Davina Brunot est doctorante depuis 2019 à l’Université Bordeaux Montaigne (ARTES). Sa thèse s’inscrit dans le cadre du programme de recherche régional interdisciplinaire « VisionNages(s) » et porte, dans le champ des études cinématographiques, sur les représentations de l’espace littoral néo-aquitain dans les films de fiction tournés sur ce même territoire de 2004 à 2020.
Résumé :
Cet article s’intéresse aux différentes temporalités présentes dans des segments de film dont le cadre est le littoral néo-aquitain, et en particulier dans le film Ava (Léa Mysius, 2017), en se concentrant sur celles qui échappent au temps narratif. Car à ce temps du récit, toujours là, s’ajoute parfois le temps naturel d’un paysage pris comme décor mais dont les qualités profilmiques dépassent les besoins narratifs du film. C’est souvent dans le « temps pur » de la fiction que le pouls des lieux se fait alors sentir, dévoilant un rythme des choses ou le paysage imprime son mouvement autonome.
Abstract :
This article investigates the different temporalities present in some film segments taking place on the coast of the Nouvelle Aquitaine, and especially in the movie Ava (Léa Mysius, 2017), by focusing on those that are beyond the narrative time. Because at the story’s time, which is always here, has to be added the natural time of a landscape considered as a movie set but whose “profilmic” qualities exceed the narrative needs of the film. It’s often into the “pure time” of fiction that the pulse of the places could be felt, revealing the rhythm of things, where the landscape communicates its own autonomous motion.
Si l’homme est sans cesse différent de lui-même et non point adéquation et fermeture, c’est parce que tout dans le monde est mouvement, changement, instabilité, variation et multiplication1.
1. Quand les dunes avancent
Qui dit littoral néo-aquitain dit érosion des falaises, avancée2 dunaire3, assèchement des zones humides... Sur ce littoral dunaire, les bancs de sable, la plage et la dune, dite blanche, se reconfigurent de manière à la fois continue et saisonnière, entraînant une évolution permanente de la morphologie du milieu entre érosion et accrétion. Liée principalement aux multiples variations des courants marins, mais s’accélérant parfois fortement à l’occasion de tempêtes, l’érosion littorale est ici particulièrement visible4, notamment parce que le sable apporté par la mer, calculé par mètre de côte et par an, y est déficitaire. Mais l’érosion ne touche pas que la côte sableuse ; c’est ainsi que le flysch de Bidard, dans le Pays Basque, a été transformé en dentelle par l’érosion marine, accentuant la distinction entre les fameuses strates géologiques aujourd’hui sub-verticales. Pourtant, les dunes bordières, par leur grande mobilité, restent les plus vulnérables au recul du trait de côte. Ainsi en est-il de la plus haute dune d’Europe, la Dune du Pilat qui, malgré sa centaine de mètres de haut, avance à l’Est d’un à cinq mètres par an laissant apparaître progressivement, côté plage, de multiples zones noires. Appelées paléosols, celles-ci témoignent, entre autres, de l’ancienne forêt du site depuis longtemps ensevelie par les sables et qui a permis à la dune de se fixer en prenant appui sur elle5. Aujourd’hui encore, la dune perpétue ce mouvement, continuant à « marcher6 » vers l’intérieur des terres. L’environnement est donc ici toujours mobile, il se transforme ; or, nous constatons que ce mouvement du paysage est peu discuté dans les représentations filmiques du littoral. D’ailleurs, est-il même simplement accessible à la perception spectatorielle ? Et cette usure du minéral, cette abrasion du naturel comme du construit pouvant aller jusqu’à l’ablation, si l’objet filmique la passe sous silence, peut-on le considérer comme un acte de négation de l’existant ou au contraire comme la volonté de lutter contre le mouvant indomptable en lui opposant sa propre forme : filmer, c’est enregistrer, donc retenir.
Le paysage possède pourtant à cet endroit une autonomie fonctionnelle et son équilibre écologique est construit selon des dynamiques qui mettent en jeu son propre déplacement. La notion même de paysage est d’ailleurs à repenser selon cette mobilité qui rend impossible le fait de lui fixer un cadre pour une durée déterminée, quand bien même il garderait comme invariants des traits saillants reconnaissables. Tout comme les marées reconfigurent de manière doublement journalière le paysage de la plage, il devient nécessaire de voir même sans le voir le paysage que l’on regarde comme jamais identique à lui-même lorsque sa seule fixité réside dans le fait d’être immuablement situé entre un avant et un après, pris dans une métamorphose toujours ébauchée et rarement lisible dans l’instant. Ainsi en est-il du paysage littoral qui se modifie et s’altère, transformant également, dans son déplacement permanent, ce qui l’entoure. L’opération de cadrage qui fait le paysage, qu’il soit opéré par l’œil ou par la caméra, nécessite pourtant de la stabilité ou tout au moins des repères fixes. Or, si l’on est attentif aux grains de sable un jour de grand vent ou si l’on se rapproche d’une vision microscopique des dunes, plus les éléments deviennent instables, leur stabilité rejoignant le domaine de l’éphémère. Et pourtant, jamais l’œil ne relève la contradiction car parmi tant de mouvement, l’apparence générale, le temps d’un regard, demeure.
