Jérémie Elalouf est maître de conférences à l’Institut Couleur Image Design (ISCID) de l’Université Jean Jaurès (Toulouse II). Sa thèse de doctorat, réalisée sous la direction de M. Pierre-Damien Huyghe à l’Université Paris I est consacrée au problème qu’a constitué la perspective dans l’histoire de l’art du XXe siècle et aux questions philosophiques qui lui sont sous-jacentes. Ses recherches actuelles portent sur le rôle joué par le modèle de la nature dans l’histoire des arts et du design et sur les enjeux liés aux nouveaux médias.
Résumé
Cet article propose une confrontation entre la théorie mathématique de l’information développée par Claude Shannon et la pensée de l’art de Walter Benjamin. Si Benjamin analyse des techniques de son époque, notamment le cinéma et la photographie, notre hypothèse est que sa réflexion sur ces techniques l’amène à développer une conception abstraite de l’information. De sorte qu’il est possible de lire son travail comme un précurseur des théories de l’art numérique et des nouveaux médias.
Abstract
This paper proposes a confrontation between the mathematical theory of information developed by Claude Shannon and Walter Benjamin’s reflection on art. If Benjamin analyzed the techniques of his time, notably cinema and photography, our hypothesis is that his thinking on these techniques led him to develop an abstract conception of information. Thus, it is possible to read his work as a precursor of theories on digital art and new media.
Introduction
L’intuition développée dans cet article provient de la lecture d’un texte de Bill Nichols, « The Work of Culture in the Age of Cybernetic Systems1 », texte dans lequel l’auteur entreprend d’actualiser l’essai célèbre de Walter Benjamin « L’œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique2 ». Nichols propose à cette fin une périodisation du capitalisme, allant du capitalisme entrepreneurial au capitalisme post-industriel. À chacune des époques de ce régime économique correspondent pour l’auteur à la fois des inventions techniques, des pratiques artistiques et des types de subjectivité. Ainsi, au capitalisme entrepreneurial correspondent la machine à vapeur, le cinéma, le réalisme et le prolétariat comme avant-garde ; tandis qu’au capitalisme post-industriel correspond l’électronique, l’ordinateur, le post-modernisme les groupes affinitaires et le multiculturalisme3. L’argument implicite d’une telle approche est que Benjamin ne pouvait anticiper les problèmes posés par l’informatique, puisqu’il réfléchit les enjeux d’un moment particulier de l’histoire du capitalisme. Nous voudrions au contraire montrer que non seulement Benjamin aborde le problème de l’information, mais qu’il en développe une conception abstraite comparable à celle proposée par Claude Shannon dans son article de 1948 « A Mathematical Theory of Communication4 ». Comme le montre Jérôme Segal dans Le zéro et le un5, ce texte a joué un rôle déterminant dans le développement de l’informatique, autant au travers de son vocabulaire et du type d’approche qu’il développe que par les applications directes qui ont été faites de son contenu théorique6. De sorte qu’il n’est peut-être pas nécessaire d’actualiser les arguments de Benjamin pour comprendre l’art « à l’époque de l’information », il suffit de mettre en évidence ce qui dans sa pensée relève déjà de tels enjeux. Pour le montrer, nous commencerons par nous intéresser à l’analyse de l’information de presse développée par Benjamin dans « Le Conteur7 ». Puis, nous tenterons de dégager une conception plus générale de l’information en nous concentrant particulièrement sur trois textes : « La petite histoire de la photographie8 », « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique9 » et « Sur quelques thèmes baudelairiens10 ». Enfin, nous tenterons d’articuler cette conception de l’information avec d’autres enjeux importants de la pensée de Benjamin, en particulier son rapport au marxisme et au problème de l’historicité.
1. Récit et information
Si le passage consacré à l’information dans « Le Conteur » est assez bref, il joue néanmoins un rôle important dans le texte, puisque Benjamin y explique pourquoi la pratique du récit décline dans le monde moderne.
Si l’art de conter est devenu chose rare, cela tient avant tout au progrès de l’information. Chaque matin, on nous informe des derniers évènements survenus à la surface du globe. Et pourtant nous sommes pauvres en histoires remarquables. Cela tient au fait que dans ce qui se produit, presque rien n’alimente le récit, tout nourrit l’information11.
Du fait de l’information, nous sommes donc pour Benjamin devenus incapables de nous raconter des histoires, et par conséquent d’échanger des expériences. C’est pourquoi, dans le monde moderne, « le cours de l’expérience a chuté12 ». Pour Benjamin, ce caractère éminemment destructeur de l’information s’explique par le fait qu’elle rompt avec les modes de transmission du récit. Le récit repose en effet sur la transmission orale, et ceci détermine ses principales caractéristiques formelles : il doit être assez court et condensé pour pouvoir être remémoré. Dans le récit il ne faut donc pas tout dire, il faut au contraire en dire le moins possible. C’est la concision qui pour Benjamin « recommande [le] plus durablement les histoires à la mémoire13 ». Or, une telle concision rend le récit mystérieux : l’absence d’explications fait que le sens du récit n’est pas univoque, qu’il est ouvert à de multiples interprétations. C’est cette ouverture du sens qui fait la valeur propre du récit, et qui fait que l’on peut avoir le désir de le raconter à son tour. Le sens du récit n’appartient donc pas à celui qui le raconte, chaque narrateur successif laisse bien plutôt sur lui une empreinte. Tout récit témoigne de la lente histoire de son élaboration, il résulte de « l’accumulation de ses versions successives14 » qui est comme la « lente superposition de couches minces et translucides15 ». C’est donc toute une histoire humaine qui se transmet dans le récit, histoire que l’on prolonge en le transmettant à son tour.
C’est ce caractère mystérieux et énigmatique qui fait que le lointain, dans l’espace ou dans le temps, joue un rôle déterminant dans le récit. Le lointain, en effet, est une réserve inépuisable de mystère, et il participe ainsi de la transmissibilité du récit. L’information, à l’opposé, privilégie l’immédiateté.
