Représenter le travail invisible : des cascades d’images dans un monde « dématérialisé »
Fanny Maurel

Designeuse graphique et chercheuse doctorante à l’Université de Strasbourg (ACCRA) et l’Université Côte d’Azur (CRHI), dans le cadre d’un financement Cifre de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Résumé
Alors que l’automatisation du travail reste un débat très actuel, les « discours de la dématérialisation » s’emploient à effacer la rugosité du travail en prônant une numérisation aveugle des systèmes d’information qui constituent l’infrastructure des organisations. Une double invisibilisation s’opère ainsi – celle du travail et de sa matérialité – par le biais de représentations abstraites du travail, que cet article propose d’analyser pour souligner la nécessité de « rematérialiser » le travail et ses représentations.

Abstract
Whereas the automation of work remains a highly topical debate, "dematerialization" discourses strive to erase the roughness of work by advocating the indiscriminate digitization of information systems that make up the infrastructure of organizations. A double invisibilization is thus taking place – that of work and its materiality – through abstract representations of work, which this article proposes to analyze in order to highlight the need to "rematerialize" work and its representations.

Introduction

En 2022, les artistes Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon rassemblent une impressionnante collection d’images issues de bibliothèques en ligne pour en souligner le pouvoir d’abstraction : en réunissant des archétypes visuels incarnés par des humain·es considéré·es comme « standards » au sein de photos se multipliant à l’infini, ils constatent que cette accumulation de matière destinée à décrire le monde semblent n’avoir « plus besoin du réel pour nous représenter1 ». La recherche d’une photo d’un·e employé·e de call center donnera pour résultat « des milliers de visages en gros plan, toujours souriants, sur un fond blanc, gris clair, ou devant des cloisons vitrées floues2 » portant « tous le même accessoire qui permet de signifier leur métier : un casque muni d’un micro3 ». Les travaux de Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon nous amènent à considérer l’importance des représentations que nous produisons du travail, des nouvelles technologies et des situations où les deux se mêlent.

Cet article propose de démontrer que ce qui nous pousse, à une échelle collective, à prédire depuis plus d’un demi-siècle une automatisation du travail est avant tout lié à un manque de compréhension et de représentations des imbrications entre travail et nouvelles technologies. Il prend pour point de départ le cloud (nuage, en français), une représentation hégémonique et abstraite d’infrastructures techniques de stockage de données en ligne qui amène à l’invisibilisation d’une forme de travail bien spécifique – le travail des données. La première partie de cet article décrira les mécanismes d’invisibilisation de ce travail par des « discours de la dématérialisation ». Loin d’être invisible et immatériel, le travail s’incarne dans une grande diversité d’artefacts matériels, qui permettent de le représenter : il s’agit notamment de documents, qui sont une forme courante de représentation du travail, dans de nombreux secteurs d’activités. La seconde partie s’attardera sur l’émergence massive de représentations du travail sous le contrôle des organisations et sur l’évolution matérielle de ces représentations. Il s’agira dans la troisième partie de mettre en lumière des représentations du travail qui perturbent les « discours de la dématérialisation », à rebours des processus de formalisation et d’abstraction. Ces représentations tentent de rematérialiser le travail et les technologies qui l’accompagnent en interrogeant le geste même de la représentation, ses modalités collaboratives et ses modes de traduction.

1. Le travail invisible dans un monde « dématérialisé » 

1.1. Le cloud et l’automatisation du travail

La figure du nuage – « the Cloud » – est aujourd’hui incontournable pour désigner ce que le National Institute of Standards and Technology a défini comme un « modèle permettant un accès au réseau à la demande à un pool partagé de ressources informatiques configurables (par exemple, réseaux, serveurs, stockage, applications et services)4 ». Elle prolonge une figure plus ancienne : celle de l’automate. Des « petites machines automatiques qui bougent par elles même » de Rabelais dans Gargantua5 à l’automate de J. W. von Kempelen qui a inspiré le nom de la plateforme de micro-travail Mechanical Turk créée par Amazon, la figure de l’automate cristallise une peur collective de l’automatisation du travail. Delphine Gardey décrit ainsi un « régime mécanique de l’administration6 » autour duquel se multiplient, dès les années 1920, des métaphores de l’automatisme qui « tendent à désincarner le travail réalisé et à attribuer l’essentiel des capacités aux machines7 ». Le cloud prolonge cet effort de désincarnation (ou de « dématérialisation ») en s’appuyant sur de nouvelles technologies : il parvient à faire totalement disparaître le travail en tant que paramètre pour comprendre le fonctionnement des services (numériques).

Avant de faire l’objet d’une définition institutionnelle de la part du National Institute of Standards and Technology, le terme cloud naît du dessin d'un nuage que des ingénieurs ont utilisé pour représenter les réseaux entre ordinateurs, en 19978. Il fit ensuite rapidement l’objet d’une utilisation commerciale : le dessin technique devient une image abstraite, garante d’une promesse de services en ligne à la demande. Le nuage offre une représentation simple de cette promesse, où disparaît la complexe imbrication entre différentes formes de travail et d’infrastructures techniques. John Durham Peters souligne les caractéristiques du nuage qui lui permettent de devenir une « figure inoffensive » des technologies dont les instigateur·ices cherchent à masquer les effets néfastes (pour les usager·ères, les travailleur·euses ou l’environnement) : c’est une chose sans contours ni matière, dans lequel n'importe quoi peut apparaître et disparaître9, « une agglomération ou un amas de matériaux, qu'il s'agisse de pierre, de vapeur d'eau ou de données10 ». Le cloud est une représentation simple qui permet de capturer en quelques courbes et pixels la complexité d’une infrastructure devenue planétaire11. Il ne permet pas d’appréhender les différentes strates sociotechniques qui composent de telles infrastructures. Face à cette complexité, le cloud devient une manière d’échapper à des représentations plus épaisses des réalités du travail.