Une fois cet univers posé comme celui de l’impermanence, qu’en est-il des transformations au long cours du littoral dans les films tournés justement sur les plages de Nouvelle Aquitaine ? Soulignons qu’habituellement, la question de la mobilité du paysage est déportée vers la question de la mobilité du point de vue ; ainsi, le paysage semble se déplacer via le déplacement de celui qui regarde, quand bien même le paysage retrouverait son apparente fixité à l’arrêt du mouvement de l’observateur. Il y a donc à cet endroit presqu’inévitablement nécessité d’un regard, voire nécessité d’un corps, le mouvement du paysage étant mouvement en tant que regardé seulement. Il faut alors rappeler l’accointance singulière qui existe dans un film entre déplacement du personnage et écoulement du temps, ce que François Laplantine relève ainsi : « filmer, c’est filmer le corps en mouvement, c’est-à-dire créer de la durée7 ». Dans cette assertion, se révèle non pas le fait que l’absence de corps signifierait l’absence de durée, mais que la durée est rendue visible par la visibilité-même du mouvement des corps. En effet, le corps se meut dans une temporalité que le regard comprend, lit et traduit, puisqu’il appartient également à cette temporalité du corps. Or, il en va différemment du temps du paysage. Ainsi, du fait de ce différentiel, l’œil humain n’est souvent capable de saisir un paysage que comme uniquement « fait d’immobilités », comme si le mouvement n’était qu’« une position, puis une nouvelle position, et ainsi de suite indéfiniment8 », en somme, une « succession [...] de temps d’arrêt consacrés à la découverte d’un paysage immobile9 ». Il convient donc d’éviter un premier écueil qui serait de penser le temps du corps et du regard, qui constitue le fondement du temps narratif10, et le temps du paysage comme identiques ; de penser que tout évènement, dans un film, prend place au sein d’une seule et même temporalité. Il est davantage nécessaire de penser dès à présent le temps du paysage, ce temps naturel « pendant lequel se déroulent des processus écologiques et physiques », comme pouvant posséder sa propre autonomie diégétique. À partir de là s’ouvrira la possibilité de questionner ses possibles affleurements dans l’image, et de voir comment, dans la durée d’un plan, l’immobilité perçue dans le temps narratif (que Yves Luginbühl nomme justement le temps social) laisse parfois émerger toute la densité temporelle d’un paysage.
Cet article se révélera donc avant tout comme l’exploration d’un manque et quelques réflexions y seront amorcées, tentatives d’« affirmer la coexistence, qui plus est dans un même espace, entre deux temporalités différentes11 » qui, « en réalité, [...] sont étroitement liées et imbriquées12. » Relevons rapidement que cette dualité des temps a aussi été travaillée dans le champ de la photographie, notamment autour de la question du panoramique. En effet, pour effectuer une prise de vue panoramique, du temps s’écoule ; ainsi, il y a déjà du temps qui est passé entre chaque « bord » de la photo. Seulement, parce que ce temps ne peut être autre chose que celui du geste photographique lui-même, pour Ghislain Trotin, chercheur en arts plastiques, celui-ci affiche, dans toute prise de vue, « son paradoxe le plus flagrant en voulant réduire à l’immobilité un monde-flux. Pourtant, l’homme ayant un besoin immense de repères poursuit inlassablement ce grand écart, cette quête désespérée. » Et d’affirmer par la suite que « ces paysages poursuiv[ai]ent vaille que vaille leurs mouvements en toute autonomie13 ». Mais cette difficulté, nous l’avons vu, interroge aussi le cinéma et sa capacité à saisir des mouvements de temps long, en particulier ceux qui échappent au système de monstration du film. Car il ne sera pas question ici de revenir sur un des outils les plus massivement utilisés à cette fin et directement asservi au développement narratif : l’ellipse. Si un film est capable de rendre compte de ce qui se succède, toute succession (achevée, en cours ou à venir) reçoit du film une contrainte forte, celle de s’inscrire dans une durée, c’est-à-dire dans un temps fini. L’ellipse est alors le subterfuge idéal qui permet d’élaguer les « temps morts » et de faire coïncider durée du récit et durée du film. Mais elle permet aussi, grâce à la mobilité du regard, de rétablir une temporalité de l’entre-deux (il y a dans cette coupure tout à la fois du temps-qui-passe et du temps-qui-est-passé). L’ellipse donne ainsi à voir un mouvement doublement effectif : en mettant au jour un avant puis un après (ou inversement), elle fixe le mouvement à deux états entre lesquels le devenir s’est déjà produit, tout en fonctionnant comme un ressort narratif pour le film.
Enfin, il nous faut relever une réflexion d’Henri Lefebvre pour qui l’appareil technique de captation cinématographique ne saurait rendre compte de qu’il nomme les « rythmes », c’est-à-dire ces multiples temporalités qui ne font pas que se succéder mais se chevauchent, s’emmêlent et se font parfois écho. Impossible de les restituer, de les rendre visibles et/ou audibles, car « aucune caméra, aucune image ou suite d’images ne peut montrer ces rythmes. Il y faut des yeux et des oreilles, également attentifs, une tête et une mémoire et un cœur. [...] Le souvenir des autres moments et de toutes les heures est indispensable, non comme une simple référence, mais pour ne pas isoler ce présent et le vivre dans toute sa diversité14 ». Ici se rappelle la pensée de Henri Bergson rappelée plus haut par Michel Conan, questionnant la limite des sens et notamment celle de l’œil humain qui tend à figer le paysage dans une suite de présents immobiles. C’est que l’œil et la caméra, considérés tous deux comme simples instruments optiques, ne sont ni suffisants ni seuls à fonder une appréciation du rythme du paysage. La différence entre les deux réside d’ailleurs dans le rôle du cerveau chez l'homme, qui interprète en continue le flux d'informations visuelles qu'il reçoit. D'où la translation que nous proposons vers la mémoire spectatorielle qui officie, devant un film, en complément du point de vue imposé par la caméra pour « lire » les différentes temporalités présentes dans l’image. Ainsi, grâce au rôle actif de la réception spectatorielle, il devient possible de saisir les rythmes dont parle Henri Lefebvre, et de déceler dans certaines images une polyphonie des temps qui y sont présents.
