Des mondes-ateliers  : les lieux et les milieux de la fabrique du design graphique.
Yann Aucompte

Professeur Agrégé section supérieure de design graphique
DNMADe graphisme, didactique, médiation, édition
Lycée Jean-Pierre-Vernant de Sèvres, France
Doctorant à l'EDESTA, sous la direction de Roberto Barbanti,
Université Paris-VIII, TEAMeD-AIAC (EA 4010), Saint-Denis, France

Résumé
Cet article propose d'examiner les lieux de la pratique en design graphique. Il s'appuie sur des observations de terrain, des entretiens, des observations participantes et la littérature de la discipline. A priori le designer graphique travaille en atelier, en agence ou en studio. Cependant, une fois en observation des pratiques réelles ces oppositions tendent à se pluraliser et révèlent une réalité plus complexe. À l'issue de ce terrain il est possible de distinguer 6 milieux où les acteurs s'instaurent et se reconnaissent entre eux. Ces milieux ne sont pas des milieux du design graphique isolés du reste des activités de notre société. Ils trouvent leurs alliés en entreprise, dans la communication, en politique, dans les administrations territoriales, les institutions culturelles nationales, régionales et municipales. À ce titre les situations de leurs pratiques et leurs discours permettent d'identifier des groupes en tant qu'ils s'instaurent et rendent publiques leurs démarches : néo-auteurs, éditeurs-curateurs, chercheurs, hackers, pragmatiques et designers sociaux. Aussi, à l'étude, la conclusion la plus probante est que le design graphique ne se produit pas exclusivement dans un atelier, selon des modalités communes qui feraient triompher une approche méthodologique univoque. Les graphistes se déplacent physiquement et institutionnellement en faisant glisser des discours et des pratiques d'un domaine à l'autre pour créer des liens. Leurs productions se plient aux rapports de faiblesses (au sens de Bruno Latour) et aux flux (au sens de Guattari) en présence : économies, hiérarchies, légitimités, représentations, fictions, structures techniques, discours, lois, signes dominants, etc.

Summary
Many world-workshops : places and environments for the craft in french graphic design
This article aim to describe the places of the work in graphic design. It draws on field observations, interviews, participant observations and the texts of the discipline. In first sight the graphic designer works in a workshop, in an agency or in a studio. However, once real practices are observed, these binary oppositions tend to pluralize. At the end of this research field, it is possible to distinguish 6 environments where the actors establish themselves and recognize each other. These circles are not graphic design environment isolated from other activities of our society. They find their allies in business, communication, politics, local administrations, national, regional and municipal cultural institutions. As such, the situations of their practices and their discourses make it possible to identify groups as they make groups and make their approaches public: neo-authors, editors-curators, researchers, hackers, pragmatists and designers with social interests. Also, on study, the most convincing conclusion is that graphic design does not occur exclusively in a workshop, according to common methods that would use unequivocal methodological approach. Graphic designers move physically and institutionally, dragging statements and practices from one domain to another to create connections. Their productions bend to the balance of weaknesses (within the meaning of Bruno Latour) and to the flux (Guattari) in presence: economies, hierarchies, legitimacies, representations, fictions, technical structures, discourse, laws, mainstream signs, etc.

Introduction

Si nous sommes habitués à parler des produits du design graphique ou de ses méthodologies, les questions du lieu de travail et des pratiques qui s'y attachent sont souvent moins étudiées. L'atelier est un espace physique réel, mais aussi une certaine représentation d'un champ d'action et des possibles. Aussi lorsque l'on parle d'atelier de design graphique, il est tout à la fois question de techniques, de commandes, de lieux mais aussi d'une certaine façon de penser son influence sur le monde en tant que designer graphique. Ainsi pourrions-nous parler d'ateliers-mondes tant ils constituent en situation des univers variés et propres ; mais aussi des lieux en relations à des mondes différents de celui du graphisme. Le designer graphique travaille dans des environnements variables selon ses projets et ses commanditaires.

Le modèle de l'autorat, qui lie le graphiste à un atelier personnel de création, nous semble aujourd'hui difficilement généralisable à l'ensemble des activités de designer graphique. En effet, en France, ces dernières décennies ont favorisé cette représentation de la pratique du design graphique, devenue quasi exclusive. Il semble aller de soi, dorénavant, de considérer que le designer graphique a pour particularité de manipuler des formes. Il est un expert en compositions plastico-graphiques singulières et inédites. Son activité est celle de la stylisation des institutions culturelles (théâtre, centre d'arts, danse, etc.), lorsqu'il n'est pas lui-même financé pour développer son travail en autonomie lors de résidences. Ses procédures de travail sont situées dans l'espace de l'atelier (et non l'agence ou le studio), où il développe « un univers personnel ». Aussi l'appellation n'est pas innocente, le designer graphique a tendance à se revendiquer de l'atelier en opposition aux studios de communication et aux agences de publicité. Le terme est connoté : il renvoie à une dimension artisanale1 et permet de se distinguer de ces deux autres concurrents plus industriels, anonymes et attachés à la mythologie capitaliste. À ce titre et par définition : le designer graphique évolue dans un environnement où ses intentions s'expriment pleinement sans frein.

Bien qu'hégémonique, forte et valant comme vérité institutionnelle des pratiques2, cette définition ne résume pas toutes les pratiques réelles. En un sens, elle apure la grande quantité de définitions3 que les institutions proposaient au tournant des années 2000, avec la crise apportée par le numérique (outils PAO et micro-informatique). Mais elle correspond également à la réforme de la commande publique, à l'organisation de la formation au métier de graphiste et aux transformations des structures de promotion de la discipline. En résumant la pratique de graphisme à son moment formaliste, elle réduit son observation à des êtres matériels (à chaque fois le produit du graphisme se trouve être des formes), tout en adoptant un modèle essentialisant, qui tend à représenter les phénomènes sociologiques comme émanant d'individus rationnels, mobilisant des intentions (un signe est le produit d'une personne qui le crée). Quels autres modèles de représentation de la pratique s'offrent à nous ? Que nous apprennent-ils sur la réalité des pratiques et de l'atelier ? Il existe selon nous d'autres modèles d'interprétation de la pratique et de ses lieux, qui entendent que les designers ont des pratiques hétéronomes, faites de décisions contextuelles situées, influencées par des relations aux commanditaires spécifiques, liées aux contextes d'intervention.

