Pro_création. Lire l’exposition au-delà des murs
Cassandra Bonnafous, Valentine Mathieu, Frédérique Moal

Designers et diplômées du master 2 Design, Arts, Médias, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020-2021.

Résumé
Le diplôme de Master 2 « Design, Arts, Médias» est accordé à l'issue de soutenances où l'on demande, outre un mémoire académique de recherche, de produire un projet et de le mettre en espace. Afin de créer des liens entre ces étudiantes et étudiants de Master 2 et la Licence 3 de la même filière, une exposition de projets (promotion 2020-2021) a été organisée dans les locaux de l'École des arts de la Sorbonne. À cette occasion, trois jeunes designers se sont transformées en critiques afin d'interroger l'apport du numérique aux expositions.

Abstract
The Master 2 diploma "Design, Arts, Media" is granted at the end of defenses where we ask, in addition to an academic thesis of research, to produce a project and put it in space. In order to create links between these students of Master 2 and the Licence 3 of the same stream, an exhibition of projects (promotion 2020-2021) was organized in the premises of the School of Arts of the Sorbonne. On this occasion, three young designers turned into critics in order to question the contribution of digital technology to exhibitions.

Un début...

Le 30 mars dernier, l'exposition Pro_création a ouvert ses portes à l'école des arts de la Sorbonne, au 47 rue des bergers dans le 15e arrondissement de Paris. Imaginée par les étudiantes et étudiants de troisième année de licence « Design, Arts, Médias », sous la conduite de Margaux Moussinet, elle présentait le fruit d'une réflexion de six diplômées du Master 2 recherche « Design, Arts et Médias » : Alix Aulagnier, Salomé Grihault Des Fontaines, Louise Laborde-Castex, Coralie Lhabitant, Camille Mançon et enfin Hanne Reibre1. Afin d'expliciter en quoi cette exposition peut être lue au-delà des murs, nous interrogeons ici sa forme matérielle, sa présence immatérielle, et les enjeux pédagogiques qu'elle contient. 

1. L'objet : l'exposition 

1.1 Le processus comme fil conducteur

À notre arrivée, nous sommes invités à plonger dans la douce et transcendante réalité de la gestation d'un projet de design. Le premier îlot présentant la genèse — ou la naissance du projet— mettait en lumière le mémoire et les premières esquisses de la recherche. Puis, l'espace intitulé « gestation » montrait le processus de recherche perçu comme l'exploration de tous les possibles. Enfin, la gésine fut l'espace dédié à l'aboutissement du projet, de la théorie aux réalisations finales. L'agencement de la salle s'est décidé suite à son étude détaillée, dans l'idée de créer une scénographie singulière pour l'espace. L'exposition a été conçue comme un processus de création, par étape et non par pôle de présentation d'un unique projet. Le parcours scénographique s'est développé en trois étapes, de la recherche au projet. Dans la volonté de créer un fil conducteur, le mobilier a été conçu spécialement pour l'exposition. Une forme a été attribuée à chaque projet afin de garder une cohésion dans l'espace. Ainsi, les supports en carton alvéolaire découpés en cinq formes organiques bien distinctes ont pris place dans l'espace d'exposition.


Figure 1. Planches de recherche et de modélisation en trois dimensions du mobilier modulaire et des mobiles.

Cette pluralité formelle souligne la vocation même de l'exposition, présenter des projets de diplôme à travers leurs ressemblances et leurs différences. Une déclinaison de six cartels différents a également été imaginée pour correspondre à l'identité graphique de chaque projet. Volontairement, les éléments structurels qui présentent la phase d'expérimentations graphiques sont laissés dans leur état brut, là où pour signifier la recherche aboutie, sous la forme d'un mémoire et d'un projet, ces mêmes éléments sont unifiés par une peinture blanche. Les élèves de la licence ont également conçu ces structures dans l'ambition d'un réemploi pour d'éventuelles futures expositions. La signalétique, quant à elle, prend place au niveau du plafond, sous la forme de panneaux informatifs suspendus. Ils indiquent les différentes zones de présentation : la recherche, l'expérimentation et le projet afin de guider le visiteur. Les murs sont également exploités pour afficher une courte biographie sur les designeuses présentées.

