Graphisme en France a 30 ans ?!
Véronique Marrier, Christelle Dion, Éloïsa Pérez

Séance n°3, mercredi 14 février 2024. Compte-rendu rédigé par Émilie Huc et Clara Huynh Tan.

Podcast 3

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Introduction

Lors de cette troisième conférence nommée « Graphisme en France a 30 ans !? », nous avons eu le plaisir d’accueillir pour la deuxième fois depuis la création de notre cycle Véronique Marrier, conservatrice et responsable de la collection design graphique au Centre National des Arts Plastiques. Cette année, elle était accompagnée de Christelle Dion, enseignante et co-organisatrice du festival de design graphique Format(s) ainsi que de la designer graphique et enseignante Eloïsa Pérez.

À l’occasion des 30 ans de la revue Graphisme en France, éditée par le Centre National des Arts Plastiques, cette conférence revient sur la nécessité de promouvoir le design graphique. Tout en retraçant l’histoire de cette publication influente, née d’une volonté de documenter les manifestations du graphisme, pour alimenter une réflexion sur les enjeux contemporains du design graphique, cette rencontre nous a permis de recenser de nombreux évènements liés au design graphique en France, tout en questionnant les problématiques et implications sociales inhérentes à cette pratique.

1. Trajectoires du design graphique en France : contributions, innovations et engagements

1.1 Genèse de la publication "Graphisme en France" et son évolution

La publication Graphisme en France, qui fête ses trente ans cette année, a été créée lors d’un colloque ayant eu lieu en 1994, pendant le mois du graphisme d’Echirolles. Au cours de ce dernier, le désir d’avoir un document répertoriant les événements du design graphique français a été émis par de nombreuses personnes. En effet, jusqu’alors, le milieu du design graphique n’était pas assez identifié et ne recevait pas forcément le soutien institutionnel dont il aurait eu besoin pour l’exposer ou encore le défendre.

C’est à la suite de ce besoin de visibilité qu’est née la publication Graphisme en France. Ayant pour but de créer du lien entre les différents acteurs du design graphique et leurs publics potentiels, elle prenait la forme d’un calendrier répertoriant les différents évènements organisés en France durant l’année. Ainsi, chaque année un nouveau numéro de Graphisme en France est édité par le CNAP1. Le recensement de ces événements avait pour résultat d’assurer une meilleure visibilité du graphisme en France comme à l’International, et permettait également de réunir de nombreux acteurs du milieu tout en affirmant le poids sociétal du design graphique.

Cependant, ne pouvant pas se dissocier de la société dans laquelle ils prenaient place, les numéros publiés chaque année ont rapidement été concernés par les différentes problématiques apparaissant dans le milieu du design, de ce fait, ils ont commencé à produire des écrits traitant de celles-ci. C’est le cas par exemple pour le cinquième numéro de Graphisme en France, « Graphisme et informatique dédié à un rapide bilan d’une liaison durable » qui traite des problématiques liées à la révolution numérique et à son impact sur les différentes pratiques du design.

1.2 Contributions significatives au domaine, telles que la création de typographies et le soutien à la recherche et à la création

Au cours des trois dernières décennies, la publication Graphisme en France a apporté des contributions notables au domaine du graphisme, notamment dans la création de typographies et le soutien à la recherche et à la création. En 2019, le CNAP a marqué une étape significative en publiant à nouveau un numéro dédié à la typographie, deux décennies après le numéro emblématique de 1999. Cette initiative réaffirme l'engagement de la publication à rester en phase avec les préoccupations professionnelles et les évolutions du secteur.

Le numéro de 1999, enrichi par le texte de Murielle Paris et accompagné d'un grand poster dépliant, incluant un calendrier et un texte succinct, ainsi que les éditions de 2009 et 2019, illustrent l'importance accordée à la typographie. Ces initiatives reflètent l'engagement continu de Graphisme en France à promouvoir la recherche, l’innovation tout en mettant en lumière le rôle du design dans la société contemporaine. Parmi les réalisations marquantes, la commande de la typographie INFINI par Sandrine Nugue, il y a dix ans, souligne l'engagement du CNAP envers l'innovation et l'accessibilité, offrant cette police de caractères gratuitement et sans licence. De même, la création de la typographie FAUNE par Alice Savoie démontre la volonté de soutenir des projets alliant esthétique et fonctionnalité.

