu initialement profiter du G.I. Bill comme d’autres de ses compatriotes22. Dans ce cadre, il se voit contraint de s’inscrire à l’école des Beaux arts de Paris, où il fait la connaissance de Jack Youngerman. Mais il va surtout profiter de sa présence à Paris pour visiter des ateliers d’artistes et les musées qu’il n’a pas pu voir en temps de guerre.
Son approche se veut néanmoins moins théorique que celle de Max Bill, puisqu’elle s’est constituée d’une abstraction progressive vers un certain élémentarisme de ces œuvres parisiennes. Window, Museum of Modern Art est une œuvre-clé qui vient marquer un jalon dans son œuvre. Kelly en témoigne très clairement en ces termes :
« “En octobre 1949 au Musée d’art moderne, à Paris, je m’aperçus que les grandes fenêtres entre les tableaux m’intéressaient plus que l’art qui y était exposé. Je fis un dessin de la fenêtre et plus tard dans mon atelier je réalisai ce que je considère comme mon premier objet, Window, Museum of Modern Art, Paris. À partir de ce moment-là, la peinture telle que je l’avais connue était finie pour moi. Les nouvelles œuvres devaient être des peintures-objets non signées, anonymes. Partout où je regardais, tout ce que je voyais devenait quelque chose à faire [something to be made], et il fallait que ce soit fait à l’identique, sans rien ajouter. C’était une nouvelle liberté: il n°y avait plus besoin de composer. Le sujet était déjà là, tout fait [already made], et je pouvais me servir partout ; tout m’appartenait : la verrière d’une usine dont on a remplacé les carreaux brisés, les lignes d’une carte routière, la forme d’un châle sur la tête d’une femme, un fragment du Pavillon suisse de Le Corbusier, le coin d’un tableau de Braque, des bouts de papiers dans la rue. Tout revenait au même, “anything goes”.23 »
On peut affirmer sans équivoque grâce à ces lignes que le procédé d’abstraction induit après la découverte des Windows n’a rien de commun avec la recherche purement systématique de Morellet. Ellsworth Kelly nous fait effectivement comprendre qu’il a eu une révélation en produisant Window, un « already made »24, qui fait qu’il procédera désormais par abstraction du réel, par une réduction des formes que l’on peut par exemple observer dans les Mondrian précoces25. L’attachement profond de l’artiste américain à l’objet « already made » lui permet de se séparer du problème de l’inspiration, cherchant donc tout de même à se débarrasser de cette donnée subjective, ce qui est non sans rappeler la démarche anticompositionnelle de Morellet.
Kelly a intégré personnellement le hasard à ses compositions géométriques grâce à sa rencontre prolifique avec Jean Arp, qui eut lieu dans son atelier en février 195026, qu’il visita avec son compatriote Ralph Coburn. Arp les sensibilisa pendant leur visite aux duos-collages, effectués selon les lois du hasard avec son épouse Sophie Taueber-Arp. Ces duos-collages sont le fruit d’une part du hasard physique de l’évènement d’une feuille découpée qui tombe sur une toile dans une disposition unique, mais également par la conception de ces œuvres à 4 mains, ajoutant un caractère plus imprévisible que si l’un ou l’autre l’aurait conçu seul. Cette introduction du caractère de la chance est l’occasion pour Kelly d’expérimenter à son tour une version alternative des duos-collages avec par exemple la série des huit Spectrum Colors Arranged by Chance, de 1951 à 195327.
Une œuvre comme Seine de 1951 est un autre exemple de l’apanage d’une abstraction du réel chère aux recherches parisiennes d’Ellsworth Kelly. Cette œuvre est née d’une réflexion sur les berges de la Seine, mais réalisée en suivant un protocole aléatoire :
« Dans Seine, il décide de noircir de manière strictement progressive une grille modulaire rectangulaire formée de 41 sur 82 unités à partir de chacun de ses deux côtés latéraux (zéro, puis un, puis deux, puis trois rectangles noirs et ce jusqu’au nombre total de quarante et un, les deux rangées verticales du centre étant totalement noires), mais l’emplacement vertical des cases noires est déterminé de manière aléatoire, en tirant des numéros d’un chapeau.28 »
L’utilisation d’une grille modulaire lui permet de se saisir du vocabulaire géométrique, tout en lui conférant une part d’aléatoire avec la répartition des unités en noir.
