L’interview qui suit a été réalisée le 4 septembre 2020. On connaît en effet le co-fondateur du Vitra Design Museum, à Weil am Rhein (Allemagne), le collectionneur passionné de design, d’art contemporain et de pièces d’artisanat, mais que sait-on de l’itinéraire d’un homme qui a vécu 1000 vies ? En écho au dossier thématique consacré à l’exposition de design – le tout premier de la revue Design, Arts, Médias – il a accepté de répondre à nos questions.
Catherine Chomarat-Ruiz1 : Bonjour Alexander von Vegesack. Vous êtes collectionneur d'objets de design, propriétaire du domaine de Boisbuchet, à Lessac, en Charente et, à ce titre, vous organisez des expositions comme des workshops internationaux depuis les années 90. L’entretien qui nous réunit est en relation avec le dossier de la revue Design, Arts, Médias, sur l’exposition de design. La question sous-jacente à cet entretien concerne la spécificité des expositions de design par différence avec des expositions de peinture, plus généralement d’art, ou avec des expositions d'objets issus de l’artisanat.
Nous allons vite en arriver à votre statut de collectionneur, à ce que vous faites dans le cadre de Boisbuchet, mais j'aimerais commencer par des questions qui ont trait à votre itinéraire. Vous n’en êtes en effet pas à votre coup d’envoi, puisque l’on sait que tout a commencé par des voyages, et très tôt. Vous avez 15 ans, vous allez au Caire, vous fréquentez les marchés aux puces où trouvez des objets que vous ramenez… Quelques années plus tard, on vous retrouve à Hambourg en train de créer un centre culturel alternatif qui présente du théâtre, des concerts, etc. Puis vous partez en Espagne pour organiser des sortes de voyages à cheval et, quelques années plus tard, commence une autre aventure qui est celle de la conception de musées…
Alexandre von Vegesack : D’expositions, plutôt… Le Vitra Museum, c’est bien un musée, mais avant il y a eu des expositions.
C. C-R : Mais par exemple Thonet, à Boppard, c'est un musée que vous avez créé je pense…
A. V. V. : Il existait déjà, en tant que musée d’une petite ville ouverte au tourisme. Michael y était né, et la ville possédait une dizaine de pièces, pas vraiment importantes. Et comme je faisais beaucoup de recherches sur Michael, j'étais fasciné par ce petit ébéniste du village de Boppard-sur-le-Rhin, près de Coblence, que personne ne connaît, et qui a développé un véritable projet d’avenir, 50 ans avant Henry Ford. Il a presque inventé tout ce qui viendrait après, même Ikea. C’était fascinant et pas seulement d’un point de vue commercial, mais aussi d’un point de vue de la technique et de la communication. C’était incroyable de voir comment un petit ouvrier ébéniste a pu développer cela.
C. C-R : On comprend votre intérêt pour ce sujet. Mais vous auriez pu dire, « je vais faire un livre, je vais faire un film », mais développez un musée. Comment devient-on créateur de musée, alors que c'est une profession qui n'existe pas en réalité ?
A. V. V. : Mais si vous êtes concentré, si vous souhaitez vous occuper très sérieusement, avec émotion et volonté, pour apprendre comment ça fonctionnait, ce qu'il a eu dans sa tête, ce Michael, quand il a commencé… À un certain moment de votre travail, vous voulez raconter l'histoire à quelqu'un d'autre, car l’histoire ne concerne pas seulement votre propre expérience, ou être satisfait en se disant « maintenant je sais presque tout ». Non, on veut passer cette expérience à une autre génération, ou à la même génération que soi mais à d'autres gens. Il y avait à l'époque quelqu'un à Vienne, un professeur qui a fait un peu de recherche, mais il avait utilisé un document de Thonet, de la société même qui a célébré je crois leurs 25ème et 50ème anniversaires. Mais ça, c'était l'histoire interprétée par la famille, et c'est intéressant aussi, mais ce n’était pas ça que je cherchais. Je suis allée à Boppard, à Coblence, j’ai regardé dans les journaux du dix-neuvième siècle, et j'ai trouvé quand Michael a cherché des employés, j’ai trouvé des articles, des documents, qui ont prouvé ce qu'il a fait, quand est-ce qu’il est parti de Boppard, parce que Metternich, le duc de Metternich, a demandé après Thonet, ou l’a rencontré dans une petite exposition à Coblence. Il a dit que c'était un homme incroyable, qu’il fallait aller le chercher pour qu’il s’établisse à Vienne car cela pouvait avoir un effet dans son pays. J'ai trouvé tout ces documents, des photos, j'ai visité plusieurs fois la famille pour avoir des photos anciennes et originales… Mais, évidemment, je voulais faire des expositions et, pour les expositions, si vous traitez un sujet comme une personnalité avec des cartes de visite, des photos et les textes, c'est bien. On peut facilement apprendre les détails, mais il faut autre chose. Et je crois que les objets sont très persuasifs, s’ils ont été créés par un artiste, un ingénieur ou un designer. Ils parlent de la façon dont cette personne pense, conçoit les projets. Je n’ai pas pris à ce moment-là que les pièces, les chaises ou d'autres meubles qu’il a fait, mais aussi les outils avec lesquels il a travaillé et qui n’avaient presque pas changé de 1875 jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ils avaient connu très peu de changement car le process, pour courber le bois solide, nécessite beaucoup de vapeur : il faut placer les barres arrondies dans de grands tonneaux de vapeur et, après, les forcer dans un moule et les faire sécher… Mais il y a encore un truc : les assyriens et les égyptiens plaçaient déjà sous l’eau les pans de bois destinés aux bateaux, puis ils les mettaient à côté d’un feu qui provoquait un changement, une courbure. Or ce mouvement du bois peut seulement arriver en raison de l’élasticité des fibres : pour Thonet, il fallait trouver un système pour dépasser cette contrainte naturelle et pouvoir courber du bois. Il n’existait pas encore de solution technique et, pendant deux ou trois années, il y a travaillé comme un fou, fait de nombreux essais : mais il y est arrivé !