Nous analyserons donc dans cet article quelques images se faisant le relai de la dynamique du paysage littoral, si l’on veut bien penser ces images non comme révélant uniquement le présent social diégétique (temps narratif), mais aussi comme attestant d’un autre présent qui n’est plus mais qui se devine. Pour cela, nous l’avons précisé, il nous faudra être attentif et vigilant à l’égard de cet autre temps que Fabien Meynier appelle, dans une œuvre cinématographique, « un temps pur, c’est-à-dire un temps qui n’est pas soumis à une fonction de monstration ou de narration15 ». Si Epstein parlait pour sa part de « temps à l’état pur », Jean Mottet définit ce dernier comme la « coïncidence entre temps du film et temps réel ». Pour notre part, nous considérons ce temps pur de la fiction comme pouvant être un deuxième temps de l’image ne mettant pas obligatoirement à distance l’avancée du récit, mais sans être assigné à ce dernier. Il s’agirait alors davantage de penser ce temps comme ce qui s’imprime dans l’image du temps du paysage, non au-delà ou en-deçà, mais de manière adjacente au système narratif. Ayant en mémoire les films de Straub et Huillet, nous nous permettons d’envisager que dans la fiction aussi la caméra peut, parfois malgré elle, fouiller les couches de temps sédimentant l’image : en laissant le paysage être « le vecteur d’un affleurement particulier du temps », le cinéma se donne les moyens de « condenser un temps passé dans le présent de l’image16 » et donne ainsi à voir l’épaisseur du temps. Pour reprendre à nouveau une expression de Fabien Meynier, il s’agit véritablement de tenter l’inventaire d’une possible symptomatologie du mouvement du paysage, en soulignant « la propension du paysage à délier l’espace, à inscrire en son cœur une lésion, une fracture qui figure une non-concordance entre l’espace actuel et le temps présent, un non-raccordement entre ce que l’on voit et le temps auquel appartient ce que l’on voit17. »
2. Ava et la poétique du béton
Figure 1, — Ava — TC = 00:33:00
© F comme film - Trois Brigands Productions - Arte France Cinema
Les bunkers du Mur de l’Atlantique situés sur le littoral des Landes du Médoc entre Soulac-sur-Mer et Le Porge, initialement juchés en haut de la dune littorale, bénéficiaient à l’époque de leur construction d’une situation stratégique permettant d’anticiper et combattre un débarquement des forces ennemies. Mais avec l’avancée dunaire et l’érosion du trait de côte, certaines fortifications comme celles de la position appelée AR07 Le Pin Sec (construites entre 1942 et 1944) ont « glissé » progressivement sur la plage, se rapprochant de l’eau. De nombreux autres bunkers ont été détruits car ils devenaient dangereux pour les promeneurs au fur et à mesure de leur dégradation par modification du sol porteur : soit ils s’enfonçaient dans la dune, soit ils glissaient à flanc de celle-ci, menaçant de s’effondrer en contrebas. Ceux qui n’ont pas été détruits continuent aujourd’hui de s’enfoncer dans la dune ou sur la plage, quand d’autres paraissent s’avancer18 vers l’océan. Beaucoup ont donc disparu par enfouissement naturel ou parce qu’ils ont été plastiqués à partir des années 1980/90, lors d’opérations de « nettoyage » de la plage (que ce soit pour des raisons de sécurité, pour des raisons esthétiques ou par volonté d’oubli19). Filmer un de ces bunkers qui existent encore, c’est donc déjà témoigner, à travers leur nouvelle situation, de la mobilité de la dune littorale via le recul du trait de côte (pied de la dune). Dans le film Ava de Léa Mysius, l’un d’entre eux (qui est sans doute un des trois encuvements de type 600 sur abri/soute encore présents à Naujac-sur-Mer) joue d’ailleurs un rôle important, en tant que lieu montré comme unique et singulier dans l’environnement littoral (Fig. 1). Mais avant de découvrir ce bunker, le film s’ouvre sur une autre construction.
Les « piscines naturelles » de Soulac-sur-Mer sont visibles dès le plan d’ouverture du film et font pour leur part partie des travaux d’endiguement démarrés dès 1839 dans le but de de préserver la pointe du Médoc, à l’image des digues encadrant l’entrée de la baie de Socoa et de Saint-Jean-de-Luz dans le Pays Basque. Témoignant encore du travail accompli grâce à la persistance du rail qui a permis d’amener, jusqu’en 1930, travailleurs et fournitures sur le site, le brise-mer des Arros (ou brise-mer des Huttes) est aujourd’hui lieu de villégiature atypique que Léa Mysius a choisi d’utiliser dans son film : « À l’origine, j’imaginais un bord de mer plus classique, mais en revoyant la plage des piscines de Soulac, j’ai beaucoup aimé ses brise-lames en béton. Les gens se baignent dans une eau stagnante qu’on imagine tiède et pleine de pipi d’enfant alors que l’océan se déchaîne juste derrière... J’ai tourné avec une longue focale pour aplatir les perspectives et donner une sensation d’étouffement, de gens entassés20. »
Figure 2, — Ava — TC = 00:00:54
© F comme film - Trois Brigands Productions - Arte France Cinema
Pour autant, c’est principalement grâce à ces brise-lames que certaines fortifications21 médocaines du Mur de l’Atlantique tiennent justement encore tête aux assauts des vagues et du sable, résistance rare sur cette partie du littoral. Ici donc, point d’érosion, le béton immergé protégeant de loin le béton éminent, celui des bâtiments de bord de plage, par une alliance convenue par l’homme22.