Même si Ellsworth Kelly, lui, ne s’est inspiré que du caractère hasardeux des lois gravitationnelles physiques, Morellet, lorsqu’il fut à son tour introduit par Kelly aux travaux d’Arp, fut convaincu de la nécessité d’une tierce personne. Il est d’ailleurs intéressant de constater que Morellet eut recours au même procédé que Jean Arp quant au choix de la tierce personne, puisqu’il s’agissait de Danielle Morellet, son épouse, bien que contrairement à Sophie Taueber-Arp elle n’était pas artiste elle-même. C’est ce procédé qui est mis en place pour le tableau Répartition aléatoire de 40 000 carrés suivant les chiffres pairs et impairs d'un annuaire de téléphone, 50% bleu, 50% rouge de 1960, conçu grâce à la lecture aléatoire des numéros de l’annuaire du Maine et Loire par Danielle… ou même parfois leur progéniture. Il détaille le système employé en ces termes :
« Sur un tableau de 1 X 1 m, je traçai 200 lignes horizontales et 200 lignes verticales, formant ainsi 40.000 carrés de 5 mm de côté. J'avais opté pour une suite de chiffres, en l'occurrence l'annuaire du téléphone, et demandai à ma femme et à mes enfants de me les lire. À chaque carré était attribué un chiffre. Si ce chiffre était pair, je faisais une croix, s'il était impair, je ne faisais rien.
Quand ce travail fut terminé, j'avais à peu près 20.000 carrés avec une croix et 20.000 sans croix. Il ne me restait plus qu'à peindre au pinceau les carrés avec une croix d'une couleur (bleu) et les carrés sans croix de l'autre couleur (rouge). Ce travail s'étendit sur un an environ.29 »
La contrainte de la lecture aléatoire de numéros lui permet en ce sens d’élaborer une matrice systématique la plus objective possible, tout en ayant à cœur de systématiser le hasard qui préside ses choix chromatiques, comme c’est l’essence de sa démarche depuis 1958.
2.2. Les Molnar, de la trame au cinétisme
Une telle œuvre systématique n’aurait pourtant peut-être pas pu voir le jour sans une dernière rencontre essentielle, celle des époux Molnar en 1957.
En 1957, à ce titre, Morellet pousse la porte de l’influente Galerie Denise René pour leur présenter ses œuvres en compagnie de Danielle et de son ami Joël Stein. Malheureusement, il ne parvient pas à ses fins car il n’arrive pas à s’attirer les bonnes grâces de la galeriste, les préoccupations de all-over du choletais ne se conformant pas exactement à sa ligne directrice.
Effectivement, la galerie Denise René était encore sous les auspices de l’exposition phare du cinétisme, manœuvrée par Vasarely, Le mouvement30 en 1955. L’exposition est conçue de manière très avant-gardiste31 avec la diffusion simultanée du « Manifeste jaune » de Vasarely, louant les mérites du mouvement dans l’art. Il déclare en ce sens que « L’ÉCRAN EST PLAN MAIS, PERMETTANT LE MOUVEMENT, IL EST AUSSI ESPACE. Il n’a donc pas deux mais quatre dimensions. Le “mouvement-temps” illusoire de la composition pure, dans la nouvelle dimension offerte par l’écran, et grâce à l’unité, devient mouvement réel.32 » Cette affirmation place par conséquent Vasarely dans une démarche de théoricien de ce nouveau médium du mouvement, amorçant ainsi l’histoire du luminocinétisme qui déterminera les années 60, avant de connaître un rejet la décennie suivante33.
Elle reviendra par la suite sur sa décision d’exclure Morellet étant bien plus intéressée par le collectif du GRAV, car bien plus ancré dans un cinétisme peut-être plus proche de sa ligne directrice.
Au-delà de ce rendez-vous malheureux pour les Morellet, ils rencontrèrent sur le pas de la porte leur deus ex machina en la personne de Jesus Rafael Soto. Interpelé par les œuvres qu’ils remballent, il leur conseilla de visiter les Molnar, émigrés hongrois à Paris depuis 1947.
Ce fût le début d’une amitié solide et d’échanges très fructueux, qui se matérialisèrent dès l’année suivante, en 1958 lors de la deuxième exposition personnelle de Morellet à la galerie Colette Allendy, où ses peintures de trames abstraites géométriques sont pour la première fois exposées34. Un tel évènement marque l’occasion de publier un livret pour l’exposition, dans lequel François Molnar prend la plume pour écrire un essai. Dans ce texte, il commence en toute amitié en s’interrogeant : « Que pourrais-je dire des tableaux de Morellet sinon mon admiration subjective ?35 ». Il développe ensuite son propos sur Cézanne, en l’associant à Morellet36. Précisons que c’est également lors de cette exposition, que notre trublion choletais a l’opportunité de diffuser son premier écrit théorique où il rend hommage à l’Alhambra mais également à l’incontournable Mondrian dans la revue Ishtar. Ce premier hommage à ses prédécesseurs est le point de départ théorique d’une carrière placée sous le sceau omniprésent de l’écriture37, devenant indissociable de son œuvre plastique.