Scott Wark postule ainsi que « les médias numériques contemporains et les mondes qu'ils engendrent sont incompatibles avec une opération épistémologique particulière : la représentation12 ». Justifiant l’omniprésence de figures telles que le cloud dans les discours sur les médias numériques par une complexité prétendument insurmontable à représenter certaines infrastructures techniques, l’auteur utilise le cloud comme une stratégie pour appréhender l’opacité des médias numériques. Pourtant, il semble que la possibilité de représenter ces ensembles sociotechniques soit rapidement évacuée par un manque de prise matérielle sur ce qu’il s’agit de représenter. Les processus de « dématérialisation » des services, qui consistent en réalité en la numérisation massive de données, et non en leur disparition matérielle, ont ainsi un effet direct sur notre capacité à représenter le travail.

1.2. Le mythe de la dématérialisation

Le terme « dématérialisation » est couramment employé depuis plusieurs années, et semble se cristalliser en France dans le contexte de la « modernisation » de l’État, qui repose notamment sur la « simplification » des services publics grâce à des technologies numériques. La « dématérialisation » (que j’utiliserai désormais sans guillemets, bien que le terme soit questionné tout au long de cet article) renvoie à un ensemble de pratiques discursives promettant une rationalisation de services privés comme publics par l’intermédiaire de nouvelles technologies numériques. Elle se décline sur différents services et objets – les dossiers patient·es informatisés, la carte Vitale, la carte d’identité, le permis de conduire, les demandes de titres de séjour, les demandes de prestations sociales, les dossiers bancaires et d’assurance, etc. – et fait l’objet de nombreuses critiques, particulièrement à l’endroit de la « fracture numérique13 ». Ce que l’on peut en premier lieu décrire comme une réduction drastique de l’usage du papier et des espaces physiques pour déployer des services14, est en réalité une réorganisation minutieuse du travail au travers de son environnement matériel. En supprimant les formulaires papier et les rendez-vous physiques, ce sont à la fois les travailleur·euses et les usager·ères qui voient leurs rôles redéfinis : « la dématérialisation a donné l’occasion aux administrations de déléguer une part du travail d’accès aux droits qui leur incombaient aux demandeurs et des demandeuses15 ». Marie Alauzen a enquêté16 sur la dématérialisation du traitement des dossiers de retraite dans les Caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), observant que les missions principales de ces dernières (l’accueil des publics et l’instruction des dossiers) étaient redéfinies par la mise en place de nouvelles configurations matérielles. Marie Alauzen qualifie ainsi la dématérialisation « d’opération de prolifération de la matière » :

« Debout sous les néons de la petite pièce de la photocopieuse, la conseillère prenait chaque dossier et le défaisait : elle retirait l’enveloppe qui l’habillait, enlevait les petits éléments qui assuraient sa tenue (agrafes, trombones, élastiques) avant d’étaler les pièces sur une table17 ».

Le mythe de la dématérialisation qu’elle décrit s’appuie sur des « métaphores du conduit18 » (conduit metaphors) qui convoquent des formes comme les circuits, les tuyaux, les conduits, les silos ou les pyramides. Elles alimentent ce que Marie Alauzen qualifie de « conception erronée de la circulation de l’information et de la prise de décision dans les bureaucraties19 » et masquent les multiples formes de travail qui rendent cette circulation possible. Jérôme Denis parle quant à lui de « travail invisible des données » pour décrire les « affaires de mélanges, de bricolages, d’accommodements, d’agencements hybrides20 » dont font l’objet les données qui ne sont, selon lui, « jamais désincarnées et n’existent pas à l’état “pur” 21». Il souligne l’invisibilité simultanée du travail mais aussi des infrastructures scripturales qui permettent une circulation fluide de l’information.

Ces processus d’invisibilisation du travail ont une existence bien plus large que le seul phénomène de la dématérialisation, qui prend s’appuie sur des mécanismes de « discrétion » notamment observés dans le travail domestique22. Ils reposent sur une tension, au sein de certains métiers, entre des tâches décrites formellement et des tâches informelles qui constituent un « travail en coulisses23 ». Cette invisibilité est tantôt celle des travailleur·euses elles et eux-même (les agent·es de maintenance), tantôt celle de leur travail (les secrétaires) ou bien des deux simultanément (les annotateur·ices de données)24. En ce sens, Lucy Suchman souligne que, dans de nombreuses formes de travail de service, la qualité du travail dépend de son invisibilité25 et que nous nous laissons facilement aller à enfermer le travail des autres dans des « boîtes noires26 ». Cette invisibilité est omniprésente dans les travaux de Susan Leigh Star lorsqu’elle pose un regard aiguisé sur les infrastructures informationnelles qui influencent profondément « l’écologie des espaces distribués et high tech des lieux de travail27 ». Selon elle, une infrastructure informationnelle, qui repose sur des facteurs à la fois techniques et relationnels, peut être lue de différentes manières profondément imbriquées : elle est à la fois un artefact matériel construit par l’humain, une trace ou un enregistrement des activités et une représentation du monde. L’invisibilisation du travail repose ainsi sur des stratégies de représentation qui doivent, c’est le postulat de cet article, être interrogées, notamment dans leur capacité à incarner le travail dans ce qu’il a de plus matériel.

