Designer, diplômée du Master 2 « Design, Arts, Médias », Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2021
Résumé
L'exposition a toujours posé la question de la visibilité, mais elle le fait désormais dans un contexte d'exposition généralisée. Dès lors, si le « pourquoi » et le « où » exposer font débat, nous nous intéressons, au sein de la société du spectacle, plus particulièrement à la question de son « comment ». Cet article interroge donc nos moyens actuels d'exposition. Qu'en est-il de notre rapport à l'exposition ? Comment exposer dans une société de la surexposition ? À la recherche d'un certain retour à l'attention, à l'émotion et à la prise en compte des besoins de chacun, nous nous questionnerons sur la notion de délicatesse et sa place dans l'expographie d'aujourd'hui.
Abstract
The exhibition has always raised the question of visibility, but it now does so in a context of widespread exposure. Therefore, if the "why" and the "where" to exhibit are debated, we are interested, within the society of the spectacle, more particularly in the question of its "how". This article therefore questions our current means of exposure. What about our relationship to the exhibition? How to exhibit in a society of overexposure? In search of a certain return to attention, emotion and taking into account the needs of each, we will question the notion of delicacy and its place in today's exhibition.
Introduction
Dans un contexte social constamment submergé par l'information, notre rapport ininterrompu aux médias et aux supports iconographiques nous plonge dans une réelle hypertrophie du visuel, et tout ce qui nous entoure aujourd'hui est une question d'exposition. Si le « pourquoi » et le « où » exposer font débat, il m'intéresse, au sein de la société du spectacle, de me questionner sur son « comment ». À l'heure où tout devient apparence, représentation et superficialité, qu'en est-il de notre rapport à l'exposition ? Comment exposer dans une société de la surexposition ? Si la tendance est à la recherche du plus éblouissant, du plus sensationnel, voire du choquant et du tapageur, ne pourrait-on pas promouvoir à l'inverse une certaine forme de délicatesse ?
Dès lors, le point de départ de cet article provient d'un questionnement très personnel1. En effet, j'ai souvent peiné à expliquer à mon entourage ce qui fait mon enthousiasme à la sortie d'une exposition. Cependant, cet exercice de témoignage, de retranscription écrite ou croquée, m'a appris à développer une sensibilité aiguë pour les expositions. Comment décrire à mon entourage ce qui m'a plu ? Quels mots pourrais-je utiliser pour parler des émotions que j'ai ressenties ? C'est à la découverte de l'exposition « Sublime, les tremblements du monde2 » au Centre Pompidou de Metz, à l'été 2016, que l'évidence m'est apparue. Pour la première fois, une notion se détachait de toutes les émotions que j'avais pu éprouver jusqu'alors : un sentiment de délicatesse. Dès lors, cet attrait grandissant pour cette notion et toutes ses acceptations, s'est invité dans toutes mes visites. À la recherche de cette délicatesse, je me suis questionnée sur mon statut de designer d'espace et mes propres expériences pour essayer de dégager une problématique concernant l'expographie de demain. Ce fut : comment la délicatesse pourrait-elle prendre place dans l'expographie ?
Ainsi ma première hypothèse, sans doute la plus spontanée, serait de montrer le lien entre délicatesse et l'exposition dans un rapport narratif. Il s'agirait de présenter la délicatesse d'après les émotions qu'elle procure, les récits qu'elle engendre, ainsi que la finesse dont elle fait preuve. L'écriture d'un récit provoque-t-elle toujours un sentiment d'attachement ? Les émotions sont-elles les seules réponses à la délicatesse dans l'expographie ? Puis, comme une alternative à la première proposition, nous démontrerons que si l'idée d'un fil conducteur en expographie n'aboutit pas toujours à la délicatesse, il convient en réalité de se rapprocher le plus possible de la justesse. Entendu par-là, est-il possible aujourd'hui de montrer sans exposer ? Comment retrouver la justesse d'une proposition sans tomber dans l'imposition ? Enfin, nous montrerons comment la délicatesse peut s'associer et transparaître à travers la notion de care. En dégageant les rapports évidents que le design d'espace entretient avec le corps, nous mettrons en lumière cette notion adaptée à l'expographie et comment elle pourrait-elle s'ancrer véritablement dans l'expographie.