Villemessant, le fondateur du Figaro, a caractérisé la nature de l’information dans une formule célèbre : « Mes lecteurs, disaient-ils, se passionnent davantage pour un incendie au Quartier latin que pour une révolution à Madrid. » On ne saurait dire plus clairement ni plus brièvement, que l’information en prise sur la réalité la plus immédiate trouve désormais plus d’audience que les nouvelles venues de loin. Celles-ci – que la distance fût d’ordre spatial ou temporel, qu’elles eussent leur source dans des pays lointains ou dans une tradition ancienne – jouissaient d’une autorité qui les rendait valables en l’absence de tout contrôle. L’information, elle, prétend être aussitôt vérifiable. On lui demande donc en premier lieu d’être « compréhensible par elle-même ». Souvent, elle n’est pas plus exacte que ne l’étaient les nouvelles colportées aux siècles passés. Mais, alors que ces nouvelles prenaient bien souvent un aspect merveilleux, il est indispensable que l’information paraisse plausible. Elle s’avère par là incompatible avec l’esprit du récit16.
Ce qui caractérise l’information est donc son caractère explicite. Dans l’information, tout est énoncé de la manière la plus littérale possible. Elle n’a donc pas de valeur par elle-même, elle n’en a que par son contenu. Celui-ci doit être vrai, ou du moins plausible, pour que l’information ait de la valeur. Il est par conséquent crucial que l’information soit transmise de la manière la plus exacte et la plus fiable possible. Ne serait-ce qu’à ce niveau, il y a donc un lien entre l’information et les moyens de reproduction technique. Du fait de son mode de transmission, l’information ne peut être porteuse d’une histoire collective. Elle ne s’adresse qu’à des individus isolés, coupés de leurs attaches traditionnelles, des individus qui ne s’intéressent qu’à ce qui les concerne immédiatement. L’information est donc profondément liée à l’individualisme libéral : elle participe des formes de solitude imposées par le capitalisme. Pour Benjamin, l’information et le récit sont donc indissociables d’un mode de production. Le récit est lié à l’artisanat : il suppose des tâches longues, un temps de travail qui n’est pas encore optimisé par les impératifs de la production et des ateliers à taille humaine où il est possible d’échanger des paroles. Bien que Benjamin ne le dise pas explicitement, on peut en déduire que l’information est liée au travail industriel, à des cadences de travail qui ne laissent plus le loisir de se conter des histoires et à des lieux de production où le vacarme des machines interdit la parole. Il n’y a donc pas seulement un lien entre le contenu de l’information et la reproduction technique, il y a plus profondément un lien entre l’information et le travail industriel en général. Comprise de cette manière, l’information relève de l’aliénation capitaliste. Elle est ce qui enferme le sujet dans le petit monde de ce qu’il comprend déjà, c’est-à-dire dans les limites étroites de sa subjectivité.
2. Information et abstraction
Toutefois, Benjamin ne conçoit pas la perte de l’expérience comme un phénomène uniquement négatif. Il nous paraît possible de trouver dans les écrits de Benjamin une conception de l’information plus générale – c’est-à-dire qui ne se limite pas à l’information de presse – et plus positive, qui dans l’information ne relève pas seulement sa dimension aliénante, mais aussi un potentiel d’émancipation. C’est pour comprendre ces deux points qu’il nous paraît utile de confronter la pensée de Benjamin à la théorie mathématique de l’information présentée par Claude Shannon et Warren Weaver17. Sans entrer dans le formalisme mathématique complexe de cette théorie, il nous paraît possible d’en dégager trois idées fondamentales :
1. L’information est un problème technique.
2. L’information est toujours décomposable.
3. L’information peut être quantifiée.
Nous examinerons successivement ces trois points, en proposant pour chacun d’eux une confrontation entre le point de vue de Shannon et Weaver et celui de Benjamin.
2.1. L’information est un problème technique
La théorie de la communication développée par Claude Shannon au Bell Telephon Laboratories avait pour but de résoudre des problèmes techniques inhérents aux télécommunications, notamment aux communications téléphoniques. Il appréhende donc la communication comme un problème technique et la définition qu’il donne au début de son article est de ce point de vue explicite :
Le problème fondamental de la communication est de reproduire en un point, soit exactement soit approximativement, un message recueilli en un autre point.18
L’enjeu de la communication est donc de transmettre un message pour permettre sa reproduction, de sorte que la communication est intimement liée à la reproduction technique. Warren Weaver, dans la première partie de La théorie mathématique de la communication distingue quant à lui trois niveaux distincts de la communication19 :
1. La transmission adéquate d’une suite de symboles, ce qui constitue le problème technique de la communication.
2. L’interprétation de ces symboles, ce qui relève de la dimension sémantique de l’information.
3. L’effet de ces symboles sur le destinataire, c’est-à-dire l’effectivité de l’information.
Or, Weaver défend l’idée que, loin d’être le plus superficiel, le premier niveau a en fait un rôle tout à fait fondamental : comprendre les problèmes techniques liés à la communication transforme la manière dont on peut concevoir les niveaux supérieurs. Le « contenu philosophique20 » de la communication ne réside donc pas seulement dans sa dimension sémantique et son effectivité, mais aussi dans sa dimension technique.
Comme nous venons de le montrer, l’information suppose pour Benjamin une transmission technique, c’est ce qui la distingue fondamentalement de la culture orale. De sorte qu’il y a un lien étroit entre son analyse de l’information et son intérêt pour les moyens de reproduction. La thèse défendue par Benjamin dans « L’Œuvre d’art21 » va d’ailleurs dans ce sens : les moyens de reproduction technique ne transforment pas seulement les possibilités artistiques, ils transforment le concept d’art lui-même22. Bien que tous deux réfléchissent dans des optiques extrêmement différentes, le parti pris de Benjamin est donc sur ce point comparable à celui proposé par Weaver : les moyens techniques transforment fondamentalement le sens possible des artefacts culturels.