Nous proposons de déployer une analyse de diverses situations de pratiques du design graphique. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les discours des designers qui produisent des énoncés (écrits, entretiens, commentaires, critiques). Nous dégagerons six tendances éthiques4 qui nous semblent dissociables et représentatives de la variété des pratiques du design graphique en France, sur la période allant de 2000 à 2016. Nous désignerons ces tendances par ces termes : néo-auteurs, pragmatiques, forkers (numérique), social-situés, chercheurs et éditeurs-curateurs. Pour saisir les modalités d'atelier de chacune de ces tendances, nous les décrirons sur un mode comparatif en confrontant les diverses représentations du monde qui construisent leurs modèles d'action :
— le socius, ou le lieu de la pratique, nous intéressera ici au premier chef ;
— la sémiologie, ou ce que sont les signes ;
— l'ontologie, comment se comporte la matière et sa formalisation — notamment dans les procédures techniques ;
— l'anthropologie, la nature des relations humaines ;
— l'idéologie, ou le corpus d'idées auquel ils se référent ;
— l'épistémologie, ou la façon dont les signes sont perçus.

Notre analyse s'appuie sur trois terrains d'observations situées et participantes, accompagnées d'entretiens : le projet d'identité visuelle de la résidence d'entreprise Les Chaudronneries conduit par Christophe Sivadier, le projet de logiciel Iconotexte du collectif G-U-I et le projet de résidence de Fabrication-Maison lors de l'exposition Mai 68 — Assemblée Générale au Centre Pompidou. Le compte-rendu qui suit a pour objet de mettre en lumière la façon dont les praticiens s'ajustent à leur environnement et à ses contraintes en prenant des décisions qui sont de l'ordre de la traduction. Pour cela nous nous appuierons sur les descriptions proposées par les acteurs mais aussi sur les pratiques afin de faire porter la collecte des données sur les intentions, mais aussi sur les conditions de possibilité et les attitudes reproduites inconsciemment5 , Bruno Latour l'exprime ainsi : « Je ne connais pas l'état des forces ; je ne sais pas qui je suis, ni ce que je veux, mais d'autres le savent pour moi disent-ils, qui me définissent, m'associent, me font parler m'interprètent et m'enrôlent. Que je sois orage, rat, rocher, lac, lion, enfant, ouvrier, gènes, esclaves, inconscient ou virus... on me le souffle, on me le suggère, on me l'impose en interprétant à ma place mes états et mes aléas.6 ». Les acteurs ne formulent pas forcément des projets rationnels, formulés et aux conséquences efficientes sur le réel. Les graphistes eux aussi sont portés par des discours, des idées et des organisations qui les « dépassent » et les poussent à agir dans un sens ou un autre.

1. Les néo-auteurs : l'atelier comme lieu d'interprétations singulières partagées

À partir d'une analyse de leur modèle d'action, les pratiques d'auteurs peuvent constituer notre premier objet d'analyse. Il convient tout d'abord de les renommer pratiques néo-auteurs, car elles actualisent la notion d' « auteur », qui date des années 1980. Les néo-auteurs sont souvent définis selon les modalités de l'auctorialité, décrite en introduction de cet article. Or, à l'étude de la littérature, notamment des entretiens donnés par les graphistes (M/M(Paris), Antoine+Manuel, Helmo par exemple) adoptant cette approche dans les années 2000, il apparaît que les praticiens refusent eux aussi cette description de la pratique. Bien qu'ils présentent leur travail comme utilisant des formes graphiques, et qu'ils se représentent comme travaillant dans les mondes de l'art, du luxe, de la mode et de la culture — les points communs s'arrêtent ici. Ainsi, les formes qu'ils produisent ne sont pas des créations mais des emprunts qu'ils font à la culture populaire : les signes « on ne les crée pas. Ils sont là. Il suffit juste de les trouver ou de les laisser là où ils sont7.». Les néo-auteurs ne sont plus les auteurs exclusifs de leurs productions, ils co-conçoivent leurs créations graphiques avec leurs commanditaires, qui sont aussi, bien souvent des artistes. La compositrice-interprète Björk définit ainsi ses collaborations : « Quand je travaille avec M/M et Inez et Vinoodh, nous sommes tous à égalité et nous mettons nos idées dans le pot commun. Pas de place pour l'ego. La meilleure idée gagne8.» Mais les graphistes néo-auteurs ne se revendiquent pas du statut d'artiste pour autant, car ils ne souscrivent pas au fonctionnement du monde de l'art9. Dans les interviews, les graphistes décrivent les artistes comme ayant des «idées excellentes10» mais restant « au niveau d'un modèle11», ce qui les empêche de réellement changer la vie quotidienne12. Les artistes restent dans leur « Tour d'ivoire13 » d'un monde de l'art qui est «enfermé dans un système» et nécessite « un effort gigantesque de réactivation en dehors du contexte institutionnel14». Pour les graphistes, diffuser leur production leur permet de mettre dans des réseaux de la culture de l'élite tels que la mode, l'art ou la culture, des éléments de culture populaire. Cependant il ne s'agit pas d'émettre un message mais de donner à interpréter des images complexes15. Loin des impératifs communicationnels de la publicité16, leur épistémologie est différentialiste (au sens de Jacques Derrida), inspiré du courant déconstructiviste des années 1990, dont ils tirent leur idéologie : l'image doit mettre le « lecteur au travail17. » À ce titre la production d'image ne cesse jamais vraiment puisque les signes sortis de l'atelier sont discutés avec le commanditaire et librement interprétés par les spectateurs. Ils poursuivent un modèle anthropologique dans lequel tous les individus doivent pouvoir exprimer leur singularité dans un monde capitaliste, qu'ils jugent normatif. Leur activité est majoritairement décrite comme une pratique singulière. Celle-ci stimule en retour des interprétations singulières de la part des publics. Leur atelier est dans la collecte d'imagerie vernaculaire, l'échange avec leurs collaborateurs et le monde de l'art et de la culture.

Pour approfondir notre démonstration, la première étape consiste à observer trois pratiques, dont les rapports de production démentent, chacune à leur manière, le postulat de l'auctorialité comme essence de la pratique de design graphique.

2. Les pragmatiques : l'atelier comme métier

Le premier exemple est un projet d'identité visuelle pour une résidence d'entreprises d'économie sociale et solidaire située à Montreuil (93). Il relève d'un courant de pratique que l'on peut qualifier de pragmatique18. En 2016, Les Chaudronneries commande à Christophe Sivadier un logotype et une identité visuelle19 pour une résidence installée dans les locaux d'un ancien entrepôt industriel. La commande se fait par la demande d'un devis. Il résume la description des attendus du commanditaire lors d'une réunion de brief avec le chargé de mission qui dirige la résidence.

Le graphiste travaille et vit à Vannes. Il occupe diverses parties de son logement pour travailler, mais il a un espace dédié qui fait office de bureau. Sa méthode de travail consiste à porter ses idées sur un carnet de notes en passant par le dessin. Il teste des hypothèses sur des logiciels de PAO et imprime souvent des essais, qu'il colle parfois dans son carnet. Il utilise une imprimante de bureau, de technologie laser noir. Lors de la phase de réalisation il imprime des épreuves de dessin de caractères typographiques, mais aussi des essais de mise en page. Parfois il prototype des supports avec les outils de l'association Makerspace5620 gérante d'un Fab Lab. Il associe cette pratique au fait que l'écran d'ordinateur ne permet pas de projeter le résultat réel de sa composition.