3. Extension de la trame
3.1. Le collectif et le tridimensionnel : les années GRAV
Peu de temps après sa rencontre avec les Molnar et sa découverte du hasard, il cofonde le Centre de recherche d’art visuel, qui deviendra bien vite le Groupe de recherche d’art visuel38. La fondation du Groupe est également l’occasion pour ces artistes d’affirmer leur projet sous la forme d’écrits, de tracts distribués au Salon de la Jeune Peinture, dont le premier en 1961 expose très clairement : « L’ŒIL HUMAIN est notre point de départ39 », ancrant leur pratique dans une préoccupation cinétique forte.
La formation de ce groupe est de fait l’apanage d’un tournant dans la pratique de Morellet, puisque cela lui permet d’entrer véritablement dans le cinétisme. En 1960, lorsque le groupe se forme, Morellet est en train d’achever ses 40 000 carrés, il est donc encore limité dans le cadre de sa production uniquement picturale. Mais au contact du Groupe, il se rend compte que la diversification des techniques plastiques est un moyen acceptable de pouvoir objectiver sa création et par là même de contrer l’idée de la signature visuelle d’un artiste.
Lors de ces 8 années de création au sein du Groupe, Morellet expérimentera l’implantation de son projet systématique à l’espace tridimensionnel en créant ses Sphères-Trames dès 1962 en plusieurs exemplaires dont seule la taille varie40, tels des produits manufacturés sortant de l’usine. Les Sphères-trames sont réalisées à partir de la superposition physique de réseaux de trames en acier inoxydable en forme de sphère. Cette sphère assemblée est suspendue par une simple attache afin de pouvoir s’animer d’une rotation sur elle-même, grâce à un mouvement régulier gravitationnel ou par le mouvement que peut effectuer le spectateur. Le motif de la grille moderniste est par conséquent actionnée et changeante au gré des mouvements.
La diversification du médium est un autre un moyen de systématisation et de neutralisation de la subjectivité de l’artiste. En introduisant des matériaux industriels que sont le néon et l’acier, Morellet affirme sa spécificité en tant que concepteur plus que par un style artistique reconnaissable.
L’utilisation des matériaux industriels n’est pas complètement inédite chez ses contemporains français, car il s’agit de l’un des fers de lance des nouveaux réalistes, rassemblés sous l’égide de Pierre Restany en 1960. Mais Morellet se distingue en ce fait que sa démarche d’utilisation des matériaux industriels est plus une conséquence logique de sa propre expérience personnelle de peintre amateur jusqu’en 1968. En effet, celui-ci travaillait dans l’usine familiale Morellet-Guérineau à temps plein, pratiquant son œuvre artistique sur son temps libre. Cette contrainte le retenant à Cholet explique son engagement relatif aux réunions parisiennes régulières du GRAV. Morellet reconnaît pourtant lui-même que cet isolement relatif en province fut tout de même très bénéfique pour son approche plurielle, étant lui-même plus intéressé par les rencontres internationales que par le milieu parisien. Une preuve flagrante de cet attachement est tout simplement ses relations artistiques nouées depuis les années cinquante : le brésilien Amir Mavignier, les américains Ellsworth Kelly et Jack Youngerman, les hongrois Molnar et bien sûr le GRAV, où ils ne sont que trois français avec des sud-américains.
3.2. De la tridimensionnalité à l’espace urbain
Après l’ère cinétique, un renouveau dans la pratique de Morellet se fait sentir et vient tisser son schéma systématique. 1971 marque ce début d’une longue série d’œuvres, en plus d’être l’année de sa première exposition personnelle depuis 1958 au CNAC41.
En cette même année de 1971, Morellet est également invité au même moment chez Denise René à exposer ses 40 000 carrés déclinés en sérigraphies, lui permettant d’explorer d’autres bichromies42. Grâce à cette exposition personnelle, il a l’occasion de pouvoir éclairer son cheminement théorique au travers d’un écrit qui détaille laconiquement le système employé pour la création de ses 40 000 carrés. C’est un écrit fondamental pour l’artiste car il s’agit de la première fois qu’il énonce les « règles du jeu » d’une œuvre. A ce titre, le système de conception des 40 000 carrés est assez passionnant dans la recherche d’objectivité.
