Pour son premier « Dossier thématique », la revue en ligne Design, Arts, Médias lance un appel à contributions autour de l’exposition de design. Le dossier, dirigé par Catherine Chomarat-Ruiz, entend réunir des articles qui s’efforceront de cerner la spécificité de ce type d’événement à travers les objets exposés, les lieux et les modalités d’expositions, les métiers inhérents à la conception et à la réalisation de ces monstrations, les savoir-faire, les méthodes et les disciplines scientifiques que mobilise l’étude de ces expositions.
Sujet, enjeux disciplinaires et méthodologiques
Les collections de design existent, des musées ou centres d’exposition sont dédiés à ces collections, des colloques ont déjà été consacrés à ce sujet : c’est un fait1. Il est cependant à noter que, le plus souvent, ces collections et ces expositions valorisent les seuls objets, la mode ou le graphisme. Il est non moins manifeste que les colloques semblent se détourner du savoir acquis en matière d’exposition d’art pour se concentrer sur les lieux, les raisons ou la manière dont s’expose le design, tout en privilégiant une entrée historique ou un point de vue lié aux sciences de l’information et de la communication2. La spécificité de « l’exposition de design » est donc loin d’être un thème épuisé pour peu que, en s’adressant à l’ensemble des acteurs à l’œuvre dans ce domaine, l’on s’intéresse à tous les champs d’intervention du design, l’on adopte le point de vue interdisciplinaire et comparatiste qui est celui de la revue Design, Arts, Médias. Cette particularité de l’exposition de design est d’autant plus nécessaire et urgente à cerner que, si le « design est partout », il s’étend « au-delà du visible » et demande à être exposé pour être de nouveau remarqué3.
Les pistes
La distinction entre exposition d’art et exposition de design paraît aller de soi tant la nature, la finalité de ce qui est montré, les modalités et les lieux de monstration semblent différents. Cependant, il s’agit peut-être là d’une série d’évidences qui ne résistent pas à l’analyse. Pour établir la particularité des expositions de design, nous proposons par conséquent d’explorer les pistes suivantes :
- Quelle est la singularité du designer et de la production de design ? Comment celle-ci se détache-t-elle sur cette toile de fond que serait l’art ? Et, si une telle singularité existe, renvoie-t-elle à des modalités propres d’exposition, des agencements ou dispositifs muséographiques susceptibles de servir ces monstrations spécifiques ?
- Quelle est la fonction et la valeur (d’usage) des objets, des espaces, etc. que montrent ou devraient montrer les expositions de design ? Existe-t-il une spécificité des lieux pour exposer le design et, si tel est le cas, quelle est-elle ? Comment ces lieux se positionnent-ils du point de vue du marché du design ?
- Plutôt que d’opposer art et design, ne faudrait-il pas se demander quels arts (cinéma, théâtre, littérature…) le design a investis et utilisés comme autant de lieux et de modalités d’exposition ? Et, pour dépasser cette opposition, tout en évitant de réduire les productions de design aux objets, au graphisme, ou aux espaces, ne devrait-on pas parler d’expôts et interroger ce qui de l’expôt considéré en lui-même, contextualisé, mis en relation avec d’autres expôts, ou servant de support à un propos, devrait être constitutif d’une exposition de design ?
- Les distinctions entre conservateurs, muséographes, commissaires, curateurs, scénographes, artistes, designers, etc. tendent à se brouiller, que ces expositions concernent l’art ou le design. Ne devrait-on pas cerner cette hybridation des corps de métiers et en questionner le sens ?
- Une évolution des genres et des domaines de l’exposition, hors du champ de l’art, a pu être constatée ces dernières années avec, notamment, l’apparition d’expositions de sciences. Existent-ils des formats qui, entre exposition d’art et exposition de science, seraient propres au design ?
- Depuis une dizaine d’années, tout au moins en France, les expositions de design ont fait l’objet de thèses de doctorat. Notamment étudiées du point de vue de la réception, et mobilisant l’anthropologie, les sciences de l’information et de la communication, la phénoménologie, ces analyses ont produit des typologies d’exposition. Quels enseignements pourrait-on tirer d’une étude comparée des thèses produites en France et hors de France concernant les expositions de design ? Sur quelles autres typologies une étude des expositions de design, qui ne se limiterait pas à la réception, déboucherait-elle ? Sur quelles disciplines scientifiques et méthodes se fonderait-elle ?
- L’exposition d’art a été étudiée en la traitant comme un texte et en lui appliquant des concepts tirés de la théorie littéraire. Existe-t-il d’autres métaphores plus appropriées à l’exposition de design et, du coup, d’autres transferts disciplinaires possibles ?
L’ambition du dossier
Dans le texte qui suit l’énoncé des modalités de soumission, nous allons développer ces questions que nous adressons à nos auteurs dans l’esprit d’une étude pluridisciplinaire et comparatiste des expositions de design. Sans négliger la déconstruction des évidences premières opposant exposition d’art et de design, il s’agit, en somme, par ce dossier de la revue Design Arts, Médias, d’engager une expologie du design en explorant – sans exclusive – les pistes des expôts, des lieux, des métiers, des méthodes et des disciplines engagées dans les expositions de design.