2.2. L’information est toujours décomposable
Shannon commence son article en abordant le cas des messages discrets, c’est-à-dire des messages qui sont constitués par une suite finie d’éléments, comme des messages en morse ou des suites de lettres alphabétiques. Son argument est que dans ce cas, la probabilité d’apparition d’un symbole est relative au nombre total de symboles utilisés et que cette probabilité définit la quantité d’information du message. A priori, une telle approche est incompatible avec les messages continus, c’est-à-dire les messages qui consistent en une modulation d’un ou plusieurs signaux, ce qui était à l’époque le cas pour le téléphone, la radio ou la télévision. Mais l’argument de Shannon est qu’il est possible de passer du cas discret au cas continu en considérant les limites des valeurs qui sont en jeu.
Dans une large mesure, le cas continu peut s’obtenir par passage à la limite à partir du cas discret, en découpant le continuum du message et des signaux en un nombre grand mais fini de petites régions et en calculant les différents paramètres en jeu sur une base discrète. Quand on fait décroître la taille des régions, ces paramètres tendent en général vers des limites qui sont les valeurs correctes du cas continu23.
Pour Shannon, c’est donc le fait de traiter le continu comme s’il était décomposable qui rend possible une théorie générale de l’information.
Dans l’approche de Benjamin, la prise en compte des effets de la reproduction technique nous paraît induire la décomposabilité. Car, pour qu’une œuvre soit reproductible, il faut nécessairement décomposer son processus de production en une suite d’opérations techniques. Pour Benjamin, le regard qui décompose est ainsi caractéristique de la photographie et du cinéma. Il compare ainsi le peintre et le cinéaste respectivement au mage et au chirurgien.
Le peintre observe, en peignant, une distance naturelle entre la réalité donnée et lui-même ; le caméraman pénètre en profondeur la trame même du donnée. Les images qu’ils obtiennent l’un et l’autre diffèrent à un point extraordinaire. Celle du peintre est globale, celle du caméraman se morcelle en un grand nombre de parties, qui se recomposent selon une loi nouvelle24.
Le regard cinématographique induit donc un découpage, ou une dissection du réel, qui permet de faire voir un niveau de complexité qui échappe à la perception ordinaire. Ainsi :
… lorsque l’on considère un comportement en l’isolant bien proprement à l’intérieur d’une situation déterminée – comme on découpe un muscle dans un corps –, on ne peut plus guère savoir ce qui nous fascine le plus : sa valeur artistique ou son utilité pour la science25.
Il y a donc pour Benjamin une profonde corrélation entre la décomposition et l’information qui est contenue dans une image26.
2.3. L’information peut être quantifiée
Shannon utilise le terme d’entropie pour désigner la quantité d’information contenue dans un message. Son argument est que cette quantité est déterminée par la probabilité qu’un élément succède à un autre dans un message donné. Si par exemple une certaine séquence de caractères est hautement probable, alors elle ne contiendra que peu d’information. Si en revanche une séquence de caractères est hautement improbable, alors elle contiendra une grande quantité d’information. L’entropie est donc une quantité qui évalue la prévisibilité d’un message donné, ou son degré de structuration. Dans un message très structuré, les enchaînements entre les éléments seront très prévisibles et il y aura un fort degré de répétition, ou dans les termes de Shannon, de redondance. En revanche, dans un message faiblement structuré, les enchaînements entre les éléments seront peu prévisibles et la redondance sera faible. Si Shannon ne s’explique pas dans son article sur le choix du terme d’entropie, Weaver estime en revanche que le choix de ce terme est extrêmement significatif.
Dans les sciences physiques, l’entropie associée à une situation donnée constitue une mesure du degré de « hasard » ou, si l’on préfère, de « désordre » de cette situation ; la tendance des systèmes physiques à se désorganiser où à atteindre un désordre total…27
Cet usage du concept d’entropie implique une idée très contre-intuitive. On pense généralement l’information comme ce qui résulte de l’organisation ou de la structure du message. Dans cette optique, un texte peut contenir de l’information parce qu’il est écrit en suivant un ensemble de règles qui le rendent déchiffrable. Or, dans la perspective de Shannon, la relation est complètement inversée : plus le message est désorganisé, plus il contient d’information, ce qui implique qu’un message complètement chaotique, et donc complètement ininterprétable, contiendrait la quantité d’information maximale28.
Pour Benjamin, la reproduction technique tend à induire une appréhension quantitative du réel. La destruction de l’aura implique en effet une négation de ce qui est unique, de sorte que tout n’est appréhendé que comme une répétition du même, ou comme une quantité.
Sortir de son halo l’objet, détruire son aura, c’est la marque d’une perception dont le « sens de l’identique dans le monde » s’est aiguisée au point que, moyennant la reproduction, elle parvient à standardiser l’unique. Ainsi se manifeste, dans le domaine de l’intuition, quelque chose d’analogue à ce qu’on observe dans le domaine théorique, avec l’importance croissante de la statistique. L’alignement de la réalité sur les masses et des masses sur la réalité est un processus d’immense portée, tant pour la pensée que pour l’intuition29.
Seulement, le fait que le réel puisse être appréhendé quantitativement n’implique pas que Benjamin ait l’idée que l’information elle-même puisse être l’objet d’une quantification. Est-il possible de trouver chez Benjamin quelque chose qui joue le rôle, comme l’entropie pour Shannon, de mesure de l’information ? Mon hypothèse est que c’est tout l’enjeu de la théorie du « choc ». Benjamin introduit la notion de choc à la fin de la « Petite histoire de la photographie30 ». Proposant un pronostic sur l’avenir de cette technique, il avance que :
L’appareil photo se fera toujours plus petit, toujours plus apte à retenir des images fugitives et secrètes dont le choc suspend, chez le spectateur, le mécanisme de l’association31.