Cela veut dire que, pour montrer toute la valeur de son travail, il faut donner à voir ces objets et ces outils, les choix qu’il a opéré sachant qu’il n’y avait pas encore d’ordinateur, que chaque process demandait des outils spéciaux et qu’il a tout fait, tout! C’est une forme de conception et, dans les expositions, pour attirer les visiteurs, il faut avoir recours à toutes les possibilités pour provoquer une réaction émotionnelle, le moment où vous allez voir un processus incroyable, auquel vous n’aviez pas pensé, qui est vraiment curieux… Je veux provoquer cette curiosité par les dessins, les photos, la musique, une personne qui en parle, tout ça. Je crois que c'était très important : dans un musée, en général, on ne peut pas toucher les choses. C'est comme si la reine d’Angleterre vous invite pour un thé : ça devient tellement excitant, on peut les toucher mais il ne faut pas le faire. Mais cette clause n'a pas de sens, la réduction de la distance avec la vraie chose est une attente pour beaucoup de gens et il faut se servir de toutes les possibilités d’attirer l'attention des visiteurs qui, après, vont vraiment garder en mémoire cette expérience. Évidemment, c’est tout ce qu'on fait aussi à Boisbuchet : les visiteurs n’intègrent pas seulement des informations, ils touchent les objets, ils travaillent avec les objets pour apprendre aussi la matérialité, en plus de la technologie et tout ça …
C. C-R : on reviendra bien entendu à Boisbuchet. Mais, pour reprendre votre idée, cela signifie que faire une exposition c'est finalement partager une émotion, une compréhension de ce qu'a voulu faire un concepteur, par exemple Thonet, et susciter une émotion en retour. Mais, au-delà de Thonet, il y a un autre musée qui est important c'est le Design Vitra Museum car il renvoie à une autre partie de votre expérience. Comment mettez en relation ou distinguez-vous ces deux façons d'avoir finalement créé ou développé, dans le cas de Thonet, un musée ? C'est-à-dire quels sont les points communs dans cette création de musées et quels sont les divergences ?
A. V. V. : Évidemment, après plusieurs années à apprendre le système Thonet, dans tous les sens, à faire des expositions itinérantes en Europe, avec le gouvernement d’Allemagne, en Amérique avec la American Federation of arts, je voulais continuer et pas rester avec ces sujets. Automatiquement après, c’est l’acier tubulaire, les meubles de Marcel Breuer, Mies van der Rohe, et aussi, en France, Le Corbusier, Charlotte Perriand… J’ai continué de développer de plus en plus mon intérêt pour les meubles, je crois, pour expliquer aussi d'autres l'histoire et pas seulement la fabrication des meubles comme exemple de la fabrication industrielle. Pour vraiment raconter les histoires qui m'intéressent, l'influence de l'art sur notre vie, les guerres, les catastrophes et tout ça, il faut disposer d’un objet qui n’est pas étranger à toutes sortes de visiteurs. Si vous prenez un avion, c'est difficile à utiliser pour les expositions : personne ne sait, ne connaît l'intérieur du mécanisme et tout ça. Ça veut dire qu’il faut un objet très proche de nos mains, et c'est soit les vêtements, les meubles parce qu’on passe presque, je ne sais pas, 40 ou 50 % de la journée sur une chaise, à côté d’une table, et la nuit dans un lit. C’est pour tout le monde la même chose, une bonne éducation reçue ou pas ne fait aucune différence : chacun se sent autorisé à dire, en voyant une chaise, « qu'est-ce que ça fait, c'est idiot, c’est absurde ; non je ne vais pas m’en servir ». Les gens ont tout de suite un sentiment, si ça les intéresse, ou s’ils trouvent ça pratique, fonctionnel. C’est tout ça que, pour moi, représentait le meuble, parce que dans mon théâtre, à Hambourg, j'ai eu besoin de meubles, que j’ai trouvé alors que je n’avais pas d’argent, comme toujours. Je suis allé dans le marché aux puces, et j'ai trouvé les meubles Thonet, qui étaient les meilleur marché et les plus pratiques parce que, chaque fois qu’une pièce casse, on peut la remplacer par une autre. Et, là, la curiosité pour ce processus m’a heureusement conduit vers deux des objets les plus proches des humains. Car il y a encore une autre différence qui m'intéresse beaucoup, et qui a aussi provoqué cet intérêt de créer des musées, c'est le siège, qui est le symbole pour la partie sédentaire de notre évolution, et la scelle, qui est comme le symbole pour la mobilité. Et comme je voyageais beaucoup, je voyageais beaucoup à cheval au Maroc, en Espagne, pendant les années, en Andalousie, au Mexique et en Amérique, je trouvais que, utiliser un cheval et une scelle, c’était une façon qui me permettait de voir l'essence, d’apprendre le niveau agricole de la réalité de notre vie : c’était très intéressant de voir l’évolution des deux objets dans notre civilisation.