Modalités de soumission
1er juillet 2020 : les propositions (de 3 000 signes) sont à adresser à la responsable du dossier : catherine.chomarat@univ-paris1.fr. Elles indiqueront quelle(s) piste(s) le propos explore et seront accompagnées d’une présentation de l’auteur.e en quelques lignes : qualité, rattachement institutionnel ou lieu d’exercice de la profession, une ou deux références bibliographiques
10 juillet : réponses aux auteur.e.s après examen, de façon anonyme, des propositions
1er octobre : remise des articles complets (de 30 000 signes à 50 000 maximum)
20 novembre : retours aux auteur.e.s
20 décembre : remise des articles (version définitive)
Janvier 2021 : mise en ligne du dossier thématique
1. Distinctions liminaires entre exposition d’art et exposition de design
Il paraît judicieux de distinguer entre exposition d’art et exposition de design en raison de la nature et la finalité de ce qui est montré et, du coup, de par les modalités de monstration. En effet, si le design se distingue de l’art et de l’artisanat quasiment dès son origine industrielle, cela signifie que l’on ne doit pas en montrer les productions de la même manière que l’on expose les œuvres d’art et, parfois, les objets issus des arts dits appliqués ou décoratifs. D’un côté, nous avons des œuvres uniques – peintures, sculptures, etc. – qui ressortissent aux beaux-arts, à la création et aux artistes. Elles semblent requérir une forme de contemplation et de plaisir esthétique. De l’autre, nous avons des produits en série qui relèvent du design, de la conception et des designers. Si l’on montre les seconds comme les premières – sur un socle, ou dans des vitrines qui les conservent et les mettent hors de portée des visiteurs – ne singularise-t-on pas un objet destiné à n’être qu’un parmi d’autres et ne prive-t-on pas ces productions de leur usage et de leur spécificité ? D’un même geste, ne risque-t-on pas de transformer en artiste ou en artisan celui qui, toute sa vie professionnelle durant, a revendiqué le statut de designer ? Et n’en appelle-t-on pas à un plaisir esthétique à la place d’une satisfaction pratique ?
Comme pour confirmer ces distinctions, d’autres oppositions concernent les lieux et la finalité des expositions. C’est précisément parce que objets d’art et objets de design sont distincts, que leurs lieux d’exposition sont différents. D’un côté, les galeries qui mettent en valeur des collections privées pour la satisfaction de leur propriétaire et de leurs invités, les musées qui ont pour mission la conservation et, plus récemment, l’accessibilité des œuvres au plus grand nombre ; de l’autre, les expositions universelles et, plus proches de nous dans le temps, les showrooms qui, ouverts au public, visent la vente et l’acquisition privée de ce qui est montré. À exposer le design dans des musées, ne nie-t-on pas la valeur marchande et l’appropriation privée inhérentes aux productions de design ?
Cependant, il s’agit là d’une série d’évidences qui ne résistent pas à l’analyse.
2. Contre les évidences premières
Considérons, en premier lieu, l’opposition entre art et design, la différentiation entre création et conception, voire la distinction entre artiste, artisan, designer. Elles semblent oublieuses de leur propre histoire et peu attentive aux pratiques. Certains artistes, et non des moindres, ont aussi été artisans. Picasso a successivement travaillé le bois, la céramique, le fer ou la linogravure, tout comme, avant lui, Cellini ou Dürer furent orfèvres, sculpteurs, graveurs ou peintres4. Inversement, certains designers réalisent des pièces lors de performances qui n’ont rien à envier à l’art. C’est ainsi que Maarten Bass conçoit une série de meubles ou objets brûlés appelée « Smoke ». Certaines pièces font désormais partie des collections de musées, tel son chandelier brûlé acquis par le Victoria & Albert Museum. Il a aussi œuvré à partir d’anciens meubles du Groninger Museum5. D’autres revendiquent une part de fiction dans des créations dont la finalité n’est pas l’usage, mais la prise de conscience d’un problème sociétal. Tel est le cas emblématique de Dunne et Raby, et d’une bonne part des designers qui s’inscrivent dans les courants critiques du design6.
Comme l’énonce Marie-Haude Caraës, « les frontières donnent l’impression d’avoir disparu. À moins que ce ne soient ces frontières mêmes qui conditionnent la possibilité de leur franchissement7 ». Réfléchir l’exposition revient par conséquent à se poser, à nouveaux frais, la question suivante : quelle est la singularité du designer et de la production de design ? Comment se détache-t-elle sur cette toile de fond que serait l’art ? Et, si une telle spécificité existe, renvoie-t-elle à des modalités propres d’exposition ?
Arrêtons-nous, en un second temps, à l’idée de singularité et de série. La singularité serait du côté de l’œuvre : est-ce si juste ? L’histoire nous informe que, dans l’art industriel, une production de prestige, faite pour être exposée, coexiste parfois avec une production courante, réalisée afin d’être commercialisée. Et, même dans ce dernier cas, une série d’objets manufacturés ne naît-elle pas d’un objet unique, à savoir le prototype ? Et, inversement, tel ou tel peintre du passé n’a-t-il pas souvent composé des séries de vierges à l’enfant, de saint Jean-Baptiste, etc. ? L’existence et la reconnaissance d’un style ne nécessitent-elles pas de considérer les œuvres d’art comme constituant des ensembles8 ? Cette conception de la singularité doit beaucoup à une pensée benjaminienne de l’aura d’une œuvre conçue pour un lieu donné et un temps précis. Elle résiste difficilement à une histoire de l’art qui, inspirée d’Aloïs Riegl, matérialiste et attentive aux techniques, ne distingue pas nécessairement entre art, artisanat et industrie9.
Concernant l’exposition de design, cette simple précision interroge ce qu’il s’agit de montrer de façon privilégiée. Faut-il exposer les pièces de prestige, les prototypes, des éléments de série, des variations faisant série ? À l’instar de curateurs qui, tel Hans Ulrich Obrist, préconisent de concevoir les expositions en partant des projets non réalisés des artistes, c’est-à-dire de ce qui n’existe pas encore, les expositions de design ne gagneraient-elles pas à exposer des projets qui n’ont pas vu le jour, ont avorté ou sont encore en devenir10 ? Si l’on appelle « expôts11 », à la suite de André Desvallées, l’« unité élémentaire de mise en exposition », quels sont les expôts les plus propres à être retenus dans les expositions de design ?
Une troisième évidence tient au fait que la valeur d’usage serait inhérente aux objets de design au point que, une fois exposés tels des œuvres d’art, soustraits à toute utilisation, ils perdraient en quelque sorte leur essence. C’est ainsi que, pour restaurer cette valeur d’usage, combler le manque lié à une utilisation devenue impossible, certaines expositions réalisent des reconstitutions d’espaces et des copies de meubles que l’on met à disposition des visiteurs. Tel fut, par exemple, le parti pris de l’exposition dédiée à Charlotte Perriand par la Fondation Louis Vuitton, fin 201912.