L’année 1971 est surtout marquée par le premier texte d’envergure, celui qui s’imposera comme son manifeste théorique, qu’il intitule « Du spectateur au spectateur ou l’art de déballer son pique-nique »43. Il s’agit à ce jour44 de son écrit le plus conséquent, de plusieurs pages, pour lequel Morellet lui offre un écrin sous la forme d’un livret présentant des reproductions de ses œuvres. Ce livret, compilant sa production et cet écrit, était à destination des galeristes, des musées, afin de se faire connaître45. Même s’il a été écrit en 1971, il ne sera rendu public qu’en 1972 à l’occasion d’une exposition à Grenoble. Le propos de cet « écrit-manifeste » est axé sur l’importance du discours du spectateur comme prétexte à l’interprétation de son œuvre systématique. Morellet prône effectivement une simplicité désarmante dans la création de ses œuvres, et reprend à ce titre beaucoup des points du Manifeste de l’art concret de van Doesburg. Par exemple, il résume son apport en ces termes :
« J'ai, pendant vingt ans environ, produit avec beaucoup d'obstination des œuvres systématiques dont la ligne de conduite constante a été de réduire au minimum mes décisions arbitraires. Pour limiter ma sensibilité d' « Artiste », j'ai supprimé la composition, enlevé tout intérêt à l'exécution et appliqué rigoureusement des systèmes simples et évidents qui peuvent se développer soit grâce au hasard réel, soit grâce à la participation du spectateur.46 »
Ce qui s’inscrit complètement dans la directe lignée de la pensée concrétiste de van Doesburg, qui écrit dans son manifeste :
« 2° L'œuvre d'art doit être entièrement conçue et formée par l'esprit avant son exécution. Elle ne doit rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité.
Nous voulons exclure le lyrisme, le dramatisme, le symbolisme, etc.3° Le tableau doit être entièrement construit avec des éléments purement plastiques, c'est-à-dire plans et couleurs. Un élément pictural n'a pas d'autre signification que “lui-même” en conséquence le tableau n'a pas d'autres significations que “lui-même”.47 »
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais dans l’ensemble, chacun des six points du manifeste de l’art concret trouve son écho dans l’écrit-manifeste de François Morellet.
Le CNAC expose cette année-là la première rétrospective de l’œuvre de Morellet, il s’agit là de sa première reconnaissance muséale 19 ans après ses premières œuvres systématiques. L’exposition voyage également au Stedelijk, lui ouvrant la voie vers une reconnaissance à l’étranger. Le catalogue édité pour l’exposition rend compte de l’analyse fine de l’œuvre de l’artiste par Serge Lemoine, marquant le premier d’une longue série d’écrits de l’historien de l’art au sujet de Morellet, mais également d’un entretien avec Jean Leering, le directeur du CNAC. Dans cet entretien, Morellet a justement la possibilité de détailler sa démarche en 10 réponses à 10 questions, ouvrant ainsi vers une diffusion de son programme théorique.
Enfin, pour clore les évènements majeurs de cette année 1971, elle représente aussi la première de ses intégrations dans l’architecture. En effet, l’artiste est invité à œuvrer sur le plateau de la Reynie, futur emplacement du Centre Pompidou, comme pour marquer le signal de ce grand chantier à venir48. C’est lors de cette commande que l’artiste exporte ses systèmes sur une grande échelle, au format de l’architecture, formant l’angle de de la rue Quincampoix et de la rue Aubry-le-Boucher. Intégrer l’architecture fait parti d’un nouvelle série d’œuvres, qu’il nomme lui-même ses « désintégrations architecturales », car elles lui permettent un développement en trois dimensions de son art systématique. Cette première œuvre est basée sur une superposition de trames, fidèle à cette préférence de la trame depuis les années 50. Sa colorimétrie en rouge et bleu n’est pas sans nous rappeler ses 40 000 carrés de 1960, mais dénote dans l’œuvre de l’artiste qui lui préfère souvent la neutralité et l’objectivité du noir et blanc. Son œuvre est sur les murs pignons où s’étendent sur toute la hauteur des bâtiments de deux trames superposées rouge peintes sur un fond bleu. L’extension d’un motif de trames purement pictural, tel qu’il a commencé à le développer dès 1958, se retrouve donc ici développé à très grande échelle et réalisé par des tierces personnes, ce qui n’était pas le cas en 1958.
Par la suite, Morellet développera ses intégrations bien au-delà de l’aspect purement pictural puisqu’il viendra perturber l’architecture avec des sculptures à grande échelle venant s’intégrer dans des ensembles architecturaux, comme par exemple la bien connue La Défonce49. Il signe pour le CNAC à la Défense une structure parallélépipédique de sept barres d’acier, qui vient s’enfoncer de manière oblique dans le bâtiment du CNAC même et dans le sol de son parvis. Enfin, évoquons une désintégration plus récente, et peut-être l’une des plus vues par son lieu incontournable : il s’agit bien sûr de L’Esprit d’escalier, dans l’escalier Lefuel du musée du Louvre, réalisé en 2010. Pour un tel cadre, Morellet a souhaité à ce titre chatouiller l’architecture de l’escalier Lefuel en lui ajoutant des vitraux réalisés spécifiquement créés pour l’occasion. Dans ces baies en verre blanc dépoli, deux trames noires se superposent, l’une étant la ferrure originelle des baies existantes et l’autre son calque décalé et inversé.