C. C-R : Dans le cadre du Design museum de Vitra, il y a des choses que le public ne sait pas, ou même des personnes plus averties – des étudiants ou des designers – c'est que ce musée constituait un vrai challenge puisqu’il s'agissait de créer un musée à condition de toujours trouver les fonds nécessaires : non seulement les pièces, mais les fonds nécessaires pour monter les expositions. Est-ce que vous pouvez éclairer cette situation, parce que si l’on connaît tous ce campus de Vitra, près de Bâle, qui est tout à fait intéressant, prestigieux, on n'en connaît pas forcément toujours la genèse.
A. V. V. : Oui, mais est-ce que je peux revenir à l'autre question ? Déjà, à Hambourg, dans cette usine où j'ai habité avec une communauté d’amis, nous avons fait aussi des expositions. Par exemple, François Arnal, qui avait son « atelier A » à Paris, était un très bon ami. Je l’ai rencontré dans l’ « atelier A », j’y allais très souvent, et nous avons fait la première exposition de l' « atelier A » à Hambourg. Der Spiegel a fait un article et ça faisait partie, exactement comme le théâtre, d’un outil pour promouvoir une idée, une histoire à raconter. J'ai continué avec les expositions ici, à Boisbuchet. Mais pour Vitra, quand j'ai reçu cette offre de m'occuper d'une galerie à Bâle, c'était grâce à Eames, Ray Eames, que Fehlbaum, le propriétaire de Vitra, m’a demandé si je pouvais monter une collection pour Vitra, dans une espèce de petite galerie. C'était à l'époque où il avait déjà demandé à Frank Gehry de faire une grande usine, un autre bâtiment pour la production de meubles. Il avait parlé avec Frank Gehry d'intégrer une galerie dans ce bâtiment de production. Frank Gehry, tout de suite, a été très intéressé par le détail de cette demande, presque plus que par l'usine ! C’est devenu un sujet de discussion avec Fehlbaum. Fehlbaum a suivi Gehry, et ils ont finalement dit qu’elle ne serait pas dans le même bâtiment, la galerie, mais qu’ils allaient faire un bâtiment à part, en dehors et en bordure du campus. C’était un musée à échelle humaine, de 700 mètres carrés, le premier bâtiment de ce genre que Gehry a fait en dehors d’Amérique. Là, Fehlbaum voulait que je fasse une galerie locale, avec de bonnes expositions, des jolies et bonnes expositions très bien faites. C'était absolument pas mon but ! Je lui disais, ai répondu, que je faisais des collections, dont la mienne, que j’avais aidé le Stedejlik musem à améliorer leur collection de meubles, que je faisais ça avec plusieurs musées, le musée de Thonet de Boppard, partout. Je voulais faire un musée sur tout ce qui concerne notre habitat, je voulais commencer avec le mobilier, l'intérieur et, évidemment, l'architecture, si proche, serait la prochaine étape. Il a dit : « bon, bon, d’accord, même si je ne crois pas que ce soit possible ici, à Bâle, mais alors à une condition : vous allez garder le niveau de Vitra dans la présentation, dans la valeur, dans le contenu. Et si vous arrivez le plus vite possible à autofinancer tous vos projets, alors vous avez la liberté de faire et ma confiance ». Moi, je trouvais que c’était une condition facile à respecter, parce qu’à Hambourg, aussi, il fallait m’auto-financer, comme tout ce que j’ai fait, car je n’ai jamais eu des parents qui m'ont donné l'argent ou des sponsors qui m'en en donné sans une contre-valeur. Ça veut dire que c'était un musée, un projet, probablement très différent de ce qui avait existé. Parce que si pour les musées traditionnels, au dix-neuvième, ou dans la deuxième partie de dix-neuvième siècle, il y avait des collectionneurs, surtout des familles royales ou des « légendes » aristocratiques, des gens très riches, puis les nouveaux industriels, à partir de 1860-70, qui ont évidemment été curieux, ils ont commencé à montrer les meilleures pièces pour encourager les ébénistes, et tous les autres artisans, à faire la meilleure qualité. Cela signifie que c'était, pour