Toutefois, n’est-ce pas oublier que, jusqu’à une époque fort récente, aucune œuvre d’art n’était produite pour être exposée dans des musées ? Selon Umberto Eco, qui reprend sur ce point une hypothèse de Michel Foucault13, il « se peut bien que le Déjeuner sur l’herbe et l’Olympia aient été les premières peintures de "musée" ». Pendant des siècles, la peinture trouvait sa place dans des édifices religieux, où elle accompagnait un discours eschatologique, voire remplaçait ce dernier auprès des fidèles. À défaut de parler d’usage au sens strict, ces œuvres-là remplissaient bien une fonction qui disparaît une fois exposées dans des musées.
Inversement, est-il certain que l’usage soit la finalité première des objets produits par le design ? Comme le montre l’histoire, cette valeur-là n’a-t-elle pas toujours été en rivalité avec la valeur esthétique propre aux objets de design ? L’exposition Super Normal a été repensée par le designer Jasper Morrison pour le musée des Arts décoratifs de Bordeaux en 2010. Elle donne à voir des objets du quotidien, des objets si « normaux », si courants, qu’ils semblent être dépourvus de créativité, d’originalité et de valeur esthétique, pour n’incarner qu’une valeur d’usage14. C’est en mettant de côté cette valeur-là, en suspendant toute satisfaction pratique liée à l’utilisation de ces objets ordinaires, que cette exposition révèle la valeur poétique, voire « poïétique » de leur super-normalité, et le plaisir esthétique dont ils sont potentiellement porteurs15.
D’où la question induite par le problème de l’exposition de design : quelle est la fonction et la valeur des objets, des espaces, etc. que doivent s’efforcer de montrer les expositions de design ? Comment y parvenir ou, si l’on préfère, quels sont les agencements ou dispositifs muséographiques susceptibles de servir ces monstrations spécifiques ? Quelle est la nature des effets spécifiques, s’il y en a, à provoquer chez les visiteurs ?
Enfin, l’idée qu’art et design s’exposeraient avec des finalités propres et en des lieux spécifiques ne résiste pas davantage à l’analyse. Qu’en est-il de la finalité non marchande des musées où l’art s’expose ? Il faudrait y regarder de plus près. La côte d’un artiste contemporain ne monte-t-elle pas d’autant plus vite qu’il a fait son entrée dans les collections muséales ? Sur un autre plan, on se souvient des critiques adressées au musée du Quai Branly, au parti pris esthétique, servi par une scénographie dite de « décoration », dans une monstration des arts premiers accusée de servir un marché de l’art en expansion16. L’entrée d’une œuvre dans une collection est prescriptive, la valeur marchande de l’art et du design est largement partagée, comme la sociologie de l’art l’a démontré.
Inversement, on oublie le fait que ce sont les mêmes personnes qui ont conjointement pensé expositions universelles et musées de design, c’est-à-dire des lieux différents – éphémères ou pérennes – pour montrer le design. Tel fut par exemple le rôle joué par Henry Cole pour l’exposition universelle de 1851 et la création du South Kensington Museum, ancêtre du Victoria and Albert Museum. Plus proche de nous, la Triennale de Milan, qui a été instaurée afin de promouvoir le design et l’architecture, déborde désormais les murs du Palazzo dell’Arte pour s’étendre à toute la ville. Elle donne en outre l’occasion à un conservateur en résidence de réorganiser l’espace muséal et de piocher dans la collection permanente afin de soutenir le propos personnel d’une exposition. Les contours des lieux d’exposition sont de plus en plus flous, et leur finalité demeure hybride dans la mesure où la « promotion » signifie tant la connaissance que la vente. Le cas des « campus » de grandes firmes de design constitue un troisième exemple susceptible d’illustrer la question des lieux et de la finalité des expositions de design. Le campus de Vitra, près de Bâle, est constitué de bâtiments réalisés par des architectes de renom. Ceux-ci abritent showrooms, espaces d’expositions temporaires et permanentes, amphithéâtre, boutiques, etc. ce qui confirme, encore une fois, le caractère composite des lieux et de la finalité des expositions de design.
Cette hétérogénéité est-elle indépassable ? La question se pose d’autant plus que les artistes contemporains connaissent, à travers les biennales et autres rendez-vous de ce type, ce qu’Elie During appelle un « phénomène de foire », d’une grande « violence faite aux artistes » dans la mesure où ce type d’événement « ne totalise en fait qu’une dispersion17 ». C’est peut-être aussi le cas pour les designers…
Pour ce qui concerne les lieux et la finalité des expositions de design, deux questions émergent. Existe-t-il une spécificité des lieux pour exposer le design et, si tel est le cas, quelle est-elle ? Comment ces lieux se positionnent-ils du point de vue du marché du design ?
3. Pour un savoir positif
Cet appel à contributions sur l’exposition de design ne voudrait toutefois pas s’en tenir à la déconstruction d’évidences premières. Même si cette dernière demeure à parfaire, et si tout article qui s’y attellerait est bien venu, il vise un savoir positif. Nous avons d’emblée indiqué que cet appel à contributions ne s’adresse pas à tel ou tel type d’acteurs du champ de l’exposition, qu’il ne privilégie aucune forme de design et qu’il ne sollicite pas telle ou telle discipline scientifique au détriment d’une autre. Précisons, à présent, qu’il encourage à comparer exposition artistique et exposition de design et, plus précisément, à se fonder sur les études muséographiques et muséologiques, à s’appuyer sur l’expologie forgée en grande partie sur les expositions artistiques et leurs extensions dans d’autres domaines – les sciences, notamment – pour poser les jalons de ce que devrait être une expologie comparatiste du design.