Conclusion : la matrice systématique en trois étapes
Cette extension d’un système purement pictural dans l’espace architectural est en quelque sorte l’aboutissement de la matrice systématique de l’artiste, car elle vient confirmer la viabilité de son systématisme pictural. Intégrer ses propres trames sur des murs, dans l’espace public ici lui permet d’une part de pouvoir toucher une sphère publique mais également de prouver son attachement total à la trame systématique.
Ses nombreuses autres œuvres similaires, qu’il appelle affectueusement ses « désintégrations architecturales50 », sont tout autant de possibilité d’extension de cette matrice systématique, démarrée en 1952, dont l’importance ne se mesure pas forcément à la rigueur des moyens utilisés, ni encore à la « droiture » de ses lignes composant ses trames, mais bien à une réflexion extensive d’un motif anticompositionnel. Réfutant la question du centre dans chacune de ses œuvres, c’est bien l’idée du développement d’un motif, qu’il soit sur la toile dans les années, dans l’espace dans les années 60, et enfin dans l’architecture dès les années 70.
Au terme de cette étude, Morellet apparaît sans équivoque être un redoutable systématique. Sa matrice générative lui permet de créer des séries d’œuvres, lui assurant de fait la limitation de ses choix arbitraires. Car, après tout, il s’agit bien d’une rumination sur le long terme, comment « en faire le moins possible » ? La réponse est devant nos yeux, grâce à l’emploi d’un vocabulaire géométrique neutre et d’une colorimétrie souvent binaire, le tout agencé selon le jeu de la contrainte. Et quel formidable terrain de jeu pour l’artiste, qui a réussi à penser la contrainte comme étant libératrice. Libératrice, certes, mais surtout elle produit une poésie insoupçonnée, et engendre une infinité de combinaisons de Cent mille milliards de poèmes51… en passant par 40 000 carrés !
Bibliographie
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Art concret suisse : mémoire et progrès : Andreas Christen, Camille Graeser, Marguerite Hersberger, Verena Loewensberg, Richard Paul Lohse, Nelly Rudin, Carlo Vivarelli, cat. exp. (Dijon, Musée des beaux-arts, 9 janvier - 21 février 1982 ; Strasbourg, Musée d'art moderne, 26 février - 12 avril 1982 ; Dunkerque, Musée des beaux-arts, 20 avril - 30 mai 1982 ; Chalon-sur-Saône, Maison de la culture, 5 juin - 11 juillet 1982), Dijon, Le Coin du miroir, 1981.
Benabou, Marcel, « La règle et la contrainte », Pratiques, n° 39, 1983, pp. 101-106, url : https://www.persee.fr/doc/prati\_0338-2389\_1983\_num\_39\_1\_1282
Lemoine, Serge (dir.), Dynamo : un siècle de lumière et de mouvement dans l’art :1913-2013, cat. exp., (Paris, Grand Palais, 10 avril - 22 juillet 2013), Paris, Réunion des Musées nationaux-Grand palais, 2013.
François Morellet : Systems, cat. exp. (Buffalo, Albright-Knox Art Gallery, 21 juillet - 16 septembre 1984 ; Montréal, Musée d’art contemporain, 11 octobre - 25 novembre 1984 ; New York, The Brooklyn Museum, 17 janvier - 24 mars 1985 ; Miami, Center for the Fine Arts, 27 avril - 23 juin 1985), Buffalo, Albright-Knox Art Gallery, 1984
Morellet, cat. exp. (Paris, Centre National d’Art Contemporain, 23 mars - 26 avril 1971) Paris, Centre National d’Art Contemporain, 1971.
Morellet, cat. exp. (Paris, Centre Georges Pompidou, 4 mars - 11 mai 1986), Paris, Centre Georges Pompidou, 1986.
Nouvelle revue d’esthétique, n° 9, 2012/1, url : https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2012-1.htm?contenu=sommaire.
“Regarde de tous tes yeux, regarde” L’art contemporain de Georges Pérec, cat. exp. (Nantes, musée des beaux-arts, 27 juin - 12 octobre 2008 ; Dole, musée des beaux-arts, 21 novembre 2008 - 21 février 2009), Nantes, Joseph K, Musée des beaux-arts de Nantes ; Dole, Musée des beaux-arts de Dole, 2008.