De fait, le littoral ici (comme sur d’autres côtes), affiche un divorce forcé : celui du sable des constructions bétonnées d’avec sa provenance. Si « seulement » 2,5%23 de l’extraction mondiale de sable provient des fonds marins, le littoral est largement abondé et renouvelé par le sable des cours d’eau, principalement fluviaux, qui représente, lui, la deuxième source d’exploitation du sable utilisable en construction. Mais devant l’épuisement des sablières et gravières, et les problèmes causés par l’extraction du sable des eaux fluviales, l’exploitation du sable marin s’intensifie. Or, cela ne va pas sans causer d’importantes modifications environnementales, notamment l’accélération de l’érosion et du recul du trait de côte, voire la disparition de plages et d’îles : « entre 75 et 90% des plages du monde reculent. [...] Les effets de l’extraction de sable au large des côtes s’ajoutent à ceux causés par le réchauffement climatique et la montée des eaux, ainsi que ceux induits par la construction de bâtiments trop proches des rivages. En effet, ce type de constructions bloque les vagues, qui s’y brisent et repartent au large de façon violente, emportant encore plus de sable que d’ordinaire24. » Car face « au béton et au rêve balnéaire25 » s’oppose la présence d’un océan à la force sous-estimée qui, s’exprimant souvent sur un temps long peut aussi, à l’occasion d’une tempête, accélérer son pouvoir de reconfiguration du paysage littoral.
Tout littoral où l’océan bat le rappel expose une réconciliation arrachée à la division : dans Ava, le bunker où Juan puis Ava elle-même trouvent refuge a déchu de son piédestal de sable, s’en allant progressivement à la mer. Donnant corps à la fragilité d’un matériau qui ne peut être ici qu’emprunté, la masse du bunker, tout de guingois sur la plage malgré ses épais murs de béton, en ayant gagné une autonomie d’évolution grâce à la solitude du laissé-pour-compte, rend visible le recul dunaire et le mouvement du paysage. Mais la persistance actuelle du bunker contre l’océan vers lequel il s’avance inexorablement est aussi l’histoire d’un retour, voire d’une récupération. Et s’il n’est pas à tout à fait question, pour ces constructions, de « rentrer dans leur matrice », il y a bien « réappropriation du bâti par la nature26 ». Se fait alors jour dans le film, derrière l’eau et le béton, toutes deux matières dénuées de volonté, une dynamique poétique de la réunification. L’érosion du trait de côte, ce mouvement perpétuel des dunes, est bien visible mais de manière indirecte : dans le temps de la fiction se dégage une temporalité du paysage indépendante du système narratif. Dans Ava, le littoral possède de fait une structure informationnelle. Cette structure, c’est ce qui, dans l’image, rend manifeste d’une part le lieu en tant qu’écosystème dynamique, et ce malgré sa fixité apparente, d’autre part le frottement, dans la durée du film, de deux temporalités distinctes : l’une actuelle, l’autre résiduelle. Par la force des éléments, le bunker de Ava est un élément du littoral « en devenir » ; devenir initié de longue date, patiemment, et c’est alors que le temps filmique réussit à rendre compte d’une temporalité qui le dépasse et d’un mouvement qu’il serait sinon incapable de saisir dans sa durée ; ici, dans la brièveté d’un plan ou d’une séquence se révèle la marche en avant des années.
3. L’oubli, mais pas que
Dans le plan dont l’image ci-dessus (Fig. 1) est extraite s’imprime à la fois le rythme du littoral, mais aussi diverses strates du passé, notamment la guerre de 1939-1945 et l’époque faste du « tout béton27 ». D’un côté s’expose donc un béton transformé en site balnéaire (les « piscines » de Soulac-sur-Mer), où refuge et danger se côtoient spatialement. D’un autre côté, un béton abandonné dont la vocation de refuge se réinitialise par l’appropriation du lieu par Juan et Ava ; là, les notions de refuge et de danger se côtoient dans le temps. Filmer un bunker, c’est filmer l’Histoire et en même temps filmer un oubli ; comme l’écrit la journaliste Chloé Leprince, il pourrait s’agir de « faire un sort à une berceuse floue qui flotte encore dans l’air, pour laisser affleurer au contraire un récit bien plus anguleux28 » : à l’échelle de la guerre de 1939-1945, l’effacement d’une mémoire de la collaboration française à la construction du mur de l’Atlantique ; à l’échelle de la Modernité, la ruine, et davantage encore la ruine de guerre, « témoigne à elle seule de l’échec du projet moderne29 ».
En somme, « la ruine devient une représentation de la réalité elle-même. Elle exprime une vérité que l’on ne peut nier, dont on ne peut détourner le regard. Elle invite à penser l’histoire contemporaine et notre modernité comme processus de dislocation 30. » Léa Mysius, dans le temps pur de la fiction, filme donc « ce passé qui ne passe pas31 » et qu’exposait à Paris fin 2021 l’artiste Anselm Kiefer au Grand Palais éphémère. Surgit alors un non-dit, « une mémoire en faux-ami32 » ou le renouvellement d’une menace qui passe invariablement de l’universel à l’intime et de l’intime à l’universel. C’est ce qu’annonce Matthias, jeune moniteur de char à voile, à Ava, en regardant au loin deux brigadiers de la police montée, tout de noir vêtus, casque compris, sur des chevaux à la robe tout aussi sombre : « C’est bientôt la fin de notre civilisation, lis les journaux, regarde autour de toi, tu n’y verras que du noir33 ». Car ce noir qui menace, c’est bien sûr la cécité prochaine d’Ava mais c’est aussi ce que renvoie l’image du bunker, aussi bien par son architecture (elle aussi presqu’aveugle) que par son histoire. Autour de la thématique du conflit et de la douleur34, mais en gardant la vocation du lieu à l’abri (abri des corps et abri pour les regards), c’est pourtant parce que rien n’est effacé du rythme propre au bunker (il n’y a pas ici à proprement parler transformation du lieu en résidence comme cela a pu se faire ailleurs) que le lieu peut se charger, dans le présent, des potentialités d’un avenir. Libéré d’une opposition frontale des temporalités de l’Histoire par la préservation de son devenir naturel (il est désormais un élément du littoral comme le sable ou la dune bordière avec lesquels il travaille sans relâche), il engage un futur qu’il rend accessible, à rebours du présentisme actuel.