1.2 Une exposition de designeuses

Nous commençons la présentation des différents projets d'études exposés par celui d'Alix Aulagnier, qui a développé sa pratique sous forme de gravures. Son intérêt se porte pour la technique de la linogravure en série limitée, manuelle et délicate, lui permettant de réaliser des tirages uniques. Elle s'inspire notamment de récits antiques pour créer ses estampes. Son mémoire décrivant les origines de la gravure souligne et incorpore la notion d'accident en se demandant l'impact qu'il peut avoir sur la gravure lorsqu'il est délibéré.
Le projet de Salomé Grihault Des Fontaines naît, quant à lui, d'un intérêt profond pour les montres et leur histoire. Partie du constat que les smartwatches sont de plus en plus performantes, elle admet que ces outils permettent au quotidien d'engendrer plus d'informations. Afin de rendre tangible cette vitesse effrénée, la créatrice imagine des montres technologiquement avancées dans le cadre d'un court-métrage. Ainsi, elle nous propose d'entendre trois intelligences artificielles (IA) d'une même montre et d'une même personne, soit trois manières d'appréhender un moment identique de la journée. Une façon de révéler la place importante que prennent les objets connectés dans notre manière de vivre.
Puis nous nous intéressons au projet de fin d'études de Louise Laborde-Castex, qui s'est questionnée sur l'impact des changements de flux ainsi que l'apparition d'un nouveau rythme dans notre quotidien, à travers le design d'espace, la sociologie et la philosophie. Pour cela, Louise a pris La Gare du Nord comme cas d'étude. Elle propose d'introduire l'art dans cet espace sous plusieurs formes : le culturel, l'agréable, le contemplatif, le divertissant, la lenteur. Sous forme de vidéos, la designeuse nous invite à observer une manifestation de formes et de couleurs graphiques, animées, permettant de se laisser envoûter et de lâcher prise.

Vient ensuite le projet de Coralie Lhabitant, à la recherche d'une coopération entre ingénieurs et designers. Elle aborde le thème du spatial en créant un guide mettant en valeur les compétences du designer et de l'ingénieur dans leur complémentarité. À titre d'exemple, la créatrice propose un dispositif lumineux qui prendrait place dans la Station Spatiale Internationale. Ce dispositif permettrait de réguler soi-même la lumière, l'intensité de sa cabine au quotidien et serait capable de détecter une anomalie dans la production de mélatonine afin de prévenir les premiers symptômes de dérèglement du sommeil. En somme, Coralie cherche à briser les stéréotypes que l'on peut avoir sur le design.

Dans un tout autre registre, le projet de Camille Mançon s'inscrit dans une recherche de matériaux. Son objectif étant de reproduire la technique Spami, découverte lors d'un voyage en Laponie Suédoise, qui consiste à récupérer le surplus de notre environnement pour créer de nouvelles choses. La créatrice s'est alors attelée à récupérer du carton usagé, d'anciens moules de faïencerie ainsi que quelques ingrédients supplémentaires pour transformer le carton en pâte. L'ensemble de ces éléments lui a permis de produire une série d'assiettes qui demeure le symbole d'une union entre un principe Spami et un ancrage Giennois.

Enfin, Hanne Reibre, spécialisée dans le design d'espace et le textile, mène une recherche sur le lien entre les femmes, les figures féminines du design ainsi que l'industrie textile à travers des illustrations et des teintures végétales. Elle défend un retour critique sur la discipline du design, principalement pour son impact sur le monde. Son projet prend la forme d'un manifeste visant à provoquer le dialogue, l'échange et plus particulièrement la constitution d'un réseau de critiques prêt à s'attaquer à une définition du design.