eux, des échantillons pour défendre leur intérêt économique, pour avoir une population qui peut bien vivre de son travail… Il y avait beaucoup de raisons, et ces sortes de collections existent encore aujourd'hui : ce sont de grands musées nationaux. Pour la peinture, c'était pareil : c'était des gens aisés qui ont commencé. Mais, pour le Vitra Design Museum, il n'y avait pas ce background. Il y avait un fou, comme moi, qui a vécu avec les marchés aux puces, avec la curiosité qui a « infecté » d'autres gens, avec des amis, et avec cette façon de vivre et travailler. J'ai travaillé, toujours, comme dans une famille qui a un grand projet et dans laquelle tout le monde tire sur la corde dans le même sens. Et ça c'était la condition du Vitra Design Museum, certainement pas comparable avec d'autres musées. Je suis encore très étonné que Felhbaum, au départ, les premières deux années, a suivi et pas arrêté cette expérience parce que toutes les personnes dans l'administration de Vitra ont dit : « c'est une connerie, on perd de l'argent, il faut faire un football à la place, car faire des choses comme ça, ça ne sert absolument pas. » Vingt ans plus tard, ils ont compris que ça a assuré leur travail, ça a assuré la promotion de Vitra en tant que les meilleurs producteurs de meubles. Ça a eu une influence énorme économiquement, et pour vraiment renforcer la capacité de Vitra.
C. C-R : On vous sent toujours très passionné pour cette question, et c'est intéressant d'avoir indiqué, peut-être même révélé, la place particulière dans l'histoire des musées qu'occupe ce musée-là, entièrement dédié au design. Pour notre dossier qui porte sur la spécificité des expositions de design, le Vitra Design Museum constitue un cas qui montre comment une institution dédiée au design peut fonctionner autrement, y compris, comme vous le dites, dans l'organisation interne du travail.
A. V. V. : Comme la majorité des pièces dans ma collection c'était des chaises, car, en raison de leur proximité à l’humain, toutes les nouvelles idées, les modes, les situations sont reflétées par ces pièces, les gens ont pensé c’« un musée des chaises », et tout le monde a dit « Stuhlmuseum, et c’est terrible, ce mot, parce que, en allemand, « vermehrter Stuhldrang » ça veut dire « aller à la selle », aux toilettes. Et combiner ça avec le Stuhlmuseum c’était une horreur pour moi, parce que cette limitation, je trouvais ça tellement con ! Non, je ne voulais pas seulement m’intéresser aux chaises, mais aux chaises pour montrer leur intérêt. Bon, je m’interdisais d’appeler ça « design », car à cette époque « design » n'était pas si populaire et, quand j'ai commencé dans les années 60-61, à collectionner, « design », personne n’utilisait cette traduction anglaise et elle ne renvoyait pas à tous les groupes d’objets. Bon, je voulais dès le départ faire un musée qui traite de l'ambiance, de l’atmosphère, de notre relation avec notre véritable environnement direct.
C. C-R : c’était un très très beau projet… On en a un petit peu parlé, mais on va venir maintenant à la question de votre collection personnelle. On a des chiffres qui sont très étonnants pour une collection privée de 2000 objets, dont des chaises, mais pas uniquement, et à peu près 25000 documents. Il y a quelques instants, vous avez expliqué que c'est important de documenter l'objet. Si on veut lui faire raconter une histoire, et le saisir comme un moyen permettant la compréhension de notre culture, il faut arriver à l'éclairer. Si l'objet ne parle pas de lui-même, il faut l’éclairer par tout un ensemble de choses : les machines qui ont permis de le produire, les croquis qui l’ont précédé, etc.
Ce double aspect de votre collection est étonnant parce que, souvent, et même dans des fonds publics, on a soit des archives, soit des objets. Pourriez-vous expliquer comment vous avez si vite compris l'intérêt de lier ces deux aspects, soit l’objet et sa documentation ?