Son travail préalable consiste à imaginer des hypothèses visuelles qu'il va pouvoir classer en 4 axes distincts. En même temps qu'il produit des formes, il construit des arguments qui permettent d'en justifier l'usage. Ainsi, il est parfois amené à chasser une idée visuelle lorsqu'il ne trouve pas d'énoncés qui font état de la traduction qu'il opère. Ces traductions, ou adéquations21, appuient les choix visuels du graphiste en organisant une conversion d'un concept, une idée, une notion, ou une pratique vers un signe (typographies, couleurs, images, traitements plastiques, mises en page). Lors des entretiens formels et informels, il reconnaît s'inspirer de productions historiques et contemporaines pour en déplacer certaines figures, formes et idées qu'il adapte à la commande. L'atelier est aussi un lieu de veille et de connaissance historique du métier. Le graphiste énonce une compatibilité entre des signes et des discours : les signes n'ont pas un sens naturel. La plupart du temps, dans ses commandes, ses propositions font office de premiers jets et permettent de lancer la discussion avec le client. Ce dernier conserve parfois une proposition en l'état.

Dans le cadre du projet des Chaudronneries, pour présenter son travail le graphiste est confronté à une commission de 7 personnes, tous acteurs du projet. Ils sont réunis pour l'occasion par le responsable de la résidence. Le graphiste présente sa démarche de travail via un diaporama. Le graphiste commence par énoncer les enjeux de la commande et soumet ensuite des propositions graphiques. En introduction il fait remarquer la difficulté qu'il y a à concilier trop de messages dans une identité visuelle. Ainsi, dans sa démonstration il opère en proposant des axes visuels qui se concentrent à chaque fois sur une définition spécifique, que le commanditaire lui a demandé de convoyer. Chaque proposition est décrite comme un travail de démarche en train de se construire. Sur les diaporamas dédiés à chacun des axes, le graphiste a présenté différents signes et compositions qui se déclinent selon des modalités propres à des supports de communication. Ils servent à illustrer l'orientation proposée par l'axe mais ne sont en aucun cas des propositions finalisées. Christophe Sivadier présente des documents fictifs qui illustrent l'usage des propositions de logotypes et de vocabulaires graphiques qui donnent une signature esthétique au commanditaire. Il fait circuler ses carnets de recherches pour montrer l'évolution de la réflexion. Il présente des traductions (adéquations) qui font passer les principes d'action et de pensée du commanditaire dans des signes. Par exemple, une typographie rappelant les machines à écrire est choisie pour traduire la dimension patrimoniale du lieu : la machine à écrire renvoie à une invention du champ de l'écriture22 qui correspond à la période de création des locaux. Le lien est historique et valide la pertinence du choix. Dans les mises en page que le graphiste propose, les lettres sont composées en exploitant la modularité permise par le fait que les caractères de machines à écrire sont d'une largeur fixe23. Aux yeux du commanditaire, la modularité des mises en forme renvoie à la modularité des locaux de la résidence et à la philosophie du « laisser-faire » prônée par la résidence. Les locaux sont adaptables aux besoins des résidents, de même qu'aucun projet a priori n'est attendu d'eux. Ils apportent leurs préoccupations, en venant contribuer aux recherches du lieu sur l'implication locale des entreprises dans les questions socio-environnementales du quartier et de la ville.

À l'issue de la présentation chacun des présents prend la parole pour décrire les aspects qui les alertent. Ils sont pris en note par le graphiste. Si tous saluent le travail effectué, pourtant aucun choix clair n'est opéré sur les solutions proposées. Le directeur de l'établissement reformule les ambitions du lieu en pointant des signes tirés des différentes options exposées par le graphiste. Le graphiste repart avec des critiques et un nouveau message à véhiculer. Plutôt que choisir un caractère typographique évoquant la machine à écrire, il dessine un caractère spécifique au lieu. Il est basé sur les dessins de lettrage de plaques signalétiques urbaines réalisées par des « techniciens ou des ingénieurs. » Les lettres sont à la fois simples et volontairement maladroites dans leur dessin : les caractères n'ont pas d'empattements, aucune correction optique, ils présentent un aspect technique et utilitariste. Ces formes de lettres sont très répandues dans les communications de l'économie sociale et solidaire à ce moment. Il propose des signes d'appartenances sociales, identifiables par le public visé. Dans son discours le graphiste tend à sous-entendre que le sens des signes touche la sensibilité avant d'être intelligible. Pour finaliser le projet, le graphiste ne livre aucun document finalisé. Il établit une charte graphique entièrement basée sur une typographie de sa conception et une gamme de pictogrammes, programmés dans une typographie affichant des signes en lieu et place des lettres (dingbats). Il n'y a donc pas de signe figé qui fonctionne comme un logotype, mais des critères formels restrictifs qui donnent une signature visuelle aux documents réalisés. Pour cette raison le commanditaire prend la charge de la mise en œuvre de la conception24.

Christophe Sivadier procède selon cette méthode dans la plupart des situations de commande. Il décrit cette méthodologie comme « scolaire25 », héritée de sa formation en BTS communication visuelle, de sa formation en DSAA Typographie et de son passage à l'atelier Marge design. Atelier où il a travaillé au début de sa carrière. En effet, ses travaux trouvent un écho dans les méthodes utilisées par des graphistes comme Clément Charbonnier, Mathieu Chévara et Yoann De Roeck. Ces praticiens mettent la compréhension des besoins des commanditaires au-dessus de leurs styles. Le vocabulaire graphique employé ne prétend pas « prendre la parole26 », aussi Yoann De Roeck l'exprime dans son travail : « Je trouve la question du style hors de propos. J'essaie de ne jamais faire intervenir d'ingrédient graphique extérieur au sujet traité et j'obtiens réellement satisfaction quand je suis parvenu à ne rien inventer.27». La méthode consiste ici donc à déployer l'atelier non seulement dans les phases de production de signes mais aussi dans une fabrique de la parole qui permet d'établir un langage commun. Aussi l'atelier n'est pas que dans le bureau du designer mais aussi dans tous les moments d'échange avec le commanditaire et les techniciens.