Figure 2. Vues des projets exposés par les étudiantes diplômées du Master 2 recherche « Design, Arts et Médias »

1.3 Comment et pourquoi Pro_création ?

Il semble intéressant de souligner le fait que les six projets sélectionnés ont tous été conçus par des femmes. Ce choix s'est fait en raison de la majorité de femmes présentes dans la section « Design, Arts et Médias », pour la promotion 2020-2021, mais également grâce à la disponibilité de chacune : à l'appel lancé à l'ensemble de la promotion des dix-huit diplômés, ce sont ces étudiantes-là qui ont répondu de façon enthousiaste et engagée. Finalement, cette exposition peut se considérer comme l'aboutissement d'une année de recherche. Au-delà d'une simple présentation orale sous forme de soutenance, les étudiantes en design voient leurs travaux présentés de manière physique et publique. Leurs projets se suffisent à eux -mêmes dans leur dimension didactique. Il peut sembler évident d'associer le titre de l'exposition, Pro_création, à la maternité en ce sens que l'exposition présente les projets de designeuses ; cependant, ce raccourci ne devrait pas être l'unique raisonnement du choix de ce mot. En effet, la procréation, entendue dans sa dimension maternelle, n'est pas l'apanage des femmes. Dans la continuité du travail scénographique, ce nom matérialise avant tout le processus de création d'un projet, des prémices à l'aboutissement théorique et pratique, ce terme est un lien direct avec la procréation et la mise au monde. Cette métaphore souligne l'engagement et le travail considérable fourni pour ces projets. Elle induit également la dimension mutable du projet donné à voir au monde. En effet, sa mise au monde ne marque pas un état d'achèvement immuable du projet, mais plutôt celui d'un être en puissance voué à muter par-delà sa forme au sein des murs de l'exposition, ainsi qu'au-delà des murs de l'exposition. 

2. Médiation hors-les-murs

Outre l'événement même de l'exposition au sein de la galerie, Pro_création poursuit son existence au-delà des murs de l'École des Arts de la Sorbonne. À travers la lecture de cette dimension, nous interrogerons les pratiques de la médiation mises en place par Pro_création.

2.1 Stratégie promotionnelle multimédia

La première raison majeure conduisant une exposition à sortir de ses murs est sa promotion, entendue au sens de mettre en œuvre des actions destinées à étendre la portée de sa voix afin de développer son accessibilité. Ainsi, le travail de commissariat des étudiantes et des étudiants s'est premièrement articulé autour d'un travail de promotion graphique communiquant l'existence de l'évènement. Celui-ci s'est notamment déployé à travers les supports de communication classiques que sont les affiches et les flyers papier. Mais la stratégie d'annonce de Pro_création ne s'est pas limitée aux médiums de communication traditionnels. En effet, les étudiants de Licence 3 ont également pris le parti d'une stratégie de dispositifs hors-les-murs numériques par le biais d'une présence étendue sur les réseaux sociaux2. Si nous observons l'apparence que revêt Pro_création, nous pouvons remarquer que son identité graphique repose sur une image forte, organique et inassignable.

Son état semble capturé au cours d'un processus infini de mutation et fait écho au mouvement perpétuel de la recherche. Plusieurs éléments se croisent et se rencontrent au sein du support visuel, ils font état de la dimension éminemment expérimentale et hybride du projet.


Figure 3. Affiche de l'exposition Pro_création

2.2 Disruption du temps et de l'espace

Mais si le hors-les-murs numérique relève d'une nécessité de maintenir une visibilité auprès du public, d'autant plus dans notre contexte de pandémie induisant un rapport particulier à la mobilité dans l'espace, il constitue également un levier de médiation. En effet, la démarche des étudiants dépasse l'objectif seul de la promotion de l'évènement. C'est ainsi qu'une visite virtuelle 3D de la salle d'exposition a été créée et développée3.


Figure 4. Vue de l'exposition virtuelle Pro_création sur Artsteps

L'exposition physique était elle-même par son existence un acte de résistance dans un contexte d'accès à la connaissance complexifié. Elle a notamment offert aux étudiantes de Master 2 la possibilité de partager leur travail lorsque les mesures sanitaires ne leur ont pas permis de l'exposer dans le cadre de leur diplôme. L'exposition virtuelle vient achever cette démarche en étant un levier d'accessibilité disruptant le temps et l'espace. 