A. V. V. : Il y a plusieurs raisons, je crois. Une raison émotionnelle : j'ai quitté l'école à 13 ans, je n’ai pas vraiment eu une éducation traditionnelle. Mes parents le regrettaient énormément. Mais, pour moi, c'était pas un problème parce que je suis curieux. J’ai pensé : « si je rentre dans le domaine de la culture intellectuelle, de l’interprétation et tout ça, et que je suis quelqu’un qui ne peut pas montrer les certificats des universités, j’aurai certainement beaucoup de critiques ». C’est dire que, dès le départ, j'ai essayé de trouver tout de suite chez les antiquaires toute la littérature qui concerne ces sujets, et ces objets eux-mêmes, de même qu’une réflexion d’aujourd'hui à leur propos, pour me permettre de vraiment mettre en contexte les objets et éviter la critique, non pas celle concernant la manière dont je fais l'interprétation, mais celle qui dirait que je ne m'occupe pas vraiment sérieusement de ces sujets. L'autre raison, c’est évidemment que, pour beaucoup de gens, si vous racontez quelque chose, ils trouvent ça intéressant mais ils ne vous croient pas. Mais si vous avez des livres de la période, qui montrent exactement l'intention de designers et comment ils présentent ces pièces, ça vous donne énormément d’informations et si vous voyez aujourd'hui comment les gens, les experts d’aujourd'hui, jugent eux ça, ça vous donne toutes les informations vous cherchez. Je faisais ça pour les expositions : je sais que je n’étais pas, par exemple, un spécialiste Frank Lloyd Wright, mais j’ai une très grande exposition de Frank Lloyd Wright qui a voyagé dans le monde entier, même chose avec Noguchi… C’est l’intérêt, j'étais fasciné par des personnes et par un parallèle entre Thonet, Louis Kahn, dans la façon dont ils ne se laissent pas dévier du but qu’ils se fixaient. Sans la littérature, je n'aurais pas trouvé tous les autres documents, par exemple les photos, les gens qui ont travaillé avec les artistes… Juste les objets, c'est pas assez ; juste les dates de créateurs, non… Il faut vraiment l’environnement social, professionnel, politique, l’économie et tout ça…
C. C-R : Finalement, si notre le dossier porte sur la spécificité des expositions de design, il faut dire que ce qui est important, ce n’est pas simplement l'objet : c'est l'objet et ce qu'il raconte avec son contexte et sa mise en contexte. Sans cela, on ne comprend rien. On peut peut-être dire que, contrairement une œuvre d'art, qu'on peut apprécier pour elle-même, parfois indépendamment de ses conditions de création, dont on parfois on ne sait rien – pour certains maîtres anciens, par exemple, on sait à peine qui sont les peintres qui ont réalisé le tableau – cela n'empêche pas d'apprécier ce genre de peinture. Peut-être que pour un objet de design, pour lui donner son tout son sens, il faut le recontextualiser.
A. V. V. : Il y a aussi une autre possibilité, par exemple pour montrer des objets d’autres cultures et qui sont créés, pour la même raison, mais avec une philosophie ou une tradition aussi différente que des objets européens, allemands ou néerlandais, japonais, avec la pureté, etc… Si vous faites cette comparaison avec d'autres cultures, ça ouvre beaucoup votre compréhension sur la véritable utilité de l’objet. J’ai essayé de trouver des films, tous les matériaux qui peuvent élargir le point de vue.
C. C-R : si on vient maintenant aux expositions qui sont organisées ici à Boisbuchet, à partir de de votre collection, comment ça se passe ? Par exemple, cet été vous avez présenté une exposition qui s'intitule le Tour du monde en 80 objets. On comprend que c'était sympathique, après toute la période de confinement… Mais est-ce que vous pouvez expliquer comment les choses se font ? D'où vient l’idée, comment ça se déroule avec votre équipe ? Comment se fait le travail pour monter une exposition ?
A. V. V. : Ma collection, c'est pas seulement des meubles. Ce sont des objets que j'ai trouvés en Égypte, au Maroc, en Asie, en Amérique latine et du Nord, parce que j'ai été fasciné et pas parce que ça comble le trou que j'ai dans la collection. Non, c'était d'abord tomber amoureux d’eux, vraiment être curieux. Ce sont beaucoup des objets ethnologiques, pas juste des sculptures, de la peinture. Ce sont beaucoup de tissus, de kimonos et, finalement, ils vont très bien pour raconter, dans les expositions, l’environnement des chefs-d’œuvre qui sont montrés, utilisés. Pour ce voyage des objets, il faut revenir à ma mère qui, une fois divorcée, a épousé un baron de Munshausen. Toute ma jeunesse, c’était avec ce père qui n'a pas arrêté de raconter des histoires comme son arrière-arrière-grand-père… C'était un homme très cultivé, qui connaissait le grec l'ancien, qui pouvait donner des conférences sans avoir rien préparé, mais excellentes. C’était un mixte d’humour, de voyages, d’histoires, même s’il n’a pas trop voyagé, seulement et surtout en France pour les vacances… Pour moi, dès qu'on regarde ma collection, on voit presque tous les pays se présenter avec quelques objets. Jules Vernes, c’est comme Munshausen, c'est la même chose : des rêves, pour rire et pour s'amuser. Au XIX^ème^ siècle, il y a des gravures excellentes les concernant, surtout en France – j'ai tous les livres du dix-neuvième siècle de Munshausen– et après c’était dans le monde entier, et c'est amusant.