Comme exemple d’association, Benjamin mentionne les « clichés » visuels et linguistiques du reportage journalistique. Les associations, ce sont donc les combinaisons prévisibles entre certains mots et entre certaines formes visuelles. Or, si certaines associations sont des clichés, c’est bien qu’elles sont plus fréquentes, ou plus récurrentes que d’autres. L’idée de choc induit donc une conception probabiliste du contenu de l’image. Ce qui produit un choc, c’est le fait que des associations imprévisibles pour le regardeur soient produites par l’appareil32. Le procédé photographique nous confronte à des images qui contiennent plus d’information que les formes artistiques traditionnelles, qui étaient très fortement ancrées dans des habitudes et qui supposaient de la récurrence. Une telle transformation implique une toute nouvelle attitude par rapport à l’œuvre d’art. Puisque l’intérêt de l’œuvre est sa quantité d’information, la contemplation ne peut plus être une attitude adéquate. Car la contemplation implique de considérer l’œuvre comme une unité cohérente, alors que la quantité d’information tient au fait que l’œuvre présente des éléments incohérents et inappropriés. C’est pour cela que la photographie et le cinéma impliquent un regard critique. Benjamin avance ainsi qu’au cinéma, le spectateur assiste à la représentation dans la position d’un « demi-expert33 », qui « ne sépare pas la critique de la jouissance34 ».
Un passage de « Sur quelques thèmes baudelairiens35 » illustre de manière particulièrement claire le lien établi par Benjamin entre une conception probabiliste du message et le choc esthétique. Benjamin y aborde la question des jeux de hasard. Son hypothèse est que l’attrait pour les jeux, notamment les jeux d’argent, est un des effets du développement du capitalisme. Comme l’information, le jeu implique en effet une perte de l’expérience : il ne se déroule pas dans une temporalité longue, qui permettrait de la transmission, mais bien plutôt dans un temps qui recommence toujours à zéro. Comme le travail industriel, le jeu mobilise donc des gestes machinaux, vidés de toute expérience, de sorte que « la corvée du salarié est, à sa manière, l’équivalent de celle du joueur36 ». Or, Benjamin estime que la figure du joueur joue un rôle fondamental dans la poétique baudelairienne. Dans « Soleil », l’un des rares poèmes des Fleurs du mal où Baudelaire évoque son activité poétique, on trouve ainsi une référence au hasard et à une activité gratuite qui évoque le jeu. En voici quelques vers :
Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,
Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,
Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés37.
Baudelaire fait ici explicitement le lien entre l’expérience du choc et celle du hasard. Pour qu’une œuvre produise un choc, c’est-à-dire pour qu’elle contienne une grande quantité d’information, il faut qu’elle intègre du hasard, c’est-à-dire une association qui est imprévisible parce qu’elle repose sur une expérience contingente.
Il serait toutefois possible d’objecter que le choc, parce qu’il induit une discontinuité complète de l’expérience, ne semble pas a priori relever du quantifiable. Deux arguments nous semblent néanmoins susceptibles de montrer que la pensée du choc développée par Benjamin n’exclut pas la quantification.
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Premièrement, l’idée de distraction nous paraît impliquer un rapport quantitatif à l’expérience. Benjamin oppose dans « L’Œuvre d’art38 » deux attitudes, la distraction et le recueillement. Alors que le recueillement exige une attention concentrée, la distraction permet d’intérioriser l’œuvre par une accoutumance progressive. Pour Benjamin, l’apprentissage par accoutumance a un rôle fondamental à jouer dans les moments de profonds changements historiques. Au travers de la distraction en effet, « l’art établit à notre insu le degré auquel notre aperception est capable de répondre à des tâches nouvelles39 ». Dans les conditions historiques du capitalisme industriel, la distraction est donc le seul moyen de produire une nouvelle intuition du réel, et ainsi de permettre d’agir dans un contexte fondamentalement bouleversé. Or, s’il est possible de produire une accoutumance, c’est bien que le choc peut être amorti. C’est même pour cela que la perception peut se transformer : de nouvelles associations deviennent prévisibles, ce qui implique que la quantité d’information qu’elles contiennent tend à décroître. Le choc peut donc bien être sujet à une variation quantitative.
- Deuxièmement, l’une des sources de Benjamin pour penser sa théorie du choc est l’essai de Freud, « Au-delà du principe de plaisir »40 qu’il commente dans « Sur quelques thèmes baudelairiens »41. Or, Freud avance dans ce texte que le rôle de la conscience est avant tout de nous protéger du monde extérieur : elle doit filtrer les excitations qui nous parviennent afin que nous puissions les recevoir sans que cela ne désorganise complètement notre appareil psychique. Freud pense cette relation en termes d’équilibre énergétique. L’organisme vivant dispose d’une certaine quantité d’énergie « et il doit tendre avant tout à protéger les formes particulières de transmutation énergétique qui se déroulent en lui contre l’influence égalisante, et par conséquent destructrice des énergies trop intenses qui s’exercent à l’extérieur42 ». Benjamin se réfère donc directement à une théorie où le trauma est envisagé comme une quantité d’énergie capable de désorganiser, et donc de produire de l’entropie, dans un organisme vivant.
Bien qu’ils puissent paraître différents au premier abord, ces deux arguments sont en fait fortement liés dans la pensée de Benjamin. Immédiatement après le passage que nous venons de citer, Benjamin fait la remarque suivante :
La menace de ces énergies se fait ressentir par des chocs. À mesure qu’ils sont enregistrés plus fréquemment par la conscience, on peut escompter un effet moins traumatisant de ces chocs43.
Benjamin pense certainement ici à l’analyse du jeu du fort-da proposée par Freud dans « Au-delà du principe de plaisir44 ». Grâce à un jouet composé d’une bobine et d’un fil, un enfant parvient à surmonter la déception et la détresse causées par le départ de sa mère, en répétant grâce à ce jouet l’action de disparaître et de revenir. L’argument est ici le même que celui de l’attention distraite au cinéma : en se répétant, le choc peut devenir anticipable, et donc ne plus désorganiser complètement le psychisme45.