En effet, l'exposition virtuelle permet de transcender la temporalité de l'exposition physique en jouissant de l'expansion spatio-temporelle des médias4. Indépendamment de sa fin, elle poursuit son existence numériquement et s'inscrit dans un temps plus long que la semaine de visite physique. Outre la dimension temporelle, l'exposition virtuelle disrupte l'espace et offre le pouvoir d'ubiquité à Pro_création. Les œuvres sortent du cadre classique de l'exposition pour venir à la rencontre des usagers. Ce dispositif permet donc de pallier la situation particulière de l'accès à la connaissance dans le contexte du Covid, mais il est aussi plus largement un véritable levier de diversification des publics, en touchant toutes les personnes n'ayant pas accès à l'exposition physique.

2.3 Le hors-les-murs comme incarnation de l'immatérialité

La médiation dans l'exposition est une évidence. En définitive, une exposition est déjà à elle-même un dispositif de médiation. Nous avons pu voir que son déploiement numérique offre une toute nouvelle dimension d'accessibilité à l'exposition, mais cette stratégie ouvre bien d'autres voies.

En effet, l'un des enjeux majeurs de Pro_création était, à partir d'artefacts matériels, d'incarner un processus immatériel : celui du chemin de pensée menant au projet de diplôme, mais aussi de transmettre des manifestations vivantes sans les figer. Dès lors, la stratégie hors-les-murs numérique via les réseaux sociaux a permis la mise en place d'un dispositif de médiation hybride, à savoir : proposer des objets tangibles et du contenu numérique incarné. Ainsi, Pro_création offre l'accès au témoignage des acteurs principaux sous forme d'interviews pour compléter le discours construit autour des objets exposés. Ces contenus additionnels renforcent l'accessibilité des visiteurs au travail de recherche des étudiantes et, in fine, multiplient les niveaux de lecture, de perception et d'information. L'exposition propose une fenêtre sur le travail des designeuses exposées et Pro_création a eu à cœur de la rendre aussi riche et incarnée que possible. Cette méthode de transmission du travail des designeuses entre en concordance avec l'identité graphique de Pro_création, que nous avons décrite plus haut, en ce sens qu'elle invite le visiteur à parachever l'œuvre en son sein dans la poursuite du cheminement de recherche au-delà de l'exposition. Sa forme demeure en puissance et ne s'arrête pas à un terme immuable.

2.4 Réception active de la connaissance

Par conséquent, nous ne faisons pas face à un guide qui dirige un public inerte au fil de l'exposition. Cette approche ne comblerait qu'un profil, celui d'un visiteur attentif, mais passif, observateur de la matière première lui étant proposée. Le média social permet de s'adapter et de répondre aux attentes d'un second public plus entreprenant, curieux d'en apprendre davantage et d'expérimenter, et ce en individualisant la relation qu'entretient l'exposition avec le receveur. En effet, la stratégie de médiation hybride permet au public d'interagir avec ce qu'il voit et d'être actif dans sa réception de la connaissance. L'objectif affiché devient celui de transmettre un contenu et de créer du lien en se servant des ressources des médias sociaux qui deviennent un véritable levier de socialisation autorisant la naissance de rencontres et d'échanges. Ainsi, Pro_création a relevé le défi de penser une posture multiple permettant à ses dispositifs de médiation numériques et hybrides, de toucher ses visiteurs les plus divers et de leur offrir la possibilité de glisser vers des conversations hors-les-murs.

3. L'exposition comme laboratoire d'expérimentation

En plus d'être un moyen spatial de communication et au-delà d'une monstration de projets de diplômées, l'exposition Pro_création apparaît également comme un laboratoire d'expérimentation pour les étudiantes et étudiants de Licence 3 qui ont, au fil de la démarche, découvert de nouvelles façons de penser le projet en passant notamment par un apprentissage autour de la réalisation et de la production matérielle.