Mathias [Schwartz-Clauss], qui a travaillé avec moi tout le temps au Vitra Design Museum, améliore et perfectionne la façon de concevoir des expositions. Il prend position, et il ne fait pas seulement de la documentation : il donne ses idées d’une façon très humaine, compréhensible pour tout le monde. C'était déjà l'intention au Vitra Design Museum : je ne fais pas des expositions que pour les experts, qui connaissent déjà la moitié ou 45 % de ce que l’on va montrer. On fait des expositions pour les gens qui n’ont jamais rien entendu sur le sujet, sinon je peux pas capter le grand public. Lui, il a trouvé ce titre-là [Tour du monde en 80 objets] car nous avions eu une grande exposition, à Turin, pour la fondation Agnelli de Fiat et, à ce moment, il s’agissait de L’Aventure des objets… Probablement que mon père a eu une certaine influence sur tout cela même si, de temps en temps, on ne voulait plus le suivre dans ces histoires de Munshausen. Les voyages et les rêves, la fascination pour les autres cultures, tout ça, c'était très très important pour moi.
C. C-R : Finalement, ces expositions, à Boisbuchet, elles résultent évidemment d'une collection, d'une vie, d’une curiosité pour les choses, d'une volonté de rendre accessibles les objets et la culture, et aussi d’un partenariat avec Mathias Schwartz-Clauss. On a l'impression que ces expositions naissent d’un dialogue entre cette vie, cette collection et son regard à lui.
A. V. V. : Certainement ! Dès que je propose quelque chose, il va tout de suite répondre avec le contraire. Mais ne n’est pas ennuyeux, car cela vous force à penser qu’il y a peut-être quelques points corrects et, après quelques minutes, je commence à voir de façon plus critique mes idées. S’il ne peut pas me convaincre, je reste avec mes idées, mais c’est un dialogue très profitable.
C. C-R : si on en vient maintenant donc au domaine de Boisbuchet, il faut quand même expliquer que c'est un domaine agricole de 250 hectares qui comporte un ancien moulin actuellement transformé en café et guichet d'accueil, des ateliers entièrement équipés pour fabriquer des choses, des bâtiments de ferme, des lieux d'habitation plus contemporains, un château où se tiennent les expositions, une maison d'hôtes japonaise de 1860, un édifice au bord du lac et une salle de conférence de tout et conçu par Simon Vélez… Il me semble qu’une des spécificités du lieu tient à ce que le design ne s'arrête pas à l'exposition qui est organisée dans une salle, mais qu’il fait le lien entre tous ces éléments. Êtes-vous s’accord cela ?
A. V. V. : Il y a deux questions. Oui, tout ce que nous avons fait à côté des bâtiments historiques montre notre conception de l’éducation. Et nous en avons toujours discuté : « est-ce qu'on commence avec les expositions à montrer aux visiteurs », de plus en plus nombreux chaque année, « ou est-ce qu'on fait ça à la fin ? Est-ce que c'est plutôt le résumé, ou est-ce que c'est l’invitation ? » Pour moi, c'est égal, je crois ça fonctionne dans les deux sens. L’autre question…
C. C-R : Peut-être le lien entre du design et de l'agriculture…
A. V. V : Ah oui ! Vous voyez, quand j'ai acheté la propriété, parce que ça a répondu entièrement à tous mes désirs, et aussi parce que c’était assez bon marché, j'ai vendu une partie de ma collection à l'état autrichien. J'ai eu la possibilité d'acheter Boisbuchet, mais après je n’avais pas du tout l'argent pour continuer : sur place, il y avait des squatters qui, eux, ce sont occupés de l'agriculture… L’agriculture, c'est très important pour moi parce que mes parents, ma famille, qui ont quitté l'Allemagne au XIVe siècle lors de la christianisation des pays baltiques, avaient de grands domaines. Dans les histoires de mes grands-parents, c'était toujours un sujet, il y a des photos… Je me sentais très très à l'aise dans la nature et, quand j'ai acheté la propriété, j’ai d’abord fait une SCI et une SARL « culture et agriculture ». Si on pense comment ça a commencé, l'histoire des humains, il fallait d'abord trouver assez de nourriture pour survivre : soit c'était la chasse des animaux, soit manger des fruits. Quand les humains ont commencé à pratiquer l'agriculture, c'était beaucoup plus facile de faire un planning pour nourrir la famille toute l'année, ça donnait une sécurité, et ils ont eu le temps de s'occuper de faire un joli environnement d'habitation. Ils ont commencé à améliorer leurs vêtements, apporter de la beauté, une amélioration fonctionnelle mais aussi esthétique… Sans parler de l’art ou de l’artisanat, car dans les grottes, l’hiver, il faut avoir une occupation ! Cette agriculture a permis l’évolution de la culture, et je trouve que ce sont deux choses très proches. À présent, au stade où en est notre science et notre connaissance d’aujourd'hui, nous avons que nous sommes capables de comprendre comment les arbres, les plantes, les animaux ont développé une rare finesse, une spécialisation incroyable que nous avons copiées pendant des siècles car ils se montraient tellement intelligents pour faire certaines choses. Aujourd'hui, nous sommes beaucoup plus développés, nous pouvons copier tout ce que les arbres trouvent dans leur corps, les process utilisés. J’ai entendu dire qu’il y a à peu près 60 % des innovations d’aujourd'hui viennent de la nature parce que nous sommes arrivés à un niveau pour les comprendre entièrement et pour