Les graphistes pragmatiques se représentent leur environnement de travail (socius) comme étant le monde des entreprises. Ils ne prétendent pas pour autant travailler uniquement dans le commerce : pour eux le monde de la culture présente les mêmes enjeux de communication que le monde de l'entreprise. Les signes ne sont pas créés mais empruntés au milieu du commanditaire, comme expliqué plus haut. Seules comptent la pertinence des adéquations et leur clarté auprès des publics. En ce sens, ils manifestent une forme de prudence professionnelle : il ne faut pas que le travail des formes passe au-dessus du service communicationnel qu'il rend. Ces graphistes se distinguent pourtant clairement des publicitaires et des agences de communication, car ils délivrent un service de mise en forme (ontologie/sémiologie) qui est plutôt associé à la fonction de la mise en page dans le commerce de l'édition. Les livres sont des produits culturels et en ce sens ils nécessitent d'être mis en forme pour favoriser la transmission des idées — une anthropologie que l'on pourrait qualifier d'humaniste28. À ce titre si l'affiche est le modèle idéal-typique de la production des néo-auteurs, les pragmatiques se reconnaissent davantage dans le modèle du livre. Ainsi toute forme de contenu qui est mis en page est une transmission d'idées et de connaissances : « Le design graphique, discipline dans laquelle la forme est réellement dépendante du contenu, est un moyen idéal pour en apprendre davantage sur le monde [...] Je conçois mieux quand je m'intéresse au sujet. En conséquence, j'ai appris à m'intéresser à autant de choses que possible29 .» Leurs références idéologiques puisent quasi exclusivement dans l'histoire du métier (typographie et imprimerie), à ce titre ils décrivent leurs activités comme une profession. L'atelier est donc connecté au monde du commerce et des entreprises autant qu'à la culture qui sont tous perçus comme des activités qui participent à la diffusion des idées. L'atelier, c'est-à-dire le métier, est aussi dans la veille contemporaine et la connaissance historique des activités qui lui sont liées.

3. Les pratiques numériques, la recherche, la position d'éditeur-curateur : l'atelier comme relations documentées

Le second projet est un projet de logiciel, conçu par le collectif G-U-I nommé Iconotexte. Le collectif G-U-I est un collectif de graphistes sous statut d'artistes-auteurs. Il est à la croisée de trois pratiques car il présente assez bien comment un acteur mute et se déplace dans des milieux différents. Le logiciel Iconotexte30 permet de produire des objets éditoriaux à partir d'une interface simple. Ce projet est conduit dans le cadre d'un partenariat avec le CNEAI, un centre d'art alors situé à Chatou. Le logiciel a reçu le soutien de la Fondation Carasso, dans le cadre de l'appel à projet « Outils innovants pour une mobilité de l'éducation artistique ». Le CNEAI ambitionne de diffuser l'outil au plus grand nombre31. Les graphistes développent leur outil numérique dans le cadre d'ateliers avec des collégiens et lycéens, en intégrant le logiciel à des séquences pédagogiques ou des dispositifs médiatisés. Il est testé avec la classe d'un lycée (Alain au Vésinet), dans une Maison de Quartier (Les Alouettes à Fontenay-sous-Bois) et dans une classe BTS design graphique (lycée Jean-Pierre-Vernant à Sèvres) en 2016. La séance au Lycée Vernant est encadrée par Nicolas Couturier et Angeline Ostinelli. Les étudiants sont invités à produire, en une journée, une édition collective en utilisant l'outil Iconotexte32. Les échanges avec les étudiants ne s'axent que très peu sur l'outil tant son usage est spontané. Le dispositif entend promouvoir une « bricologie numérique ». En revanche les graphistes donnent un cadre protocolaire contraignant au projet, qui est plus de l'ordre de la performance artistique : « l'objectif est de co-construire une édition33. » À la fin de la journée, les groupes d'étudiants impriment des objets éditoriaux. L'outil est utilisé et testé par les futurs utilisateurs34, puis ajusté au fur et à mesure des expérimentations. Les graphistes parlent d'un « moment éditorial 35» qui est un moment collectif, tendant à mettre de côté les questions de mise en page. D'un point de vue institutionnel, ils sont engagés dans ce travail de conception comme des designers d'interface, des designers de process, des artistes, éditeurs, littérateurs, mais aussi comme des développeurs et à certains niveaux du projet comme des experts de l'image à même d'organiser une séquence pédagogique autour de la production éditoriale. Le projet apparaît comme un mille-feuille de compétences et d'activités dans lequel les graphistes « changent de casquette à chaque interlocuteur institutionnel36. »

Benoît Verjat est en charge de la production graphique de l'interface (User Interface, UI) et de son ergonomie (User eXperience, UX). Il maquette l'interface sur un logiciel de design d'UI et sélectionne les technologies de développement nécessaires au projet. Il pense aux usages de son public (collégiens et lycées) et opte pour une forme proche des logiciels de messagerie instantanée37 (SMS ou Chat). Le graphiste déclare ne pas mettre « beaucoup d'énergie dans la forme ». Nicolas Couturier comme Benoît Verjat affirme s'intéresser en priorité aux moments d'échange et à la documentation des expériences collectives. Benoît Verjat cherche une esthétique du « par défaut » qui s'éloigne suffisamment d'une esthétique flat design, trop associée aux start-up. Le logiciel se présente comme une suite de rectangles aux contours noirs fins. Le travail est décrit comme une version bêta permanente du logiciel. En effet le projet est envisagé comme un processus d'aller et retour constant entre les expériences de terrain et l'adaptation de l'outil logiciel. Les graphistes du collectif tendent donc à privilégier les formes d'interactions humaines sur la production des signes graphiques : « La production peut être simple ou pauvre, mais sa documentation sociale doit être riche38.

Ici donc l'atelier n'est pas exclusivement dans les locaux du collectif, mais bien aussi dans les classes, avec les usagers d'où ils tirent un grand nombre de décisions visuelles pour leur production. L'atelier met l'accent sur les relations qui se tissent et se modulent au fil du projet, ou au travers du faire ensemble. Ce projet rejoint le travail réalisé par d'autres graphistes et designers comme L'Atelier des Chercheurs, le collectif PrePostPrint ou encore OSP. Ce courant du design graphique s'intéresse au premier chef à l'influence des technologies numériques et du traitement des données sur les designers, parfois sur l'impact produit sur les usagers. La question des logiciels y est posée en des termes très engagés. Les formes ne sont pas le sujet de leurs préoccupations et discours. Ce qui importe au collectif ce sont les moyens par lesquels le travail s'effectue. Aussi la question est bien technique, puisque le sujet du logiciel est ici central. Cependant c'est aussi bien une question d'organisation du travail, qui intègre ici une dimension collective. Le collectif G-U-I est aussi assez proche des graphistes qui se réclament de postures d'éditeurs-curateurs ou de design de recherche39. Dans ces courants la question est bien plutôt d'organiser une documentation pour permettre au public de participer activement à son interprétation, pour la recherche il s'agit de produire des déductions.