3. La dialectique de l’information
Si l’on accepte l’interprétation que nous proposons, la question se pose de savoir pourquoi on peut trouver chez Benjamin une pensée de l’information. On peut certes observer qu’il a été le contemporain des premières théories abstraites de l’information. Comme le remarque Jérôme Segal, les premières généralisations du concept d’information apparaissent entre 1922 et 1935 dans trois disciplines différentes : l’ingénierie des télécommunications, la physique et les statistiques46. Rappelons que la première version de « L’Œuvre d’art » date de 193547, de sorte que ce texte a été rédigé dans un contexte historique où une nouvelle conception de l’information était en gestation. Mais, la simple contemporanéité ne suffit pas à rendre intelligible la démarche de Benjamin. Pour comprendre pourquoi ce dernier en est venu à concevoir l’information de manière abstraite, il faut de notre point de vue s’intéresser à deux sujets fondamentaux dans sa réflexion : le marxisme et l’historicité.
3.1. Information et marchandise
Le premier élément de réponse est que les analyses de Benjamin sont très probablement influencées par les analyses proposées par Georg Lukacs48 dans Histoire et conscience de classe49. Dans cet essai, Lukacs entreprend de généraliser l’analyse de la forme marchande proposée par Karl Marx dans le chapitre I du Capital50. Le point de départ de l’analyse de Marx est que la forme marchandise induit une scission entre la valeur d’usage et la valeur d’échange. Or, si la valeur d’usage est du côté du concret, la valeur d’échange en revanche relève d’une abstraction. La valeur d’une marchandise dépend en effet de la quantité de travail abstrait qu’elle contient, ce qui implique qu’il faut tenir toutes les formes de travail à la fois comme équivalentes et comme strictement quantifiables. Pour Lukacs, du fait du rôle central joué par la marchandise dans l’ensemble des rapports sociaux, la société capitaliste est donc une société dans laquelle l’abstraction joue un rôle de premier plan. Ainsi, non seulement « le principe de la mécanisation et la possibilité rationnelle de tout calculer doit embrasser l’ensemble des formes d’apparitions de la vie51 », mais tous les objets se transforment en des êtres génériques, « des exemplaires abstraits d’une espèce52 », profondément dissociés de la vie sociale. Dans une perspective luckacsienne, le fait de concevoir l’information comme quelque chose de décomposable et de quantifiable n’est donc qu’un des effets de l’abstraction marchande. Si l’on trouve chez Benjamin une conception abstraite de l’information, c’est donc parce que ce dernier s’inscrit dans la continuité des analyses de Luckacs, dans le champ des arts et de la culture.
La scission induite par la marchandise entre valeur d’usage et valeur d’échange permet également de comprendre l’argument de Benjamin concernant la perte de l’expérience. Pour ce dernier, la transmission de la tradition est en effet la valeur d’usage des œuvres d’art. Dans la société capitaliste, cette valeur d’usage a inexorablement tendance à décroitre au profit de la valeur d’échange, ce qui explique le phénomène de la perte de l’aura. C’est le sens de l’argument de Benjamin sur le récit : parce qu’il contient une sédimentation de l’expérience, le récit peut porter conseil ; tandis que l’information n’a qu’un intérêt immédiat, sa valeur ne consiste que dans son caractère échangeable. Seulement, cette perte de la valeur d’usage est aussi pour Benjamin porteuse d’un potentiel d’émancipation. Le fétichisme de la marchandise consiste pour Marx dans le fait que la valeur d’échange des marchandises est oblitérée : de son point de vue, nous nous comportons face aux objets comme si leur valeur réelle dépendait de leur valeur d’usage, plutôt que de la somme de travail abstrait qu’ils contiennent. Or, l’information et la reproduction technique tendent au contraire à réduire la valeur d’usage au profit de la seule valeur d’échange53, et donc à dépasser le fétichisme marchand. En devenant de purs objets d’échanges, vidés de toute tradition, les œuvres acquièrent de nouvelles possibilités d’usages, ou de socialisation. C’est pourquoi le cinéma ouvre la possibilité d’une nouvelle « politisation de l’art54 ».
3.2. Abstraction et devenir
Mais, si la forme marchandise induit une abstraction, cela n’implique pas pour Benjamin que l’intuition et la perception soient du côté du concret. Puisqu’elle suppose des habitudes, la perception repose au contraire sur de la répétition, répétition qui fait perdre aux vécus leurs caractères singuliers55. De la même manière, la tradition, qui n’est qu’un ensemble d’habitudes partagées, suppose également une forme d’abstraction. C’est tout l’enjeu de l’argument de Benjamin sur le récit : la transmission du récit, le fait qu’il soit répété par un grand nombre de narrateurs, le dissocie d’un vécu particulier et lui donne une portée générale. C’est cette abstraction qui lui donne son caractère condensé et synthétique, et donc sa beauté propre. L’opposition entre tradition et information, ou entre tradition et marchandise, n’est donc pas l’opposition entre le concret et l’abstrait, mais bien plutôt entre deux formes d’abstraction. Et c’est parce qu’intuition et perception sont toujours déjà du côté de l’abstraction qu’elles peuvent, moyennant la production de nouvelles habitudes, intégrer ce qu’il y a d’intrinsèquement nouveau dans la société industrielle. Mais la perception est aussi un principe de clôture. Parce qu’elle se fonde sur l’habitude, elle tend à ne considérer que ce qui est déjà connu, ou déjà familier. Le rôle de l’expérience du choc est ainsi de saper les habitudes et d’ouvrir la possibilité à de nouvelles perceptions.