2. La fabrique des représentations du travail

2.1. Le « Corporate Eye »

Les représentations du travail sont multiples et elles sont en premier lieu « ce dont les organisations sont faites28 ». Elles se déploient sous différentes formes (documents textuels, diagrammes, productions audiovisuelles et photographiques, etc.) à des fins de communication internes et externes aux organisations. Elles s’appuient sur des langages visuels prédéfinis amenant à développer une « vision professionnelle29 » qui produit une objectification des processus, des gestes et des interactions. Ce qu’Elspeth Brown nomme également le « Corporate Eye » prend appuie sur le développement simultané de la photographie, la sociologie et l'entreprise moderne au XIXe siècle. Créées à des fins de publicité, de formation, de gestion scientifique, et de documentation, ces images alimentent un fond sans précédent de représentations du travail30. Pionnier dans ce type de pratiques, le département cinématographique de la Ford Motor Company, créé en 1914, produit des images animées et fixes qui montrent de nombreux aspects de l'organisation des usines Ford comme la manipulation des matières premières, les chaînes de montage, les fonctions d'ingénierie spécialisées mais aussi les bureaux31. La photographie est ainsi utilisée dès les débuts du management scientifique pour standardiser les mouvements du travail, comme l’ont fait Frank et Lillian Gilbreth via leurs nombreuses études visuelles. Cette forme de « réalisme fonctionnel32 » canalise les usages des représentations du travail vers sa nécessaire rationalisation, créant ainsi une « vision déficiente33 » dans l'organisation, qui opère un tri sélectif des représentations qui lui sont utiles. Les représentations extérieures mettant à mal l’image d’une entreprise sont souvent l’occasion de mettre en lumière les formes de « cécité34 » qui masquent soigneusement l'invisible, l'imperceptible et le négligé dans la vie organisationnelle : lorsque le Rana Plaza, un bâtiment abritant des ateliers de confections pour plusieurs entreprises de fast-fashion s’effondre en 2013 à Dacca, au Bangladesh, c’est aussi l’image des marques et de l’organisation de leur chaîne de sous-traitance qui s’effondre derrière les photographies tragiques des décombres. Les organisations sont ainsi soumises depuis le début du XXe siècle à des « politiques de visibilité35 » qui donnent lieu à la production de représentations qu’elles manipulent dans un double objectif de promotion et de rationalisation de leurs activités. Ce sont alors des milliers de documents qui se multiplient et s’empilent sur les bureaux : ils constituent des traces matérielles de ces « politiques de visibilité » qui doivent être minutieusement examinés à l’heure d’une prétendue « dématérialisation » du travail et de ses représentations.

2.2. Un peuple de documents 

Au cours du XXe siècle, les organisations (qu’il s’agisse d’entreprises privées ou d’administrations publiques) se sont employées à concevoir de nouveaux systèmes de management qui reposent, selon JoAnne Yates, sur « des modes de communication plus formels et plus systématiques, principalement écrits36 ». Ces nouvelles organisations donnent naissance à un véritable « peuple de documents », partie intégrante de ce que Jérôme Denis et David Pontille nomment le « peuple des choses37 », en référence à la « masse manquante du social » décrite par Bruno Latour : la compréhension des interactions sociales ne peut se passer d’une compréhension des objets – des choses – qui sont autant d’intermédiaires à ces interactions.

Dans The Myth of the Paperless Office38, Abigail Sellen et Richard Harper décortiquent un mythe profondément ancré dans les organisations modernes : la disparition du papier. Les auteurs nuancent ce mythe en soulignant que « l'introduction de nouvelles technologies ne permet pas de se débarrasser du papier ; soit elle l'augmente, soit elle modifie la façon dont il est utilisé39 ». Les qualités matérielles propres au papier ou aux interfaces numériques ne permettent pas une véritable continuité des usages : tandis que les « propriétés physiques du papier (mince, léger, poreux, opaque, flexible, etc.) permettent à l'humain de réaliser de nombreuses actions différentes, telles que saisir, transporter, manipuler, plier et […] écrire 40», les technologies numériques demandent « de plus grand efforts d’abstraction pour en comprendre les possibilités » (produire et regarder des images animées, produire des marques « régulières, géométriques et uniformes41 », stocker et accéder à des grandes quantités d’informations). Le travail administratif (ici considéré comme une forme de travail des données, tel que défini par Jérôme Denis) tend à être perçu par le prisme d’un « idéal de mécanisation qui se fonde sur une définition très restrictive de l’information écrite, appréhendée comme transparente et automatisable42 ». La numérisation progressive des outils qui permettent (mais ne remplacent pas) ce travail a donné lieu à son invisibilisation, dans les espaces de travail tout comme dans l’espace public. Le travail administratif est depuis longtemps accompagné d’une foule d’objets techniques qui occupent visuellement les espaces de travail : machine à écrire, tabulatrice, piles de dossiers, parapheurs et bannettes, etc. La numérisation de ces outils a amené une concentration matérielle des outils autour d’un seul objet : le poste d’ordinateur. Ainsi, les gestes et les déplacements de celles et ceux qui sont désormais immobilisés devant leur écran ont progressivement pris moins d’ampleur. L’espace de travail est rythmé par les cliquetis des claviers et les corps sont tout entiers tournés vers des interfaces complexes qui concentrent (en partie) les fonctionnalités qui étaient auparavant déployées dans l’espace des bureaux. Représenter ces transformations du travail, qui ne passent plus par des mouvements physiques mais par des vas et viens oculaires et des ondulations des mains sur un clavier et une souris, nécessite d’adopter un regard différent : si le travail ne peut plus être représenté uniquement par la collection des gestes qui lui sont associés (comme c’était le cas dans les usines Ford du début du XXe siècle), ce sont ses traces matérielles dont il faut se saisir pour tenter de le représenter.