récapituler le processus de la production. Il faut être dans la nature avec un esprit de curiosité pour créer, pas seulement pour survivre grâce à l'alimentation. Mais il faut comprendre que si on ne respecte pas un équilibre dans notre façon de vivre avec la nature, on va pas survivre. Et je suis très content que les jeunes commencent, ne cessent pas de demander aux adultes « qu'est-ce que vous allez nous laisser, un monde détruit, et comment on va vivre ? » Ici, nous avons beaucoup de jeunes entre 20 et 30 ans qui viennent depuis 30 ans, et qui n'arrêtent pas de demander, et de plus en plus sérieusement aujourd'hui : « quel est notre avenir ? » Si je regarde tout ce qui se passe dans la politique, le changement dans la façon dont les dictateurs gouvernent leur pays, ça fait vraiment peur et ça donne très peu de raisons de croire que ça peut s'améliorer. Mais il faut absolument soutenir les jeunes, et peut-être qu’il faut aussi des catastrophes pour forcer automatiquement les gens à prendre conscience. Peut-être que vous vous rappelez le grand accident chimique en Italie – Seveso – là, tout un coup, le gouvernement a tout de suite dû changer toutes les règles. Et donc c'est la seule façon : soit le gouvernement taxe tout ce qui est vraiment mauvais, soit il arrivera des catastrophes ou des choses comme ça…
C. C-R : On sait que, depuis des années, vous organisez des workshops de design, d’architecture, etc. avec des jeunes qui viennent du monde entier. Pourriez-vous relater cette expérience pour justement donner envie à d'autres de venir se former…
A. V. V. : Ces venues sont aussi dues Vitra Design Museum parce que nous avons fait des expositions itinérantes dans le monde entier. Chaque fois que j'ai visité un pays, j’encourageais leur intérêt pour nos expositions, je parlais également de Boisbuchet, j'ai montré les photos et les films… De leur côté, il y avait un grand intérêt et, pour nous, c'était un enrichissement énorme parce que, très souvent, nous avons à peu près 1/3 d’asiatiques, d’indiens, des jeunes venant d'Amérique du Sud, d’Amérique du Nord, d’Afrique du Nord, des Émirats, et même des Russes. Eux sont intéressés par la possibilité de travailler avec les grands experts, de réaliser des projets : on se trouve entre l'université et la vie professionnelle, et cela leur permet d’acquérir de l'expérience avec des matériaux, de comprendre comment on travaille avec de grandes sociétés, l’industrie…
A. V. V. : Qu'est-ce que je voulais dire ?
C. C-R : Au sujet des workshops et de la façon dont ça se déroule…
A. V. V. : ah, oui ! Dans le workshop, vous avez par exemple quelque chose de systématique. Si le designer, le lundi, explique un projet, après les étudiants commencent à faire des maquettes ou des dessins. Puis, après une heure ou deux, ils regardent ce que font les autres dans le groupe. Il y a des européens qui vont dire aux taiwanais « je crois vous n'avez pas tout à fait compris le sujet », et eux vont répondre : « non, nous sommes certains que nous avons compris, c'est plutôt votre cas ». De là commence une discussion sur leur conception habituelle et culturelle. Et c'est tellement productif ! Vous voyez, après, que les Européens font des modifications de leur projet parce qu'ils ont compris que ça, telle ou telle chose, c'est vraiment intelligent, qu’ils n’avaient jamais été dans cette direction, cette façon d’imaginer. Ça sert énormément, ça donne le respect de chaque culture et on apprend. Ça aboutit très souvent à de l’amitié et, en retournant chez eux, les participants vont alimenter un réseau d’amis qui partagent l’intérêt pour la création et qui permet de voyager, de visiter, de trouver un travail dans d’autres pays si dans leur pays c'est difficile. C’est bien, c'est quelque chose très très actif : si un de nos anciens alumnis veut aller au Japon, il va aller sur notre web site, il va trouver un alumni au Japon et, même s’il ne le connaît pas, il peut venir, passer la journée avec peut être 10€, voir les grandes expositions, il peut ainsi voir les grandes foires importantes de Milan, Londres ou New York. Comme ils ont partagé très très intense semaine avec une groupe, comme ils ont partagé les chambres, qu’ils ont discuté de toutes les difficultés, ces jeunes ont appris beaucoup sur la vie privée de chacun, ils sont devenus des amis… Nous avons aussi beaucoup de jeunes qui se rencontrent ici, à Boisbuchet, et 10 ans plus tard ils reviennent pour se marier. Je crois que Boisbuchet, c'est un filtre bienvenu chez les gens qui veulent apprendre une technique ou un matériau, des informations. En général, les gens restent dans leur ville, vont regarder les cours offerts par les universités ou d'autres choses. Ils suivent cela, ils ont gagné une expérience mais, en général, c'est pas une relation pratique ou c'est pas un travail pratique, c'est plutôt des conférences, des vidéos… C’est autre chose si vous faites une expérience avec des amis, ça va renforcer votre amitié, et ça donne une impression beaucoup plus forte sur les projets. Ils n’oublieront pas. C'est bien que des gens ne restent pas en ville, qu’ils aient le courage d'aller, peut-être pour la première fois, à la campagne pour habiter avec d'autres gens, dans la même chambre, pour préparer la cuisine, ou nous y aider, partager le même intérêt de créer quelque chose d’important… Oui, ça soude les groupes énormément.