3.1 Carte blanche pour une réappropriation respectueuse

Afin de créer un tout cohérent, une sélection a dû être effectuée concernant les pièces exposées. Ainsi, la promotion de Licence 3 « Design, Arts, Médias» a dû prendre connaissance de l'ensemble des projets à exposer, des différentes pièces qui les composent, des variations d'outils et de méthodes utilisées par les diplômées. Par une réappropriation respectueuse des travaux fournis, cette première lecture a permis de faire des choix, de déterminer les extraits qui ont été mis en scène dans l'espace. Comme nous l'avons vu, c'est par la création scénographique qu'une cohérence se dégage de ce parcours d'exposition. Afin de fluidifier la visite et de proposer une spatialisation harmonieuse, les étudiants étaient libres dans la sélection des contenus. Ce recul, que nous ne qualifierons pas comme une neutralité, mais plutôt comme une redécouverte, permet de construire une exposition réellement appréhendable par un public qui n'a pas connaissance du travail des diplômées. Si elles avaient la possibilité de formuler des demandes spécifiques quant au traitement de leurs productions, elles ont préféré laisser le champ libre à leurs camarades de Licence. C'est ainsi que Pro_création permet un prolongement des projets de diplômes par la relecture et la liberté d'appropriation. Au-delà d'un simple travail scolaire, les projets continuent de muter, prenant une nouvelle forme en se révélant dans l'espace. Cette exposition était support d'apprentissage grâce à une mobilisation commune et les étudiants ont pu découvrir une nouvelle façon de travailler, en ayant à exposer non pas leur travail personnel comme c'est généralement le cas au cours des études en Design, mais un travail qu'ils ne connaissaient pas et dont ils ont dû saisir les tenants et les aboutissants. 

3.2 La réalité du projet dans la réalisation matérielle

Indépendamment de cette démarche de réappropriation et de prolongement du projet, Pro_création a été un moyen pour les étudiants conduits par Margaux Moussinet de se confronter à la réalité de l'exécution, à la réalisation concrète d'un projet de design. Cette phase d'application des idées écrites ou prévues en théorie n'est pas toujours présente dans les projets scolaires. Ainsi, cela a été formateur et bénéfique pour tout le monde de découvrir les surprises que peut réserver la production matérielle. Par la pratique, il est possible de mieux saisir les enjeux du projet, le temps de fabrication qu'il faut prendre en compte, les matériaux adéquats selon l'usage qui va en être fait, les méthodes à mettre en place afin d'arriver à un résultat satisfaisant. L'exposition étant montée entièrement par la promotion d'étudiants de L3 « Design, Arts, Médias», cela a été l'occasion pour eux de se frotter à la complexité de l'installation spatiale. Pro_création cristallise ainsi les caractéristiques sous-jacentes à la question de la mobilité du projet de design. Au-delà d'une projection théorique, il s'agit de faire. Et c'est parfois seulement en faisant qu'il est possible de s'apercevoir que ce qui a été écrit ou prévu n'est pas réalisable. Vient alors le moment de s'adapter. Le projet est mouvant et ne s'arrête pas à la note d'intention ou à la modélisation. Il se prolonge jusqu'à la réception par le visiteur, et même au-delà comme nous l'avons expliqué précédemment. Le projet continue de vivre dans la réalisation, et en cela l'exposition a été un biais d'expérimentations.


Figure 5. Les étudiantes et étudiants de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » installant l'exposition

