Jérémy Lucas-Boursier est docteur en sciences de l'information et de la communication et chercheur associé au GRIPIC (Celsa – Sorbonne Université). Il travaille comme chef de projet au sein de l'unité de service Mosaic (Muséum national d'histoire naturelle – Sorbonne Université), spécialisée dans le développement de plateformes numériques pour les sciences participatives. Ses recherches interrogent le design, au croisement des pratiques numériques, documentaires et organisationnelles.
Résumé
Cet article analyse la manière dont l'atelier s'impose comme un marqueur spécifique du travail du designer numérique, impliqué dans la conception des interfaces. Cette reconnaissance dans l'organisation est complexe et repose sur des pratiques et des discours mouvants. Elle passe par une prétention à reconfigurer, à travers des formes d'appropriation symboliques, les espaces du travail numérique. L'atelier se déploie aussi par une intégration à la logique du projet, et enfin par la capacité des designers à matérialiser, par les documents, des processus de création.
Mots clés
Design numérique, Atelier, Interfaces, Documents, Organisation
Abstract
This article analyzes how the workshop establishes itself as a specific marker of the digital designer's work, involved in interface design. This recognition within the organization is complex and relies on shifting practices and discourses. It involves a claim to reconfigure, through forms of symbolic appropriation, the spaces of digital work. The workshop also unfolds through integration into the project logic, and finally through the designers' ability to materialize creative processes through documents.
Keywords
Digital design, Workshop, Interfaces, Documents, Organization
Introduction
Le design contemporain s'est imposé en tant que champ de pratiques ordinaire, indispensable aux routines de conception des objets numériques (sites Web, logiciels, applications, etc.). Les notions d'« UX » ou d'« UI design », de design numérique ou encore de « design system » peuplent les discours professionnels et délimitent des métiers et des procédures, au sein d'une approche par projet qui s'est généralisée. Le design est aussi fréquemment intégré aux organisations, pas seulement comme méthode de conception mais aussi comme méthodologie qui préside à certains processus organisationnels1. Lors de précédentes recherches2 nous avions analysé les ressorts sémio-discursifs, communicationnels et médiatiques, propres à la reconnaissance professionnelle des designers numériques dans les organisations, en particulier dans les entreprises marchandes. Ces travaux ont mis en évidence la manière dont les designers mobilisent des dispositifs de médiation spécifiques pour légitimer leur pratique : production de diagrammes méthodologiques, constitution d'un vocabulaire professionnel, mise en scène visuelle de leurs méthodes de travail. L'étude que nous proposons ici se situe dans le prolongement de ces observations mais aussi en parallèle d'une enquête pluridisciplinaire de plus grande ampleur, menée dans le cadre du projet ANR « Gentil Coquelicot3 ».
Nous proposons de mobiliser le concept de marqueur pour analyser le croisement des discours et des pratiques qui participent à la constitution du design numérique comme discipline. Un marqueur, par ses manifestations discursives et sémiotiques génère de la reconnaissance collective. Il associe un concept, ses ramifications sémantiques et ses incarnations concrètes, à un certain type d'expertise ou à un métier. Pensée à l'échelle micro-sociale de l'organisation, la reconnaissance de différentes disciplines participe à la rationalisation de l'activité économique en favorisant notamment la répartition des tâches. Mais les délimitations et compartiments qui en découlent ne sont pas figés. D'abord parce qu'ils sont le résultat de dynamiques situées, spécifiques aux milieux productifs et aux objets numériques qu'ils conçoivent, et ensuite parce qu'ils sont aussi influencés par des éléments exogènes, substrats de ce que Thomas Kuhn appellerait les « valeurs » de la discipline en général4. À ce titre la coexistence de différentes disciplines dans l'organisation ne repose pas uniquement sur la rationalisation bien ordonnée des contraintes matérielles ni sur l'application linéaire d'un programme. Elle est se joue aussi sur le plan des symboles et des représentations, dont on trouve l'expression dans les discours et les médiations relatives au design en général, et au design numérique en particulier. Ainsi, pour exister dans l'entreprise et assoir leur légitimité, les praticiens du design vont mobiliser de différentes manières, différents marqueurs, en fonction des contextes dans lesquels ils exercent. Ceux-ci sont constitutifs de la discipline tout en étant constamment mis à l'épreuve par la confrontation avec d'autres cultures professionnelles.
Parmi ces marqueurs méthodologiques, nous avions pu constater, sur de précédents terrains d'enquête, la prévalence de l'atelier. Cette pratique est particulièrement visible dans les discours professionnels où le design est mis en avant en tant que méthode d'idéation singulière et différenciante. Les images d'ateliers, généralement reconnaissables par la reproduction de murs de post-it, composent aujourd'hui le paysage sémiotique ordinaire du design numérique, dans la presse professionnelle ou sur les sites Web de cabinets de conseil et d'agences de communication. Nous avions eu l'occasion de montrer qu'en plus d'un idéal de la coopération, l'atelier incarne, par ces manifestations médiatiques devenues des lieux communs, une volonté de recomposer la matérialité singulière des objets numériques. Les nouveaux éléments empiriques dont nous disposons à présent nous permettent d'éprouver in situ ces premières analyses en observant l'intégration de l'atelier aux processus organisationnels. Nous faisons l'hypothèse qu'à travers l'atelier le design numérique s'impose comme une discipline de la (re)matérialisation d'éléments initialement abstraits, diffus, parfois fuyants. À partir d'un lieu, limité dans le temps et dans l'espace, les processus de conception et d'idéation, les relations entre les acteurs, mais aussi les objets numériques eux-mêmes, sont incarnés. Ils prennent forme, s'éprouvent et se configurent pour être mis à l'épreuve.
Pour observer ce processus nous proposons d'analyser deux matériaux complémentaires issus du même terrain. Premièrement, nous avons réalisé une série d'observations participantes5 dans le cadre d'une mission, toujours en cours, de recherche et de gestion de projet au sein d'une unité de service rattachée au Muséum national d'histoire naturelle et à Sorbonne Université. Cette unité est spécialisée dans la conception et la réalisation de plateformes de sciences participatives permettant notamment la collecte de données relatives à la surveillance de la biodiversité. L'enquête, encore dans une phase exploratoire, s'appuie sur une approche sémiotique ouverte6 et sur une vision « composite » des terrains communicationnels7. Nous tentons de retracer le cheminement complexe du sens à travers une diversité d'éléments qui structurent les interactions. Notre posture au croisement de la recherche et de l'action est une ressource méthodologique. Elle a permis un accès privilégié à des situations, des discours, des documents. Elle présente aussi certaines limites : être acteur du terrain implique une proximité forte avec ces situations. Cela entrave, dans certains cas, la collecte plus systématique d'éléments empiriques, qu'un observateur totalement extérieur pourrait réaliser. Pour reprendre de la distance avec le terrain, nous avons alors réalisé, dans un second temps, des entretiens semi-directifs auprès de quatre designers, soit toujours en poste au sein de l'unité, soit l'ayant récemment quittée8.