Dans Papi-Sitter aussi, film de Philippe Gaillard sorti en France en 2019, des bunkers sont visibles, à côté et en contre-bas d’une cabane de location de planches de surf. Mais ces bunkers disposent d’une particularité que n’a pas celui de Ava : ils sont graffés. Contrairement au bunker qui jouxte le site de location en haut de la dune, protégé pour un temps de l’érosion par un sol bétonné et par sa situation plus en retrait de la plage, celui sur lequel Camille et son amie s’installent pour discuter est déjà en partie ensablé. Et sur son mur faisant face à l’océan, nous pouvons voir l’intégralité d’un graffiti qui y a été peint. Pour Stéphane Lamache, historien en charge d’inventorier les vestiges de la Seconde Guerre Mondiale en Basse-Normandie35, « que quelques blockhaus fassent l’objet de fresques et qu’ils aient une dimension hors du temps, hors de leur destination originelle qui était tragique, ce n’est pas gênant. » Car « l’immense majorité des blockhaus n’ont pas connu les combats. Une fois que les Alliés ont percé le Mur de l’Atlantique, ils ont été abandonnés36. » Cette hiérarchie dans la valeur patrimoniale accordée aux bunkers de la Seconde Guerre Mondiale revient régulièrement dans les commentaires à propos des graffs37 : d’un côté, il y a les bunkers commémoratifs, considérés comme lieux de mémoire, de l’autre, ceux qui n’ont pas joué de rôle important lors du débarquement et qui sont pour la plupart laissés à leur sort. D’un côté des intouchables, de l’autre, des oubliés : « Il faut savoir qu’auparavant, les blockhaus avaient une mauvaise réputation car ils reflétaient une période très sombre, avec beaucoup de souffrances derrière leurs constructions. Maintenant, ils font partie du paysage38. » Sur cette partie du littoral néo-aquitain, la volonté d’oubli liée à une histoire gênante dont on n’a su pendant longtemps que faire reconfigure donc le paysage en lui adjoignant ces constructions bétonnées. Faire partie du paysage, c’est aussi en partager la mobilité, voire témoigner de celle-ci, la « présence massive, tellurique et visible39 » des bunkers devenant, pour sa part, un indicateur de l’évolution du littoral. À l’opposé de la sédentarité qu’exposent les lieux mémoriels consacrés et qui, elle, « relève de l’idéologie spatiale par la revendication territoriale propriétaire40 », les bunkers visibles dans Ava et dans Papi-Sitter racontent une désappropriation permettant une bascule du bâti vers le naturel. Les ruines, surtout modernes, en signalant l’indifférence des choses dans leur temps autonome, révèlent l’absence de toute appropriation pouvant encore tenir. Et si pour certains, peindre des bunkers relève au contraire d’une appropriation, ces peintures sont dépendantes de l’écosystème littoral dans lequel elles sont produites : au bout d’un an à deux ans maximum, elles sont effacées par le sel de l’eau, des embruns, ou du béton-même qui en est imprégné, rongeant la peinture jusqu’à la faire disparaître.
4. Pour conclure
Nous avons déjà rappelé, en prenant appui sur les travaux de Dominique Château, que dans un film les personnages, qui fondent le temps narratif, priment sur le paysage. Celui-ci est alors relégué à une fonction subalterne et soumis à cette temporalité première qui « fait film ». Le paysage voit alors certaines de ses particularités profilmiques disparaître : en somme, « le film ne révèle pas toutes les réalités du décor41 », utilisant prioritairement ce dernier pour ses qualités esthétiques ou comme support à l’action. C’est ainsi que dans Camping (F. Onteniente, 2006), le banc d’Arguin renommé pour l’occasion les sables de Taratao, immergé ou découvert selon le rythme des marées, permet à Jacky Pic de jouer un tour à ses voisins hollandais. Dans Les Petit mouchoirs (G. Canet, 2010), tout comme dans Nous finirons ensemble (G. Canet, 2019), le bassin d’Arcachon est ici encore favorable à générer des rebondissements et à mettre en tension le récit autour de ses personnages principaux : dans le premier opus, le bateau de Max s’enlise dans la vase à cause de la marée descendante ; dans le second opus, c’est Lino, le fils de Marie, qui est emporté par le courant dans le chenal d’une des passes du bassin, toujours à cause des variations de marées. À chaque fois, le caractère potentiellement dangereux du lieu lié à la méconnaissance de ses dynamiques est exploité par le système narratif du film pour ses propres fins. Il est aussi largement utilisé, dans les trois films pré-cités, afin d’opérer une distinction entre celui qui connaît bien les lieux et celui qui ne possède pas cette connaissance. Il sert donc à établir une démarcation très nette entre le local et le touriste, entre celui qui d’une manière ou d’une autre, pour reprendre l’expression proposée par Benjamin Thomas, « fait milieu42 » avec l’espace qu’il fréquente, et celui qui, par arrogance, par bêtise ou insouciance se fait avoir, montrant alors son inexpérience du lieu.