Tout comme les habitudes, l’abstraction inhérente à la tradition trouve sa source dans des vécus concrets. La marchandise, en revanche, suppose le travail abstrait, et donc un degré d’abstraction plus élevé, qui se dissocie du vécu de manière plus radicale. Entre la société traditionnelle et la société marchande, il y a donc un passage à un niveau d’abstraction supérieur. Mais, une telle évolution n’est pas conçue par Benjamin comme un progrès de la rationalité ou de la connaissance. L’abstraction, en effet, est enracinée dans des pratiques : l’artisanat, l’échange marchand, la production industrielle, etc. Ce sont les conséquences de ces pratiques qui peuvent bouleverser les habitudes et produire de nouvelles aperceptions. Le passage d’un niveau d’abstraction à un autre n’est donc pas seulement lié à l’activité de l’esprit, mais à des processus sociaux de très grande ampleur. De plus, un tel passage ne peut être envisagé comme un processus linéaire. Comme le montre Benjamin dans « Sur le concept d’histoire56 », il suppose en effet un « saut dialectique57 », c’est-à-dire une transformation de la quantité en qualité. De sorte que l’on ne peut le concevoir en termes de progrès, car le progrès suppose un temps « homogène et vide58 », temps qui ne peut donner lieu qu’à des variations quantitatives. C’est pourquoi toute nouveauté historique authentique induit un choc, ou un évènement, qui suspend la linéarité de la chronologie et le cours normal du temps59.
3.3. Évènement et émancipation
Il y a donc chez Benjamin un nouage étroit entre l’abstraction, l’émancipation et le caractère évènementiel de l’histoire. Il n’y a que l’abstraction qui recèle un potentiel d’émancipation, en ce qu’elle a la capacité de dissoudre le particulier, et donc de potentiellement détruire les formes sociales existantes. C’est dans cette perspective que Benjamin interprète la reproduction technique : en tant qu’elle dissout l’unicité de l’œuvre d’art, elle est porteuse d’une nouvelle forme d’abstraction qui se manifeste par la transformation de la perception. Mais l’abstraction, justement parce qu’elle induit une transformation radicale du cadre de pensée, ne peut se manifester que de manière évènementielle. L’idée d’un potentiel intrinsèquement émancipateur de l’abstraction est au cœur du Hacker Manifesto60 de McKenzie Wark. Pour cette dernière, la situation contemporaine est marquée par le développement d’une classe nouvelle, la classe des hackers. Wark définit le hack comme le fait de mettre sur le même plan des choses hétérogènes afin de faire apparaître leurs relations possibles, et d’en tirer parti. De sorte que hacking et abstraction, ou que hacking et information, sont intrinsèquement liés. Un hack, c’est ce qui permet de découvrir « la virtualité immatérielle du matériel, ses qualités d’information61 ». La classe des hackers correspond donc à tous les travailleurs de l’information, classe dont le rôle historique est de produire de nouvelles abstractions. Et Wark envisage l’histoire humaine comme une suite de hacks, c’est-à-dire comme une suite d’abstractions successives.
L’histoire est production de l’abstraction et abstraction de la production. Ce qui rend la vie différente d’une époque suivant la précédente, c’est l’application de nouveaux modes d’abstraction, à l’œuvre d’arracher la liberté à la nécessité. L’histoire est le virtuel rendu actuel, hack après hack62.
Là où la pensée de Wark diffère de celle de Benjamin, c’est que le choc n’est pas pour ce dernier quelque chose qui peut être intentionnellement voulu par un sujet, pas plus que par une classe, sans quoi il ne constituerait pas une discontinuité dans l’expérience. Pour Wark en revanche, le hack est un objectif en soi, il permet de définir, bien que de manière très générale, le but politique de la classe des hackers. Si les hackers devenaient une classe « pour eux-mêmes63 », c’est-à-dire s’ils parvenaient à une véritable conscience de classe, alors ils s’identifieraient au pouvoir transformateur de l’abstraction, ou au moteur même de l’histoire. De sorte qu’il n’y aurait en définitive plus de différence entre la conscience et le processus historique. Or, une telle conception de l’histoire rend l’évènementialité impossible. Il ne peut plus y avoir d’évènement, de coupure et de choc, puisqu’une prise de conscience peut achever le processus historique. D’un point de vue Benjaminien, une telle conception de l’histoire serait donc idéaliste, en ce qu’elle accorderait trop d’importance à la souveraineté de la conscience au détriment du rôle des processus sociaux.
Conclusion
La conception de l’information que l’on peut lire dans différents textes de Benjamin est donc liée à une pensée de l’histoire, où l’abstraction est porteuse d’un potentiel d’émancipation. Mais, Benjamin a développé cette conception de l’histoire dans une perspective matérialiste, en prenant soin de distinguer le progrès de l’abstraction d’un progrès de la connaissance et de la rationalité. Ceci suppose de ne pas seulement produire une conception de l’information, mais de penser l’articulation entre un nombre très important de problèmes philosophiques fondamentaux : le problème de l’histoire et du temps, le problème de la forme marchandise et des modes de production, le problème de l’expérience et de la perception, etc. Et c’est sur ce point que les pensées de Shannon et de Benjamin divergent fondamentalement. Shannon cherche en effet à définir l’information de manière générale en n’utilisant que le minimum d’axiomes, tandis que Benjamin cherche à penser la culture dans une vaste constellation historique.
Au terme de ce travail de comparaison, nous voudrions mentionner trois développements qui seraient susceptibles de lui donner un prolongement. Premièrement, puisque l’information est liée à la décomposition, il faudrait réfléchir au rapport entre l’information et la pensée du fragment développée par Benjamin. On pourrait pour cela s’intéresser à des textes comme « Edward Fuchs, collectionneur et historien64 » ou l’Origine du drame baroque allemand65, et à la manière dont les thèses de Benjamin ont par la suite été reprises et développées, sous l’impulsion de Craig Owens, dans la théorie de l’art post-moderne66. Deuxièmement, notre interprétation de Benjamin pose la question de la pertinence aujourd’hui de sa pensée de la distraction. Serait-il possible d’identifier dans le contexte contemporain des activités donnant lieu à une attention distraite, auxquelles il serait possible de prêter le même potentiel d’émancipation que celui que Benjamin attribuait au cinéma67 ? Troisièmement, nous avons essayé de lire Benjamin comme un penseur de l’information, c’est-à-dire comme un auteur capable de dire quelque chose de l’époque de l’informatique, ou de la société cybernétique. Il faudrait à présent essayer de se demander comment il serait possible de situer sa pensée dans le champ des travaux contemporains sur le sujet. Le point de vue Benjaminien peut-il apporter quelque chose de dissonant par rapport à des travaux désormais devenus classiques comme ceux de Vilém Flusser68, Friedrich Kittler69, ou de Lev Manovich70 ?