L'analyse que nous proposons, à partir de ces éléments, est ancrée dans les sciences de l'information et de la communication. Par l'atelier, le design numérique se constitue moins comme une activité créatrice que comme un système de médiations. Nous prêtons ainsi une attention particulière à la circulation des signes et des discours, à la matérialité des objets physiques et numériques qui structurent les relations entre les acteurs. Dans une perspective qualitative et ethnographique, l'observation et les entretiens mettent en lumière des dynamiques organisationnelles, telles qu'elles se déploient dans des situations singulières. Dès lors nous montrerons, dans un premier temps, que l'atelier repose sur un ensemble de promesses méthodologiques qui, par emprunts et transposition, singularise le design numérique en tant que discipline. Notre terrain permet d'interroger dans un deuxième temps la manière dont la dimension utopique de l'atelier s'accommode des logiques de projets dans un contexte organisationnel et numérique. Enfin, dans une troisième partie, nous proposerons d'analyser la formalisation documentaire des savoirs produits par l'atelier, et la manière dont ils alimentent les processus de conception des interfaces numériques.
1. Configurations spatiales, configurations symboliques : les promesses méthodologiques de l'atelier
1.1 Des logiques de co-conception
Dans son ouvrage Le temps des objets, Claire Leymonerie analyse la manière dont la culture du design s'est progressivement arrimée à la culture industrielle, dans la seconde moitié du XXe siècle9. L'étude qu'elle propose de plusieurs grandes entreprises françaises montre comment les designers ont pu, par un travail de structuration de la profession, par la publication de textes méthodologiques et théoriques, et par la constitution de collectifs professionnels, faire reconnaître l'importance de leur travail, dans l'entreprise et au-delà, dans la société. On peut constater aujourd'hui que ce travail de reconnaissance semble avoir abouti et que, de surcroît, les champs d'application du design se sont élargis. Il n'est plus cantonné à la conception d'objets industriels et intègre désormais les processus de productions « immatériels » (design de services ou d'espaces, design graphique, design numérique, etc.). Comme le relèvent Fabienne Martin-Juchat et Fabien Bonnet10, cette « institutionnalisation » du design semble répondre à des problématiques de positionnement symbolique dans un environnement compétitif où dominent les injonctions à l'innovation :
L'intérêt pour le design peut être lié à sa capacité à mobiliser et à produire des médiations symboliques pour expliciter les projets et tenter de faire coopérer différents types de parties prenantes, et notamment les usagers, autour de la conception de divers artefacts : objets, technologies, services envisagés eux-mêmes comme des médiateurs, voire comme des acteurs partenaires de nouvelles expériences à forte valeur ajoutée, notamment sur le plan affectif. Aussi, ce travail des designers ne peut être uniquement appréhendé comme une réponse à une injonction économique, celle qui viserait à augmenter la « désirabilité » des dispositifs produits.11
Ainsi, le design existe aujourd'hui en tant que discipline aux contours très divers à partir d'un ensemble de postures et de prétentions méthodologiques qui concernent, certes, la fabrication de produits variés, mais aussi, et peut-être en première instance, les manières de conduire un projet. Notre recherche doctorale avait mis en évidence ce point en analysant les manifestations discursives et sémiotiques de ces postures12. L'abondance de diagrammes et de schémas organisationnels, la cristallisation d'un jargon autour par exemple du « design thinking », normalisent le design comme pratique dans l'organisation mais aussi de l'organisation. Fabienne Martin Juchat et Fabien Bonnet, notent par ailleurs, dans un second texte13, que cette évolution s'accompagne d'une diffusion des pratiques de création dans l'organisation. Si le design devient un corpus de techniques de conception et d'organisation, alors il peut être pratiqué par d'autres acteurs que les designers. C'est d'ailleurs la thèse d'Ezio Manzini14 qui constate que le design contemporain ne se positionne pas seulement vis-à-vis des logiques de conception et de production. Cela a pour conséquence une reconfiguration du métier de designer comme médiateur et facilitateur. L'atelier se situe dans ce mouvement. Il s'est généralisé en tant que marqueur de la discipline design, que l'on peut appliquer à un grand nombre d'organisations, de contextes, de projets et de produits, numériques ou physiques. Sur notre terrain nous pouvons constater qu'en tant que concept large, l'atelier est reconnu par un grand nombre de participants et qu'à ce titre, pour ceux pour lesquels nous avons été impliqué, sa mise en place ne nécessite pas en amont d'explications ou de justifications spécifiques. Néanmoins, si pour certains projets de l'unité, des ateliers ont été menés en l'absence de designers, ce sont la plupart du temps ces derniers qui ont la responsabilité de leur préparation, de leur conduite et de leur restitution. C'est le cas pour tous ceux qui constituent notre corpus d'observations. Cela correspond à la distinction proposée par Manzini15 entre « designers diffus » et « designers experts ». Même s'il peut être conduit par d'autres, au sein de l'organisation étudiée, l'atelier fait partie de la boite à outils méthodologique des designers, en tant qu'experts. Il constitue un moment spécifique dans la démarche de conception et s'inscrit dans le séquençage du projet. Mais les « designers diffus » sont aussi les participants. C'est l'une des premières caractéristiques de l'atelier, confirmée par notre terrain d'enquête : dans les médiations professionnelles et dans la littérature sur le design, l'atelier est en effet souvent associé à des démarches de co-design16. Celui-ci construit sa légitimité autour d'une promesse : configurer un espace de collaboration singulier pour améliorer le processus d'idéation. On peut identifier dans les discours sur la co-conception l'idée de décloisonner la création en y associant des acteurs traditionnellement tenus à l'écart, ou impliqués plus tardivement dans le projet. Les termes mêmes de « co-conception » ou « co-design », mots d'ordre aujourd'hui communs dans les organisations, semblent signaler un manque préalablement identifié dans la manière dont les produits ou services sont créés. La volonté de mieux intégrer les utilisateurs, qu'ils soient clients ou usagers, est aujourd'hui une tendance de fond qui trouve un écho particulier avec la généralisation de méthodologies issues du design. L'atelier s'inscrit dans ce mouvement qui vise à identifier des besoins et des problématiques concrètes qui émanent d'utilisateurs réels, ou jugés suffisamment représentatifs. Il repose sur une opposition entre l'abstrait d'un processus de création traditionnellement descendant, et le concret d'une conception qui serait davantage ancrée dans la réalité des pratiques.