1.3 Rôle de la publication dans la diffusion des connaissances et son interaction avec le milieu professionnel

L'importance de l'ancrage de Graphisme en France dans les problématiques contemporaines se manifeste de manière significative à travers ses éditions thématiques et la mise en lumière de projets innovants. Le numéro de 2012, par exemple, intitulé « Code, outils, design », symbolise cette connexion avec l'évolution technologique, marquant une révolution avec l'arrivée du logiciel Processing. Ce numéro fait écho à des préoccupations antérieures liées à l'avènement d'Internet et à l'intégration de l'ordinateur dans la pratique du design, illustrant le rôle de la publication comme reflet des transformations du secteur.

Le numéro paru en 2021, à savoir « Design graphique et société », vise à explorer l'impact du graphisme dans le quotidien et comment, en tant que designers graphiques, contribuer à la communauté grâce à leur expertise. Des initiatives telles que le travail sur la typographie inclusive par Eugénie Bidot, qui aborde la neutralité dans les caractères typographiques, montrent l'engagement des acteurs du design graphique envers les questions de société.

De plus, la publication joue également un rôle crucial dans l'inspiration des futurs graphistes. En intervenant dans les écoles et en formant les commanditaires à collaborer avec les jeunes talents, elle crée un écosystème propice à l'émergence de nouvelles voix dans le design graphique. Chaque numéro, conçu par un graphiste invité, souvent en début de carrière, sert non seulement de vitrine pour son créateur mais aussi comme témoignage de la diversité et de la vivacité du design graphique contemporain. Le CNAP, à travers cette publication et ses autres initiatives, favorise un dialogue constant entre les générations de designers, soulignant l'importance de l'expérimentation, de l'innovation, et de l'engagement sociétal dans le domaine.

De plus, en 2014, le CNAP franchit une étape supplémentaire en publiant un guide de la commande de design graphique destiné aux commanditaires, facilitant ainsi leurs interactions avec les professionnels. Ce guide, disponible en ligne, souligne l'importance d’une bonne compréhension et collaboration entre commanditaires et créateurs.

2. Initiatives et évènements marquants

2.1 Présentation des festivals et évènements significatifs visant à promouvoir le design graphique

Il existe en France trois grands événements de longue date autour du graphisme. Le premier événement concerne Les rencontres internationales des arts graphiques à Chaumont. Celles-ci ont été créées en 1990 et sont aujourd’hui plus communément connues comme Le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont. Depuis 2017, ces Rencontres internationales sont devenues la Biennale internationale de design graphique de Chaumont. Un autre grand événement du design graphique est Le Mois du graphisme à Échirolles, qui a également vu le jour en 1990 et s’est transformé en biennale en 2022, alternant avec celle de Chaumont. Le dernier événement historique du design graphique en France est Les Rencontres Internationales de Lure, en Haute-Saône, davantage centré sur la typographie et l’écriture de manière générale. C’est aussi le plus ancien de ces trois évènements, car il a été créé en 1952. Ces dernières années ont aussi vu émerger de nouveaux festivals de design graphique français. Le festival figuré.e a eu droit à sa première édition en 2018 à Toulouse. Il se déroulera cette année du 21 au 26 mai. À Montpellier a lieu le festival Graphim’s, en collaboration avec le centre d’art La Fenêtre et le réseau des médiathèques de la ville. Pour sa deuxième édition, il se tient du 27 février au 21 avril 2024. À Bordeaux, l’association Approche a initié la biennale de design graphique Aperçu, qui aura lieu cette année du 23 au 26 mai. Enfin, a lieu à Strasbourg le festival Format(s), qui jouira cette année de sa troisième édition. Il est soutenu par l’association Centrale Vapeur qui a déjà son propre festival d’illustrations et de bandes dessinées. Il est important de noter que ces différents évènements ont été créés par des professionnels du milieu et que ces actions vivent, pour la plupart, grâce à leur travail bénévole. Ces initiateurs ont à cœur de faire connaître leurs pratiques à leurs collègues, mais aussi au grand public et de faire exister ensemble le design graphique français.