Loin de dicter ce que serait l'exposition délicate par excellence, il m'intéresse de comprendre ce qui fait la singularité et l'unicité de chacune d'elles. Au-delà de la création d'un simple « guide de bons conseils pour créer une exposition délicate » puisque, comme l'énonce Adèle Van Reeth, « il n'est pas possible de faire l'éloge de sa propre délicatesse parce que la délicatesse fait partie de ces vertus qu'on ne peut proclamer posséder sans immédiatement les perdre3 », ce projet serait plutôt une opportunité d'établir un retour à l'attention, envers un public, un sujet mais également un espace.
1. Le récit en tant que pourvoyeur de la délicatesse
Dans cette première hypothèse, il nous intéresse de parler d'affects au service de la délicatesse dans l'exposition. Celle-ci vient introduire le récit comme pourvoyeur de sensibilité et d'émotion. Plus précisément à travers la scénographie, on remarque que les parcours d'exposition nous guident dans l'histoire d'un propos ou d'une recherche. Conscient que le berceau de la scénographie est le théâtre, nous remarquons que la scénographie s'est développée et a su évoluer hors de son cadre traditionnel, pour s'étendre à des nouveautés techniques, artistiques mais aussi littéraires. Ce qui distingue aujourd'hui les scénographes des architectes, ce sont que « les architectes bâtissent pour accueillir la vie alors que les scénographes bâtissent sur la vie4 » nous dit François Guy-Claude. C'est dans ce rapport direct à la construction d'un parcours personnel, au même titre qu'un parcours d'exposition, que la délicatesse pourrait se percevoir dans une dimension narrative. Dans tous les champs artistiques la scénographie est nourrie par le texte. Qu'il s'agisse d'une réflexion, d'une recherche ou d'un propos descriptif, le texte est omniprésent dans la conception d'une exposition. Outil de communication, de promotion mais aussi de médiation pour le public, le texte est l'indispensable source inspiratrice. Considérée comme la qualité de ce qui est fin, la délicatesse évoque donc la finesse et une sorte de subtilité. Dorian Reunkrilerk, doctorant et designer engagé dans une recherche sur la scénographie, disait même : « Je pense directement à la métaphore du fil de Susan Leigh Star, une sociologue des sciences qui a inventé la notion d'infrastructure. Elle pense que le fil pourrait être le lien entre les personnes et les catégories qui les lient. Le fil est un moyen de regrouper les personnes entre elles, de façon plus ou moins lointaine5 ». Ce lien associé au fil, au tissage, nous renvoie à une réflexion sur notre rapport aux autres. La notion de délicatesse, introduite ici par le récit, se concrétise par l'idée d'un fil conducteur dans une scénographie, la création d'une histoire, pour faire ressentir des émotions.
La scénographie intervient alors comme élément fondamental. Outil technique mais aussi parti pris idéologique, la scénographie crée l'équilibre entre le corps, l'espace et l'œuvre. En mettant en place une organisation spatiale et temporelle adressée à des corps réels, la scénographie d'exposition joue un rôle central en tant qu'outil de médiation et de circulation du sens et du sensible. Elle est un support narratif qui fait circuler les corps et les significations, prolongeant les partis pris des œuvres singulières et facilitant leur mise en relation dans un projet collectif. Le dispositif scénographique accompagne le projet artistique dans l'étape de la réalisation concrète et de la rencontre avec les publics, se déployant aussi à l'endroit de la médiation. Comme l'énonce Mathilde Roman dans son ouvrage Habiter l'exposition - L'artiste et la scénographie, « L'exposition est alors conçue comme un ensemble situé, un milieu adressé à des sensibilités affectées, dans lequel la matérialité de l'espace est traité comme un support indispensable. La relation aux lieux, aux contextes, à la spécificité des atmosphères et aux modes de gestion des institutions est réinvestie au sein de processus qui visent à créer des zones de rencontres entre des œuvres et des corps, à créer un continuum de relations et non une accumulation d'hétérogénéités isolées6 ». En ce sens, on comprend que, dans l'exposition, la narration se retranscrit dans la présence physique mais également mentale du spectateur. L'artiste cherche alors à éveiller tous les sens de son public, dans le but de le confronter directement avec son œuvre.
