L’entretien s’est déroulé le 4 novembre 2022. François est désormais auto-entrepreneur après avoir travaillé plusieurs années dans le graphisme et le design. Il fait actuellement une pause dans sa carrière pour poursuivre d’autres projets tout à fait différents.
Théa Mirault1 : Pourriez-vous tout d’abord nous dire quelques mots sur la formation en design que vous avez reçue ? Y a-t-il un décalage entre votre formation et le métier de designer tel que vous l’exercez ?
François Gatault : J'ai obtenu un BTS de commerce en 1993. Inutile de préciser que mon parcours a donc bien évolué. J'ai toujours été personnellement très intéressé par le design graphique ; j'ai passé du temps chez moi à essayer d'apprendre par moi-même les logiciels de graphisme de l'époque. J'ai donc plutôt un parcours d’autodidacte. J'ai rapidement été embauché dans une petite agence de graphisme à Paris, qui m'a permis d'acquérir les bases du métier. Ce sont mes collègues de l'époque qui m'ont appris et enseigné l'ensemble de la chaîne graphique, des outils, et des process à respecter.
T. M : Dans quel type de structure (université, école, entreprise…) travaillez-vous actuellement ? Quelle y est votre fonction ? Pouvez-vous nous donner une petite idée de votre journée type ?
F. G : Je travaille au sein de ma propre société unipersonnelle. J'assure l'ensemble des conceptions de mes clients, et je travaille ponctuellement avec des développeurs externes pour mener à bien certains projets. Difficile d'établir une journée type dans la mesure où mes clients me demandent des missions différentes aujourd'hui.
T. M : Dans votre structure de travail, comment se déroule la conception d’un projet, depuis la commande du client jusqu’à sa livraison ?
F. G : Tout l’art est d'arriver dès le départ à cerner correctement les besoins et les envies du client. On peut s’aider, dans ces cas-là, d'images, des illustrations, des piges en tout genre pour essayer de savoir au mieux ce qui plaît esthétiquement et visuellement. C'est une bonne façon aussi de gagner du temps, et d'éviter certaines pistes de travail qui peuvent prendre du temps à développer, mais qui ne seraient de toute façon pas validées par le client.
T. M : Le temps accordé à un projet (toutes catégories et secteurs confondus) a-t-il changé depuis le début de votre carrière ? Comment vivez-vous ces changements (s’il y en a) ?
F. G : Pas spécialement. Le temps accordé à un projet est très souvent connecté au budget que le client est capable de nous offrir pour cette mission. Plus le budget est conséquent, plus nous aurons la possibilité de prendre du temps pour explorer des pistes, des tentatives, des essais… À l'inverse, plus le budget est serré, plus nous essaierons d'aller à l'essentiel avec des solutions consensuelles.
Depuis le début de ma carrière, j'ai eu l'opportunité de travailler avec plein de sociétés différentes… Des grandes, des petites, des sociétés de services, des sociétés dans le divertissement, des sociétés industrielles. Chaque catégorie à ses spécificités, comme des budgets très différents. Très souvent, et les sociétés industrielles (Soft-drink et Alcooliser pour mon expérience) ont des budgets, conception et communication assez importants, et totalement dédiés à la promotion des produits. À l'inverse, les sociétés de production dans le divertissement ont des budgets parfois plus limités (le budget de production inclut les artistes, le spectacle, et aussi la communication…)
T. M : Auriez-vous un exemple de projet « réussi » et un exemple de projet « raté » à vos yeux, en dehors des critères marchands, c’est-à-dire qu’ils aient ou pas entraîné la satisfaction du commanditaire ? Quels sont, selon vous, les critères de réussite ou d’échec d’un projet ?
F. G : Un des projets que j'ai pu mener à terme, et que je trouve réussi fut la conception de l’affiche du spectacle RESISTE pour France Gall. J'ai pu travailler avec l’artiste sur le visuel qu'elle voulait pour son spectacle. Malgré ses nombreuses exigences et ses attentes, nous avons réussi après six mois à travailler un visuel qui nous plaisait à tous.
De l'autre côté, un des projets que j'aurais aimé voir sortir, et qui est resté dans les cartons… J’ai fait la conception de l'application du Wi-Fi dans les TGV. J'ai eu la chance de travailler avec les équipes de la SNCF pendant plus de 8 mois sur ce projet qui enthousiasmait tout le monde. De plus, nous étions arrivés à un résultat esthétique, assez évolué. C'est au comité directoire de la SNCF, que l'un des 12 membres a décidé que ce projet ne devait pas sortir à ce moment-là. Tout a donc été annulé de fait.
T. M : Que faudrait-il changer dans la formation et/ou dans l’exercice du métier pour améliorer les projets du point de vue des concepteurs et des utilisateurs ?
F. G : Tout dépend de la spécificité ou de la discipline de design que la personne apprend ou exerce. J'ai pu observer en 20 ans de carrière la transformation fulgurante entre le Print, et le digital. Je connais encore beaucoup de graphistes qui sont totalement allergiques à l'idée de conception sur le Web, le Print restant encore pour eux le Graal. À côté des réseaux sociaux, il reste encore énormément de choses à imaginer pour ce qu’on peut faire sur le Web. Peut-être que les formations et les écoles pourraientt apprendre les étudiants à se sensibiliser à cet univers digital.
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Théa Mirault est étudiante en Master 2 « Design, Arts, Médias », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023. ↩