C. C-R : C'est un c'est un très beau projet… Je crois que nous arrivons au terme de cet entretien. La revue Design, Arts, Médias s’est donné pour objectif de livrer des informations, des points de vue différents sur le design, les expositions et tout ce qui peut tourner autour de ces préoccupations. Qu'est-ce que vous diriez, aujourd'hui, aux jeunes qui voudraient se lancer dans la carrière de curateur ? Au-delà du parcours que l'on peut juger classique – faire de l'histoire de l'art, etc. – quel est l'élément le plus important, celui qu’il ne faut jamais oublier ?
A. V. V. : Je crois de sortir de chez soi, de son appartement ou de sa famille pour voyager, être très ouvert, et pas pour les vacances mais pour faire quelque chose dans d’autres pays… Être professionnel, curieux de vivre avec d’autres familles, travailler dans les pays pendant 2 ou 3 mois dans une métier qui les intéresse. Des vacances, on peut faire à la retraite ! Il faut s’engager, gagner en expérience. Et je crois qu’il faut décider, pour chaque projet, si on a vraiment l'intention de créer un objet qui sera produit industriellement, ou si on a l’idée, comme c’est le cas depuis les années 90, de produire des objets en série limités, vendus très chers, ce qui n’est pas vraiment du design mais de l’art commercial. Il faut décider : « je fais une sculpture, et si les gens l'aiment, c'est bon, je peux peut-être vendre ça cher ou pas », mais ce n’est pas le but. Il faut vraiment rappeler que design, le mot au départ, se comprend comme créer quelque chose d’utile, de fonctionnel, où l’apparence explique une partie de la fonction et du fonctionnement, le plus facilement possible pour tout le monde. Peut-être utiliser une couleur spéciale, pour gagner en attractivité, faire un mélange d’art et de design… Mais si c'est très élégant, très minimaliste, ça peut être aussi un objet d’art et c’est finalement le point de vue du client… Le designer doit plutôt considérer la situation mondiale de l'environnement. Il ne faut plus continuer à ignorer les besoins de la nature, notre substance le plus importante, et faire quelque chose en règle avec l’équilibre humain/nature. C’est obligatoire pour la fabrication, pour le matériau, pour la technologie tout ça doit respecter cette règle. Et là vous êtes considéré comme un grand designer. Si vous arrivez à cette point-là, la valeur et la reconnaissance d’avoir aidé à sauver la nature pour l’avenir est trois fois plus importante que votre compte en banque ou que votre Mercedes devant la porte. Pour les conservateurs, je crois c’est si le même but. Forcément, le conservateur ne traite pas d’un seul objet, d’un seul process. Plus il ouvre à d’autres points de vue, plus il permet aux visiteurs de remettre les choses en contexte, de comprendre qu’il faut respecter les règles de la nature… Le conservateur peut aider énormément, contribuer à cela. S’il donne des échantillons faciles à comprendre, logiques, pas comme dans un Trump business mais dans une vraie déclaration, il peut encourager à ça. Je crois que notre génération et les jeunes générations de maintenant seront jugées uniquement sur ça, et pas par leur economic shift. Évidemment, l’économie aussi c’est important, mais elle doit changer, ça c'est certain.
C. C-R : C’est un beau mot de fin pour une vision personnelle, engagée, enthousiaste et qui éclaire les choses. Merci pour cet entretien !
A. V. V. : Merci Catherine.
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Catherine Chomarat-Ruiz est professeure des Universités, en Philosophie et design, à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. ↩