Cette première partie d'étude nous a permis de mettre en lumière l'importance de la scénographie dans la recherche de la délicatesse en expographie. En effet, après une première recherche révélant le caractère quasi cinématographique d'une exposition, nous nous sommes intéressée à l'écriture du processus même de création. Passant par le récit pour émouvoir les visiteurs, ces expositions s'apparenteraient parfois davantage à des formes d'expositions sensationnelles, et non sensitives. Face à ce dépassement de la délicatesse non plus présente uniquement dans l'idée d'une narration ou d'un fil conducteur, il s'agirait de comprendre ce que pourrait être une exposition simplement juste. Entre alors en jeu la notion de justesse, cette qualité de rendre quelque chose de parfaitement et exactement adaptée. Finalement, il convient de se demander s'il existe toujours un trait d'union entre la scénographie et le sujet même de l'exposition. La seule présence de la délicatesse dans le processus de création d'un artiste ou d'un designer suffit-elle à représenter cette notion au public ? Nous tenterons de percevoir comme l'équilibre fond et forme, propos et expôts, peut laisser apparaître une délicatesse spatiale.
2. Qu'est-ce qu'une proposition juste ?
Face aux constats de cette première hypothèse soulignant l'apparition de la délicatesse dans une certaine forme de narration en exposition, nous nous intéressons à ce que pourrait être une proposition simplement juste d'un point de vue expographique. Pour éclairer cette idée, nous entendons définir les termes issus du champ lexical de la délicatesse afin d'en comprendre toutes les subtilités. À commencer par la justesse. Appliquée à une scénographie par exemple, il s'agirait de créer un espace simplement « juste ». Or, originaire de l'esthétique et de la morale baroque, la délicatesse serait en quelque sorte l'attention portée aux détails et aux variations subtiles décrites comme un « je ne sais quoi7 » dans le dictionnaire de sociologie clinique élaboré par Anne Vincent-Buffault. Dans l'expographie, il s'agit plus précisément d'une posture prise par le curateur attentif à la précision de la sélection des œuvres à exposer, ou encore la minutie de leur agencement scénographique. Ainsi, on comprend que ce concept est riche, car il interroge l'exposition à toutes ses échelles. Pour l'historien de l'art Pierre Wat, louer « la justesse d'une œuvre, c'est en même temps valider celle de notre regard, sa capacité à déceler dans l'œuvre contemplée une forme d'adéquation avec des critères qui structurent notre jugement. En somme, une interprétation "juste" suppose qu'il y en est des "injustes", des "fausses", des "inexactes" ? Que se passe-t-il quand l'œuvre nous est contemporaine ? Que fait le critique, possède-t-il un outillage en matière de justesse qui le distingue de l'historien de l'art8 ? ».
Ces acceptions reconduisent à subjectivité de ces notions. Enfin, une troisième et dernière notion retient toute notre attention. Dans son ouvrage, Bernard Comment analyse l'approche du neutre par Roland Barthes. Sa posture étant la suivante : « On a défini comme relevant du Neutre toute inflexion qui esquive ou déjoue la structure paradigmatique, oppositionnelle, du sens, et vise par conséquent à la suspension des données conflictuelles du discours. [...] À travers des touches successives, des références diverses et des digressions libres, on a essayé de faire entendre que le Neutre ne correspondait pas forcément à l'image plate, foncièrement dépréciée qu'en a la Doxa, mais pouvait constituer une valeur forte, active9. » Du latin ne-uter, « ni l'un ni l'autre », le neutre serait en réalité non catégorique. En ce sens, on comprend que cette notion semble souligner une certaine forme de justesse. Également défini comme un moyen de déjouer le paradigme et la vision binaire de notre société, le neutre fait sens pour montrer d'autres possibilités. Associé à l'expographie, ces notions de justesse, de tact et de neutralité semblent se retrouver dans un rapport harmonieux entre le fond d'une exposition, mais également sa forme. Autrement dit, la justesse apparaît comme un terme capable d'associer parfaitement le contenu d'exposition, son lieu, mais aussi ses fréquentations, son public.