Le Collectif G-U-I, comme les graphistes portés au numérique, adopte l'éthique des hackers ou forkers. Ces graphistes situent leur travail dans le monde des makers (fablab, innovation numérique, entreprises disruptives). Ce milieu se définit comme un milieu alternatif, porteur d'innovations et de recherches, mais qui ambitionne de devenir le milieu du travail en général. Leur sémiologie est très liée à l'ontologie des processus qu'ils mettent place. Un bon signe est la conséquence d'un dispositif numérique ouvert et libre. Le signe ici est un produit, quasi secondaire dans leur discours, car il n'a pas vocation à émettre un message mais à documenter le dispositif qui le génère. Le produit est la trace d'un fonctionnement interne à la machine qui doit être visible40 (épistémologie). Parfois il se veut le reflet du matériau numérique. En particulier lorsque les designers s'interrogent sur la place des données et de leurs traductions d'un point de vue sémiologique (Data visualisation) : comme ce peut être le cas dans le travail de David Bihanic par exemple. Les dispositifs numériques (ontologie) comme les signes (sémiologie) doivent être affordants : les procédures internes doivent apparaître dans la forme des produits et dans les instruments en usage (dans une franchise des aspects). Cette idéologie correspond à un réinvestissement des idées modernistes du Bauhaus, telles qu'elles sont synthétisées par Pierre Damien-Huyghe41. Dans cette pensée la question porte sur l'appareil de production et ses potentialités esthétiques. Pour les forkers, il faut donc maîtriser et comprendre les outils que l'on utilise. L'usager devient en même temps un producteur. En ce sens le produit idéal-typique de ce courant est le logiciel. Il s'agit donc de constituer des comités d'échange autour des procédures de conception. Faciliter les pratiques individuelles plutôt que d'imposer des usages42 normatifs pour transformer le rapport au travail. L'atelier est alors ce qui repense les liens en remettant les modalités techniques de la production au cœur de processus collectifs et contributifs.

Comme mentionné plus haut, la pratique du collectif G-U-I tend également à se rapprocher du courant des éditeurs-curateurs. Cette catégorie de designers officie dans le champ de la culture en éditant des livres ou en commissionnant des expositions sur le graphisme et ses milieux connexes. Ils nous renvoient aux pratiques de graphistes comme l'atelier DeValence, Bureau 205, Structure-Bâtons, ou Syndicat. Leur projet est de participer à une définition de la pratique, alternative à celle donnée par les institutions du graphisme. Ils éditent les textes nécessaires à l'élaboration d'une culture critique, ils présentent dans leurs expositions la parole des graphistes, qui doivent s'instituer eux-mêmes. Les signes qu'ils mobilisent sont perçus comme empruntés à d'autres milieux et restitués de façon à présenter une sélection d'objets éditorialisés : un lien thématique doit rassembler les documents présentés, pour donner une lecture ouverte aux spectateurs. Les signes sont manipulés comme des documents, qui sont souvent présentés de façon à garder l'authenticité de leur forme originale (ontologie). Formellement ils adoptent la logique du « "doing nothing" as valid design decision » : trames apparentes sur les images, compositions typographiques brutes rappelant les mises en page amateures sur une machine à écrire, documents présentés dans leur configuration physique réelle (livre ouvert avec pli du petit fond, contours de feuille et ombre portée du document). Cependant la mise en forme ne tend pas à imposer un point de vue ou à exprimer un style graphique personnel. Le public est ainsi partie prenante dans ce nouveau milieu que les éditeurs-curateurs souhaitent créer. En étant confronté à des compositions de documents, le public découvre que la mise en forme graphique influence la perception du sens. Leur idéologie puise de manière significative aux sources des théories de la médiologie, en particulier à celle Régis Debray fondateur de cette discipline. Inspirée par Marshall McLuhan, cette théorie prend pour objet les moyens de communication. Elle en analyse l'influence sur la réception et la diffusion des idées. Dans les pratiques de design graphique, l'adoption de ce modèle intellectuel entend que le public doit pouvoir interpréter à sa manière les signes qui lui sont donnés (épistémologie). La composition « révélant la pluralité des identités lectrices » et un autorat non-autoritaire qui donne une « autorisation » à l'interprétation. Leur travail relève alors du développement d'une discipline et d'un champ spécifique de la culture. L'atelier est donc le lieu d'une pratique de collecte et de production de documents. Il se situe dans les institutions culturelles, où il anime les échanges d'idées en mettant en avant des processus de documentation.

Une autre tendance éthique peut être rapprochée de cette dernière forme. Ces graphistes sont proches d'une démarche d'institutionnalisation de la discipline par la recherche. Des travaux comme ceux de François Chastanet ou de la revue Back Office sont clairement issues du champ universitaire. D'autre part, il y a également des activités de designers, non-répertoriés comme étant des chercheurs, mais qui adoptent des démarches documentaires proches : Syndicat, B42, Tombolo presses, etc. Ils contribuent ainsi à alimenter le milieu de la recherche, sans en adopter toutes les habitudes. Ces derniers collectent des signes dont la mise en forme manifeste une authenticité documentaire (objectivité). Cependant ils relèvent davantage d'une recherche en école d'art que d'une recherche universitaire, car ils approchent la production avec un objectif différent : ils cherchent prioritairement à institutionnaliser la pratique en fondant un champ de recherche équivalent à celui de l'Université. Le document est alors une preuve. Dans ce sens donc, la sémiologie objective de l'authenticité documentaire est une façon de mettre des compétences de graphisme au service de la recherche : pour cela les graphistes mobilisent la pratique de l'enquête. L'objet est donc de mettre le graphisme au service de la connaissance : la collecte documentaire est une thésaurisation de signes en vue de leur mise en relation pour déduction.

Dans ce registre de pratique nous pouvons également mentionner les pratiques relatives à la recherche en typographie. Ce domaine est exemplaire d'une certaine façon de renouveler à la fois la pratique de la recherche et du design graphique. Ces pratiques sont situées dans des milieux précis. Les recherches se font à partir d'un problème d'écriture graphique spécifique : traduire la variété des graphies sur des monnaies historiques pour des historiens (Projet PIM de l'ANRT), transcrire le langage des signes (Projet Typannot de l'ESAD d'Amiens), repenser la typographie des cartes pour l'IGN (Sébastien Biniek), etc. L'enquête devient une modalité centrale. Le graphiste spécialisé en typographie doit chercher de l'information sur les usages et se connecter aux connaissances du milieu pour lequel il travaille. Toutes ces approches émergent dans le contexte des réformes du processus de Bologne, initiées dès 2002. Elles amènent la notion de « recherche scientifique » dans le monde des écoles d'art du ministère de la Culture. Cette transformation institutionnelle a engendré des pratiques mutantes qui tendent à faire évoluer la notion de recherche. Elles transforment l'atelier en un lieu de production de connaissances qui tend à instituer la pratique du design graphique.