2.2 Le festival Format(s)

Le festival Format(s) est né de la volonté de ses initiateurs de créer un festival de design graphique à Strasbourg. Ses créateurs sont Christelle Dion, notre interlocutrice pendant cette conférence, Marlène Astrié, Maxime Pintadu, Marie Secher, Hugo Feist et Sébastien Poilvert. Outre Christelle Dion, certains d’entres eux ont aussi fait le déplacement pour l’occasion. Ils sont chacun issu du milieu du design, en tant que designer ou professeur. Le nom Format(s) avec le « s » entre parenthèses entend signifier la pluralité des formats en design graphique. Dès 2019, les organisateurs commencent à réfléchir à leur idée de festival et ils gagnent déjà le soutien de l’association Central Vapeur, ce qui constitue un grand avantage pour eux. En effet, celle-ci existe depuis treize ans et leur festival, éponyme, rassemble environ 7000 visiteurs par édition, dont de nombreux étudiants en design graphique et designers graphique. Cette association, par son ancienneté et le succès de ses événements, apporte du poids et de la fiabilité à l’initiative de Format(s). De plus, en adhérant à cette association, cela les déleste des tâches administratives pour mieux pouvoir se concentrer sur le festival. Une des questions majeures qu’ils se sont posées au début de leur projet était de savoir si la scène du design graphique strasbourgeoise était assez active pour recevoir un festival sur ce thème. Or, il y a un nombre assez conséquent d’acteurs du design graphique dans la région, telle que des agences, studios, maisons d’édition, ainsi que de formations en design graphique, comme la HEAR2 ou le lycée d’arts appliqués Le Corbusier à quelques kilomètres de Strasbourg. On retrouve également l’espace européen Gutenberg, qui promeut les métiers de l’édition et de l’impression. Plus loin, il y a aussi le Signe, à Chaumont, l’ANRT3 à Nancy, la ville d’Épinal et son musée de l’image ou encore le festival de micro-édition Microsiphon à Mulhouse. L’aspect transfrontalier de la ville de Strasbourg est aussi un avantage à leur sens, cela leur donne la possibilité d’être international, ce qui est prouvé lors de la deuxième édition du festival, en 2023, où ils ont travaillé avec un partenaire suisse. Une fois ce public potentiel délimité, il s’est posé pour Christelle Dion et ses partenaires la question des moyens matériels et financiers. C’est à ce moment que le soutien de Central Vapeur a été crucial, car l’association pouvait leur prêter du mobilier, du matériel, et surtout des locaux pour la première édition du festival. En outre, le festival a réussi à dégager un budget de 35 000 € en subventions, notamment grâce à Central Vapeur qui a défendu leur projet. Il est à nuancer que ce budget, qui peut paraître considérable a priori, est en fait très limité pour un festival. Par conséquent, il leur a fallu faire des choix, tel que créer toute la communication en interne. Le festival a toutefois bénéficier d’un soutien de la ville de Strasbourg, qui leur a prêté soixante-dix emplacements publicitaires pour promouvoir gratuitement le festival.

Finalement, la première édition de Format(s) à lieu du 6 au 9 octobre 2022 à la Menuiserie, qui appartient à Central Vapeur, et en partenariat avec la HEAR. Il comprendra une exposition d’affiches, dont le commissariat a été partagé entre le festival et le Signe, des conférences, des « flash conf’ », plus courtes et spécifiques, une Party, réservée à l’équipe et au bénévole, et un salon graphique le dimanche. Ils enregistrent 3500 visiteurs pour la durée du festival, ce qui en fait un succès et leur permet de renouveler le festival l’année suivante. En 2023, le festival a lieu dans plusieurs espaces de la ville de Strasbourg, y compris dans les musées de la ville, et l’exposition a lieu dans la salle de l’Aubette, un lieu historique de Strasbourg, en partenariat avec la Plakatsammlung, une collection privée de 100 000 affiches suisses. À aussi lieu une exposition sur le travail de Fanette Mellier, designer graphique, et une autre sur Chevalvert, un studio de design graphique. La médiation est une préoccupation majeure pour le festival. En effet, un de leur but est de faire découvrir le design graphique au grand public, il faut donc que son exposition puisse être comprise par les néophytes. Pour les expositions d’affiches, chacune d’entre elles est accompagnée d’un texte qui la présente, elle et son contexte, pour que les visiteurs comprennent pourquoi elles existent. L’espace doit être rassurant pour un public qui découvrirait cette pratique ; il faut qu’il puisse trouver des supports d’information qui le renseigne. En dehors du temps du festival, celui-ci doit continuer à vivre et à être visible. Alors ses organisateurs récoltent des archives : les photos prises par les bénévoles leur permettent de garder des traces des moments du festival et la collecte d’articles de presse parlant de l’événement montre le rayonnement de Format(s) à leurs partenaires potentiels. Après la deuxième édition du festival, ils ont également ouvert une chaîne sur Youtube pour le prolonger tout le long de l’année.