1.2 Un imaginaire de la création
Avant d'analyser les modalités concrètes de sa réalisation, il nous semble important de revenir sur les imaginaires convoqués par le terme même d'atelier. Derrière l'apparente simplicité discursive d'un concept largement digéré par la pratique managériale se joue, pour reprendre les termes de Yann Aucompte, la question de la configuration d'un « lieu de travail »17. C'est-à-dire un espace physique dont l'organisation influence les pratiques et les relations collectives, mais aussi un espace symbolique fait de représentations qui circulent dans le corps social. Le sujet est particulièrement sensible pour des entreprises de services dont la numérisation des activités consacre le poste de travail informatisé comme lieu unique de réalisation des tâches. L'atelier, qui renvoie à l'atelier de l'artiste, mais aussi à celui de l'artisan, de l'architecte ou du designer d'objet, produit d'abord un effet de contraste saisissant par rapport à l'open space. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que les ateliers d'artistes fassent l'objet, au même titre que les œuvres, de médiations culturelles à part entière. Si la visite de la maison-atelier, par exemple de Paul Cézanne, présente un intérêt pour le public c'est précisément parce que, même en l'absence du praticien, ce lieu est configuré d'une manière qui fait signe dans la compréhension du processus de création. Dès le XIXe siècle, l'atelier est déjà parfois un lieu hybride qui accueille un public extérieur. L'espace de création se transforme en espace de réception et, comme le note Manuel Charpy, son apparent désordre « séduit la bourgeoisie qui croit y décrypter la capacité innée des artistes à agencer objets et meubles18 ». L'organisation de la pièce, le choix et la disposition des objets, les outils utilisés, mais aussi les partis pris architecturaux, qui peuvent singulariser l'atelier par rapport au reste du bâtiment, sont des traces visibles de la pratique artistique. Le visiteur contemporain, ou le collectionneur mondain du XIXe, peuvent espérer voir l'envers matériel de l'inspiration et de la création. À l'inverse, le bureau d'aujourd'hui n'offre que peu d'accroches pour le regard de celui qui voudrait y trouver les marqueurs différenciants d'une pratique professionnelle. Dans le domaine qui nous intéresse, celui de la conception d'interfaces numériques pour la recherche, rien ne distingue la station de travail du designer, de celle du chef de projet, du développeur ou du responsable d'unité. Dans son versant sémiotique le plus immédiat, le concept même d'atelier a donc pour première vertu de convoquer un imaginaire matériel. Il produit symboliquement un rattachement disciplinaire du design à d'autres pratiques de création identifiées, valorisées et reconnues. Il comble un vide symbolique laissé par l'effacement des marqueurs traditionnels des métiers de création (outils, espaces dédiés, signes vestimentaires distinctifs, etc.). Le processus n'est pas nouveau puisque, comme le relèvent Claire Azéma et Pierre Gencey, l'atelier intègre, dès les années 1920, les discours de certains grands magasins qui en récupèrent la valeur symbolique. Le terme permet de « valoriser une image de marque » en s'appuyant sur l'imaginaire du travail manuel pour qualifier des lieux et des pratiques commerciales et industrielles qui en sont pourtant éloignés19.
On distingue dès lors un jeu d'oppositions dans le champ de la matérialité des lieux de travail. Comme le rappelle Marie Joqueviel-Bourjea, l'atelier, au même titre que le laboratoire, le cabinet ou le studio renvoie à la construction « d'une certaine façon d'habiter l'espace de la création, et par là en présager les formes processuelles, les dispositifs, les protocoles [...].20 » Entre ces espaces associés à des champs disciplinaires il existe néanmoins « une porosité terminologique ». De même que l'atelier est emprunté par la littérature aux arts plastiques, il est aussi, dans le cas qui nous intéresse emprunté par le design numérique aux pratiques artisanales, à l'architecture et au design d'objet. L'importation de ce topos, vient combler un défaut de matérialisation et donc de reconnaissance des espaces de création propres aux organisations numérisées et numériques. L'émergence par exemple des « Fablabs » correspond à des expérimentations dans les manières de matérialiser les espaces de création numériques. Mais c'est ici que les pratiques observées permettent d'identifier ce que cet emprunt sémantique a de proprement utopique. Contrairement à l'atelier de l'artiste, l'atelier design au sein d'un projet numérique est davantage identifié comme un moment dans le processus de création que comme un lieu spécifique et pérenne. Néanmoins, c'est bien par la configuration, même temporaire, d'un espace, que les acteurs espèrent atteindre leurs objectifs. C'est l'agencement qui permet de distinguer l'atelier d'autres méthodes ordinaires de collaboration qui jalonnent le projet. Les designers interrogés s'accordent sur l'importance de le différencier des réunions parfois nombreuses qui voient également se réunir les différents acteurs impliqués.
1.3 Recomposer l'espace de travail
Pour cela, l'atelier s'appuie sur trois promesses complémentaires. D'abord, ceux que nous avons pu observer reposent, dans leur majorité, sur une recomposition spatiale de l'espace de travail. La salle de réunion ou la salle de pause se transforment : des tables sont par exemple regroupées en îlots, des tableaux sont ajoutés, on met à disposition des participants des outils spécifiques (post-it, feuilles blanches, marqueurs, outils numériques collaboratifs, etc.) et ces derniers peuvent être répartis en groupes de travail. Cette recomposition matérielle du lieu de travail, par rapport aux moments de concertation ordinaires, est censée produire des effets dans la conduite même du processus d'idéation. La scénographie, toujours préparée à l'avance, marque, dès l'arrivée des participants, la particularité spatiale de l'atelier. L'un de nos enquêtés précise que l'organisation de l'espace et ses variations ont pour première vertu de garantir une participation active des acteurs21. Il fait le lien entre cette configuration et un changement de « posture » qui permettrait de se « mettre dans un certain état d'esprit », « d'activer certaines zones du cerveau pour être le plus propice à la créativité ».
La deuxième promesse méthodologique tient à la dimension performative du travail d'idéation. L'agencement de l'espace est aussi pensé pour que « l'intelligence collective », pour reprendre un autre terme issu des entretiens, se matérialise concrètement au sein du lieu. L'usage des post-it, ou même des briques Lego (mentionnées par un enquêté22), a pour première propriété de transformer symboliquement cette intelligence en action concrète. Dans le contexte de création d'un service, et plus précisément d'un site Web, cela répond au défaut de matérialité physique des objets produits. L'usage de tels outils transpose et rend visible, dans un espace collectif, les différents éléments constitutifs du projet. Cela offre aussi la possibilité de garder des traces tangibles de la co-conception. Lors de tous les ateliers observés, les murs de post-it, les schémas, les dessins et les documents produits sont pris en photo, conservés et parfois remis en circulation, ou transformés, pour alimenter la suite du projet. Enfin, à travers l'atelier, le design s'instaure en tant que discipline de l'organisation par des promesses managériales. La recomposition de l'espace, la constitution de groupes de travail qui ne recoupent pas les découpages hiérarchiques ni les métiers, ainsi que le caractère généralement extraordinaire de l'atelier, visent à favoriser l'émergence de nouvelles modalités de collaboration. Dans les matériaux que nous avons collectés, la co-conception revendiquée repose sur plusieurs éléments parfois combinés. Dans certains cas l'atelier se veut exhaustif en convoquant un large panel de participants dont la collaboration est ordinairement davantage cloisonnée. À d'autres moments, les designers vont recourir à des procédés d'idéation qui invitent les participants à se projeter à partir d'un point de vue qui n'est habituellement pas le leur. On leur propose de réfléchir au produit conçu en se mettant à la place d'un autre métier ou fonction dans l'organisation, ou à la place de l'utilisateur final. Que ce soit par la réorganisation de l'espace, par l'effacement des frontières entre les expertises, par l'aplanissement des relations hiérarchiques23 ou par l'ouverture à d'autres perspectives, l'atelier s'impose comme une « hétérotopie » maîtrisée. Il fonctionne pour reprendre Marie Joqueviel-Bourjea24 qui cite Michel Foucault25, un « contre-emplacement », une « utopie effectivement réalisée », dans l'espace contraint de l'entreprise. Sa réalisation se situe sur un point de tension entre la recherche de l'innovation par la modification temporaire de l'ordre organisationnel, aux niveaux matériels et symboliques, et la nécessité d'intégrer l'atelier, en tant qu'outil méthodologique, à la logique du projet.