Bien souvent, la pression narrative impose donc au récit une dynamique centripète opposée à toute dispersion anonyme. Ainsi, pour Alain Mons, si certains plans peuvent tout à fait « témoigner de l’insistance du temps, en s’attardant sur le "lieu de l’action" », cela ne sera possible que « dans une durée débarrassée de toute présence humaine [ car ] seul un regard non assignable à quelqu’un peut s’approprier le temps des choses43. » Et pourtant, « qu’il soit donné ou construit, extérieur ou intérieur, il [le décor] possède un certain degré d’indépendance, de résistance à la métamorphose pelliculaire, une vie propre 44. » Alain Mons lui-même, à la suite de Pierre Sansot, finit d’ailleurs par souligner que même si « lorsqu’on cadre un paysage, on le soustrait au tumulte du monde [...], on ne peut pas ignorer le "bougé des lieux", ces façons de se dérober, de se rétracter45 ».
Les effleurements, dans l’image filmique, du temps naturel du paysage littoral qui rend visible sa mobilité et sa transformation perpétuelle, c’est ce dont nous avons tenté de rendre compte en analysant certaines images des films Ava et Papi-Sitter. Nous aurions aimé poursuivre cette analyse dans d’autres films, mais il nous faut constater à quel point ce que l’on pourrait considérer comme des symptômes du mouvement du littoral sont rares : le réensablement des dunes bordières, l’ensablement du rétro-littoral et les travaux de relocalisation des zones urbaines qui y sont situées, les diverses et nombreuses constructions de préservation des côtes tels les brise-mer ou les enrochements, les traces fossilisés tels les paléosols ou les objets archéologiques découverts par la marée basse, tout ce qui atteste du travail permanent des forces océaniques et littorales contre les côtes est soit invisible, soir entr’aperçu subrepticement.
Pourtant, ce qui apparaît dans les deux films sus-cités, c’est que même en présence d’un personnage dans le plan, le « temps des choses » peut s’y imprimer. La difficulté n’est donc pas de séparer les différentes temporalités du film pour que l’absence de l’une permette à l’autre de se dévoiler ; elle réside davantage dans la capacité spectatorielle à lire la pluri-temporalité d’une image, c’est-à-dire dans l’effort à fournir afin de ne pas se laisser systématiquement embarquer par la course en avant d’un système énonciatif qui « crée un "regard en attente", toujours suspendu à l’imminence d’une suite46. » Mais, si l’on pousse la réflexion, cela revient à dire qu’il faut aussi, parfois (et c’est le cas dès lors qu’il y a analyse filmique), détacher l’image, le plan, la scène ou la séquence de la durée générale du film pour faire durer ceux-ci, car c’est dans le temps que se distingue le rythme des choses. Par sa forme-même, le film ne peut que bientôt reprendre ce qu’il donne, toute image apposant son caractère éphémère à ce qu’elle retransmet du réel. Parce que « le cinéma vit [...] comme un raccourci du monde [...] le destin d’un paysage à l’écran - comme du plan qui lui permet d’exister - n’est autre que sa prochaine disparition47. » Et pourtant, malgré cela, c’est aussi l’inverse qui se produit : ce qui est visible dans un film n’est déjà plus ce qu’il est dans la réalité, quelque chose s’est fixé ici qui peut se reproduire à l’envie non dans la durée du film, mais dans sa durée de vie. Ce n’est pas alors le caractère reproductible de l’image elle-même qu’il faut considérer, mais celui de sa lecture, car dans l’expérience reconduite du visionnage d’un film le rythme du paysage boucle et soustrait celui-ci à sa double disparition, filmique et réelle.
Bibliographie
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— BONNEL GUÉRARD, Céline, De la ruine contemporaine : quelques visions dystopiques et spectres de survivances urbaines, Art et histoire de l’art, Paris, Université Panthéon-Sorbonne [En ligne], 2020, 319 pages.
URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03275411/document
— CAUQUELIN, Anne, L’Invention du paysage, Paris, P.U.F, « Quadrige », 2019 (1^(ère) éd. Librairie Plon, 1989), 160 pages.
— CLOAREC, Jacques, KALAORA Bernard (dir.), Études rurales. Littoraux en perspectives, n°133-134, Paris, Editions de l'EHESS, 1994, 230 pages.
URL : https://www.persee.fr/issue/rural_0014-2182_1994_num_133_1
— CONAN, Michel, « Mouvement et métaphore du temps », dans Les Temps du paysage, Poullaouec-Gonidec Philippe, Paquette Sylvain et Domon Gérard (dir.), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2003, pp. 23-35.
— FILLERON, Jean-Charles, « "Paysage", pérennité du sens et diversité des pratiques », Actes Sémiotiques [En ligne], 03/2008.
URL : https://www.unilim.fr/actes-semiotiques/1265
— LAPLANTINE, François, Je, nous et les autres, Paris, Poche- Le pommier !, 2010 (1^(ère) éd. 1999), 159 pages.
— LAPLANTINE, François, Le social et le sensible, introduction à une anthropologie modale, Paris, Téraèdre, 2020, 219 pages.
— LEFEBVRE, Henri, Éléments de rythmanalyse et autres essais sur les temporalités, Paris, Eterotopia France, « rhizome », 2019 (1^(ère) éd. Syllepses, 1992), 144 pages.
— LUGINBÜHL, Yves, « Temps social et temps naturel dans la dynamique du paysage, dans Les Temps du paysage, Poullaouec-Gonidec Philippe, Paquette Sylvain et Domon Gérard (dir.), Montréal, Presses Universitaires de Montréal [En ligne], 2003, pp. 85 sq.
URL : https://books.openedition.org/pum/13889
— MEYNIER, Fabien, Du paysage au cinéma. À partir de La prisonnière du désert de John Ford et Le Tango de Satan de Béla Tarr, Université Montpellier III - Paul Valéry, Cinéma et théatre [En ligne], 2014, 85 pages.