2.3. Des « chaînes de re-représentation »

Les représentations graphiques du travail se multiplient d’autant plus que la complexification des organisations rompt les liens de confiance qui peuvent exister entre les occupant·es d’un même bureau. Comme le souligne Bruno Latour, « dès que nous ne sommes plus familiers avec ceux à qui nous parlons, le recours aux inscriptions de toutes sortes permet de résoudre les contradictions43 ». Ce que le philosophe nomme des inscriptions désigne initialement les traces matérielles utilisées pour défendre des hypothèses scientifiques (des cartes, des comptes rendus, des diagrammes, des protocoles, des livres, etc.). Ces inscriptions se transforment en mobiles immuables lorsqu’elles adoptent une « cohérence optique » qui les rend « présentables, lisibles et combinables » à travers l’espace et le temps. Leur accumulation produit une « cascade d'images toujours plus simples44 ». Dans les organisations, ces inscriptions permettent, par exemple, de démontrer l’efficacité d’un processus, la productivité d’une équipe ou d’un service, les évolutions d’une entreprise, l’achèvement de tâches spécifiques, etc. Néanmoins, le travail d’abstraction permettant le déplacement de ces représentations se heurte à « une tension entre les représentations, qui sont statiques et abstraites, et le travail en temps réel et concret45 ». Lucy Suchman souligne ainsi que ces représentations – comprises comme « la création d'une image censée remplacer ou parler au nom d'un autre46 » –, ont vocation à être déplacées depuis les espaces de travail vers des « sites distants » (de direction, de gestion, de conception). Dans un article célèbre, Making Work Visible, elle souligne différentes « manipulations » possibles des représentations du travail produites à l’intérieur des organisations : « les choses sont rendues visibles afin qu'elles puissent être vues, discutées et potentiellement manipulées47 ».

Cette mise à distance des représentations des espaces réels de travail amène à un travail d’abstraction que Susan Leigh Star nomme formalisme : il permet l’accélération des déplacements sans transformations48  des représentations, au travers de procédures complexes qui amènent différent·es acteur·ices à opérer des arbitrages sur la (re)production permanente de ces représentations (due process) : qu’est-ce qu’il faut garder, qu’est-ce qu’il faut jeter pour produire des représentations efficientes ?

Les différentes étapes de ce processus fastidieux constituent ce que Susan Leigh Star nomme des « chaîne de re-représentations » qui sont faites de nombreux « couches » (layered representations), tantôt masquées, tantôt mises en lumière selon le contexte. Ces couches sont composées d’éléments hétérogènes (un planning, les archives d’une messagerie, un rapport d’activités, des communications orales, une liste de choses à faire, etc.) dont l’articulation crée des frottements « précisément parce qu'il ne s'agit pas de représentations dociles, optiquement cohérentes et plates, ni de systèmes purement formels49 ».

2.4. Cascades de diagrammes

Prenons l’exemple d’un outil numérique largement répandu dans de nombreuses organisations, notamment dans le secteur des nouvelles technologies : Figma, « un outil de prototypage et de design collaboratif50 » qui propose d’une part une infrastructure technique de production de prototypes d’interfaces numériques, mais fournit également des ressources graphiques en ligne. La plateforme en ligne Figma Community propose une multitude de modèles graphiques (templates) permettant de représenter des processus de travail ou des infrastructures techniques de manière harmonisée et intelligible au-delà des frontières d’une organisation. Ils sont ce que Nolwenn Maudet nomme des « objets numériques hybrides51 » qui constituent une architecture invisible composée de « formes vides en attente d’un contenu qui devra s’y fondre et s’y conformer ». Figma Community est quotidiennement alimentée par des utilisateur·ices de templates graphiques aux noms anglosaxons52 : « Swimlane diagram », « Flowchart », « Tech Stack », « Gantt chart », « Vision Board », « Sandwich chart », etc. Ces templates sont composés de formes géométriques simples (cercles, rectangles, triangles) et colorées reliées par de nombreuses lignes, qui incarnent le temps qui s’écoule, des relations, des liens techniques, etc. On retrouve également sur Figma Community des bibliothèques de pictogrammes53 permettent de désigner des entités diverses. Si certains suggèrent la présence humaine au sein des processus, leurs gestes ne sont pas décrits en tant que tels mais figés par d’autres pictogrammes figurant des objets (dossier, écran, étiquettes, enveloppes) ou des métaphores (une fusée représente un « lancement », une ampoule représente une idée, un pinceau représente la créativité).