Troche, Sarah, Le hasard comme méthode : figures de l'aléa dans l'art du XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
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La formule est issue d’un texte assez comique de juillet 1987, qu’il intitule ironiquement « Réduire à une phrase trente-cinq ans de travail », accessible par sa reproduction dans son anthologie de textes Mais comment taire mes commentaires, Paris, Beaux-arts de Paris les éditions, 1999, p. 142. ↩
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Cette locution qui sonne comme un leitmotiv chez l’artiste est souvent reprise lorsqu’il effectue un travail rétrospectif de sa démarche, voir Morellet, François, « En faire le moins possible », 1978, ibid., p. 76. ↩
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Pour plus d’informations sur ses antécédents figuratifs, lire François Morellet, c'est n'importe quoi ? 1949 ; François Morellet, c'est n'importe quoi ? 2014, cat. exp. (Paris, Galerie Kamel Mennour, 29 mars - 7 mai 2014), Paris, K. Mennour, 2014. Dans la partie 1949, qui concerne l’exposition à la galerie Raymond Creuze, du 10 au 25 mars 1950, Morellet écrit un « Avant-propos », pp. 8-9 où il relate cette exposition. ↩
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Nous faisons bien sûr allusion à la grande exposition posthume de la Dia à New York (28 octobre 2017 - 2 juin 2018) mais également plus récemment à la dation exceptionnelle de 18 œuvres au Centre Pompidou (9 juin - 23 août 2021), augmentant le nombre d’œuvres présents dans les collections du musée à 45. Notons d’ailleurs que les ayants droit eurent à cœur de transmettre par cette dation des œuvres des années 50, venant inscrire un peu plus l’œuvre de l’artiste au sein de cette historiographie. ↩
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« Le relatif isolement de François Morellet en province le laisse ignorant des grands débats parisiens de l’époque où se répondaient Robert Rey, Léon Degand, Michel Tapié, Charles Estienne et bien d'autres critiques d’art, promus au rang de théoriciens et de chefs d'école. », Lemoine, Serge, François Morellet, Zurich, Waser Verlag, 1986, p. 67. ↩
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« Organisée par le Musée d’art moderne de São Paulo, la Biennale visait à faire du Brésil, et surtout de São Paulo, un centre mondial d’art d’avant-garde en y exposant l’art contemporain du monde entier. La sculpture « Unité Tripartite » de l’artiste suisse Max Bill – composée de trois bandes de Möbius en acier inoxydable entrelacées – devint l’objet le plus influent parmi ceux qui avaient été présentés à cette occasion. », Lapin, Dardashti Abigail et Magalhães, Ana, « Culture matérielle et art moderne au Brésil (1950-1980) », Brésil(s), numéro 19, 2021, consulté le 09 décembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/bresils/9659. ↩
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Zeitproblemen der Schweizer Malerei und Plastik, Kunsthaus, Zurich 13 juin - 12 juillet 1936. ↩
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Lemoine, Serge, « Le Grand Passage », in Art concret suisse : mémoire et progrès : Andreas Christen, Camille Graeser, Marguerite Hersberger, Verena Loewensberg, Richard Paul Lohse, Nelly Rudin, Carlo Vivarelli, cat. exp. (Dijon, Musée des beaux-arts, 9 janvier - 21 février 1982 ; Strasbourg, Musée d'art moderne, 26 février - 12 avril 1982 ; Dunkerque, Musée des beaux-arts, 20 avril - 30 mai 1982 ; Chalon-sur-Saône, Maison de la culture, 5 juin - 11 juillet 1982), Dijon, Le Coin du miroir, 1981, p. 6. ↩
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Bill, Max, « Konkrete Gestaltung » in Zeitproblemen der Schweizer Malerei und Plastik, Zurich, Kunsthaus, 1936, p. 9. La transcription de ce texte en français nous est accessible par Anker Valentina, dans son ouvrage Max Bill ou la recherche d’un art logique, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979, p. 65. ↩
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Ibid. ↩
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Van Doesburg, Theo, Hélion, Jean, Tutundjian, Léon, Carlsund, Otto Gustav, Wantz, Marcel, « Base de la peinture concrète », Art Concret, n°1, p. 1. ↩
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« L’Alhambra ! l’Alhambra ! palais que les Génies
Ont doré comme un rêve et rempli d’harmonies,
Forteresse aux créneaux festonnés et croulants,
Où l’on entend la nuit de magiques syllabes,
Quand la lune, à travers les mille arceaux arabes,Sème les murs de trèfles blancs ! », Hugo, Victor, Les Orientales, Paris, Ollendorf, 1912, p. 721. ↩
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Washington Irving, alors attaché diplomatique à l’ambassade américaine de Séville nous fournit une description passionnante de l’édifice dans Irving, Washington, L'Alhambra : chroniques du pays de Grenade, 1829, traduction de P. Christian, Paris, Lavigne, 1843, pp. 22-33. ↩
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« Les artistes écrivent : François Morellet », Ishtar (Paris), n° 2, juin 1958, p. 74, in Morellet, François, Mais comment taire mes commentaires, 1999, op. cit., p. 13. ↩
