L’entretien a été réalisé le 17 novembre 2022, par écrit. Caroline Cornette et Pauline Torcol, designers dans l’agence Ibecome, ont accepté de répondre à nos questions sur le design et ses pratiques.
Juliette Schmittler1 : Bonjour, pourriez-vous tout d’abord nous dire quelques mots sur vous et la formation en design que vous avez reçue ? Y a-t-il un décalage entre votre formation et le métier de designer tel que vous l’exercez ?
Caroline Cornette : La formation en design que j’ai suivie a été assez pluridisciplinaire, surtout en DSAA2. J’ai remarqué qu’il y avait un certain décalage entre ce que l’on apprend en cours et la réalité professionnelle. Par exemple, le processus créatif n’est pas forcément le même, et les délais sont plus rapides en entreprise.
Pauline Torcol : J’ai fait un DUT MMI3, une formation polyvalente où l’on découvre beaucoup de métiers du multimédia, puis je me suis spécialisée en design dans une formation en alternance aux Gobelins. Mes deux formations étaient très professionnalisantes avec des projets avec des réels clients et budgets, donc il n’y avait pas forcément de décalage avec le monde de l’agence : mais il m’a manqué de la technique et de la rapidité d’exécution.
J. S : Dans quel type de structure (université, école, entreprise…) travaillez-vous actuellement ? Quelle y est votre fonction ?
C. C : Je travaille dans une agence de communication4 qui accompagne les porteurs de projets et les petites entreprises. Je suis designer print et web et je suis amenée à coordonner le pôle design.
P. T : Je suis designer graphique dans la même agence que Caroline, nous nous occupons aussi de la gestion de projet et gestion du client pour certaines missions.
J. S : Dans votre structure de travail, comment se déroule la conception d’un projet, depuis la commande du client jusqu’à sa livraison ?
C. C et P. T : Le client fait une demande de contact, on définit des besoins ensemble, on lui édite un devis. Et dès qu’il a signé, on commence le projet. Il y a souvent plusieurs allers et retours entre les différentes étapes du projet. Fréquemment, le client a plusieurs demandes (stratégie de communication, identité visuelle, site internet, réseaux sociaux) donc cela peut être très varié. On peut donc rester longtemps avec un même client.
J. S : Le temps accordé à un projet (toutes catégories et secteurs confondus) a-t-il changé depuis le début de votre carrière ? Comment vivez-vous ces changements (s’il y en a) ?
C. C : Un peu, car dans le monde professionnel et contrairement aux projets de cours, il y a une question de rentabilité et le temps passé sur un projet doit correspondre au budget du client. Je trouve que parfois, c'est compliqué de ne pas bâcler ou de réussir à être créatif. Je trouve que c’est frustrant parfois de devoir toujours penser à la rentabilité.
P. T : Oui, en cours, même si le timing est serré, on peut choisir de passer plus de temps sur certaines étapes que d’autre et s’organiser plus librement : en entreprise, il faut respecter le temps en fonction du budget client.
C’est stressant, car si la créativité n’est pas au rendez-vous, il faut quand même réussir à faire quelque chose dans le temps imparti, qui peut parfois, en plus, ne pas nous satisfaire totalement.
J. S : Auriez-vous un exemple de projet « réussi » et un exemple de projet « raté » à vos yeux, en dehors des critères marchands, c’est-à-dire qu’ils aient (ou pas) entraîné la satisfaction du commanditaire ? Quels sont, selon vous, les critères de réussite ou d’échec d’un projet ?
C. C : Pas vraiment d’exemple, car on accompagne toujours le client jusqu’à la fin quoi qu’il arrive, qu’il montre sa satisfaction ou non. Un projet réussi est pour moi un projet que j’ai aimé faire et qui a été un plaisir à réaliser. Alors forcément, c'est moins agréable quand le client et peu respectueux ou qu’il n'écoute pas nos conseils : mais après, on s’adapte toujours au maximum.
P. T : Comme dans l’agence, nous avons en direct les retours des clients, une mission réussie reste, pour moi, un projet où le client est content du résultat et fier de l’identité visuelle qu’on lui a créée et où il y a eu peu d’itérations au projet pour aboutir à un rendu final.
Un projet qui n’est pas réussi est un projet où nous n’avons pas su comprendre les réels besoins du client et où il y a beaucoup d’itérations et allers-retours pour finaliser le projet. Je pense que cela est parfois dû à notre fonctionnement dans l’agence.
J. S : Que faudrait-il changer dans la formation et/ou dans l’exercice du métier pour améliorer les projets du point de vue des concepteurs et des utilisateurs ?
C. C : Je pense qu’on pourrait nous apprendre à gérer la relation avec les clients, et nos budgets et ce rapport temps-rentabilité que j’ai du mal à intégrer.
P. T : Je pense que réussir à intégrer de manière plus concrète et rentable dans une entreprise des méthodes de recherche UX serait intéressant, car c’est ce qui permet de voir la satisfaction du client plus facilement. Il faudrait donc peut-être enseigner cela en cours.
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Juliette Schmittler est étudiante en Master 2 « Design, Arts, Médias », à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022-2023. ↩
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DSAA : Diplôme supérieur en Arts Appliqués. ↩
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DUT MMI : Diplôme Universitaire de technologie dans les Métiers du Multimédia et de l’Internet. ↩
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Ibecome est une agence de communication basée à Chambéry.
https://ibecome.fr consulté le 17 novembre 2022. ↩