3. La place du graphisme dans l’apprentissage

3.1 Exploration des liens entre design graphique, éducation et société à travers les travaux d’Éloïsa Pérez sur la typographie et l’apprentissage de l’écriture

Éloïsa Pérez est designeuse éditoriale, enseignante en design graphique et typographique ainsi qu’en histoire du graphisme à la HEAR et à Amiens. Après sept ans de doctorat, elle a soutenu sa thèse en décembre 2023. Dès 2013, étudiante à l’ANRT, elle s’intéresse au rapport entre design graphique et éducation, et écrit son mémoire sur le graphisme des manuels scolaires. En 2016, en partenariat avec la Sorbonne Université et l’ANRT, elle commence sa thèse de doctorat en s’interrogeant au départ sur le design graphique et la pédagogie et la relation qui se tissent entre les deux disciplines. Elle s’intéresse également à la manière dont le design graphique va permettre de transmettre les enseignements à l’école. Au fur et à mesure, elle se concentre sur la typographie dans l’environnement scolaire et enfin sur l’apprentissage de l’écriture, qui est d’abord un geste puis qui devient significatif au fur et à mesure de l’apprentissage. Elle s’est ensuite focalisée sur la classe de petite section et finit par collaborer avec une école maternelle de la ville de Nancy. Elle passe deux ans et demi dans cette école, dont trois mois en tant que spectatrice. Ces trois mois écoulés, elle élabore un atelier avec du matériel élaboré au fur et à mesure de sa recherche. Le thème de sa thèse se clarifie à ce moment : l’enjeu qui se dessine est la compréhension de la matérialité qui accompagne les supports et l’apprentissage de l’écriture, la place que joue la typographie dans cet apprentissage, comment celle-ci apparaît à l’enfant et comment elle l’accompagne. Ses observations historiques, in situ et contextuelles lui ont permis de définir trois temps dans l’apprentissage du geste de la lettre : avant la lettre, pendant la lettre et après la lettre. Chacun de ces temps est accompagné de trois outils différents. Pendant l’apprentissage de la lettre, l’enfant a d’autres pratiques graphiques, comme le gribouillage, et la lettre se mêle à ces pratiques. Le dispositif typographique qu’Éloïsa Pérez a mis au point s’intitule Prélettres. Il est basé sur un langage géométrique et abstrait, à la manière d’un normographe. Un effort est demandé à l'enfant pour comprendre l’abstraction du dispositif Prélettres, mais ce sont des éléments qui se transposent d’une matière à une autre. Le but du normographe est de guider le geste de l’enfant sans le contraindre. Il est composé de deux styles de caractères typographiques, tous les deux en majuscules. Dans un premier temps, l’enfant apprend à construire les éléments qui forment la lettre ; dans un second temps, il les trace. En plus de ce dispositif, Éloïsa Pérez a aussi mis en place des outils pour les tablettes numériques. Avec les enseignant-es, elle a remarqué que la tablette favorisait l’ambidextrie : en effet, l’enfant n’a pas besoin de changer l’outil de mains, il est donc moins contraint dans la sollicitation des doigts. Après cette expérimentation dans une seule classe de petite section de maternelle, le dispositif Prélettres se répand et il est testé dans une centaine d’écoles publiques de France. Est alors venue la question de la spatialisation de la classe et comment la typographie s’ancre dans cet espace. Elle a alors analysé des classes de la maternelle au collège et a remarqué qu’il y avait au départ un espace très chargé en signe avec peu de livres et que cette tendance s’inversait au fur et à mesure de la scolarité. Forte de ces analyses, elle entre en résidence en 2017 au Bel Ordinaire à Pau, où elle reprend le format de la salle de classe et invite les enseignantes et enseignants à créer des outils pédagogiques sur place. Grâce à cette expérience, elle crée une exposition pour l’ANRT où elle conçoit du mobilier à partir de sa typographie pour encourager les visiteurs à expérimenter dans l’espace et trouver de nouveaux éléments, moins figés, qui pourraient habiter la salle de classe.