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Ibid. ↩
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Il est en revanche intéressant de constater que Morellet revient sur la paternité de ses premiers all over comme étants postérieurs à sa visite de l’Alhambra en 1986, lorsque Christian Besson l’invite à évoquer cet épisode : « Je l'ai cru, mais je me suis aperçu dernièrement que, premièrement tous mes tableaux de 1952 sont all over ; deuxièmement, d’après une enquête très sérieuse de Danielle, ma première visite à Grenade date d'août 1952. Donc l’Alhambra n'a dû être pour moi qu'une merveilleuse confirmation. C’est vraisemblable, car je me souviens qu’en voyant pour la première fois ces arabesques infinies, ces entrelacs et ces positifs-négatifs d’une intelligence stupéfiante, j'ai eu la chair de poule immédiatement. Je n'ai pas eu à m'initier, j'étais déjà de plain-pied dedans. », Besson, Christian, « Entretien avec François Morellet », in Morellet, cat. exp. (Paris, Centre Georges Pompidou, 4 mars - 11 mai 1986), Paris, Centre Georges Pompidou, 1986, p. 124. ↩
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François Morellet, Peinture, 1952, laque glycérophtalique sur bois, 60 x 100 cm, Grenoble, Musée de Grenoble. ↩
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François Morellet, 16 carrés, 1953, huile sur bois, 80 x 80 cm, Mönchengladbach, Städtisches Museum Abteiberg. ↩
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« C’est en 1953 que j’ai conçu mon œuvre la plus radicale, celle qui aura eu le plus de développement dans ma carrière artistique jusqu’à aujourd’hui. », in Morellet, François, « À propos de recréation n°4 », 2000, in François Morellet, Mais comment taire mes commentaires, Paris, Beaux-arts de Paris les éditions, 2010, p. 247. ↩
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« Pourquoi ai-je été incapable d'écrire un article dans Quad ? », Quad (Maarssen), n°1, juillet 1980, n.p., in Morellet, François, Mais comment taire mes commentaires, 1999, op. cit., pp. 88-93. ↩
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« C'est ce que montre l'exposition Abstractions qui est organisée à la galerie Bourlaouën de Nantes en janvier 1952 où se retrouvent Arnal, Dmitrienko, Kelly, Mavignier, Youngerman et François Morellet. », Lemoine, Serge, François Morellet, op. cit., p. 27. ↩
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« Paris bénéficie alors d’un afflux sans précédent d’étudiants américains. On évalue leur nombre à trois cents, certains parlent même du double. », Brunet, Nathalie, « Chronologie, 1943-1954 », in Ellsworth Kelly : les années françaises, 1948-1954, cat. exp. (Paris, Galerie nationale du Jeu de paume, 17 mars - 24 mai 1992 ; Münster, Westfälisches Landesmuseum, 14 juin - 23 août 1992 ; Washington, National Gallery of Art, 1er novembre 1992 - 24 janvier 1993), Paris, Musée du Jeu de Paume, 1992, p. 178. ↩
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Bois, Yve-Alain, « Kelly en France ou l’anti-composition dans ses divers états », ibid., cit. p. 15. ↩
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Nous renvoyons à l’analyse détaillée de cette terminologie proposée par Bois, Yve-Alain, ibid., pp. 15-16. ↩
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Nous pensons par exemple au Pommier en fleurs, de 1912, conservé au Kunstmuseum Den Haag. ↩
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« “Leurs collages de 1916-1918 ont été ma première prise de contact avec les formes fragmentées ordonnées selon les lois du hasard. Au même moment, j’ai commencé mes premiers collages. Bien que semblables dans l'esprit à ceux des Arp, les formes carrées qui les composaient étaient de taille régulière et rangées sur des lignes tracées au préalable. L'élément de hasard était introduit par le placement arbitraire de chaque carré et les configurations de traits d’encre qui en résultaient” (in catalogue de l'exposition “Artists Choice: Ellsworth Kelly, Fragmentation and The Single Form”, New York, The Museum of Modern Art, 15 juin - 4 septembre 1990). », Brunet, Nathalie, « Chronologie, 1943-1954 », in Ellsworth Kelly, op. cit., p. 185. ↩
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Ellsworth Kelly, Spectrum Colors Arranged by Chance, 1951 à 1953. ↩
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Bois, Yve-Alain, « Kelly en France ou l’anti-composition dans ses divers états », in Ellsworth Kelly, op. cit., p. 27. ↩
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Morellet, François, « 40 000 carrés », in Morellet, cat. exp., (Paris, Galerie Denise René Rive Gauche, 24 mars - 10 avril 1971) Paris, Galerie Denise René, 1971, n.p, in François Morellet, Mais comment taire mes commentaires, 1999, op. cit., pp. 40-41. ↩
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Le mouvement, exposition du 6 au 30 avril 1955, avec des œuvres de Yaacov Agam, Pol Bury, Alexander Calder, Marcel Duchamp, Robert Jacobsen, Jesus Rafael Soto, Jean Tinguely, Victor Vasarely. L’exposition est souvent considéré comme marquant symboliquement la naissance de l’art cinétique en France, sous la figure tutélaire donc de Vasarely. ↩