Qu’entend-on par ce terme d’expologie et pourquoi prendre ce parti comparatiste ? Si la muséographie renvoie au travail de conception et de coordination des expositions au sein des musées, celui de muséologie désigne une réflexion plus générale sur les musées. Dès lors, le terme d’« expologie » recouvre l’analyse et une réflexion plus générale, une théorisation, si l’on préfère, des expositions qu’elles se tiennent dans des musées ou dans d’autres lieux18. Ces disciplines-là, et notamment l’expologie, ont en effet beaucoup à nous apprendre sur nos présupposés, voire nos préjugés, en matière d’exposition, de lieux d’exposition, de valeur marchande… On y réapprend qu’on expose les nouveau-nés en quête de reconnaissance paternelle ou abandonnés, les morts et, partant, que les galeries et le musée n’ont pas l’apanage de l’exposition tant ce phénomène recouvre une dimension anthropologique. On y prend conscience que, en dehors des galeries et des musées, les expositions se tiennent dans d’innombrables lieux socio-culturels tels que les bibliothèques, les centres culturels, les lieux de spectacles etc., quand ce n’est pas, de façon virtuelle, sur Internet19. De même on devient plus attentif au fait qu’on exhibe de tout temps les marchandises que l’on entend vendre, de sorte que « L’exposition (d’art) s’inscrit ainsi dans les formes les plus archaïques de promotion de la marchandise », ce qui est a fortiori vrai pour ces marchandises que sont les productions de design20. On comprend, en somme, que ces disciplines-là nous éclairent parce qu’elles se sont constituées à partir d’une étude critique et pluridisciplinaire des pratiques des expositions d’art. Ces dernières ont déjà été étudiées en tant que média par Jean Davallon, en partant des acteurs par Serge Chaumier, de la réception par Bernard Edelman, Hana Gottesdiener et Joëlle Le Marec, du public attentif aux textes qu’il découvre par Marie-Sylvie Poli21. En nous fondant sur ces disciplines, et en adoptant un parti pris comparatiste, nous pourrions dépasser nos évidences premières, déplacer et reformuler nos questions, gagnant ainsi un temps précieux pour fonder une expologie du design. Qu’il nous soit permis de suggérer quelques pistes.
3.1 Rôle des objets ou expôts
L’expologie nous rappelle qu’Alexander Dorner, directeur général du musée de Hanovre, met fin au « fétichisme de l’objet », hérité des cabinets de curiosités, en décrétant que l’exposition devrait dérouler un fil, c’est-à-dire défendre un propos. Nous sommes en 1922, et il ouvre le musée dont il a la charge à l’expérimentation dans la monstration des objets, l’idée étant que c’est le discours tenu à leur endroit qui est important22. L’on sait aussi, grâce à l’expologie, ce que cette conception du rôle joué par les expôts doit à Georges-Henri Rivière qui, encore pris dans un certain « positivisme de l’objet », entend inscrire ou réinscrire l’objet dans son contexte, le discours de l’exposition étant alors au service de la compréhension de l’objet et de ce qu’il nous dit23. On apprend aussi qu’un pas de plus est franchi avec Harald Szeemann. Dans Quand les attitudes deviennent formes, qu’il présente à la Kunsthalle de Berne en 1969, il dépasse le niveau de l’œuvre en empruntant à de multiples arts et en proposant un accrochage où ce sont les relations que les œuvres tissent entre elles qui sont constitutives de l’exposition et du récit qui s’y tient24. Quand l’expôt est considéré comme marqueur, signe, trace, révélateur, en un mot un « sémiophore » au service d’une thèse développée dans une exposition d’auteur, on admet qu’un dernier pas est franchi25. C’est ainsi que les expositions de Jean Clair ont marqué les esprits, que ce soit Vienne 1880-1938 (Centre Georges Pompidou, 1986), ou Mélancolie (Galerie Nationale du Grand Palais, 2005-2006). C’est à cette même fin démonstrative que furent montrées les œuvres dans Bêtes et Hommes, exposition conçue par Vinciane Despret au Parc de la Villette, en 2007. Mais ces disciplines sont aussi critiques à l’égard de cette évolution : dès lors que l’exposition devient une méta-œuvre, ne risque-t-on pas d’instrumentaliser les expôts26 ?
Ces éléments suggèrent que, plutôt que d’opposer objet d’art et objet de design, et de réduire le design aux objets, au graphisme, ou aux espaces, on devrait commencer par ouvrir le propos en parlant d’expôts et interroger ce qui de l’expôt considéré en lui-même, contextualisé, mis en relation avec d’autres expôts, ou servant de support à un propos, devrait être constitutif d’une exposition de design.
3.2 Lieux et modalités d’exposition
On connaît bien l’évolution des lieux dévolus aux expositions, de la neutralité préconisée par Louis Hautecoeur, dès 1934, à l’avènement du white cube et à sa théorisation sous la plume de Brian O’Doherty27. On connaît aussi la tension existante entre l’idée de soustraire le visiteur au monde environnant, l’exposition se déroulant dans une Black Box, et l’idée de mettre en relation lieux de monstration, extériorité au bâti et exposition. Cependant, l’expologie nous rappelle que la pratique de l’exposition, le curating, n’a cessé d’évoluer au XXe siècle. Les curateurs ont modifié et fait varier les lieux d’expositions au point de se définir comme ceux qui doivent tester les « frontières de l’exposition, chercher à aller plus loin28 ». Hans Ulrich Obrist s’est notamment employé à délocaliser les expositions dans sa cuisine, sa chambre d’hôtel, etc.
En reconsidérant cette multiplication des lieux d’exposition d’art, on pourrait émettre l’hypothèse que le design s’est exposé en d’autres endroits, bien avant que de s’exposer dans des musées ou des galeries. Ainsi, on s’apercevrait mieux que des lieux d’exposition de design ont été érigés à travers l’émergence d’autres arts. À titre d’exemple, on peut songer aux espaces, aux objets, aux vêtements qui, dessinés pour le cinéma par des designers, exposent le design via une fiction, et réalisent ainsi une des finalités du design, à savoir livrer un scénario de vie. C’est notamment ce qui a été mis en lumière par l’Estorick Collection Of Modern Italian Art de Londres pour ce qui concerne le cinéma italien des années 3029.