Ces agencements préconçus de lignes, de formes géométriques et de pictogrammes s’inscrivent dans l’effort de formalisation des représentations produites par les organisations : les images produites sur Figma circulent dans une variété de documents, numériques et imprimés, où l’on glisse des captures d’écrans ou des exports d’un diagramme produit dans le cadre d’un projet : rapports d’activités, livrables clients, portfolios, etc. Si Figma est pensé comme un outil de travail, il devient également un outil de représentation du travail, même si ce n’est pas sa fonction principale. Les enquêtes de Marc Berg au cœur des systèmes d’information d’hôpitaux américains dans les années 1990 mettent également en lumière le caractère ambigu de ces outils de travail pensés pour soutenir les activités professionnelles mais aussi tracer et surveiller ces mêmes activités (a fortiori lorsqu’ils sont informatisés) : il observe notamment la formalisation du dossier patient informatisé et des pratiques de documentation de l’activité de soin grâce à des formes graphiques comme les menus déroulants, les cases à cocher, ou la mise en place d’historiques de navigation très précis.

Ce que Marc Berg nomme des « outils formels » permet de « détacher la connaissance de son contexte local sans en perdre l'essence54 », et « la comparabilité entre les sites et les époques, et la manipulation à des niveaux d'abstraction plus élevés55 », comme c’est le cas sur Figma, dont les templates sont utilisables (et utilisés) dans une grande variété d’organisations (de la start up e-santé à l’agence gouvernementale, partout à travers le monde). L’accumulation de mises-à-jour des diagrammes produits à partir de ces templates, tout autant que ce qu’ils représentent – un calendrier de projet, la répartition de tâches, la charge de travail attribuée à chaque employé·e, etc. –, contribuent à former les « chaîne de re-représentations » décrites par Susan Leigh Star.

3.Re-matérialiser le travail et ses représentations

3.1. Perturber les « masses d’images » du travail

La première partie de cet article s’est employée à décrire le cloud comme une représentation commune des nouvelles technologies et du travail, facilement transposable de par sa simplicité graphique et sa puissance d’évocation. Par son caractère immatériel elle nourrit l’idée que ce qu’elle décrit peut également être (ou devenir) immatériel.

Pourtant, le nuage blanc et propre peut être radicalement transformée lorsque l’on s’essaie à en représenter la matérialité, comme l’ont fait les artistes Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin en fabriquant un « Atlas du nuage » qui assemble des collections d’images issues de recherches sur un moteur de recherche pour dévoiler « l’invisible matrice de travail humain, de consommation énergétique et d’extraction de ressources qui sous-tend les réseaux numériques56 » : d’idée en idée, les images se multiplient pour former un « panorama visuel » de ce que les artistes nomment la « société-nuage » – livraisons à domicile, visio-conférences, applis de rencontres, data centers, entrepôts logistiques, câbles sous-marins, usines délocalisées, « clics », box internet, déchets, etc. Ces représentations peuvent être considérées comme perturbatrices d’un ordre hégémonique des représentations du travail, majoritairement contrôlé par les organisations, comme je l’ai décrit dans la deuxième partie de cet article. Prolongeant la critique des bibliothèques de stock d’images de Gwenola Wagon et Stéphane Degoutin, le projet de recherche Better Images for AI57 interroge l’homogénéité des images produites pour illustrer la notion d’intelligence artificielle (dans des articles de presse, des rapports, des site Web commerciaux, etc.) et propose un répertoire d’images plus diversifiées et représentatives des enjeux de l’intelligence artificielle. L’une des séries d’images, produites par Nacho Kamenov et l’entreprise Humans in the Loop, donne à voir de nouvelles représentations du travail d'annotation des données : cette activité, qui fournit des données d'entraînement à l'intelligence artificielle, est souvent reléguée dans le domaine du « travail fantôme58 », et souffre de représentations incorrectes, si ce n’est inexistantes.

3.2. Résurgences des représentations

Des représentations du travail d’une nature différente se multiplient également sur les réseaux sociaux, notamment sur Tik Tok. Par exemple, des employé·es des entrepôts Amazon se filment sur leur lieu de travail en reprenant pour beaucoup les codes du « vlog » ou de la « daily routine ». Ils et elles montrent souvent en accéléré les tâches (répétitives) qui sont effectuées tout au long de leur « shift »59, devenant des vidéos « satisfaisantes » (oddly satisfying). D’autres vidéos rompent au contraire avec l’idée de routine pour montrer des « à côté », des moments de repos ou de divertissement : un groupe de collègues qui chantent et rient autour d’un tapis roulant de tri en marche60, trois amies qui reproduisent une chorégraphie à la mode, dissimulées derrière des chariots61, etc. Si Amazon concentre un nombre de résultats importants sur Tik Tok, ces formats ne sont pas propres à l’entreprise, on en retrouve pour une grande variété de métiers, des conducteurs routiers, aux secrétaires médicales en passant par les employé·es commerciaux·ales.