2. Intégrer l'atelier à la logique du projet : un enchâssement disciplinaire
2.1 Le design numérique et son périmètre : entre discipline de conception et réflexivité organisationnelle
Nous l'avons montré : l'atelier découle en premier lieu de la capacité des designers qui l'animent à le configurer matériellement comme un lieu à part dans l'écologie organisationnelle. Mais celui-ci est aussi pensé en tant qu'étape précédée et suivie par d'autres étapes, lesquelles, articulées les unes aux autres, sont pensées pour former la chaîne logique du projet. Le terrain étudié constitue un poste d'observation privilégié pour enregistrer les tensions qui existent entre la rationalité de l'organisation et celle des acteurs qui la composent, pour reprendre un cadrage sociologique établi26. Loin d'être un nœud parfait de décisions rationnelles, celle-ci apparaît plutôt comme un collectif aux contours incertains et fortement contraint, qui doit affronter à différentes échelles (individuelles, locales, extra-locales) une série de problèmes, afin d'aboutir à ses objectifs productifs. C'est aussi à ce titre que le design s'impose dans l'organisation avec un corpus méthodologique et des pratiques, à même d'apporter des solutions à des problèmes concrets. Nous pouvons noter en passant que sur les sept ateliers observés, trois ont été organisés afin de répondre à des problématiques managériales internes. Dans ce contexte le design numérique et ses praticiens doivent, pour déterminer les contours de leur discipline, répondre à des problématiques de périmètre. Or ce travail de définition et de positionnement joue sur deux tableaux parfois difficilement conciliables. Le design numérique est une discipline de conception, qui nous allons le voir, s'imbrique, de manière linéaire à d'autres disciplines qui lui succèdent. La gestion de projet, en tant que méta-discipline, aujourd'hui largement mobilisée au sein des processus de fabrication des objets numériques, supervise l'imbrication des expertises dans le temps et dans l'espace. Mais le design est aussi porteur de prétentions réflexives, sur les contours des processus dont il est lui-même un rouage.
Ainsi la production d'un site Web telle que nous l'avons étudiée est découpée en différentes tâches et distribuée entre les acteurs, en fonction de leur expertise27. Sous la supervision d'un chef de projet, les besoins d'un « porteur de projet » sont progressivement formalisés, généralement sous la forme d'un cahier des charges. En parallèle de l'étude de la faisabilité technique des fonctionnalités discutées, un chiffrage est établi avant que les designers ne prennent en charge la création des parcours utilisateurs à travers un ensemble d'objets graphiques (wireframes, zoning, maquettes, prototypes). Ces derniers seront ensuite pris en charge par les développeurs qui assurent l'assemblage technique qui aboutit à l'objet numérique final, mis à disposition du public. Ce découpage schématique fait l'objet d'une double série d'ajustements au sein de l'unité observée. Les premiers sont théoriques. Les acteurs se mobilisent régulièrement pour repenser les procédures, les méthodologies employées, les outils de gestion de projet. Ces réflexions sont menées régulièrement soit sous l'impulsion de la direction de projet, dont c'est l'un des rôles attitrés, soit suite à des initiatives individuelles. La taille modeste de l'unité, la relative horizontalité des relations entre les agents qui la composent, facilitent ainsi les moments d'introspection méthodologiques plus ou moins formalisés. Des « retex » (pour retours d'expérience) permettent aux chefs de projet, après la livraison d'une plateforme, de présenter à l'ensemble des membres de l'unité, de manière réflexive, les points forts et les points faibles du projet et les éventuelles difficultés rencontrées dans sa réalisation. Les seconds ajustements sont d'ordre pratique. La complexité des plateformes conçues, la pluralité des modes de financement et des acteurs impliqués, ainsi que les aléas humains ou techniques obligent l'unité, en tant que collectif, et ses acteurs, à s'ajuster fréquemment tout au long du projet. Il faut parfois improviser des solutions face à des dysfonctionnements inattendus, lever des malentendus, revenir en arrière par rapport au calendrier initialement prévu, modifier des fonctionnalités pourtant validées au départ dans un cahier des charges. La gestion de projet, fonction attitrée du chef de projet, se mue progressivement en gestion du projet, tâche collective prise en charge à différents degrés par tous les acteurs impliqués dans la production des interfaces numériques. C'est dans ce contexte que le design en général et l'atelier en particulier, s'intègrent au projet avec, nous l'avons vu, une double promesse : résoudre des problèmes d'objet par le renouvellement des méthodes d'idéation, et résoudre des problèmes de projet, par la modification des dynamiques de collaboration.
2.2 Des contraintes et des négociations pratiques
Mais le designer doit lui aussi composer avec les contraintes qui pèsent sur l'organisation et sur les impératifs de rationalisation que le fonctionnement par projets impose. Dès lors, l'atelier, dont l'intérêt méthodologique nous l'avons dit n'est pas directement contesté, doit cependant être intégré à un séquençage déterminé à l'avance. La première contrainte qui pèse sur cet outil est budgétaire. Si la somme allouée à la réalisation de la plateforme n'est pas suffisante, le nombre d'ateliers peut être réduit, son format peut être modifié, ou dans certains cas il sera décidé de supprimer cette étape. Si celle-ci est maintenue, sa mise en œuvre dépend ensuite, dans un second temps, d'aléas pratiques et matériels. La disponibilité des différents acteurs, leur nombre ainsi que leur situation géographique déterminent les contours de l'atelier. Sur notre terrain nous avons pu assister à des ateliers réalisés au sein de l'unité (3), dans les locaux d'un porteur projet (2) ou encore à distance, via des outils de visioconférence (2), selon un format désormais qualifié « d'hybride ». En dehors de notre corpus d'observations nous pouvons noter que pour certains projets des ateliers ont été conduits, par d'autres chefs de projet, en situation, sur les lieux d'usage de la plateforme numérique. Ces variations signalent une grande plasticité dans la méthodologie design employée. La capacité du designer à s'adapter à différents contextes fait certes partie des promesses disciplinaires évoquées précédemment. Néanmoins, les matériaux empiriques dont nous disposons montrent plutôt un processus de négociation que d'adaptation parfaitement choisie par les designers en charge de cette phase du projet. Par exemple, l'idéal de large inclusivité des participants n'est jamais tout à fait réalisé. C'est aussi ce que montre Thomas Moroni dans son enquête sur la démarche de création de la signalétique dans les gares franciliennes dont les utilisateurs finaux sont tenus à l'écart28. Cette observation fait écho à une problématique soulevée par certains de nos enquêtés qui déplorent la difficulté d'intégrer ces derniers aux différents ateliers qu'ils ont pu mener. On peut d'ailleurs noter que, pour l'un d'entre eux, un atelier « qui fait toute la différence » est celui qui convie des utilisateurs à tester le prototype d'interface29. Or les ateliers que nous avons observés articulent davantage l'idée de co-conception à une démarche de renforcement de la collaboration entre des acteurs déjà identifiés en amont, et largement intégrés au projet. Il s'agit alors moins d'assurer une forme d'exhaustivité collaborative, tournée vers l'extérieur, que de garantir le bon alignement de tous les participants30.