Alors, si l'on souligne la délicatesse comme une qualité culturelle, prenant soin des modes de vies et habitudes de chacun, cette notion pourrait-elle être universelle ? Cette justesse d'exécution n'est-elle pas contraire à l'accélération de nos modes d'expositions ? L'accélération ne génère-t-elle pas aussi son contraire : la pétrification ? En somme, comment prendre soin de ce que nous exposons ?
3. Le care, enjeux et perspective à l'échelle de l'expographie
La prolifération des expositions dues à l'accélération de nos modes de vies provoque un manque d'attention grandissant chez les visiteurs. Constamment sollicités par de nouvelles expériences expographiques, les publics finissent par se perdre dans la masse d'informations culturelle. En effet, comme Yves Citton le décrivait déjà dans son ouvrage Pour une écologie de l'attention : « la technique nous a envahis de biens, mais il y en a tellement que le nouveau challenge n'est pas de produire mais de solliciter notre attention à les acheter10 ». On comprend que ces biens ne sont pas forcément une demande des utilisateurs eux-mêmes. Alors que nous remarquons que les récentes évolutions de nos sociétés ont mis au jour de nouvelles formes d'attentions, l'auteur dénonce ici une sur-sollicitation de celles-ci, et ce d'une manière qui n'est pas saine, ce qui souligne par ailleurs par le terme « farcir », employé par Yves Citton dans son ouvrage Pour une écologie de l'attention.
Face à ce constat, notre dernière hypothèse s'ouvre sur une notion capable d'un retour à l'attention positive, le care. Originaire des États-Unis, cette notion traduite comme « prendre soin » se répand à l'échelle de nos sociétés. Émergeant d'études menées par des chercheurs en sciences humaines, le care est défini par le chercheur Éric Gagnon comme « L'ensemble des gestes et des paroles essentielles visant le maintien de la vie et de la dignité des personnes, bien au-delà des seuls soins de santé. Il renvoie autant à la disposition des individus, la sollicitude que l'attention à autrui, en prenant en compte à la fois la personne qui aide et celle qui reçoit cette aide, ainsi que le contexte social et économique dans lequel se noue cette relation11 ». D'abord perçu dans un rapport plutôt médical, cette éthique du care se retrouve en réalité dans beaucoup de pratiques. Entre la sociologie et l'anthropologie cette notion serait donc une prise en compte de la sensibilité des personnes dans leur singularité et en contexte d'actions envers autrui. Dès lors, le care nous intéresse dans la mesure où il touche différents niveaux : individuel, relationnel, collectif et institutionnel. Il est ainsi lisible en termes de relations, d'acteurs, de pratique et de dispositifs, ce qui étabit un lien direct avec l'expographie. D'autant plus qu'en termes cliniques, la délicatesse, associée au care, évoque une capacité d'écoute particulière attaché à la naissance de la psychanalyse. Comme l'exprime Anne Vincent-Buffault dans l'édition du dictionnaire de sociologie clinique, « C'est un art discret de l'accompagnement qui implique d'être capable de prévenance et de saisir le moment opportun. Faire parler avec délicatesse, c'est délier, analyser très tendrement12 ».
À l'origine même du terme care, le curateur d'art, ou commissaire d'exposition est par définition celui qui prend soin des œuvres. C'est ce que rappelle Hans-Ulrich Obrist quand il écrit, à propos des artistes à exposer, « l'important est de leur parler et de leur demander quels projets ils ne peuvent pas réaliser dans les conditions actuelles. Depuis, ce principe a été un fil conducteur de toutes mes expositions13 ». Dans cette citation, nous percevons en effet son l'intérêt qu'il porte aux idées des artistes qu'il rencontre ; idées qui s'avèrent être la base de toutes ses expositions. Plus encore, certains commissaires d'expositions, comme le décrit Dorian Reunkrilerk lors d'un entretien que nous avons pu avoir avec lui dans le cadre de notre mémoire, « appuient cette notion de care, en prenant soin des corps, des parcours, des objets ou encore de la signalétique14 ».