Un même type de déplacement des questions pourrait concerner les modalités d’exposition. En 1937 et grâce au soutien d’Alfred Barr alors directeur du MoMA de New-York, les anciens du Bauhaus préparent une sorte de rétrospective sur ce que fut cette école de 1919 à 1928. Mis à part Lewis Mumford dans le New York Times, les partis pris d’Herbert Bayer, au rang desquels figure la volonté d’inclure le visiteur dans l’exposition, furent critiqués par l’ensemble de la presse30. Des années plus tard, Hubert Bayer révèle l’importance d’El Lissitzky dans la saisie de la dynamique d’une exposition, la réutilisation du photomontage, des agrandissements muraux, de matériaux tels que la cellophane, des revêtements de couleurs, etc. Il va jusqu’à parler, pour caractériser cet apport, de « langage nouveau et amplifié », dans la mesure où, pour ne plus simplement juxtaposer des points de vue comme le faisait déjà El Lissitzky, il pense à coordonner « cohérence, mobilité, plaisir esthétique, énergie et économie31 ». Les bénéfices que les expositions de design ont su tirer de la photographie n’ont-ils pas, de fait, profité aux expositions d’art ?
Plutôt que d’opposer art et design, ne faudrait-il pas se demander quels arts l’exposition de design a utilisés comme autant de lieux et de modalités d’exposition ?
3.3 Corps de métiers
Traditionnellement, le designer intervient au plan de la scénographie, c’est-à-dire pour matérialiser le scénario de l’exposition dans l’espace et dans les formes, tandis que le muséographe conçoit la trame du scénario de l’exposition et qu’il peut, ou non, se confondre avec le conservateur qui, lui, veille à la conservation et à l’enrichissement des collections, produit des connaissances à leur propos32. L’expographe pourrait désigner celui qui, hors institution muséale, conçoit la trame initiale d’une exposition. Cette distinction des corps de métiers se fonde notamment sur l’expérience : les cas où le commanditaire ou maître d’ouvrage passe directement commande au designer scénographe, en passant outre le recrutement d’un maître d’œuvre, donnent lieu à des résultats parfois jugés « peu probants33 ».
Pourtant, ce partage des tâches, qui tend à maintenir les artistes hors de l’élaboration des expositions, n’a pas toujours été et n’est plus toujours d’actualité. Il suffit de rappeler que Courbet fait construire le « Pavillon du réalisme » pour réagir au pouvoir de l’Académie et exposer autrement, de façon plus espacée, les œuvres. De façon plus contemporaine, les corps de métiers liés aux expositions ont encore changé, notamment du fait des artistes et de ceux que l’on appelle désormais des « curateurs ». Une artiste comme Dominique Gonzalez-Foerster pense que le travail de curating commence, pour l’artiste, dès qu’il préfère telle œuvre à telle autre – que ce soit lui qui les produise ou qu’elles soient produites par d’autres– ; elle souligne qu’elle-même travaille l’exposition comme média, tandis que certains artistes deviennent plus ou moins curateurs de leurs œuvres34. On pourrait préciser, au regard de l’inventivité déployée par certains curateurs, qu’ils deviennent des méta-artistes dans la mesure où ils rejouent « quelque chose de l’expérimentation artistique », relaient « les gestes artistiques », « embraient sur eux pour inventer d’autres formes, d’autres montages d’espace-temps35 ».
Du côté du design, cette réversibilité des métiers, ou des rôles, existe. À titre d’exemple, citons les frères Bouroullec qui sont à la fois muséographes, expographes et scénographes de leurs propres expositions36. Pour leur rétrospective au Musée des Arts décoratifs, leurs cloisons modulaires appelées « Algues » sont utilisées de même que les carreaux de céramique « Pico » qui composent les sols et forment des socles, tandis que le textile « Field » recouvre l’espace central où le visiteur peut s’allonger37. Comme le souligne Brigitte Auziol, ce mélange des fonctions est même revendiqué par ce musée parisien, dans la mesure où le design est à la fois ce qui « se montre et la manière dont cela est montré38 ».
Ce brouillage des métiers existe, c’est un fait. Peut-être est-il inévitable dans la mesure où le designer prend soin des espaces, des objets, etc. et, à travers ces productions, des personnes, là où le curateur prend soin des œuvres39. Mais est-ce souhaitable ? Comme dans le cas des Bouroullec, ce type d’exposition n’est-il pas destiné à construire une sorte de storytelling40 ? Ne participe-t-il pas de ce que Gilles Lipovetsky et Jean Serroy appellent « l’artialisation contemporaine des designers stars41 » ? Qu’en est-il de la distance critique nécessaire aux expositions qui, en tant que « pratique savante », n’ont pas à être hagiographiques42 ? Plutôt que de vouloir maintenir des corps de métiers qui se brouillent, dans les expositions d’art comme pour les expositions de design, ne devrait-on pas cerner cette hybridation et en questionner le sens ? Ne devrait-on pas l’interroger eu égard à la finalité réelle d’une exposition de design43 ?
3.4 Le format exposition
Certaines expositions ont contribué à inventer, ou renouveler, le genre ou, si l’on préfère un terme moins littéraire, le format exposition. Même si Jean-François Lyotard a jugé « ratée » les Immatériaux, cette exposition, qui portait sur la matière et les nouvelles technologies, a frappé les esprits. Autre exemple, Laboratorium est une exposition qui s’est tenue à Anvers, en 1999. Hans Ulrich Obrist et Barbara Vanderlinden en furent les commissaires. À côté d’une conférence d’Isabelle Stengers sur les expériences de Galilée, on pouvait voir des images de laboratoire, la réplique d’instruments scientifiques, un travail de Varela, etc. le tout étant assorti d’un catalogue codirigé par Peter Galison et Bruno Latour44. Il s’agissait moins de transmettre des contenus de façon intangible que de montrer, de façon transdisciplinaire et par l’expérimentation, la complexité des phénomènes. En mettant en lumière le « processus même de la pensée en acte », l’objectif avoué des curateurs était d’inventer le format d’une « exposition d’idées » ou « d’interprétation » que les sciences pourraient investir pour s’exposer45.
En tenant compte de cette évolution des genres et des domaines de l’exposition hors du champ de l’art, nous pourrions nous demander s’il existe un ou des formats qui, entre exposition d’art et exposition de science, seraient propres au design.
3.5 Archives et les méthodes
Hans Ulrich Obrist insiste souvent sur l’amnésie relative aux expositions et aux curateurs qui ont fait date, notamment au XX^e^ siècle. D’un même geste, il regrette l’absence d’archives en matière d’exposition d’art, tout en soulignant que certaines universités sont désormais prêtes à les constituer et à en faire l’étude46.