3.2 L’implication du design graphique dans la contribution à l’éducation et à l’inclusion sociale

Les manuels scolaires sont parfois les seuls livres qu’un enfant tiendra entre ses mains. Pour cette raison, Éloïsa Pérez juge que la place que le marketing tient au sein des maisons d’édition qui les publient est assez inquiétante. En effet, cela les mène à représenter les enseignements d’une manière plutôt qu’une autre, car cela aura un impact sur leur vente. La conséquence directe est que certaines représentations iconographiques sont erronées, comme la représentation de la puberté dans les manuels de biologie qui n’est toujours pas inclusive à l’heure actuelle. De plus, il est essentiel de s’interroger sur la représentation des femmes dans les manuels. Comment les petites filles peuvent-elles se projeter sur ce qu’elles apprennent si les personnages représentés sont systématiquement de sexe masculin ? Éloïsa Pérez questionne également la mise en place des outils typographiques qu’elle a créés dans les salles de classe. Si son doctorat n’était pas une thèse en science cognitive et qu’elle ne peut pas quantifier les résultats qu’elle a obtenu, elle a néanmoins reçu des retours des enseignantes et enseignants avec qui elle avait travaillé, et l’ensemble d’entre eux rapportaient que les élèves étaient plus décomplexés dans le geste de la lettre. Malgré ces retours positifs, la démocratisation de ses outils éducatifs à l’ensemble des écoles maternelles de France est très incertaine, car il entre en compte la question budgétaire. Ainsi, mettre gratuitement à disposition de tous les élèves et du corps enseignant un outil qui pourrait faciliter l’apprentissage de l’écriture n’est pas forcément envisageable pour l’Éducation Nationale. Le dilemme suivant pourrait alors survenir : si son acquisition se faisait au frais des écoles ou des parents, alors seulement les élèves issus des territoires les plus favorisées pourraient en bénéficier, renforçant de cette manière les disparités scolaires. Si, en voulant éviter de creuser ces inégalités, Prélettres n’en restait qu’au stade de prototype et qu’il venait à ne pas être diffusé, cela priverait tous les enfants de cet outil d’apprentissage.

Conclusion

Au cours de leur conférence, Véronique Marrier, Christelle Dion et Éloïsa Pérez nous ont présenté trois façons dont le design graphique s’ancre dans les enjeux contemporains et se saisit de ceux-ci. Véronique Marrier est tout d’abord intervenue pour nous présenter la revue Graphisme en France, éditée par le CNAP depuis maintenant trente ans. Elle a retracé ses origines et les problématiques au cœur de la revue, tout en tissant des liens avec les autres actions du CNAP de soutien au design graphique. Elle nous a aussi parlé de l’importance de la scène événementielle du design graphique en France. En effet, depuis plusieurs décennies, des festivals de design graphique fleurissent dans notre pays. Il y en a des plus historiques, comme le Mois du graphisme d’Échirolles ou les Rencontres internationales de Lure, et des plus jeunes, comme Graphim’s à Montepellier, ou l’un des derniers nés, le festival Format(s) à Strasbourg. Christelle Dion, l’une des organisatrices, était là pour nous le présenter. Elle nous a expliqué tout ce qui entre en jeu dans la création d’un tel événement, du budget, aux intervenants, jusqu’à la communication et aux événements dans le festival. Enfin, Éloïsa Pérez est intervenue sur le sujet de sa thèse, c’est-à-dire la place que la typographie joue dans l’apprentissage de la lettre chez les enfants en petite section de maternelle. Elle est également revenue sur le sujet de son mémoire, le graphisme dans les manuels scolaires, et les enjeux sociétaux qui les entouraient.

De la revue, au festival, jusqu’aux salles de classe, le design graphique est bel et bien vivant en France aujourd’hui. S’il n’a pas une histoire aussi connue que dans d’autres pays, cette conférence nous aura montré qu’il ne demande qu’à construire son avenir dans notre société, et que ses professionnels n’attendent pas une autorisation pour créer des occasions de perpétuer leur pratique et de la faire grandir.


  1. Centre National des Arts Plastiques. 

  2. Haute École des Arts du Rhin. 

  3. Atelier national de recherche typographique.