Nous pourrions préciser cette notion de care en trois temps. Premièrement, l'attention est la première étape du processus du care dans la mesure où, comme l'écrit Joan Tronto, « si nous ne sommes pas attentifs aux besoins de l'autre, il nous est impossible d'y répondre15 ». Pouvant correspondre à quatre qualités morales spécifiques, le care serait, deuxième élément clé, caractérisé par « l'attention (caring about), la responsabilité (taking care of), la compétence (care giving) et la réceptivité (care receiver.).Dès lors, troisième élément, nous pouvons retenir que cette morale s'exprime surtout en pratique. C'est pourquoi Agata Zielinski utilise cette classification dans son étude sur l'éthique du care : « Le caring about serait à la fois reconnaître l'existence d'un besoin et la nécessité d'y répondre (« une attention/souci portée à autrui »), puis le taking care of serait la prise en charge de ce besoin identifié en prenant les dispositions pour y apporter une réponse en interaction avec autrui (care giving) et enfin le care receiving correspondrait à l'adéquation de la réponse auprès du bénéficiaire (« le fait de s'occuper, de prendre soin de quelqu'un ou de quelque chose16 ») ».
Ces éléments mis bout à bout, nous comprenons le lien direct entre cette notion et celle de la délicatesse. Cette vertu, qui allie justesse et attention, se retrouve dans ces définitions. En effet, plus le care aura une place visible et reconnue dans la société, plus l'attention de tous aux besoins les uns des autres sera favorisée, comme un cercle vertueux et positif. Si Tronto le décrivait déjà en 1993 comme une « activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre "monde", de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible17 », il est évident que ces constats peuvent s'appliquer à des domaines créatifs comme l'art et le design et, partant, dans la scénographie.
Finalement, la question du care et du « prendre soin », nous permet de penser et surtout de réinventer nos formes esthétiques. La relation à autrui semble être centrale dans nos questionnements scénographiques. Aujourd'hui notre interdépendance et ce que nous partageons en commun est essentiel. Alors, le lien entre les visiteurs, participants et sensibles, deviennent actifs d'une expérience esthétique concrète et sensible dans le cadre expographique.
Conclusion
Dans un contexte social constamment submergé par l'information, l'accélération de nos modes de vie et donc de notre exposition nous plonge dans une réelle hypertrophie du visuel. Face à ces constats, nous avons relevé le défi de retrouver une façon d'humanité et d'émotion dans l'expographie. À la recherche d'une certaine forme de délicatesse, l'exposition se doit de devenir avant tout un moyen d'évasion, de découverte et d'attention. L'idée selon laquelle nous pouvons aujourd'hui montrer sans exposer, guider dans diriger ou encore suggérer sans imposer serait en équilibre avec cette redécouverte de la délicatesse. Dans l'expographie, prendre en compte notre aptitude à la sollicitude et au soin semble être une proposition idéale pour replacer l'humain au cœur du processus créatif. L'exposition pourrait devenir un espace-temps délicat, ou l'éthique du care se ressent pleinement à travers des dispositifs scénographiques, des choix graphiques ou encore l'écriture d'un propos sensible. Les enjeux sont alors multiples : reconnecter les visiteurs à un sujet et redonner une place libre et égale à chaque acteur de l'exposition, qu'il soit curateur, artiste, designer ou visiteur. Quel rôle avons-nous à jouer dans ce retour à l'attention ? Pouvons-nous tous trouver notre place ?
De cette recherche a découlé un projet résonant avec les principes mis en avant tout au long de cet écrit. Soulignant l'importance de l'expérience spaciale de la visite dans un premier temps à travers des vidéos, le projet s'est ensuite concrétisé par la réalisation d'une plateforme d'échange. Dans le but de retranscrire l'idée d'un espace-temps délicat, cet outil vise à atteindre une profondeur d'attention. « Mes expos » est une application développée sur la base d'études de cas, d'analyses et d'un questionnaire en ligne, permettant à tous les visiteurs de l'exposition d'en garder une trace. Projet de science participative, ce médium permet de faire partager sa vision de l'exposition, ses connaissances ou encore de transmettre ses émotions sur une interface pouvant être public.
Figure 1. Présentation de l'application « MesExpos », Valentine Mathieu
Figure 2. Interface du questionnaire, Valentine Mathieu
Figure 3. Détails des rubriques, Valentine Mathieu
Figure 4. Mock-up du projet, Valentine Mathieu
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Crédits et légendes
Figure 1. Présentation de l'application « MesExpos » © Valentine Mathieu
Figure 2. Interface du questionnaire © Valentine Mathieu
Figure 3. Détails des rubriques © Valentine Mathieu
Figure 4. Mock-up du projet © Valentine Mathieu
Bibliographie
CITTON, Yves, Pour une écologie de l'attention, Paris, Éditions Seuil, 2014.