Les expositions de design sont désormais étudiées in situ, notamment du point de vue de l’« intention » entendue au sens « des effets communicationnels » qu’elles produisent47. La question de la finalité est donc posée en partant du spectateur et, eu égard à ce que nous apprend l’histoire des expositions de design – la volonté pionnière d’Herbert Bayer d’inclure le spectateur dans l’exposition dédiée au Bauhaus, par exemple – ce primat est plus que légitime. Deux éléments composent ce type d’approche. À l’aide d’une méthode inspirée de la phénoménologie, de l’anthropologie et de l’analyse sémiotique des discours, le « visiteur-chercheur » décrit ce qu’il perçoit avant de commenter ses notes et de les analyser. Il s’agit également de déployer une analyse « sémiolinguistique des textes conçus par et pour l’exposition », c’est-à-dire des « cartels, notices, introduction, conclusion, transition48 ». Le tout s’inscrit dans le champ de l’information et de la communication.
Ce n’est cependant le seul focus. Comme le montre Brigitte Auziol, on peut produire une typologie associant catégorie d’exposition de design et nom de théoriciens. Il y a celles qui déploient une intention pédagogique, fidèles à la « leçon de choses » de Pierre Kahn ; celles qui, selon Nathalie Heinich et Roberta Shapiro, célèbrent le design et produisent des effets de notoriété au risque de l’esthétisation ; celles qui augmentent la valeur économique du design et investissent la relation au visiteur au détriment, parfois, des questions sociales : on aura reconnu Lucien Karpik49.
Ces études ont innovantes et précieuses. Et l’on pourrait penser que l’amnésie repérée pour les expositions d’art et la question des archives a été évitée, pour les expositions de design, grâce à ces travaux de recherche. Il est cependant vraisemblable que des études menées sur un temps plus long grâce à l’exploration d’archives, la prise en compte de la conception de l’exposition et de ses différents acteurs – le conservateur ou le commanditaire, le muséographe, le scénographe du projet – une attention prêtée aux dispositifs, aux « textes exogènes » – documents de presse, catalogues, affiches, flyers – modifierait ces analyses.
Pour étayer cette hypothèse, nous pourrions convoquer la figure pionnière de Willem Sandberg qui, directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam jusqu’en 1962, a porté une grande attention aux affiches, aux catalogues, en utilisant la matérialité de la lettre, une sorte de devenir pictural des textes, des pages aux bords déchirés… L’étude de tels documents ne déborderait-elle pas le champ des sciences de l’information et de la communication, une pensée de l’exposition comme « dispositif communicationnel », c’est-à-dire langage50 ?
En prenant pour critère « ce par quoi le discours de l’exposition est porté », Serge Chaumier propose une typologie distinguant les expositions fondées sur l’expôt, sur l’unité d’expôts ou îlots sans lien entre eux, sur la séquence (parties d’expôts liés entre eux tels des chapitres), sur le discours global tenu par un auteur défendant une thèse, sur un discours scénographique portant tout le reste tel un métadiscours, sur la réception d’exposition comprenant le discours interne à l’expôt et le récit que le visiteur composera51.
La différence entre ces deux typologies est flagrante. Elle incite à se demander sur quelles autres typologies une étude des expositions de design, qui ne se limiterait pas à la réception, déboucherait. Sur quelles disciplines scientifiques et méthodes se fonderait-elle ? On sait par exemple que l’on a étudié l’exposition d’art en la traitant comme un texte. C’est ainsi que Jérôme Glicenstein applique les concepts tirés de la théorie littéraire, et plus précisément de Gérard Genette, à l’analyse de l’exposition. Il y aurait ainsi un paratexte, un architexte, un métatexte, un hypertexte, un transtextuel, un décatexte propres à l’exposition d’art52. Or, une exposition n’est pas que texte et langage, la textualité d’une exposition relève d’une métaphore. On peut aussi interpréter une exposition selon une métaphore musicale, comme une partition, par exemple. Y aurait-il d’autres métaphores plus appropriées aux expositions de design et, du coup, d’autres transferts disciplinaires possibles ?
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Le but de cet appel à contribution n’est pas de s’attarder sur le problème inhérent à la définition du « design ». Sur l’historicité des définitions et sur leurs enjeux, voir Brigitte Auziol, Exposer le design : Formes et intentions, Avignon Université, Thèse de doctorat, sous la direction de Marie-Sylvie Poli, 2019, chapitre 1, p. 25-90.