Ces publications sur les réseaux sociaux semblent prolonger un mouvement plus global, dans les sciences et les arts, de résurgence de représentations du travail dans le secteur des services. Tim Strangleman note que ce type de résurgence a lieu régulièrement lorsque de grandes transformations affectent l’organisation du travail à l’échelle d’une société : selon lui, « la crainte de perdre quelque chose est souvent le point de départ d'une réflexion sur sa présence et son absence62 ». Ainsi, l’industrialisation au XIXe siècle et la désindustrialisation à la fin du XXe siècle ont été des moments charnières de ces transformations et ont donné lieux à de nombreuses représentations (notamment photographiques) que Tim Strangleman nomme « commémoratives ». Le sentiment de nostalgie associé à ces évolutions est néanmoins à prendre avec des pincettes car elles figent ce que Jeff Cowie et Joseph Heathcott appellent la « nostalgie des cheminées », c’est-à-dire une forme de « sentimentalisme industriel » qui nous empêchent de « dépouiller le travail industriel de sa patine réaliste et sociale et le voir pour ce qu'il était : un travail difficile63 ». À la recherche de qui se cache derrière cette « patine », le géographe Tim Edensor cherche dans les décombres industriels des « indices du travail », qu’il trouve dans « les vêtements de travail jetés, les messages et instructions griffonnés sur les murs, les vestiaires désertés et les moufles industrielles qui conservent encore la forme de leur ancien occupant64 ». Ces traces matérielles du travail permettent de construire des représentations probablement moins glorieuses du travail, mais donnent à voir les liens indéfectibles entre les travailleur·euses et les objets et espaces qui les entourent.

Conclusion

Les différentes représentations du travail citées tout au long de cet article montrent que l’introduction progressive de nouvelles technologies numériques dans différents secteurs d’activité affecte la matérialité du travail et de ses représentations : la mécanisation des industries du début du XXe siècle est accompagnée de représentations photographiques qui permettent de décomposer puis optimiser les gestes répétitifs des ouvrier·ères ; l’informatisation des systèmes d’information à partir des années 1960 s’accompagne de représentations créées via ces mêmes systèmes informatiques sous la forme de diagrammes et de formes géométriques complexes ; aujourd’hui, les représentations formelles des systèmes d’informations d’entreprises et d’administrations tentaculaires sont si complexes que nous les réduisons à des images simplifiées (comme le nuage), qui se multiplient par milliers via les réseaux permis par ces mêmes entreprises et administrations (sous la forme de stocks de photographies).

Les représentations figuratives qui ont été remplacées par la photographie dans les organisations, les arts et les sciences, renaissent aujourd’hui d’une « crise de la représentation65 », qui est notamment adressée par les sciences sociales. Tim Ingold propose ainsi la réhabilitation du dessin, entendu au sens large de « mouvement linéaire qui laisse une impression ou une trace66 », comme un outil puissant de représentation, critiquant « une société numérique qui privilégie les objets par rapport aux choses, la mobilité par rapport au mouvement, l'imprimé par rapport à l'écriture et au dessin » et où « le réseau règne en maître et toutes les lignes se connectent : les objets deviennent des assemblages, les destinations des itinéraires, les lettres des mots ou des acronymes67 ».

Parmi les lignes que décrit Tim Ingold, les représentations du travail se font difficiles sinon impossibles à détacher des organisations du travail et des technologies qui les produisent. Les représentations font le travail et inversement : alors que l’information est devenue essentielle aux fonctionnements collectifs, il semble alors vain de vouloir tracer une frontière entre le travail, ses représentations et leur existence matérielle car « dans un monde de matériaux, rien n'est jamais achevé68 » : toute chose est toujours en passe de devenir quelque chose d'autre, et chaque représentation du travail contribue à produire la suivante, affectant par là une fragile ligne de séparation entre le travail visible et celui qui est invisible.

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Strangleman, Tim, « Representations of Labour: Visual Sociology and Work », Sociology Compass 2, n^o^ 5, 2008, p. 1491‑1505.

Suchman, Lucy, « Making Work Visible », Communications of the ACM 38, n^o^ 9, 1995, p. 56‑64.

Wark, Scott, « In “The Cloud”: Figuring and Inhabiting Media Milieus », dans : Lury, Celia, Viney, William et Wark, Scott (éds), Figure : Concept and Method, Singapore: Springer Nature, 2022, p. 1‑20.

Wendelin Küpers, « Between the visible and the invisible in organizations », dans : Bell, Emma, Warren, Samantha et Schroeder, Jonathan, The Routledge Companion to Visual Organization, Cambridge : Routledge, 2014.

Yates, JoAnne, Control through Communication. The Rise of System in American Management, Baltimore : John Hopkins University Press, 1993.


  1. Degoutin, Stéphane, Wagon, Gwenola, « Le blanchiment des images », AOC : 6 avril 2022. Consulté à : https://d-w.fr/en/projects/cult-of-the-stock/ , le 2 octobre 2023. 

  2. Ibid. 

  3. Ibid. 

  4. Mell, Peter, Grance, Timothy, « The NIST Definition of Cloud Computing, Recommendations of the National Institute of Standards and Technology », Special Publication 800-145, 2011, p. 2. Citation originale (Traduit pas nos soins) : « Cloud computing is a model for enabling ubiquitous, convenient, on-demand network access to a shared pool of configurable computing resources (e.g., networks, servers, storage, applications, and services) that can be rapidly provisioned and released with minimal management effort or service provider interaction » 

  5. Smith, Jason, Smart Machines and Service Work: Automation in an Age of Stagnation, Londres : Reaktion Books, 2020. 

  6. Gardey, Delphine, Écrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), Paris : La Découverte, 2008. 

  7. Ibid. 

  8. Regalado, Antonio, « Who Coined “Cloud Computing” ? », MIT Technology Review (blog), 31 octobre 2011. Consulté à :

    https://www.technologyreview.com/2011/10/31/257406/who-coined-cloud-computing/, le 6 octobre 2023. 