3.3 L'observation par l'expérience de la réception

Si des changements ont dû être pensés lors de la phase de production et de montage, certains éléments de la scénographie présentée auraient également gagné à être modifiés d'après Margaux Moussinet, doctorante et enseignante à l'origine du projet Pro_création. Bien qu'extrêmement satisfaite (à raison) de l'exposition finale, elle souligne par exemple le fait que les kakémonos présentés en début de parcours ne sont pas beaucoup lus par les visiteurs. Un principe de citations ou de portraits pourrait d'après elle pallier cela. Cette réflexion confirme l'idée que le projet continue de vivre au-delà de ce qui était prévu lors de l'écriture. Par l'observation de la réception par le public, des éléments sont notifiés, des modifications peuvent être pensées et possiblement opérées lors d'un remontage. Les interviews des diplômées visibles sur les réseaux sociaux permettent en partie de compléter ce qui apparaît dans l'espace physique de l'exposition. Un quatrième îlot matérialisant une partie « postpartum » pourrait illustrer l'après diplôme, ce que les diplômées font aujourd'hui, comment elles ont prolongé ou non leur projet, etc. Ces réponses sont donc ajoutées dans l'espace numérique de l'exposition, construisant un pont entre la réalité tangible et physique de l'exposition et sa présence numérique. Si certains aspects de l'exposition seraient donc pensés différemment maintenant que l'expérience a montré les atouts et les limites du projet, ne perdons pas de vue que de nombreux obstacles ont été déjoués par toute l'équipe. Avec un budget minime et de nombreux freins imposés par la situation sanitaire actuelle, l'ensemble des étudiantes et des étudiants intervenant sur le projet a réussi à donner vie à une exposition complète, cohérente, et vivante.

Conclusion

Par sa matérialité au sein de l'école des arts de la Sorbonne, ainsi que par sa présence hors-les-murs, l'exposition Pro_création atteint avec succès plusieurs objectifs. Lieu de rencontre entre six projets hétérogènes, un lien est établi par le processus de création, permettant ainsi aux visiteurs d'appréhender ce que signifie rechercher par, avec et/ou pour le design. Vitrine qualitative, elle met en lumière le travail des diplômées. La médiation qui est faite de cette exposition ainsi que sa forte existence virtuelle prolonge cet objectif, atteignant potentiellement un large public et rendant accessibles connaissances et projets. Les limites du temps et de l'espace sont disruptées, cette transgression offre une dimension pérenne à la démarche des diplômées du master ainsi que celle des étudiants en licence. Véritable laboratoire d'expérimentation, elle a également été sujette à la découverte pédagogique du fait, en premier lieu, d'un véritable mouvement réciproque de co-construction à travers la coalition de toutes les parties prenantes de l'exposition, mais aussi, en second lieu, par l'expérimentation d'une phase de réalisation encore insuffisamment présente dans la conception au sein des écoles et universités qui forment au design. Pour le dire simplement, cette exposition, par ses différents prismes d'existence, informe le public, complète les projets présentés, enseigne aux étudiants. Au-delà d'une monstration de projets, elle a été pensée de façon mouvante, hybride, et déclinée efficacement.

Crédits et légendes

Figure 1. Planches de recherche et de modélisation en trois dimensions du mobilier modulaire et des mobiles © Mélanie Lin, Zoé Chaouche, Margaux Guitton, Marin Duval, Max Roos et Jakub Heyduk. Promotion 2020-2021 de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Figure 2. Vues des projets exposés par les étudiantes diplômées du Master 2 recherche « Design, Arts et Médias » © Margaux Moussinet

Figure 3. Affiche de l’exposition Pro_création © Soraya Baberrih, Meriem Otsmane, Mélina Mansouri, Mickaëla Rivot, Pierre Mortillaro. Promotion 2020-2021 de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Figure 4. Vue de l’exposition virtuelle Pro_création sur Artsteps © Anhelina Ivanova et Nicoleta Roscot. Promotion 2020-2021 de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Figure 5. Les étudiantes et étudiants de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » installant l’exposition © Compte Instagram @sorbonne_design


  1. Cette exposition s'est tenue à l'initiative de Margaux Moussinet, doctorante inscrite à Paris 1 Panthéon-Sorbonne :
    https://www.pantheonsorbonne.fr/page-perso/e1807039553#page-perso-publications, consulté le 7 juin 2021. 

  2. Notamment via la page instagram@sorbonne_design, disponible sur : https://www.instagram.com/sorbonne_design/, consultée le 7 juin 2021. 

  3. Exposition virtuelle Pro-création sur Artsteps. Disponible sur : https://www.artsteps.com/view/603e42325163a176a5794c1a/?currentUser, consultée le 10 avril 2021. 

  4. John Durham Peters, « Mass Media », In : Critical Terms for Media Studies, William J. T. Mitchell et Mark B. N. Hansen, Chicago, The University of Chicago Press, 2010.