COMMENT, Bernard, Roland Barthes, Vers le neutre, Paris, Éditions Bourgeois, 2002.
OBRIST, Hans-Ulrich, Les voies du curating, Paris, Éditions Manuella, 2015.
ROMAN Mathilde, Habiter l\'exposition - L\'artiste et la scénographie, Paris, Éditions Manuella, 2020.
TRONTO Joan, Un Monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, Éditions La Découverte, 2009.
VAN REETH, Adèle et FIAT, Eric, La Pudeur. Questions de caractères, Paris, coéditions Plon-France culture, 2016.
VINCENT-BUFFAULT, Anne, Délicatesse, Paris, Éditions Agnès Vandevelde-Rougale, Dictionnaire de sociologie clinique, 2019.
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Cet article et ce point de départ sont repris de mon mémoire de master 2 « Design, Arts, Médias » : Vers une approche délicate de l'exposition. ↩
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C'est le philosophe Edmund Burke qui en 1757 utilise le mot « Sublime » pour exprimer ce mélange d'attraction et de répulsion éprouvé par l'homme face aux manifestations déchaînées de la nature, le sentiment de sidération, de solitude, de toute-puissance et de terreur mêlées face à son immensité. Claire ASTIER, « Sublime : les tremblements du monde », Critique d'art, publié le 20 mai 2017, consulté le 8 mars 2021 sur https://journals.openedition.org/critiquedart/21433 ↩
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VAN REETH, Adèle et FIAT, Éric, La Pudeur. Questions de caractères, Paris, coédition Plon-France culture, coll. Questions de caractères, p. 35. ↩
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FRANÇOIS Guy-Claude, « Le langage commun de la scénographie », Études théâtrales, numéro 3, publié en novembre 2012, consulté le 3 avril 2021. ↩
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Dorian REUNKRILERK (designer et curateur) lors d'un entretien le 4 mai 2021 à Paris (voir annexes de mon mémoire). ↩
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ROMAN Mathilde, Habiter l'exposition - L'artiste et la scénographie, Paris, Éditions Manuella, 2020, p. 16. ↩
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VINCENT-BUFFAULT Anne, Dictionnaire de sociologie clinique - Délicatesse, Paris, Éditions Agnès Vandevelde-Rougale, 2019, p. 46. ↩
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Pierre WAT, « Journée d'étude : La justesse », Calenda, publié le jeudi 12 mai 2011, consulté le 25 avril 2021 : https://calenda.org/20432gagnon éric Care Athropen ↩
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COMMENT Bernard, Roland Barthes, Vers le neutre, Paris, Éditions Bourgeois, 2002. ↩
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CITTON Yves, Pour une écologie de l'attention, Paris, Éditions Seuil, 2014, p. 25. ↩
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GAGNON Éric, « Care », Anthropen.org, publié en juillet 2016, consulté le 6 avril : DOI : https://doi.org/10.17184/eac.anthropen.031 ↩
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VINCENT-BUFFAULT Anne, Dictionnaire de sociologie clinique - Délicatesse, op. cit., p. 49. ↩
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OBRIST Hans-Ulrich, Les voies du curating, op. cit., p. 34. ↩
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Dorian REUNKRILERK (designer et curateur) lors d'un entretien le 4 mai 2021 à Paris (voir annexes de mon mémoire). ↩
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TRONTO Joan, Un Monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, Éditions La Découverte, 2009, p. 173. ↩
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Agata ZIELINSKI, « L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin », Études, n° 413, publié le 28 novembre 2010, consulté le 6 avril : Zielinski Agata, « L'éthique du care. Une nouvelle façon de prendre soin », Études, 2010/12 (Tome 413), p. 631-641. DOI : 10.3917/etu.4136.0631. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-12-page-631.htm ↩
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TRONTO Joan, Un Monde vulnérable. Pour une politique du care, op. cit., p. 54. ↩