2.3 Des ajustements disciplinaires croisés
Dès lors se pose la question de la différenciation de l'atelier par rapport aux nombreuses autres instances de collaboration qui jalonnent le projet. Pour ce qui concerne l'organisation étudiée, la production d'interfaces numériques dans le cadre de projets de sciences participatives, implique généralement un grand nombre d'acteurs différents. En plus de la relation entre les porteurs de projet et l'unité de service en charge de la conception et du développement, il est aussi nécessaire de garantir la bonne intégration d'autres partenaires, financiers, institutionnels ou scientifiques. Et, en interne, le projet numérique réclame de nombreux temps de synchronisation entre les différents métiers : designers, développeurs, chefs de projet, responsables des données, supports juridiques et financiers, etc. La dimension organisationnelle du design peut alors prendre le pas sur le versant créatif et l'atelier devient un temps davantage centré sur la synchronisation que sur l'idéation. L'un des designers interrogés le résume ainsi : « on parle d'atelier pour tout31 ». Pris dans la complexité des logiques d'organisation, et de projet, la spécificité de ce temps de conception a tendance à se diluer. Enfin, à travers ces modalités diverses de mise en place de l'atelier, on distingue des effets de cohabitation, et parfois de concurrence, entre différentes cultures de conception. Comme l'a par exemple montré Clément Gravereaux32, l'extension des pratiques du design vers les projets numériques se fait en parallèle du développement d'autres approches, telle que la méthode Agile33. Dans l'unité étudiée, cette méthode, héritée du monde de la conception des logiciels, n'est pas strictement appliquée mais on en trouve des traces. La phase de développement technique, dernière étape du projet numérique, est ainsi marquée par un découpage spatial de toutes les fonctionnalités numériques à produire, au sein d'un découpage temporel, le tout étant alors composé de plusieurs couches : le projet dans son ensemble, un lot d'évolutions spécifique (l'ajout par exemple de fonctionnalités, ou la correction de bugs sur une plateforme existante), ou encore le sprint, manière cyclique de border les tâches à réaliser, issue de l'Agile et que l'on retrouve dans le logiciel de suivi de développement utilisé pour les projets observés. Notre terrain confirme en partie les analyses de Gravereaux, selon des modalités moins conflictuelles. Le design jouit en apparence d'une position spécifique. En tant que méthode d'innovation, dont l'atelier est l'une des manifestations, il bénéficie dans le champ organisationnel et social d'un avantage symbolique. L'affiliation du design numérique à d'autres pratiques d'idéation et de conception telles que l'architecture, le design d'objet, voire d'autres formes artistiques ou artisanales, lui confère une forme d'autorité. En réalité, le projet impose, d'une part, son rythme et ses formes. Et d'autre part, même si les designers numériques sont chargés, notamment lors des ateliers, d'adopter une posture d'animation surplombante, le milieu organisationnel produit des formes d'apprentissage et d'adaptation croisées. On pourrait ainsi dire que non seulement le design se diffuse au-delà du rôle du designer mais que, en miroir, le designer ajuste ses pratiques à partir d'autres savoirs disciplinaires, issus par exemple du développement Web. La modestie observée du rôle du designer est, de plus, liée à son mode de participation directe au travail de conception. Même s'il endosse, à certains moments, des responsabilités que l'on pourrait qualifier de méta-organisationnelles, il doit aussi participer directement à la fabrication du produit. La création des parcours utilisateurs, la production de maquettes, les choix graphiques, sont, à ce titre, des tâches très dépendantes des autres étapes du projet, en amont et en aval.
3. Une matérialisation par le document
3.1 Collecter des connaissances
En plus de s'arrimer à la logique du projet, et à ses autres moments, par des ajustements pratiques et disciplinaires, l'atelier trouve aussi sa légitimité par la production de connaissances spécifiques. Par connaissances nous entendons un ensemble de savoirs, d'informations et de données, objectivables dans le contexte de la création de plateformes numériques. Il nous semble ici important d'établir une typologie des ateliers observés en les rangeant dans quatre catégories différentes. Dans la première, nous retrouvons ceux qui visent à cadrer le projet en recueillant les besoins, les outils existants, les contraintes et en identifiant les parties prenantes. Dans la seconde catégorie se trouvent les ateliers axés sur l'ingénierie du projet. Généralement organisés par l'unité en interne, ou avec des partenaires réguliers, ils permettent de répartir les rôles, de s'accorder sur les méthodes et de choisir les bons outils (notamment de communication, de suivi et de « reporting ») pour résoudre d'éventuels dysfonctionnements. Troisièmement, nous avons pu participer à des ateliers centrés sur la production de parcours utilisateur. Ceux-ci favorisent le choix de grands principes fonctionnels pour le site Web à venir. Ils sont complémentaires d'un quatrième type d'atelier dédié à la validation des maquettes (traductions graphiques des choix fonctionnels) avant qu'elles ne soient prises en charge par l'équipe technique.
Ce qui nous intéresse tout d'abord, dans une perspective communicationnelle et sémiotique, est la densité de l'économie documentaire qui sous-tend ces moments de collaboration. De nombreux documents physiques et numériques sont ainsi mobilisés avant, pendant et après l'atelier. Ce sont eux qui structurent la production et la mise en circulation des savoirs produits. Il est à nouveau possible d'établir une classification des documents observés en fonction de leur forme, de leur contenu et de leur finalité explicite. On trouve des documents informatifs (PowerPoint de présentation, textes de cadrage, schémas organisationnels, etc.), projectifs (tableaux à remplir, matrices de schémas vierges), collaboratifs (fiches synthétiques de parcours utilisateurs ou de pages Web, murs de post-it à compléter à plusieurs, etc.) ou encore des documents de restitution, qui peuvent être des synthèses de ce qui a été produit dans l'atelier ou des reprises extensives de certains documents, qui sont mis en circulation après la rencontre. Pour illustrer ce processus nous pouvons nous appuyer sur le cas d'un atelier réalisé avec des utilisateurs potentiels d'une plateforme numérique, auquel nous avons participé avec un designer, au sein des locaux d'une organisation partenaire. Après une première phase d'idéation collective, il était demandé aux participants de dessiner sur une feuille blanche A4 ce à quoi la page principale de la plateforme, en cours de conception, pourrait ressembler, en fonction de leurs habitudes, de leurs besoins ou de leurs préférences. Le document remplit ici plusieurs fonctions. Il favorise d'abord la mobilisation active des participants. Le dessin permet le passage performatif de la réflexion à l'action, tout en échappant temporairement aux formats imposés par des outils numériques que les participants ne maitrisent pas nécessairement. C'est aussi un moment qui permet d'ouvrir les lignes de partage entre producteurs et usagers et de réaliser en partie la promesse de la co-conception ou du co-design34. Le designer n'a plus l'exclusivité du geste créatif. Ensuite, ces feuilles A4 complétées par les participants incarnent une forme de transposition documentaire. Elles schématisent, dans le domaine physique, des objets qui seront par la suite numériques. Lors des entretiens, un designer interrogé précise que « l'utilisateur ne sait pas ce qu'il veut, il doit verbaliser les problèmes ». Le dessin devient ici l'une de ces formes de verbalisation. Puisque ce sont des documents ramassés, faciles à produire, à collecter, à remettre en circulation, ils incarnent un complément à leurs équivalents numériques, certes plus interactifs mais aussi par de nombreux aspects plus complexes, plus difficiles à manipuler, voire à collecter. À cette étape du projet, les dessins sommaires et schématiques, réalisés sur de simples feuilles, facilitent par leurs propriétés physiques et un certain degré d'abstraction, l'émergence d'un terrain documentaire commun à tous les acteurs rassemblés lors de l'atelier. Enfin, ces documents sont les supports d'un recueil des données qui nourrit ensuite le travail de conception. Les différences et les occurrences dans les différents choix faits par les participants alimentent ensuite le processus de conception. Cela concerne l'ergonomie de la page, par exemple le positionnement des boutons ou les relations entre le texte et les images, son graphisme, mais aussi certaines orientations fonctionnelles. Beaucoup d'utilisateurs avaient par exemple choisi d'inclure dans leur schéma de page des options de géolocalisation. Non retenu dans la version finale du site, ce parti pris récurrent a néanmoins alimenté les discussions entre les différents acteurs du projet.