Bibliographie
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Shannon, E. Claude & Weawer, Warren, La théorie mathématique de la communication, traduit de l’anglais par J. Cosnier, G. Dahan, S. Economidès, C. Bellaïche et O. Rioul, Paris, Cassini, coll. Le sel et le fer, 2018.
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Nichols, Bill, « The Work of Culture in the Age of Cybernetic Systems », dans Screen, Vol. 29, 1988, p. 22-47 [en ligne] \<url : https://doi.org/10.1093/screen/29.1.22> (consulté le : 10/09/21). ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », dans Œuvres. T. III, trad. de M. de Gandillac, R. Rochlitz et P. Rusch, Paris, Gallimard, coll. Folio essais, 2000, p. 269-316. ↩
-
Nichols, Bill, «The Work of Culture in the Age of Cybernetic Systems», op. cit. p. 27. ↩
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Cet article a ensuite été publié en 1949, accompagné d’un article de Warren Weaver, dans un livre intitulé The Mathematical Theory of communication. Nous nous appuierons ici sur sa traduction française : Shannon, E. Claude & Weawer, Warren, La théorie mathématique de la communication, trad. de J. Cosnier, G. Dahan, S. Economidès, C. Bellaïche et O. Rioul, Paris, Cassini, coll. Le sel et le fer, 2018. ↩
-
Segal, Jérôme, Le zéro et le un. Histoire de la notion d’information au XXe siècle. Vol. II, Paris, édition Matériologiques, coll. Sciences & philosophie, 2011. ↩
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Segal considère ainsi que « le “discours informationnel” marque le développement de domaines entiers de l’informatique et la place des techniques de codage en informatique le rappelle ». Ibid., p. 712. ↩
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Benjamin, Walter, « Le Conteur », dans Œuvres. T. III, op. cit., p. 114-151. ↩
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Benjamin, Walter, « La petite histoire de la photographie », dans Œuvres. T. II, trad. de M. de Gandillac, R. Rochlitz et P. Rusch, Paris, Gallimard, coll. Folio essais, 2000, p. 295-321. ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », dans Œuvres. T. III, op. cit. ↩
-
Benjamin, Walter, « Sur quelques thèmes baudelairiens », ibid., p. 329-390. ↩
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Benjamin, Walter, «Le Conteur», ibid., p. 123. ↩
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Ibid., p. 115. ↩
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Ibid., p. 125. ↩
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Ibid., p. 129. ↩
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Ibidem. ↩
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Ibid., p. 122-123. ↩
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Shannon, E. Claude & Weawer, Warren, La théorie mathématique de la communication, op. cit. ↩
-
Ibid., p. 9. ↩
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Ibid., p. 126. ↩
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Ibid., p. 128. ↩
-
Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit. ↩
-
Ibid., p. 287. ↩
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Shannon, E. Claude & Weawer, Warren, La théorie mathématique de l’information, op. cit., p. 67. ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit., p. 300. ↩
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Ibid., p. 304. ↩
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Les notions de décomposition et de fragment sont au cœur de l’analyse de l’allégorie proposée par Benjamin dans l’Origine du drame baroque allemand. De ce point de vue, il y a certainement une continuité entre la critique du symbole et la critique de l’œuvre d’art. Ce qui est visé dans les deux cas, c’est une unité factice à laquelle Benjamin oppose une esthétique du dissocié et du fragmentaire. Cf. Benjamin, Walter, Origine de drame baroque allemand, trad. de S. Muller et A. Hirt, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2000, p. 199-203. ↩
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Shannon, E. Claude & Weawer, Warren, La théorie mathématique de l’information, op. cit., p. 135. ↩
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Pour une recension approfondie des enjeux liés aux notions d’information et d’entropie dans la cybernétique, cf. « Une cosmologie de l’information » dans : Triclot, Mathieu, Le moment cybernétique : la constitution de la notion d’information, Ceyzérieu, Champ Vallon, coll. Milieux, 2008, p. 205-316. ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit., p. 279. ↩
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Benjamin, Walter, « La petite histoire de la photographie », op. cit. ↩
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Ibid., p. 320. ↩
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Il existe bien d’autres manières d’envisager la notion de choc. Susan Buck-Morss a par exemple établi un lien entre l’expérience du choc et l’invention des drogues anesthésiantes au XIXe siècle. L’intoxication et la fantasmagorie relèvent ainsi pour elle d’une « techno-esthétique » inhérente aux conditions de vie dans les sociétés modernes. Cf. Buck-Morss Susan, « Aesthetics and Anaesthetics: Walter Benjamin’s Artwork Essay Reconsidered », dans October, 1992, Vol. 62, p. 3-41. [en ligne] \https://www.jstor.org/stable/778700\ (consulté le : 10/09/21). ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit., p. 295. ↩
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Ibid., p. 301. ↩
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Benjamin, Walter, « Sur quelques thèmes baudelairiens », op. cit. p. 132. ↩
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Ibid., p. 365. ↩
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Baudelaire, Charles, « Le soleil », dans Œuvres complètes. T. I, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1975, p. 83. ↩
-
Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit. ↩
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Ibid., p. 312. ↩
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Freud, Sigmund, « Au-delà du principe de plaisir », dans Œuvres complètes. Psychanalyse. Vol. XV. 1916-1920, , trad. sous la direction de J. Laplanche, Paris, PUF, 1996, p. 277-338. ↩
-
Benjamin, Walter, « Sur quelques thèmes baudelairiens », op. cit. ↩