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Cette interprétation est à nuancer par le post-scriptum de l’auteur du manifeste discret à la fin de son développement « ses propos n’engagent que leur propre auteur », Vasarely, Victor, « Notes pour un manifeste », Le mouvement, cat. exp. (Paris, galerie Denise René, 6 avril - 30 avril 1955), Paris, Galerie Denise René, 1955, n.p. ↩
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Ibid. ↩
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« Autant l’ascension avait été fulgurante, autant le reflux se montra rapide. En 1970, l’art cinétique, qui était devenu une mode, avait cessé d’être à la mode », Lemoine, Serge, « Créer avec la lumière, inventer du mouvement », in Dynamo : un siècle de lumière et de mouvement dans l’art : 1913-2013, cat. exp., (Paris, Grand Palais, 10 avril - 22 juillet 2013), Paris, Réunion des Musées nationaux-Grand palais, 2013. ↩
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Mais sa première donc en tant qu’abstrait géométrique, ce n’était pas le cas en 1949 à la galerie Raymond Creuze. À la recherche d’une base. Peintures de François Morellet, exposition du 6 au 24 mai 1958 à la galerie Colette Allendy. ↩
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À la recherche d’une base. Peintures de François Morellet, cat. exp. (6 - 24 mai 1958), Paris, galerie Colette Allendy, n.p. ↩
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Ibid. ↩
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Dès 1986, il y a une compilation de ses écrits dans le catalogue Morellet, 1986, op. cit., puis dès 1999 la publication de son anthologie Mais comment taire mes commentaires, op. cit., en 1999, puis rééditée en 2003 et revue et augmentée en 2010. ↩
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Le Centre a été fondé par Hugo Demarco, Hector Garcia Miranda, Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, Véra et François Molnar, François Morellet, Sergio Moyano, Servanes, Francisco Sobrino, Joël Stein et Yvaral. Et en 1961, seuls restent Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Yvaral. ↩
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Groupe de Recherche d’Art Visuel, Assez de mystifications, septembre 1961. ↩
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François Morellet, Sphère-trame, 1962, acier inoxydable, 60 cm de diamètre, Bordeaux, musée des beaux-arts ; François Morellet, Sphère-trame, 1972, acier inoxydable, 245 cm de diamètre, Grenoble, Musée de Grenoble ; François Morellet, Sphère-trame, 1962, acier inoxydable, 130 cm de diamètre, Marseille, Musée d’Art Contemporain. ↩
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Morellet, cat. exp. (Paris, Centre National d’Art Contemporain, 23 mars - 26 avril 1971) Paris, CNAC, 1971, n.p. ↩
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MORELLET- Œuvres Graphiques, 24 mars - 10 avril 1971, Paris, Galerie Denise René. ↩
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Morellet, François, « Du spectateur au spectateur ou l'art de déballer son pique-nique », Morellet, Cholet, 1971, pp 1-12, in Morellet, François, Mais comment taire mes commentaires, 1999, op. cit., pp. 44-53. ↩
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Selon nos recherches doctorales en cours qui impliquent le dépouillement des écrits de l’artiste. Ces écrits et archives se trouvent dans la demeure familiale de Cholet. ↩
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Il est par exemple intéressant de noter que ce livret est au Musée des beaux arts de Bordeaux, qui a acquis une de ses sphères trames en 1975. ↩
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Morellet, François, « Réduire à une phrase trente-cinq ans de travail », accessible par sa reproduction dans son anthologie de textes Mais comment taire mes commentaires, 1999, ibid., p. 142. ↩
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« Base de la peinture concrète », Van Doesburg, Theo, Hélion, Jean, Tutundjian, Léon, Carlsund, Otto Gustav, Wantz, Marcel, Art Concret, n°1, op. cit, p. 1. ↩
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« Les personnes qui m’ont commandé cette peinture (les responsables du C.N.A.C., des Arts Décoratifs…) voulaient créer un premier signal près de ce grand terrain vague où l’on allait construire le futur Musée National d’Art Moderne. Ils avaient envie, en fait, que je leur mette une enseigne. », Lemoine, Serge, « Entretien », in François Morellet : désintégrations architecturales, cat. exp. (s.d., Chambéry, Musée Savoisien ; Angers, Musée d’Angers), Chambéry, Musée Savoisien, 1982, p. 43. ↩
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François Morellet, La Défonce, poutres métalliques, 689 x 927 cm, longueur 2500 cm, 1990, 73 esplanade Charles de Gaulle, Puteaux-La Défense, au-dessus du bâtiment du Fonds national d'art contemporain. ↩
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Terminologie employée dès 1982 à l’occasion du catalogue regroupant ses diverses interventions, François Morellet : désintégrations architecturales, op. cit. ↩
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Queneau, Raymond, Cent mille milliards de poèmes, Paris, Gallimard, 1961. ↩