3.2 Traduire, mettre en forme, faire circuler : une expertise documentaire
Ces observations confirment l'analyse de Yann Aucompte dans l'article cité précédemment qui voit dans l'atelier « le lieu d'une pratique de collecte et de production de documents35 ». À ce titre, il nous semble que la reconnaissance disciplinaire du design et des designers, à travers la normalisation de l'atelier dans l'organisation, passe par cette expertise essentiellement documentaire. C'est d'ailleurs aussi à ce niveau-là qu'elle peut faire l'objet de malentendus dont les designers vont se plaindre. Lors de nos entretiens, trois professionnels déplorent être uniquement reconnus, pour le premier en tant que « technicien qui va faire les maquettes, qui sait manier les outils de dessin36 », associés ironiquement pour le deuxième aux « crayons de couleur37 » ou, pour le troisième, « là pour que l'interface soit belle38 ». Or la compétence du designer, et pour reprendre une terminologie utilitariste et managériale, sa valeur ajoutée, tient à sa capacité à maîtriser la production et la mise en circulation de documents tout au long du cycle du projet. Si, en apparence, le designer mobilise un large panel de compétences, de l'animation de l'atelier à la production de maquettes, le travail documentaire tient lieu de fil rouge à cet ensemble hétéroclite. Pour que l'atelier fonctionne, pour citer un enquêté, comme « un espace de rencontre » pour « récupérer de la donnée39 », il ne faut pas penser le document en tant que simple réceptacle écrit et visuel de cette donnée. À la lumière des travaux d'Emmanuel Souchier40 et de ceux de Brigitte Guyot et Marie-France Peyrelong41, on peut ainsi s'interroger sur la manière dont la matérialité des documents (leur « énonciation éditoriale » pour reprendre le concept de Souchier) s'articule à des logiques d'action dans l'organisation. Loin de se résumer à des supports d'information, les documents et leurs formes orientent les relations entre les acteurs et la progression du projet numérique.
La compétence documentaire des designers, qui facilite, lors des ateliers, la collecte de données peut se distinguer, à cet égard, sur trois niveaux. Le premier est conceptuel. Il correspond à la typologie documentaire évoquée précédemment et consiste à attribuer une fonction à différents objets lors de la préparation de l'atelier pour ensuite les mobiliser auprès des autres participants. La deuxième compétence est sémiotique. La maîtrise des outils graphiques, même si elle est parfois caricaturée, nous est apparue comme un facteur essentiel d'implication des participants et donc d'activation documentaire. Le recours au dessin, parfois rapidement crayonné, l'utilisation de certaines techniques d'impression en grand format, la maîtrise des logiciels de création, favorisent, parfois à des échelles pourtant très réduites, la mise en signes et donc la circulation du sens, autour de problématiques de conception complexes et parfois particulièrement abstraites pour certains participants. Ces dispositions s'accompagnent, nous avons pu l'observer, de capacités d'improvisation qui complètent le travail conceptuel réalisé en amont. Pour terminer, le troisième niveau de compétence documentaire se situe dans le champ de la transmission. Nous l'avons dit : pour fonctionner, l'atelier doit s'intégrer aux différentes étapes et contraintes du projet. Les connaissances qui seraient contenues dans les documents produits lors de l'atelier ne constituent pas des données immédiatement prêtes à l'emploi dans les étapes suivantes. Elles nécessitent un travail de restitution qui s'apparente là encore à un complexe processus de traduction documentaire42. Les principaux enseignements de l'atelier, les conclusions et les orientations principales vont, par exemple, être parfois rassemblés dans un même espace documentaire numérique, à l'aide par exemple de l'outil numérique FigJam qui permet de rassembler et d'annoter des images, du texte et des schémas. Même si c'est un travail collectif, c'est à l'initiative du designer que la transposition documentaire peut aboutir à la traduction d'une donnée de l'atelier en choix de conception. C'est aussi un moyen de produire des éléments tangibles et opposables. Ils font foi parce qu'ils émanent soit des utilisateurs, soit des partenaires au projet et nourrissent les discussions, voire les oppositions, qui émaillent la vie de l'organisation tout au long du projet.
3.3 Une traduction imparfaite
Cette triple compétence documentaire, conceptuelle, sémiotique et transmissive, révèle ainsi que l'atelier fonctionne comme un dispositif d'objectivation matérielle des savoirs collectifs. En transformant des échanges oraux, parfois informels ou contradictoires, en traces matérielles stabilisées, le designer opère un travail de mise en ordre. Ce travail dépasse le simple accompagnement du travail créatif. Les documents produits et transformés, ne sont pas uniquement des comptes-rendus. Ce sont des traductions opérantes qui rendent possible la poursuite du projet. Ils favorisent la constitution de liens entre des mondes professionnels et des logiques disciplinaires différents. Un même document, par exemple une maquette annotée, un parcours utilisateur schématisé, ou une collection de post-it légendée, peut être lu et mobilisé différemment selon les acteurs. Le porteur de projet y verra la concrétisation de ses besoins, le développeur y trouvera des spécifications techniques à implémenter. Cette polysémie contrôlée des documents de l'atelier est précisément ce qui permet leur circulation entre les différentes phases du projet et les différents métiers. Le designer, par sa maîtrise de cette économie documentaire, se positionne ainsi comme un « passeur » qui facilite la circulation du sens, entre des logiques d'action hétérogènes. Les documents facilitent la matérialisation de l'objet numérique et des usages à venir. Ils contribuent aussi à produire ce que Thomas Binder et ses co-auteurs appellent la « chose du design », c'est-à-dire un ensemble socioculturel complexe, fait d'objets concrets, de représentations symboliques et de participants variés43.
Le terrain observé laisse néanmoins entrevoir la dimension imparfaite de ce travail de matérialisation documentaire. Ces limites se trouvent d'abord dans la phase de stabilisation documentaire. Moment singulier, et plutôt rare, dans le processus de production d'interfaces numériques, l'atelier vise à définir, par le document, un cadre de création. En réalité ceux que nous avons observés ne clôturent jamais totalement les discussions. Les documents fixent temporairement certaines décisions et donnent de grandes orientations. Mais ils deviennent davantage des supports de négociation, soumis à de fréquentes modifications, plutôt que des points d'ancrage définitifs, même à des stades avancés du projet. Sur un autre plan, c'est dans le processus de mise en œuvre, c'est-à-dire dans la phase d'activation du document, que la matérialité de l'atelier se heurte à d'autres ressorts organisationnels. Ainsi, les documents produits à des fins de définition des parcours utilisateurs ou de cadrage des besoins échouent parfois à alimenter de manière exhaustive le travail technique des développeurs de l'interface. L'abondance du flux documentaire, les ambiguïtés ou les malentendus qui peuvent persister après la transcription des travaux collectifs, perturbent parfois la traduction des documents de l'atelier en documents techniques. Enfin, malgré une production documentaire intense, les ateliers auxquels nous avons participé, dédiés aux transformations internes de la conduite de projet, ont produit des résultats modestes. La transformation du document en principes d'organisation effectifs se heurte à des difficultés managériales, pratiques et techniques. L'atelier de design apparaît ainsi comme un espace de formalisation et d'inclusion inachevée, où la documentation joue un rôle essentiel mais toujours partiellement maîtrisé, en particulier lorsqu'elle doit se confronter à d'autres logiques disciplinaires (et documentaires) intégrées au projet numérique.