4. Les pratiques sociales, situées ou en résidence : un atelier qui travaille les représentations politiques

Le dernier projet exposé ici prend la forme d'un espace dans l'exposition Mai 68 — Assemblée Générale au centre Pompidou, présentée du 28 avril au 20 mai 2018.

Le collectif Fabrication-Maison est une association qui compte quatre graphistes et une administratrice. Ces pratiques peuvent être qualifiées de design social. Ils travaillent pour des collectivités par le biais de subventions au projet, et parfois pour des commandes. Les projets peuvent être des conceptions de supports graphiques comme des ateliers ou des résidences. Ils officient depuis leur local du quartier Danube-Solidarité à Paris. Mais ils sont souvent en déplacements pour organiser des ateliers de co-conception avec des habitants. Aussi la formule proposée au centre Pompidou n'est pas inhabituelle pour le collectif. Leurs ateliers prennent la forme de séances de co-conception et de soutien technique à la production de textes et d'images. Ils travaillent avec des publics éloignés de la culture, issus de quartiers des politiques prioritaires de la ville. Le collectif fournit les moyens d'expression graphique aux participants et édite leurs productions pour ensuite les imprimer de manière professionnelle.

En 2018, Lors de l'exposition au centre Pompidou, le collectif fait venir les acteurs de différents ateliers au centre parisien pour organiser des évènements : ils font pour ainsi dire « spectacle » ou « performance » de la production d'image. L'exposition Mai 68 — Assemblée générale est atypique dans sa proposition muséographique, dans le sens où l'évènement est déjà une sorte de performance continue, proposée par des écoles supérieures du ministère de la Culture. Cependant l'intervention de Fabrication-Maison, fait plus que de produire des formes, le dispositif consiste en effet à donner les moyens d'une représentation démocratique dans l'espace public du musée. Le propre de ces projets est que la présentation des productions n'est pas la finalité unique du processus. À l'invitation de Romain Lacroix, chargé de programmation au centre Pompidou, le collectif tisse des partenariats avec des acteurs locaux d'Ile-de-France dès 2017 : avec le Grand Paris Sud dans le cadre d'un CLEA (Contrat Locaux d'Éducation Artistique et Culturelle), en partenariat avec la médiathèque d'Évry-Courcouronnes, mais aussi avec la Bpi, un collège, des ateliers dans les lycées Garamont (Colombes) et Jean-Pierre-Vernant (Sèvres) avec des BTS design graphique et MANAA, et l'école Cifacom (Paris). Dans l'espace de l'exposition dédié au collectif sont organisées des expositions ponctuelles, des ateliers d'impressions sérigraphiques et des présentations de projets. Les participants au projet sont invités à produire des affiches à partir d'ateliers d'écriture dirigés par Michel Séonnet. Il s'agit de cultiver une écoute de l'autre et de l'inviter à s'exprimer par l'écrit et les signes. Chaque partenaire du projet donne ainsi comme une invitation au collectif qui vient découvrir ses problématiques locales.

Le processus commence par un atelier d'écriture :

Atelier d'écriture de Michel Séonnet avec une association. Image fournie par le collectif Fabrication-Maison.

À partir des textes, les participants dessinent des signes, qu'ils sont ensuite invités à transposer en papiers découpés :

Atelier de production à partir de textes. Image fournie par le collectif Fabrication-Maison.

Ces images sont imprimées avec différents moyens suivants les lieux de production (sérigraphie, linogravure, impression numérique) :

La sérigraphie est une technique assez fréquemment utilisée pour sa simplicité de mise en œuvre et sa mobilité. Image fournie par le collectif Fabrication-Maison.

Bien qu'apparemment très programmées, les séances de travail sont en fait conduites dans une recherche d'expression individuelle, qui apparaît parfois comme relativement déroutante pour les participants :

Les instructions données pendant les ateliers incitent les participants à trouver des modes de représentation distincts de ceux employés par la publicité. Image fournie par le collectif Fabrication-Maison.

La dernière étape consiste en une restitution du projet aux institutions : subventionneurs, partenaires, structures d'accueil. Le collectif est également sollicité pour faire un diagnostic de son intervention, produire de nouveaux indicateurs et construire un modèle d'intervention type, qui peut être répliqué.

Le travail du graphiste ici n'est plus de traduire des énoncés mais de donner les moyens de cette traduction à des non-graphistes. L'atelier est le lieu d'une édition des formes : le collectif sélectionne et met en forme les propositions visuelles des participants. Cette qualité professionnelle apporte un intérêt visuel à des images parfois maladroites. D'autre part les ateliers sont aussi des expériences critiques qui permettent de s'exprimer et de comprendre les messages de communication du quotidien. Le projet est donc à plusieurs niveaux une entreprise de production de lien social, de graphisme, de design de dispositifs, de design administratif et des organisations, de design des politiques culturelles de la ville. En ce sens il est proche des travaux d'autres collectifs comme Agrafmobile, Polysémique, Ne-Rougissez-Pas, Formes-vives, etc. Toutes ces formes pratiques sont parfois réunies sous l'appellation de « social design. »

Le design graphique social, situé ou de résidence se donne pour atelier l'espace public lui-même. Mais dans cette conception de la production des formes, l'espace public est principalement l'espace urbain. Leur sémiologie est structuraliste : les signes existent en un nombre limité qui fait système et véhicule un sens prévisible et articulable. Dans cette perspective le sens émane d'un assemblage de signes. L'objectif des dispositifs de design social est de donner les moyens de produire des signes, qui permettent aux habitants-citoyens de se représenter dans l'espace public. Ils travaillent de cette façon sur les idées reçues, qui doivent « être mises en danger » sur une agora selon trois principes de représentations : représentation de la diversité sociale (anthropologie), représentation des idées pour les questionner (ontologie et sémiologie), représentation du dissensus démocratique (ontologie, épistémologie et sémiologie). À ce titre, les graphistes situés décrivent leurs activités comme un exercice de la citoyenneté dans les espaces politiques de la ville. La commande publique n'est pas le lieu d'une recherche personnelle sur des innovations formelles (cf. néo-auteurs), mais est déjà un espace public dans et par lequel le design social s'inscrit comme une institution nouvelle de la démocratie locale (Agora). L'atelier est donc dans la ville. Il fait de l'espace public le lieu du travail commun des designers et non-designers. Le designer graphique est alors le médiateur et l'intermédiaire technico-esthétique de la parole citoyenne.