URL : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01118882/document
— MOTTET, Jean (dir.), Les Paysages du cinéma, Seyssel, Champ Vallon, « Pays/Paysages », 1999, 265 pages.
— PEYLET, Gérard et SAULE-SORBÉ Hélène (dir.) L’appartenir en question. Ce territoire que j’ai choisi, Bordeaux, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, 2014, p. 44.
— THOMAS, Benjamin, Faire corps avec le monde. De l’espace cinématographique comme milieu, Strasbourg, Circé, « Penser le cinéma », 2019, 251 pages.
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Laplantine, François, Je, nous et les autres, Paris, Poche - Le pommier !, 2010 (1^(ère) éd. 1999), p.81. ↩
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« En océanographie, on privilégie plutôt les termes suivants : "les dunes avancent" et "le trait de côte recule". C’est un point de vue de terrien. Les dunes avancent et ensevelissent des maisons. Le trait de côte recul et des terrains partent à la mer. » Propos recueillis lors d’un entretien personnel le 27/06/2022 avec Vincent Mazeiraud, océanographe et ingénieur actuellement chargé de mission Gemapi pour la communauté de communes Médoc Atlantique. ↩
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Environ 2,5 mètres/an en Gironde et 1,7 mètres/an dans les Landes. Pour plus de détails, voir les projections réalisées par l’observatoire de la Côte Aquitaine dans le rapport final de décembre 2016 intitulé « Caractérisation de l’aléa recul du trait de côte sur le littoral de la côte aquitaine aux horizons 2025 et 2050 » (http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-66277-FR.pdf). ↩
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Voir le site du groupement d’intérêt public littoral sur les concertations et les pratiques liées entre autres à la gestion de la bande côtière et à l’organisation de l’espace littoral (https://www.giplittoral.fr/) ↩
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Pour plus de détails, voir : https://www.bassin-arcachon.org/Voir-des-paleosols-et-remonter-l-histoire-de-la-Dune-du-Pilat_a462.html ↩
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« Claude Masse utilisait l’expression "les montagnes qui marchent" pour décrire ce phénomène d’ensevelissement dunaire quand il a cartographié les côtes au début du 18^(ième). On a utilisé cela pour le nom de l’exposition photographique comme un clin d’œil. » Entretien avec Vincent Mazeiraud, op. cit. Celui-ci évoque ici l’exposition du photographe Sébastien Sindeu intitulée La Montagne qui marche (https://www.sindeu.net/la-montagne-qui-marche). ↩
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Laplantine, François, Le social et le sensible, introduction à une anthropologie modale, Téraèdre, Paris, 2020, p. 116. ↩
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Conan, Michel, « Mouvement et métaphore du temps », dans Les Temps du paysage, Poullaouec-Gonidec Philippe, Paquette Sylvain et Domon Gérard (dir.), Presses de l’Université de Montréal, 2003, p. 23. M. Conan retranscrit ici les propos tenus par Henri Bergson dans une conférence prononcée à Oxford le 27 mai 1911. ↩
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Ibidem. ↩
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Au cinéma, ce sont les corps des personnages qui font récit. ↩
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Ibidem. ↩
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Luginbühl, Yves, « Temps social et temps naturel dans la dynamique du paysage, Les Temps du paysage, Montréal, Presses Universitaires de Montréal [En ligne], 2003, p. 87. URL : https://books.openedition.org/pum/13889 ↩
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Trotin, Ghislain, « Les non-lieux à l’épreuve de l’appartenir : une expérience du regard », dans L’Appartenir en question. Ce territoire que j’ai choisi, Peylet Gérard et Saule-Sorbé Hélène (dir.), Bordeaux, PUB, 2014, p. 221. ↩
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Lefebvre, Henri, Éléments de rythmanalyse et autres essais sur les temporalités, Paris, Eterotopia France, « rhizome », 2019 (1^(ère) éd. Syllepses, 1992), p.62 ↩
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Meynier, Fabien, Du paysage au cinéma. À partir de La prisonnière du désert de John Ford et Le Tango de Satan de Béla Tarr, Université Montpellier III - Paul Valéry, Cinéma et théatre [En ligne], 2014, p. 52. C’est nous qui soulignons. ↩
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Ibid. ↩
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Ibid. ↩
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En réalité, les bunkers ne bougent pas : « ils sont plutôt immobiles, c’est le milieu qui bouge autour, on a l’impression qu’ils avancent en mer mais c’est la mer qui avance (ou la terre qui recule) ». Vincent Mazeiraud, op. cit. ↩
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Volonté d’oublier, entre autres, les enrôlement massifs et forcés de main d’œuvre française, ainsi que la collaboration de grandes entreprises françaises du BTP pour la fourniture des matériaux de construction. ↩
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« Ava », entretien avec Mysius Léa, propos recueillis par Chauville Christophe, dans Eclairs, La revue numérique de l’ALCA [En ligne], publié le 21/06/2017, consulté le 29/06/2021. URL : http://eclairs.aquitaine.fr/ava.html ↩
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Notamment la batterie allemande M.B.K Soulac (Les Huttes – Gi307), intégrant l’ancienne batterie française des Arros et parfois improprement appelée Fort des Arros. ↩
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Et pourtant, plus au Sud, en direction de Soulac-sur-mer, voilà que l’océan ronge ce qui a ailleurs été remisé hors de sa portée. Et si la batterie M.B.K. Soulac demeure fièrement debout, l’immeuble Le Signal, construit de 1965 à 1970 sur le front de mer, menace de s’effondrer sur la plage en contrebas et a fait de ses résidents, expropriés en 2014, les premiers réfugiés climatiques de France. ↩
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Statistiques de 2016. « La Ressource sable dans le monde : vers l’épuisement ? », s.a., Controverses, École des Mines de Paris, [En ligne].