Conclusion
L'atelier du designer numérique, tel que nous l'avons observé, est une forme organisationnelle singulière. Il se distingue de l'atelier d'artiste, lieu généralement pérenne, isolé et identifiable dans la pratique de création. Ce n'est pas non plus le même atelier que celui du designer industriel où la configuration de l'espace répond à des impératifs de conception particuliers (outils, machines, matériaux spécifiques, etc.). Dans les deux cas ce sont les contraintes matérielles, comme le besoin d'espace, de lumière, ou les relations avec d'autres espaces de la création qui dictent d'abord la forme de l'atelier. Ce sont ensuite à partir de ces formes que se sont sédimentées progressivement, à travers des médiations et des appropriations, parfois anciennes, des représentations collectivement partagées de l'atelier. On peut ici émettre l'hypothèse, que d'autres analyses ultérieures, à de plus grandes échelles, pourront éprouver, que l'atelier du designer numérique suit un cheminement inverse. Il se construit en tant que marqueur disciplinaire, à partir d'abord d'une dimension symbolique pour ensuite tenter d'impulser une transformation des configurations matérielles des lieux du travail numérique. Cela explique la variété des types d'ateliers. C'est une promesse qui puise dans un imaginaire large, et qui doit se confronter aux contraintes spécifiques de l'organisation.
Les acteurs interrogés le reconnaissent eux-mêmes : cette promesse n'est parfois que partiellement tenue. L'atelier du design numérique ne serait alors, en réalité, pas un atelier. Nous faisons néanmoins le choix de ne pas nous arrêter à une telle objection. Notre approche sémio-discursive nous oblige à prendre au sérieux un terme, et les pratiques qui en découlent, qui s'est généralisé dans les organisations. Et même si l'atelier suit parfois des logiques de récupération, il existe néanmoins, sur le terrain observé, comme un lieu, certes imparfait et fluctuant, et comme une étape reconnue des processus de design numérique. Dès lors, si cette généralisation peut être perçue comme l'appropriation opportune d'un imaginaire du design, en particulier du thème de la co-conception, par les organisations, elle peut aussi être analysée en tant que point de passage obligé, et aujourd'hui ordinaire, des projets de création d'interfaces numériques. L'atelier est alors un marqueur ambigu. Il constitue un attendu disciplinaire qui fait partie de l'appareillage du designer numérique. Mais, pour reprendre Claire Azéma, c'est « un espace en devenir orienté vers le faire et non comme un lieu prédéterminé, préexistant à la pratique44 ». Les designers numériques et celles et ceux avec qui ils collaborent élaborent ainsi simultanément des objets, des modalités de création et des lieux de pratique.
L'atelier suit un fil rouge, celui de la matérialisation, des espaces, du projet, des documents et participe à la reconnaissance du design numérique comme pratique dans l'organisation et de l'organisation. Nous avons souhaité montrer, dans la première partie, que les promesses de l'atelier design correspondent à un ensemble de problèmes qui se posent à l'organisation par projet : cloisonnement des processus d'idéation, matérialité contrariée, trop grande verticalité, éloignement des utilisateurs finaux. Mais, dans un second temps, le terrain révèle aussi que la reconnaissance disciplinaire de l'atelier se fait précisément grâce à sa plasticité. Loin de positionner le design numérique et ses praticiens en surplomb par rapport aux processus existants, il doit garantir, par la négociation, sa bonne intégration aux autres étapes du projet. Et si le design est intrinsèquement une discipline du projet, ce n'est pas le seul champ de compétences qui préside aux logiques d'idéation et d'organisation. Enfin, dans la troisième partie, nous avons pu analyser que l'atelier correspond, à un mode de connaissance spécifique au design, mais surtout spécifique aux objets numériques et à leurs modes de production. Il devient le lieu où la compétence du designer nous apparaît comme une compétence essentiellement documentaire. Par ses capacités d'anticipation et d'adaptation, celui-ci accompagne un travail collectif non pas d'idéation qui serait soit totalement abstrait, soit immédiatement transformé par la création de l'objet, mais de production de documents qui sont des briques sociosémiotiques essentielles aux interactions disciplinaires, au sein de l'organisation.
Bibliographie
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VAYRE Jean-Sébastien, « Pour un pluralisme épistémologique en sociologie de l'action organisée » dans Revue européenne des sciences sociales, n° 58-2, p 159-187, 2020.
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Florian Harmand relève par exemple la dimension « stratégique » du design qui devient un important levier de transformation dans les organisations étudiées. Voir HARMAND Florian « Trois niveaux d'intégration du design, trois manières de faire du design », dans Sciences du design, volume 18, 2023, p. 62-82. ↩
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LUCAS-BOURSIER Jérémy, Écrire le design d'expérience utilisateur : enquête sur la textualisation d'un savoir professionnel numérique, Thèse, Sorbonne Université, 2023. ↩
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Le projet ANR « Gentil Coquelicot » est porté par le CESCO (Muséum national d'histoire naturelle de Paris), le CERLIS (Paris-Cité), l'association Label Vie et l'Unité de service Mosaic (MNHN). Il vise à développer une plateforme numérique à destination des parents de jeunes enfants et aux professionnels de la petite enfance. L'objectif de ce site participatif est de permettre aux utilisateurs de partager des fiches d'activité, à réaliser avec des enfants de 0 à 3 ans, sur le thème de la nature. La plateforme alimente ainsi un projet de recherche autour des « expériences de nature » étudiées sous le double prisme de la psychologie de la conservation et des sciences de l'information et de la communication. ↩
-
KUHN Thomas Samuel, La Structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, traduction de L. Meyer, 2008. ↩
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Entre juin 2024 et juin 2025 nous avons consigné dans un carnet de terrain les observations faites lors de 7 ateliers auxquels nous avons participé en tant que chef de projet. Notre approche est ici qualitative et exploratoire. Nous avons ainsi fait le choix de nous concentrer sur la configuration des espaces de l'atelier, leur intégration dans la dynamique plus générale du projet et sur la production et la mise en circulation de documents spécifiques à cette phase du design numérique. En parallèle de cette démarche en sciences de l'information et de la communication, des travaux pluridisciplinaires sont en cours de réalisation, sur le même terrain, à partir d'une collecte systématique de données numériques et sur des analyses exhaustives des outils numériques mobilisés par les designers. ↩
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BOUTAUD Jean-Jacques & VERON Eliseo, Sémiotique ouverte, itinéraires sémiotiques en communication, Paris, Hermès Lavoisier, collection Forme et Sens. 2007. ↩
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LE MAREC Joëlle, « Ce que le terrain fait aux concepts : vers une théorie des composites », Habilitation à diriger des recherches, université Paris 7. 2002. ↩