5. Une alternative de modèle d'analyse : de l'autorat à l'éthique

À l'issue de ce compte-rendu d'observation, il apparaît que la description formaliste-auctoriale de la pratique ne semble pas convenir à une description réaliste des situations d'atelier. Il apparaît que le lieu du travail du designer graphique soit plus étendu. Nous constatons que différentes observations nous incitent à abandonner le modèle auctorial pour s'assurer de parler la langue des acteurs et actants :

— les graphistes manipulent des énoncés, des attitudes, des valeurs et des pratiques pour les traduire en signes ;

— cette traduction s'opère non pas par création, mais en produisant des liens entre une ressource de signes existants et des énoncés propres à un champ exogène au graphisme ;

— le graphiste travaille sur ou avec des énoncés, des idées et des pratiques venus d'autres milieux qui désorganisent et donc structurent sa pratique et ses productions de formes ;

— le design graphique est essentiellement une organisation qui est dynamique, ou changeante, entre acteurs (humains) et actants (objets, techniques, concepts, non-humains), la pratique est non-a priori.

Nous pouvons maintenant aborder les pratiques avec un modèle qui est susceptible de conférer plus de réalisme aux descriptions. Il faut entendre ici « réaliste » non pas comme une forme de performance accrue d'une énonciation de vérité : « réaliste » signifierait alors « plus vrai ». Mais il faut entendre cette notion au sens de la philosophie réaliste, c'est-à-dire d'une épistémologie qui tend à pluraliser les modes d'existence observés et à ne pas réduire ses objets à des essentialisations matérialistes. Aussi être réaliste, au sens de Claudine Tiercelin ou bien de Bruno Latour, c'est prendre en compte les choses qui existent et sont mesurables dans des grandeurs physiques, mais aussi les concepts, notions, représentations, intentions comme étant agentives et essentielles à la production des phénomènes observés. Il s'agit donc de remplacer le modèle de l'auctorialité par celui de l'éthique. L'éthique n'est pas à entendre uniquement comme un ensemble de décisions personnelles. Les acteurs ne font pas des choix qui sont des préférences personnelles ou de goût, mais s'adaptent à des problèmes de natures très diverses qui concourent à des « décisions d'ordre graphique43 .» Analyser les pratiques en matière d'éthique, consiste à s'intéresser aux décisions que le designer prend dans un rapport de composition avec son environnement. Le designer se représente sa capacité d'action sur le réel et se donne des leviers d'action pour y parvenir. Il est également placé dans des situations qui permettent, contraignent, facilitent et orientent partiellement ses pratiques. Dans ce paradigme alternatif à celui de l'auteur, les graphistes sont confrontés à des environnements complexes. Ils agissent donc de façon écologique, en prenant des décisions tout en étant influencés par des flux ou des forces, qui sont la manifestation des nombreux êtres en présence : commanditaires, classes sociales, lois, concepts, techniques, idées politiques, etc. Il s'agit en fait de voir des rapports de faiblesses plus que des rapports de forces dans les organisations : les acteurs et actants s'associent pour se renforcer, plus ils créent de liens, plus ils existent. L'éthique est donc toujours quelque chose de l'ordre d'un fonds commun et partagé qui relie les acteurs et actants.

Conclusion : L'atelier du designer graphique lieu de liens entre des mondes.

Le design graphique, en tant que groupe de pratique, n'a donc pas de définition unifiée de ses ambitions. Dans cette importante disparité des représentations du lieu du travail se fait jour une différence fondamentale de pratique réelle. Les graphistes ont des champs de réponses à la commande distincts. Dans ces milieux différents, les lieux du travail diffèrent grandement. Au contact d'énoncés et d'activités variés les graphistes s'adaptent à des milieux. Dans les procédures de traduction les graphistes créent des compatibilités entre des êtres de natures très différentes. Ces liens sont construits par un travail de rapprochement entre des milieux qui ont des déterminations (flux), des systèmes de fonctionnements et des représentations qui varient du tout au tout. La pratique du design graphique se transforme dans chacune des activités qu'elle conduit. Dans leurs activités les graphistes rencontrent l'infinie diversité et l'altérité du monde. Aussi le pluriel est ici certainement plus approprié pour traduire leur mobilité : ils s'incorporent à des mondes sans cadre a priori. Ils improvisent en se fixant sur des points d'attention visuelle atypiques pour le commun des acteurs. Cela entraîne les acteurs et actants impliqués dans leur improvisation, faisant la démonstration qu'il est possible de faire autrement ou de travailler des configurations autres. Pour cela, ils tirent leur capacité d'action, non pas d'un for intérieur, mais de relations : « Ici intervient la notion d'écologie de l'action. Dès qu'un individu entreprend une action, quelle qu'elle soit, celle-ci commence à échapper à ses intentions. Cette action entre dans un univers d'interactions et c'est finalement l'environnement qui s'en saisit dans un sens qui peut devenir contraire à l'intention initiale44.» En dernière analyse, il est possible de dire que le graphiste tire sa puissance d'agir et son éthique des milieux qu'il relie.

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— Tiercelin, Claudine, Le Ciment des choses. Petit traité de métaphysique scientifique réaliste, Paris, Éditions d'Ithaque, 2011.

Remerciements :

Jean-Marc Bretegnier, Mathieu Chévara, Nicolas Couturier, Stéphane Darricau, Yoann De Roeck, Matthieu Marchal, Angeline Ostinelli, Benoît Verjat, Christophe Sivadier, les enseignants de spécialité design graphique du lycée Vernant, Juliette Weisbuch pour leurs relectures et leur disponibilité.


  1. La notion a une importance historique dans la discipline du design, Yobé, Valérie, « Du pixel au papier, objets graphiques et savoir-faire "Réflexion sémiotique sur le graphisme et le monde des visibilités" », thèse en Sémiologie, sous la direction de Catherine Saouter, Université de Québec à Montréal, mai 2013. 

  2. D'un point de vue de la sociologie de la traduction un énoncé est « vrai » quand il triomphe et sert de modèle pour les pratiques. « Nul ne peut distinguer les moments où il est fort de ceux où il a raison.», Latour, Bruno, « Irréductions », dans Latour, Bruno, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions, Paris, La Découverte, 2011, p. 278. 

  3. L'exposition Graphisme(s), 200 créateurs, 1997-2001 est présentée de septembre à novembre 2001 à la BnF, un mini-site compile les définitions mises en jeu lors de l'évènement, repéré à : http://expositions.bnf.fr/graphis/definition01/index.htm, consultée le 04/04/21. 

  4. Cette classification prolonge et augmente la proposition que Boekraad a produit en 1992 pour décrire les pratiques du graphisme au regard de la question de l'espace public, Boekraad, Hugues, « Norm and Form: On The Role of Graphic Design in The Public Domain », p. 21 sq., dans Emigre, n°32, 1995. 

  5. Pierre Bourdieu parlerait ici d'hexis, habitus ou de sens pratique, Bourdieu, Pierre, Le Sens Pratique, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980. 