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Freud, Sigmund, « Au-delà du principe de plaisir », op. cit., p. 298. ↩
-
Benjamin, Walter, « Sur quelques thèmes baudelairiens », op. cit., p. 338. ↩
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Freud, Sigmund, « Au-delà du principe de plaisir », op. cit., p. 286-287. ↩
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Le rôle du trauma dans l’esthétique contemporaine a été particulièrement mis en avant par Hal Foster. Dans Le retour du réel, ce dernier analyse notamment le rapport entre trauma et répétition dans l’œuvre de Warhol, en se référant aux théories de Freud et de Lacan. Une manière de donner suite à notre analyse serait de se demander si l’importance du trauma dans les pratiques artistiques n’est pas inhérente au rôle social majeur joué par l’information. Cf. Foster, Hal, Le Retour du réel. Situation actuelle de l’avant-garde, trad. de Y. Cantraine, F. Pierobon, D. Vander Gucht, Bruxelles, La Lettre volée, coll. Essais, 2005, p. 168. ↩
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Segal, Jérôme, Le zéro et le un. Histoire de la notion d’information au XXe siècle. Vol. I, Paris, édition Matériologiques, coll. Sciences & philosophie, 2011, p. 36-37. ↩
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Benjamin, Walter, Œuvres. T. III, op. cit., p. 67. ↩
-
Lukacs, Georg, Histoire et conscience de classe. Essais de dialectique marxiste, trad. de K. Axelos et J. Bois, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. Argument, 1974. ↩
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Cette influence est notamment attestée par le fait que la référence aux travaux de Lukacs revient à plusieurs reprises dans la correspondance entre Theodor W. Adorno et Walter Benjamin. Cf. Adorno, W. Theodor & Benjamin, Walter, Correspondance. 1928-1940, trad. de P. Ivernel et G. Petitdemange sous la dir. de H. Lonitz, Paris, Callimarf, coll. Folio essais, 2006. ↩
-
Marx, Karl, Le Capital. Livre I, Paris, Puf, coll. Quadrige, 2006, p. 39-95. ↩
-
Lukacs, Georg, Histoire et conscience de classe, op. cit., p. 119. ↩
-
Ibidem. ↩
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Giorgio Agambem a proposé dans Stanze une critique de la manière dont Marx conçoit le fétichisme de la marchandise. Il estime que le problème de la critique du fétichisme marchand est qu’elle suppose la primauté de la fonction d’usage, et donc qu’elle ne prend pas suffisamment de distance par rapport à l’idéologie utilitariste. Pour Agamben, le dépassement de la forme marchande ne consiste donc pas dans le fait de retrouver la valeur d’usage sous la valeur d’échange, mais bien plutôt de transformer l’objet en pure valeur d’échange, ou en pur fétiche. C’est de son point de vue ce qui est en jeu dans l’art moderne, et en premier lieu dans la poétique baudelairienne. Il y a donc sur ce point une convergence entre Benjamin et Agamben : la reproduction technique transforme l’œuvre en pur objet d’échange, tout comme l’art moderne transforme l’œuvre en un authentique fétiche. Cf. Agamben, Giorgio, Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale, trad. de Y. Hersant, Paris, Payot, coll. Rivages poche, 1998, p. 63-104. ↩
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Benjamin, Walter, « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », op. cit., p. 316. ↩
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Benjamin est sur ce point très proche de la conception de l’habitus développée par Husserl. Pour un exposé synthétique de cette notion, on peut notamment se référer aux Méditations cartésiennes. Husserl, Edmund, Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie, Paris, Vrin, Bibliothèque des Textes Philosophiques, 1992. ↩
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Benjamin, Walter, « Sur le concept d’histoire », dans Œuvres. T. III, op. cit., p. 427-443. ↩
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Ibid., p. 439. ↩
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Ibidem. ↩
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La pensée de l’événement développée par Alain Badiou nous paraît de ce point de vue apporter un prolongement à la conception benjaminienne de l’histoire. Badiou pense en effet l’évènement comme un point d’exception et de rupture dans un continuum historique. Et pour Badiou, il existe un rapport profond entre subjectivité et évènement, puisque la subjectivation est toujours sous condition d’un évènement, et de la fidélité à celui-ci. Cf. Badiou, Alain, L’Être et l’évènement, Paris, Seuil, coll. L’Ordre philosophique, 1988. ↩
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Wark, McKenzie, Un manifeste hacker, trad. par le collectif Club post-1984 Mary Shelley & Cie Hacker bandParis, Critical secrets, 2006. ↩
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Ibid., thèse 15, p. 45. ↩
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Ibid., thèse 9, p. 39. ↩
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Ibid., thèse 96, p. 140. ↩
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Benjamin, Walter, Œuvres. T. III, op. cit., p. 170-225. ↩
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Benjamin, Walter, Origine du drame baroque allemand, op. cit. ↩
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Cf. Owens, Graig, « The Allegorical Impulse: Toward a Theory of Postmodernism », dans October, Vol. 12, 1980, p. 67-88, [en ligne] \https://www.jstor.org/stable/778575\ (consulté le : 09/04/22). ↩
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On peut signaler à ce sujet l’ouvrage Politique de la distraction, qui présente un ensemble de recherches récentes sur cette question. Cf. Sztulman, Paul et Zabunyan, Dork, Politique de la distraction, Dijon, Les Presses du réel, coll. Artex, 2021. ↩
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Flusser, Vilém, La civilisation des médias, trad. de C. Maillard, Belval, Circé, 2006. ↩
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Kittler, Friedrich, Médias optiques. Cours berlinois 1999, trad. sous la direction d’A. Rieber, Paris, L’Harmattan, coll. Esthétiques, 2015. ↩
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Manovich, Lev, Le langage des nouveaux médias, trad. de R. Crevier, Paris, Presses du réel, 2010. ↩