  9. Damisch, Hubert, A Theory of /Cloud/: Toward a History of Painting, Traduit du français par Janet Lloyd, Stanford : Stanford University Press, 2002. 

  10. Peters, Benjamin (éd.), Digital Keywords: A Vocabulary of Information Society and Culture, Princeton : Princeton University Press, 2016. Citation originale (Traduite pas nos soins) : « Throughout its varying history cloud has always meant an agglomeration or amassing of materials, whether of stone, water vapor, or data » 

  11. Bratton, Benjamin, The Stack. On Software and Sovereignty. Cambridge : MIT Press, 2016. 

  12. Wark, Scott, « In “The Cloud”: Figuring and Inhabiting Media Milieus ». Dans : Lury, Celia, Viney, William et Wark, Scott (éds), Figure : Concept and Method, Singapore: Springer Nature, 2022, p. 52. Citation originale (Traduit pas nos soins) : « contemporary digital media and the worlds they engender are incompatible with a particular epistemological operation: representation. » 

  13. Difficulté d’une part significative de la population à accéder aux services numériques à cause d’une accès réduit au matériel informatique ou bien un manque d’éducation à l’usage du numérique. 

  14. Deville, Clara, « Politique de l’absurde. Le numérique et l’accès aux droits sociaux », La Vie des idées (blog), 2 mai 2023. Consulté à : https://laviedesidees.fr/Politique-de-l-absurde, le 28 septembre 2023. 

  15. Vie Publique, « Dématérialisation des services publics : des usagers en difficulté », Site gouvernemental, 22 février 2022. Consulté à : http://www.vie-publique.fr/en-bref/283882-dematerialisation-des-services-publics-des-usagers-en-difficulte, le 28 septembre 2023. 

  16. Alauzen, Marie, « Plis et replis de l’État plateforme. Enquête sur la modernisation des services publics en France », thèse de doctorat en sociologie, École nationale des mines, soutenue en 2019. 

  17. Ibid, p. 246. 

  18. Michael Reddy, cité dans : Brown, John, The Social Life Of Information, Cambridge : Harvard Business Review Press, 2002, p. 172-3. 

  19. Alauzen, Marie, Plis et replis de l’État plateforme, p. 186, Op. Cit. 

  20. Denis, Jérôme, Le travail invisible des données : Éléments pour une sociologie des infrastructures scripturales, Paris : Presses des Mines, 2018, p. 99. 

  21. Ibid

  22. Krajewski, Markus, The Server, New Haven : Yale University Press, 2018, p.100. 

  23. Star, Susan Leigh, et Strauss, Anselm, « Layers of Silence, Arenas of Voice: The Ecology of Visible and Invisible Work », Computer Supported Cooperative Work (CSCW) 8, n^o^ 1, 1999, p. 9‑30. 

  24. Ibid. 

  25. Suchman, Lucy, « Making Work Visible », Communications of the ACM 38, n^o^ 9, 1995, p. 56‑64. 

  26. Ibid, p. 58. 

  27. Star, Susan Leigh, « L’ethnographie des infrastructures », traduit de l’anglais par Beltrame, Tiziana et Peerbaye, Ashveen, Tracés. Revue de Sciences humaines 35, 2018, p. 187‑206. 

  28. Suchman, Lucy, « Making Work Visible », Op. Cit. 

  29. Wendelin Küpers, « Between the visible and the invisible in organizations ». Dans : Bell, Emma, Warren, Samantha et Schroeder, Jonathan, The Routledge Companion to Visual Organization, Cambridge : Routledge, 2014, p. 21. 

  30. Strangleman, Tim, « Representations of Labour: Visual Sociology and Work », Sociology Compass 2, n^o^ 5, 2008, p. 1491‑1505. 

  31. Ibid. 

  32. Brown, Elspeth, The Corporate Eye: Photography and the Rationalization of American Commercial Culture, 1884–1929, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 2005, p. 71. 

  33. Oswick, Cliff et Grant, David, Organisation Development Metaphorical Explorations. Londres : Financial Times/ Prentice Hall, 1995, p. 148 

  34. Ibid. 

  35. Ibid

  36. Yates, JoAnne, Control through Communication. The Rise of System in American Management, Baltimore : John Hopkins University Press, 1993, p. 2. 

  37. Denis, Jérôme, et Pontille, David, Le soin des choses. Paris : La Découverte, 2022. p. 342. 

  38. Sellen, Abigail et Harper, Richard, The Myth of the Paperless Office, Cambridge : MIT Press, 2003. 

  39. Ibid, p. 13. Citation originale (traduit pas nos soins) : « the introduction of new technology does not get rid of paper; it either increases it or shifts the ways in which it is used. » 

  40. Ibid, p. 16. Citation originale (traduit pas nos soins) : « We need to understand what it is about the physical properties of paper that make it play into different aspects of the work that people do » 

  41. Ibid, p. 18. 

  42. Denis, Jérôme, Le travail invisible des données, p. 96, Op. cit. 

  43. Latour, Bruno, « Les “vues” de l’esprit », Réseaux 5, n^o^ 27, 1987, p. 95. 

  44. Ibid, p. 89. 

  45. Star, Susan Leigh, « The Politics of Formal Representations: Wizards, Gurus, and Organizational Complexity », dans : Star, Susan Leigh (éd.), Ecologies of Knowledge, New York : Suny Press, 1995, p. 92. 