  6. Latour, Bruno, « Irréductions », op. cit., p. 289. 

  7. King, Emily, « Michaël Amzalag », dans M/M(Paris) de M à M, Paris, La Martinière, p. 313. 

  8. King, Emily, témoignage de Björk, dans Ibid., p. 118. 

  9. Au sens d'Howard Becker, dans Becker, Howard, Les Mondes de l'art, Paris, Flammarion, 2010. 

  10. Bovier, Lionel, « Design in the Expanded Field », p. 7 sq., dans « Produits d'entretiens », p. 494 sq., dans Documents sur l'art, n°12, 2000, p. 12 sq. . 

  11. Ibid.  

  12. Ibid.  

  13. Smet, Catherine de, « M/M deux graphistes de caractère », dans Artpress, n° 270, juillet-août 2001, p. 48. 

  14. Bovier, Lionel, « Design in the Expanded Field », op. cit., p. 13. 

  15. Hervy, Étienne, « Une série d'affiches », dans la Revue Faire, Regarder le graphisme, n°14, 2018, p. 2. 

  16. Philizot, Vivien (dir.), Cahiers design, « Helmo, Design graphique, ping-pong et géologie », dans Cahiers design, n°3, 2013, p. 16. 

  17. Expression tirée d'un document pédagogique distribué par Katherine McCoy à ses étudiants. Elle propose les bases d'un graphisme déconstructiviste dans les années 1980-1990, « Notes on deconstructive influences in visual communications and graphic design », non-publié, 1995. 

  18. Pragmatique au sens de Drucker, Johanna, dans « The Critical "Languages" Of Graphic Design », p. 168 sq., dans Looking Closer, vol. 4, ed. Bierut, Michael et al., New-York, NY, Allworth Press, 2002, p. 172. Au sens également largement théorisé par Kinross, Robin, dans Modern Typography, Londres, Hyphen Press, 2010 et dans « Fellow Readers », p. 334 sq. dans Unjustified Texts, Londres, Hyphen Press, 2002, p. 334 sq

  19. Le projet est visible sur le site du designer, jecherchedesproblemes.com, repéré à : https://jecherchedesproblemes.com/projets/jai-cree-3-typos-plutot-qu1-logo-pour-une-pepiniere-en-quete-dautonomie/, consulté le 25/09/21. L'identité visuelle est un ensemble de règles restrictives, de choix formels (couleurs, typographies, iconographies, traitement des images, mise en page) dans la composition des documents et supports de communication. Elle est conçue et fixée dans une charte graphique par le graphiste. Elle entend l'usage de caractères typographiques, de couleurs, de mises en page, de registres d'image spécifiques et exclusifs. Aussi un graphiste peut parfois fournir une charte graphique sans produire ou livrer des documents fonctionnels pour impression à son client. 

  20. Il s'adonne bénévolement à un intense travail militant auprès de cette association. 

  21. Darricau, Stéphane, Le Livre en Lettres, Paris, Pyramyd, 2005, p. 54 sq

  22. Stéphane Darricau parlera ici d'une adéquation « chronologique » ou « associative », Ibid. 

  23. Le vocabulaire professionnel parlera de « mono-chasse » pour qualifier ces caractères typographiques. 

  24. Notons ici qu'il est graphiste de formation. 

  25. Entretiens avec Christophe Sivadier en 2016. 

  26. Expression de Clément Charbonnier lors de sa conférence à l'INHA pour la journée d'étude « Éthique, commande et technique dans le design graphique » organisée pour l'Université Paris 8 et l'équipe TEAMeD-AIAC, en 2016. 

  27. Entretien avec Yoann De Roeck, en juin 2017. 

  28. Au sens du courant apparu à la Renaissance avec l'impression de livre en série. Les pragmatiques se référent régulièrement à ces premiers imprimeurs, libraires, éditeurs, typographes et graphistes. 

  29. Matthieu Chévara citant la traduction faite par Stéphane Darricau de Michael Bierut, dans en Long — En marge / Entravers • À contrepoint, Paris, 2015, p. 3, tirée de Bierut, Michael, How to, New York, NY, Harper Design, 2015, p. 67. 

  30. Le projet est visible sur le site du collectif, g-u-i.net, repéré à : https://g-u-i.net/projects/iconotexte, consultée le 25/09/21. 

  31. Nicolas Couturier parle « d'un cercle vertueux de réappropriation de l'outil ». Pour cette raison le logiciel est sous licence GPL, et open-source disponible sur Github en share-alike, Creative Commons (BYNCSA 4.0). Le CNEAI est en charge de la distribution. Entretien avec Nicolas Couturier membre fondateur du collectif G-U-I, le 03/05/2021 

  32. Notion empruntée à Michael Nerlich, Nicolas Couturier renvoie à la page de présentation des axes de recherche du laboratoire Intru : https://intru.hypotheses.org/les-axes-de-recherches-2/iconotextes, consultée le 07/04/2021. 

  33. Entretien avec Nicolas Couturier membre fondateur du collectif G-U-I, le 03/05/2021. 

  34. Phase de test sans design d'UI, réalisée au lycée Alain le 06-3/05/2016 et à la Maison de Quartier les Alouettes le 21/12/2015, sources : http://iconotexte.com/#projets, consultée le 07/04/2021. 

  35. Entretien avec Nicolas Couturier membre fondateur du collectif G-U-I, le 03/05/2021. 

  36. Entretien avec Nicolas Couturier membre fondateur du collectif G-U-I, le 03/05/2021. 

  37. Dans une première phase le projet n'est pas pensé comme une application autonome mais comme une intelligence artificielle qui renvoie des citations du film La Jetée de Chris Marker (1962) aux usagers. 

  38. Entretien avec Nicolas Couturier membre fondateur du collectif G-U-I, il cite un extrait du règlement du concours étudiant de la Biennale de graphisme de Chaumont 2018, qu'il a co-écrit, le 03/05/2021. 

  39. Entretien avec Benoît Verjat membre du collectif G-U-I, le 03/05/2021. 

  40. Masure, Anthony, « Graphisme en numérique : entre certitudes et incertitudes », dans Graphisme en France, 2014, p. 69 sq. . 

  41. Notamment dans Huyghe, Pierre-Damien, Art et Industrie, Paris, Circé, 1999 et dans Huyghe, Pierre-Damien, À quoi tient le design, Reville, De L'incidence éditeur, 2014. 

  42. Au sens défendu et exposé par Stiegler, Bernard, « Du Design comme sculpture sociale », p. 243 sq., dans Flamand, Brigitte (dir.), Le Design : Essais sur des théories et des pratiques, Paris, Éditions de l'Institut Français de la Mode et Éditions du regard, 2006, p. 249. 

  43. Smet, Catherine de, « La vie mode d’emploi », dans Festival International de l’affiche et du graphisme 2008, Paris, Pyramyd NTCV, 2008, p. 9. 

  44. Morin, Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, Points, 2007, p. 107.