URL : https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo15/promo15_G5/www.controverses-minesparistech-1.fr/\_groupe5/un-point-dentree-dans-une-problematique-mondiale/la-ressource-sable-dans-le-monde-vers-lepuisement/index.html
Voir également : « La Guerre mondiale du sable est déclarée », Richard Hiault, Les Echos [En ligne], publié le 24/02/2016, consulté le 07/06/2021.
URL : https://www.lesechos.fr/2016/02/la-guerre-mondiale-du-sable-est-declaree-1110253 ↩
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« La Ressource sable dans le monde : vers l’épuisement ? », op.cit. ↩
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Ibid. ↩
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Jappe, Anselm, Béton, Arme de construction massive du capitalisme, L’échappée, « Pour en finir avec », Paris, 2020, p. 107. ↩
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Les premières inventions liées au béton moderne remontent au XIXème siècle ; le béton armé est pour sa part breveté en 1879 par François Hennebique. L’ingénieur en construction Fritz Todt (fondateur de l’Organisation Todt), puis Erwin Rommel à partir de 1943, feront employer une quantité très importante de béton armé (Eisenbeton en allemand) pour la construction des fortifications de l’Atlantikwal : treize millions de mètres cubes selon les estimations. ↩
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Leprince, Chloé, « Blockhaus du "mur de l’Atlantique" : une histoire camouflée... et française », France Culture [En ligne], publié le 07/01/22, consulté le 10/05/22.
URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/blockhaus-du-mur-de-l-atlantique-une-histoire-camouflee-et-francaise-9916813 ↩
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Bonnel-Guérard, Céline, De la ruine contemporaine : quelques visions dystopiques et spectres de survivances urbaines, Paris,Thèse de doctorat en Art et histoire de l’art, sous la direction de Jacinto Lageira, Université Panthéon-Sorbonne [En ligne], 2020, p. 27. ↩
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Ibid., p. 14. ↩
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Leprince, Chloé, op. cit. ↩
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Ibidem. ↩
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Propos de Matthias, dans le film Ava, de Léa Mysius, 2017, à 00:11:49. ↩
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Car il s’agit aussi du conflit que vivent Ava et Juan avec leur entourage, et de la blessure qui est infligée à Juan à l’issue d’une altercation avec un autre jeune homme de sa communauté. ↩
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Mission commanditée par l’université de Caen et par la Direction Régionale des Affaires Culturelles, sur la période 2015-2018. Le rapport est lisible au lien suivant : [https://journals.openedition.org/adlfi/75758
Par ailleurs, le fait d’utiliser les bunkers abandonnés pour y faire des graffitis est une pratique plus anciennement reconnue en Normandie. Dans le Médoc, la mise en visibilité des graffitis sur bunker est récente ; les quelques articles ou sites qui le signalent sont rarement datés d’avant 2019. ↩
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« Manche : pour cet historien, les graffs ne dénaturent pas les blockhaus », interview de Lamache Stéphane, s.a., dans La Presse de la Manche [En ligne], mis en ligne le 12/01/21, consulté le 12/05/22.
URL : https://actu.fr/insolite/manche-pour-cet-historien-les-graffs-ne-denaturent-pas-les-blockhaus_38549350.html ↩
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Voir, entre autres, les discussions à ce sujet sur ce forum spécialisé dans l’histoire du front de l’Est : [https://ostfront.forumpro.fr/t3785p100-bunker-art ↩
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Interview de Lamache Stéphane, op. cit. ↩
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Leprince, Chloé, op. cit. ↩
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Retaillé, Denis, « Le Passant responsable », dans L’appartenir en question. Ce territoire que j’ai choisi, Peylet Gérard et Saule-Sorbé Hélène (dir.), MSHA, Bordeaux, 2014, p. 44. ↩
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Château, Dominique, « Paysage et décor. De la nature à l’effet de nature », dans Mottet Jean (dir.), Les paysages du cinéma, Seyssel, Champ Vallon, « Pays/Paysages », 1999, p. 94. C’est l’auteur qui souligne. ↩
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Thomas, Benjamin, Faire corps avec le monde. De l’espace cinématographique comme milieu, Strasbourg, Circé, « Penser le cinéma », 2019, p. 65. La citation qui nous intéresse ici est la suivante : « Être un sujet, c’est faire milieu avec le monde, c’est être une certaine manière d’interagir avec le monde et les choses, c’est être une certaine façon de les percevoir ou de ne pas les percevoir, d’y répondre... ». ↩
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Mons, Alain, « Le Bruit-silence ou la plongée paysagère », dans Mottet Jean (dir.), Les paysages du cinéma, Seyssel, Mottet Jean (dir.), Champ Vallon, « Pays/Paysages », 1999, , pp. 209-210. ↩
-
Château, Dominique, « Paysage et décor. De la nature à l’effet de nature », dans Mottet Jean (dir.), Les paysages du cinéma, Seyssel, Mottet Jean (dir.), Champ Vallon, « Pays/Paysages », 1999, p. 94. C’est l’auteur qui souligne. ↩
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Mons, Alain, « Le Bruit-silence ou la plongée paysagère », dans Mottet Jean (dir.), Les paysages du cinéma, Seyssel, Mottet Jean (dir.), Champ Vallon, « Pays/Paysages », 1999, p. 244. ↩
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Beylot, Pierre, Le Récit audiovisuel, Paris, Armand Colin, « Cinéma », 2005, pp. 40-41. L’auteur cite ici les travaux d’André Gardies concernant la distinction entre les différents modes d’énonciation du récit, en particulier entre description et monstration. ↩
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Serceau, Daniel, « Le Paysage et le deuil. Le destin d’un cyprès », dans Les paysages du cinéma, op. cit., p. 181. ↩