  46. Suchman, Lucy. « Making Work Visible », p. 60, Op. Cit. Citation originale (traduit pas nos soins) : « Representation is creating an image asserted to stand in place the voice of a constituency into relevant venues of of or speak for an other » 

  47. Ibid, p. 63. « Citation originale (traduit pas nos soins) : « A map or other representational device is a piece of craftwork, crafted in the interest of making something visible. Things are made visible so that they can be seen, talked about, and potentially, manipulated. » 

  48. Ibid. Citation originale (traduit pas nos soins) : « What we call formalism is the acceleration of displacement without transformation. » 

  49. Ibid, p. 98. Citation originale (traduit pas nos soins) : « There are ongoing tensions in the articulation of parts of the representations, precisely because they are not docile, optically consistent, flat representations nor purely formal systems. » 

  50. Formulation utilisé par l’entreprise Figma pour désigner son offre de services et ses produits. 

  51. Maudet, Nolwenn « Une brève histoire des templates, entre autonomisation et contrôle des graphistes amateurs », dans : Sacks, Kim, Guégan, Victor (dir.), Systèmes : logiques, graphies, matérialités, Revue Design Arts Medias, 10/2023, Consulté à : https://journal.dampress.org/issues/systemes-logiques-graphies-materialites/une-breve-histoire-des-templates-entre-autonomisation-et-controle-des-graphistes-amateurs, le 15 novembre 2023 

  52. Page produit « Diagramming templates », Figma, consulté à : https://www.figma.com/fr/templates/diagramming/, le 11 octobre 2023. 

  53. Page produit « Flexicons Figma Icons Library », Set Products, consulté à : https://setproduct.com/flexicons, le : 11 octobre 2023. 

  54. Berg, Marc, « Of Forms, Containers, and the Electronic Medical Record: Some Tools for a Sociology of the Formal », Science, Technology, & Human Values 22, n^o^ 4, 1997, p. 403‑33. 

  55. Ibid. Citation originale (traduit pas nos soins) : « At the same time, formalization allows for the detachment of knowledge from its local contexts without losing this essence » 

  56. Lechner, Marie, dans : Degoutin, Stéphane, Wagon, Gwenola, Atlas du nuage, 72 planches, 48x35 cm, 2021, consulté à : https://d-w.fr/fr/projects/atlas/, le 6 octobre 2023. 

  57. Le projet Better Images for AI est une collaboration à but non lucratif entre divers individus, organisations à but non lucratif et institutions académiques (We and AI, BBC R&D, The Leverhulme Centre for the Future of Intelligence), plus d’informations sur le projet : https://betterimagesofai.org/ 

  58. Boxall, Laurel et Duarte, Tania, « Humans (Back) in the Loop », Better Images of AI Blog (blog), 20 mars 2022, consulté à : https://blog.betterimagesofai.org/humans-back-in-the-loop/, le 5 octobre 2023. 

  59. Vidéo publiée sur Tik Tok par taliajane921, le 14 décembre 2022, consulté à : https://www.tiktok.com/@taliajane921/video/7176843239515770155?is_from_webapp=1&sender_device=pc&web_id=7262258968599512608, le 2 octobre 2023. 

  60. Vidéo publiée sur Tik Tok par rubenshungu, le 11 mars 2023, consulté à : https://www.tiktok.com/@rubenshungu/video/7209397771621911813?is_from_webapp=1&sender_device=pc&web_id=7262258968599512608, le 2 octobre 2023. 

  61. Vidéo publiée sur Tik Tok par Djena__, le 9 septembre 2023, consulté à : https://www.tiktok.com/@djena\_\_/video/7276937619123014944?is\_from\_webapp=1&sender\_device=pc&web\_id=7262258968599512608, le 2 octobre 2023. 

  62. Strangleman, Tim, « Representations of Labour: Visual Sociology and Work », Op. Cit. Citation originale (traduit pas nos soins) : « The fear that one is about to lose something is often the point at which people choose to reflect on its presence and absence » 

  63. Cowie, Jefferson, et Heathcott, Joseph (éd.), Beyond the Ruins. The Meanings of Deindustrialization, Ithaca : Cornell University Press, 2003, p. 15. Citation originale (traduit pas nos soins) : « we have to strip industrial work of its broad-shouldered, social-realist patina and see it for what it was: tough work that people did because it paid well and it was located in their communities » 

  64. Edensor, Tim, Industrial Ruins: Space, Aesthetics and Materiality, Oxford : Berg Publishers, 2005. 

  65. Tondeur, Kim, « Le Boom Graphique En Anthropologie. Histoire, Actualités et Chantiers Futurs Du Dessin Dans La Discipline Anthropologique, 2018, Omertaa, Journal for Applied Anthropology, 2018. 

  66. Ingold, Tim, Redrawing Anthropology: Materials, Movements, Lines, p. 2, Op. cit. Citation originale (traduit pas nos soins) : « drawing – understood in the widest sense as a linear movement that leaves an impression or trace of one kind or another » 

  67. Ibid, p. 14. Citation originale (traduit pas nos soins) : « By way of contrast, they reveal in stark outline the values of a digitally enhanced society that ranks objects over things, mobility over movement, and the printed word over handwriting and drawing. In such a society, the network reigns supreme, and all lines connect: objects into assemblies, destinations into itineraries, letters into words or acronyms. » 

  68. Ibid, p. 3. Citation originale (traduit pas nos soins) : « In a world of materials, nothing is ever finished: everything may be something, but being something is always on the way to becoming something else »