En matière de collections et de lieux, les Cahiers issus des « Assises du design » de 2019 recensent, pour la France, les collections du Centre Pompidou, du Musée des arts décoratifs de Paris (MAD), du Musée des arts décoratifs et du design de Bordeaux (madd-bordeaux) et celle du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole (MAMC+). Il note également que le Centre national du graphisme, Le Signe, à Chaumont, possède un fonds de design graphique important et que les collections publiques de design sont hébergées au sein du FRAC Grand Large de Dunkerque, du Mobilier national, du Musée national de céramique (Sèvres) et du Centre national des arts plastiques (CNAP). Cf.https://www.assisesdudesign.com/doc_root/Ressources/cahiers/5df0f362ada9d_Cahiers_AssisesDuDesign_2019_pages.pdf, consulté le 22 avril 2020, voir notamment les pages 15-16. À ces collections et lieux français, il faudrait bien-entendu ajouter tous ceux qui existent dans le monde et en Europe. Certains sont récents, comme le musée du design de Barcelone (MHUB), ou le 21_21Design Sight à Tokyo. D’autres sont plus anciens, comme le Victor & Albert Museum de Londres, ou en mutation tel le Mudac dans le nouveau quartier Plateforme 10, de Lausanne… ↩ -
Cette spécialisation constitue le contrepoint légitime de ce que nous proposons dans ce dossier. Pour illustrer cette complémentarité, nous pourrions nous référer aux travaux de Luca Marchetti (cf. « Fashion Curating. Enjeux et pratiques de la mode exposée », dans Figures de l’art n°29, Le design dans l’art contemporain, Pau, PUPPA, 2015) ou au récent colloque Exposer/S’exposer organisé par L’université Jean Monet, à Saint-Étienne, en novembre 2019 : pour retrouver l’argumentaire en attendant les actes, cf. https://calenda.org/626321?file=1, consulté le 16 mai 2020. ↩
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C’est dans Narcisse et ses avatars (Paris, Grasset, 2014), plus particulièrement à « l’entrée Design », qu’Yves Michaud développe l’idée que tout est désormais produit par le design (paysages, parcs, usines, friches réhabilitées, places publiques…). Il en déduit que la puissance du design s’étend désormais en amont et en aval du projet et des productions. Nous en déduisons qu’il est devenu non pas simplement « au-delà du visible », mais invisible. ↩
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Sur ce point, voir l’exposition que le MUCEM a consacré à l’intérêt que Picasso éprouvait pour « les arts populaires » : https://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-forts/picasso-un-genie-sans-piedestal, consulté le 22 avril 2020. ↩
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Ces exemples et leur analyse doivent beaucoup au mémoire de recherche entrepris par Mi-Yun KIM dans le cadre du master 2 Design, Arts, Médias (Paris 1 Panthéon-Sorbonne). ↩
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Anthony Dunne et Fiona Raby, Speculative Everything : Design, Fiction and Social Dreaming, Cambridge, MIT Press, 2013. Sur les interférences entre art contemporain et design, voir le n°29 de Figures de l’art dirigé par Bernard Lafargue (Pau, PUPPA, 2015). ↩
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Marie-Aude Caraës, « Pour une recherche en design. Art ? Artisanat ? Industrie ? Tout cela et bien plus », dans Azimuts n° 33, Saint-Étienne, Cité du design éditions, 2009, p. 42. ↩
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Sur ce point, voir Vlad Ionescu, Arts appliqués, arts impliqués, Gent, A&S/books, 2016. ↩
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Vlad Ionescu, Arts appliqués, arts impliqués, op. cit., p. 42-43, et p. 47. ↩
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Elie During, Dominique Gonzalez-Foerster, Donatien Grau, Hans Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating ?, Paris, Manuella Édition, 2011, p. 44. En collaboration avec Guy Tortosa, Hans Ulrich Obrist a réuni une centaine de projets non réalisés dans le livre-exposition Unbuilt Roads (Berlin, Hatje Cantz Publishers, 1997), qui reste exemplaire de ce type de démarche. ↩
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André Desvallées, « Cent quarante termes muséologiques ou petit glossaire de l’exposition », dans Mary Odile de Bary et Jean-Michel Tobelen (dir.), Manuel de muséographie, Paris, Séguier, 1998, p. 223. ↩
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Cf. https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/expositions/exposition/charlotte-perriand.html, consulté le 22 avril 2020. ↩
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Umberto Eco, Isabella Pezzini, Le musée, demain, 2015 ; rééd. Casimiro Livres, 2017, p. 30. ↩
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Cf. https://madd-bordeaux.fr/expositions/jasper-morrison, consulté le 22 avril 2020. ↩
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Dans l’« Entretien » qu’elle accorde à Pierrick Faure, d’une part, et dans son texte intitulé « Affairements numériques », d’autre part, tous deux parus dans David-Olivier Lartigaud (dir.), Objectiver (Saint-Etienne, Cité du design, 2017), Sophie Fétro suggère que ce caractère poétique est présent en amont de l’objet : dès la machine qui le produit (Objectiver, p. 132), et dans l’« affairement poïétique » des designers dont l’attention se porte sur la production de formes, le processus créatif (Objectiver, p. 141). ↩
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Bernard Dupaigne, Le scandale des arts premiers. La véritable histoire du Quai Branly, Paris, Mille et une nuits, 2006. ↩
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Elie During, Dominique Gonzalez-Foerster, Donatien Grau, Hans Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating ?, op. cit., p. 53. ↩
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François Mairesse et André Desvallées définissent la muséographie comme l’« ensemble des tentatives de théorisation ou de réflexion critiques liées au champ muséal » (« Muséologie », dans André Desvallées et François Mairesse (dir.), Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand Colin, p. 344). Partant du constat que toutes les expositions n’ont pas lieu dans des musées, Serge Chaumier utilise et justifie le terme d’ « expologie » : cf. Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, Paris, La documentation française, coll. Musées-Mondes, 2012, p. 16. ↩
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Serge Chaumier, Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, op. cit., p. 11. Voir aussi : Thierry Fournier, J. Emil Sennewald, Pauline Gourlet, « Recherche par l’exposition et condition post-numérique », dans Vangelis Athanassopoulos et Nicolas Boutan (dir.), Proteus n° 10, Le Commissariat d’exposition comme forme de recherche, 2016 : http://www.revue-proteus.com/articles/Proteus10-4.pdf, consulté le 25 mai 2020. ↩
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Ibidem. ↩
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Brigitte Auziol, Exposer le design : Formes et intentions, op. cit., chapitre 2, p. 91-110. ↩
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Hans Ulrich Obrist, Les voies du curating, Paris, Manuela éditions, 2015, p. 74-76. ↩
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La muséologie selon George Henri Rivière, Dunod, Cours de Muséologie/Textes et témoignages, 1989.