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Les entretiens ont été réalisés à distance, via les applications Teams et Google Meet, les 13, 14 et 22 août 2025. Ils ont duré entre 43 minutes et 1 h 28. Afin d'anonymiser les citations, un numéro est associé au participant dont les propos sont rapportés dans le texte : Designer 1, Designer 2, Designer 3, Designer 4. ↩
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LEYMONERIE Claire. Le temps des objets : Une histoire du design industriel en France, 1945-1980 (2e éd). EPCC Cité du design-École supérieure d'art et design, 2022. ↩
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BONNET Fabien & MARTIN-JUCHAT Fabienne, « Le tournant design face à la communication : Inscriptions socio-économiques, défis théoriques et nouveaux enjeux » dans Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC) N° 4, p. 5-10, 2022. ↩
-
Ibidem, p. 6. ↩
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LUCAS-BOURSIER Jérémy, Écrire le design d'expérience utilisateur : enquête sur la textualisation d'un savoir professionnel numérique, Thèse, Sorbonne Université, 2023. ↩
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BONNET Fabien & MARTIN-JUCHAT Fabienne, « De la communication au design : instrumentalisation ou renouvellement ? » dans Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC) 2023/1 N° 6, p. 5-8, 2023 et GROSJEAN Sylvie, BONNEVILLE Luc & MARRAST Philippe, « Innovation en santé conduite par les médecins et infirmières : l'approche du design participatif à l'hôpital » dans Innovations N° 60, p. 69-92, 2019. ↩
-
MANZINI Ezio, Design, When Everybody Designs: An Introduction to Design for Social Innovation, Cambridge (Massachusetts), MIT Press, 2015. ↩
-
Ibid., p. 37-40. ↩
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Voir GROSJEAN Sylvie, BONNEVILLE Luc & MARRAST Philippe, « Innovation en santé conduite par les médecins et infirmières : l'approche du design participatif à l'hôpital » dans Innovations N° 60, p. 69-92, 2019 et MORONI Thomas, « Refonte de la signalétique "mass transit" des gares franciliennes : conception participative et recherche en design » dans Sciences du Design n° 18, p. 84-101, 2023. ↩
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AUCOMPTE Yann « Des mondes-ateliers : les lieux et les milieux de la fabrique du design graphique » dans Design Arts Medias, n° 11, 2021. ↩
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CHARPY Manuel « Les ateliers d'artistes et leurs voisinages Espaces et scènes urbaines des modes bourgeoises à Paris entre 1830-1914 ». Histoire urbaine, 2009/3 n° 26, p. 43-68, 2009. ↩
-
AZÉMA Claire & GENCEY Pierre, « L'atelier du meuble sous l'Occupation : de la facture à l'implicitation, passage de l'atelier des arts décoratifs à l'atelier de design. », dans Azéma, Claire (dir.), Les Arts de faire : Acte 1 - Les modes d'existence de l'atelier en Arts et en Design, Revue Design Arts Medias, 11/2021. ↩
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JOQUEVIEL-BOURJEA Marie, « L'atelier : espace pour gestes et insituable lieu d'adresse » dans JOQUEVIEL-BOURJEA Marie, CHATELET Claire, DE MORANT Alix et GROUPIERRE Karleen, L'atelier en acte(s) Espace de création, création d'espace. Paris : Hermann. Recherche & création, p. 5-26, 2023. ↩
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Un autre enquêté (designer 4) corrobore cette approche et indique que l'atelier fait « réfléchir [les participants] en les faisant bouger dans l'espace ». ↩
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Designer 1 ↩
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L'un des enquêté (Designer 2) explique sur ce point que c'est aussi un moyen « d'éviter la parole monopolisée » : « Le problème d'une réunion, c'est que souvent il y a quelqu'un qui prend le lead. Il y a toujours les mêmes qui participent. Donc il va y avoir une parole monopolisée, alors que nous, on veut l'ensemble des avis ». ↩
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Ibid. ↩
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FOUCAULT Michel « Des espaces autres » Empan, 2004/2 no54, p.12-19, 2004. ↩
-
VAYRE Jean-Sébastien, « Pour un pluralisme épistémologique en sociologie de l'action organisée » dans Revue européenne des sciences sociales, n° 58-2, p. 159-187, 2020. ↩
-
Ce découpage résulte, à un niveau pratique, de choix managériaux concrets. Dans le cas de l'unité observée, c'est d'abord la direction qui, par ses choix de recrutements, décide de répartir le travail de production des interfaces entre différentes disciplines, dont le design. ↩
-
MORONI Thomas, « Refonte de la signalétique "mass transit" des gares franciliennes : conception participative et recherche en design » dans Sciences du Design n° 18, p. 84-101, 2023. ↩
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Designer 2. ↩
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Un enquêté (Designer 1) évoque à ce sujet le renforcement de la « cohésion d'équipe » : « L'idée c'est d'insuffler une certaine dynamique entre les différentes parties prenantes pour que chacun se sente impliqué, responsable et ait envie de porter le projet, chacun suivant son périmètre ». ↩
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Designer 3. ↩
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Voir GRAVEREAUX Clément, « Ce que la mobilisation pratique du design "numérique" fait aux organisations » dans Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC) n° 6(1), p. 125-139, 2023. ↩
-
La méthode Agile, popularisée au sein des entreprises de développement de logiciels, est une méthode de gestion de projet. Elle repose sur un processus itératif et sur un découpage des tâches en courtes séquences (des « sprints ») de développement, de tests, puis d'améliorations. ↩
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Nous pouvons noter à ce sujet que la mobilisation d'utilisateurs présente, pour l'organisation, un double intérêt. Elle permet de tester des hypothèses fonctionnelles auprès du public et de médiatiser auprès d'autres acteurs la prise en compte, même imparfaite, des retours utilisateurs. ↩
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AUCOMPTE Yann, « Des mondes-ateliers : les lieux et les milieux de la fabrique du design graphique », op. cit. ↩
-
Designer 1. ↩
-
Designer 2. ↩
-
Designer 3. ↩
-
Designer 4. ↩
-
SOUCHIER Emmanuël, « L'image du texte pour une théorie de l'énonciation éditoriale » dans Les Cahiers de médiologie, n° 6, p. 137‑45, 1998. ↩
-
GUYOT Brigitte & PEYRELONG Marie-France, « Le document dans une perspective organisationnelle : Un objet comme un autre ? » dans Sciences de la société, n° 68, p. 45‑60, 2006. ↩
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Parmi ces « livrables », nous pouvons aussi mentionner le modèle documentaire du « persona », observé dans le corpus d'observation et évoqué dans les entretiens. Lors de certains ateliers, on propose aux participants d'établir la fiche signalétique de différents utilisateurs-type avec leurs caractéristiques socio-démographiques, leurs besoins, leurs contraintes et préférences. Ces fiches seront ensuite réemployées dans la suite du projet pour éprouver la cohérence des choix fonctionnels à partir des parcours utilisateurs, propres à chacun de ces « persona ». ↩
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BINDER Thomas (et al.), Design Things. The MIT Press. 2011. ↩
-
AZÉMA Claire, « Conduite instauratrice de l'œuvre, entre expérience et expérimentation : faire atelier. », dans Azéma Claire (dir.), Les Arts de faire : Acte 1 - Les modes d'existence de l'atelier en Arts et en Design, Revue Design Arts Medias, 11/2021. ↩