Cf. http://www.microsillons.org/collection/museologie.pdf, p. 269-270, consulté le 24 avril 2020. ↩
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Serge Chaumier, Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, op. cit., p. 24. ↩
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Ibidem, p. 66. et p. 81. Le terme de « sémiophore » est emprunté à Krysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris, Venise XVI ^e^-XVIII ^e^ siècle, Paris, Gallimard, coll. des Histoires, 1987, p. 95. ↩
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Vinciane Despret, Bêtes et Hommes, Paris, Gallimard, 2007. Jacques Hainard « La revanche du conservateur », dans Jacques Hainard et Roland Kaehr (dir.), Objets prétextes, objets manipulés, Neuchâtel, Musée d’ethnographie, 1984, p. 189. ↩
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Louis Hautecoeur, Architecture et aménagement des musées, 1934, rééd. Paris, Réunion des Musées Nationaux, 1993. Brian O’Doherty, White Cube – l’Espace de la galerie et son idéologie, JRP/Ringier, 2008. ↩
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Elie During, Dominique Gonzalez-Foerster, Donatien Grau, Hans Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating ?, op. cit., p. 24. ↩
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https://www.estorickcollection.com/exhibitions/rationalism-on-set-glamour-and-modernity-in-1930s-italian-cinema, consulté le 24 avril 2020. ↩
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Catherine Geel, « Les drôles d’exposition du MoMA#1 », dans David Bihanic (dir.), staatliche bauhaus. Cent pour cent 1919-2019, Paris, T&P Publishing, 2020, p. 116-117. ↩
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Catherine Geel, « Les drôles d’exposition du MoMA#2 », dans David Bihanic (dir.), staatliche bauhaus. Cent pour cent 1919-2019, op.cit., p. 119. ↩
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Serge Chaumier, Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, op. cit., p. 13. ↩
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Ibidem, p. 14. ↩
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Elie During, Dominique Gonzalez-Foerster, Donatien Grau, Hans Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating ?, op. cit., p. 12-13. On connaît sur ce point les analyses de Paul Ardenne, quand il fait la liste des rôles que jouent de nos jours les artistes : cf. Art, le présent. La création plasticienne au tournant du XXI^e^ siècle, Paris, les éditions du Regard, 2009, p. 10-11. ↩
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Ibidem, p. 18 et p. 37. ↩
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Marie-Sylvie Poli et Brigitte Auziol, « Exposer le design par le design : une approche communicationnelle d’une exposition des frères Bouroullec au musée des arts décoratifs, dans MEI, Design et Communication, n°40, p. 288. cf. https://mei-info.com/revue/40/285/exposer-le-design-par-le-design-une-approche-communicationnelle-dune-exposition-des-freres-bouroullec-au-musee-des-arts-decoratifs/, consulté 20 avril 2020. ↩
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Ibidem, p. 289-290. ↩
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Cette tendance va peut-être de pair avec une évolution du musée vers le spectaculaire. Sur ce point, consulter François Mairesse, Le musée, temple du spectaculaire, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2002. Ou encore Neil Postman, Se distraire à en mourir, 1986 rééd. Paris, éditions Nova, 2010. ↩
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Sur ce point, voir Nicolas Boutan, « Designer des possibles. Prolégomènes à l’expérience curatoriale », dans Figures de l’art n° 25, Pau, PUPPA, 2013, p. 353. ↩
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Marie-Sylvie Poli et Brigitte Auziol, « Exposer le design par le design : une approche communicationnelle d’une exposition des frères Bouroullec au musée des arts décoratifs », op. cit., p. 292. D’autres designers ont fait l’objet d’une exposition (notamment au centre Georges Pompidou) dont ils ont eux-mêmes conçu la scénographie : Roger Tallon, Ettore Sottsass, Gaetano Pesce, etc. ↩
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Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’esthétisation du monde : vivre à l’âge du capitalisme artiste, Paris, Gallimard, 2013, p. 246. ↩
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Ce choix de la subjectivité du curateur prenant ces propres œuvres pour objets d’exposition et de scénographie signifie peut-être une régression du musée en direction du cabinet de curiosités. L’hypothèse a été mise en scène par Thomas Olbricht dans l’exposition consacrée à sa collection à la Maison Rouge, en 2011-2012.
Cf. https://archives.lamaisonrouge.org/fr/expositions-archives-detail/activites/memoires-du-futur-collection-olbricht/, consulté le 24 avril 2020. ↩ -
Pour Dorian Reunkrilerk, la finalité d’une exposition de design est d’ « exposer » pour « agir sur ce que la société propose au quotidien » et « s’exposer » pour opérer un retour critique sur soi. Cf. Dorian Reunkrilerk, « Exposer/S’exposer au design : un processus collectif d’altérité », dans Christophe Bardin (dir.), Figures de l’art n° 36, Les Moments du design, Pau, PUPPA, 2019, p. 169-170. ↩
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Elie During, Dominique Gonzalez-Foerster, Donatien Grau, Hans Ulrich Obrist, Qu’est-ce que le curating ?, op. cit., p. 50. ↩
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Serge Chaumier, Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, op. cit., p. 47. Sur les expos d’interpétation, voir Jean Davallon, « Peut-on parler d’une langue de l’exposition scientifique ? », dans Bernard Schiele (dir.), Faire voir, Faire savoir. La muséographie scientifique au présent, Musée de la civilisation, 1989, p. 50. Certes, ce format connaît des limites : être intéressé par « les processus », « les rencontres », les « conspirations d’idées » ne suffit pas, par exemple, à Bruno Latour pour organiser globalement l’espace du ZKM dont il a la direction : telle est la critique énoncée par Hans Ulrich Obrist, dans Qu’est-ce que le curating ?, op. cit. p. 60. ↩
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Ibidem, p. 18-19. ↩
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Brigitte Auziol, Exposer le design : Formes et intentions, op. cit., p. 170-171. À l’origine de cette perspective, il faudrait sans doute placer l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Louis Déotte et Pierre-Damien Huyghe : Le Jeu de l’exposition, Paris, L’Harmattan, 1998. Le public est d’emblée compris comme autre chose qu’une cible dans la mesure où il se constitue dans une co-construction avec ce qui est offert à son attention. ↩
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Marie-Sylvie Poli et Brigitte Auziol, « Exposer le design par le design : une approche communicationnelle d’une exposition des frères Bouroullec au musée des arts décoratifs », op. cit., p. 288. ↩
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Brigitte Auziol, Exposer le design : Formes et intentions, op. cit., p. 421 et suivantes. ↩
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Serge Chaumier, Traité d’expologie. Les écritures de l’exposition, op. cit., p. 19. Certains commissaires d’expositions semblent très attachés à la forme que prend le catalogue, au fait qu’il participe de l’exposition et qu’il se situe entre l’objet et le livre. Ils parlent, par exemple, d’« objet-livre » : voir, par exemple, David Bihanic, Data design. Les données comme matériau de création, Paris, Gaillimard/Fondation EDF, coll. Alternatives, 2018 (non paginé). ↩
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Ibidem, p. 34. ↩
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Jérôme Glicenstein, L’art : une histoire d’exposition, Paris, PUF, 2009, p. 115-116. ↩