Résumé
Issu de la thèse de doctorat de Victor Guégan, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques est une relecture contemporaine des enjeux de la Nouvelle Typographie. Partant du constat que le procédé technique de la typographie disparaît avec son industrialisation, l’auteur rend compte de la mutation du rôle du typographe.
Introduction
Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques prend place dans la collection « Façons » des éditions B42. Il s’agit du second ouvrage dédié à la typographie de cette collection, après La typographie post-binaire. Au-delà de l’écriture inclusive de Camille Circlude1 publié il y a deux ans. Les deux ouvrages partagent une position commune dès la lecture de leurs titres : il s’agit d’opérer un déplacement voire un dépassement, de se situer « après » le procédé technique de la typographie pour Victor Guégan et « au-delà » de la binarité de genre pour Camille Circlude. Les deux ouvrages partagent également une prise de parti : leur contenu démontre la portée politique de la typographie. Cette posture confère à ces ouvrages la qualité « d’essais inédits2 » qui justifie pleinement leur place au sein de cette collection. Ils témoignent également de la volonté de l’éditeur de publier des recherches théoriques en typographie.
Si l’ouvrage de Camille Circlude traite d’une problématique très contemporaine dans le champ de la typographie, Victor Guégan s’attache plutôt à une problématique apparue au XXe siècle. Le sous-titre du livre, « Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques », le situe directement dans un épisode bien connu de l’histoire du design graphique : l’industrialisation de la typographie. Cependant, la relecture que propose Victor Guégan de ce moment historique apporte une certaine fraîcheur, et sa proposition contribue à ouvrir de nouvelles perspectives pour nourrir la recherche contemporaine en typographie.
1. Nouveau regard sur la Nouvelle Typographie
La recherche de Victor Guégan part du constat de la disparition du procédé technique de la typographie avec son industrialisation. De son propre aveu, il entend analyser dans cet ouvrage les conséquences de cette disparition sur « la forme, les matérialités, les usages et les valeurs esthétiques que les sociétés portent aux imprimés3 ». Conjointement, l’auteur note que la disparition du procédé technique s’accompagne de la construction d’une culture typographique, qu’il justifie en notant que le vocabulaire technique couramment utilisé de nos jours dans le champ de la typographie se réfère au procédé technique historique : « Qui n’a jamais entendu parler, à titre d’exemple, de “fontes numériques”, rencontre du troisième type entre la matérialité des premiers caractères mobiles en métal et la calculabilité programmée des tracés vectoriels de nos écrans d’ordinateur4 ? » Ce double constat inaugural impose dès lors d’une distinction entre la typographie en tant que procédé d’impression et la typographie en tant que champ de pratique.
C’est de la disparition de la typographie en tant que procédé technique que découle la proposition de Victor Guégan : l’histoire entre dans une ère après la typographie à partir de ce moment de bascule. Ce moment de rupture est d’ailleurs traduit par l’ouvrage lui-même de manière assez brutale. Après la typographie est introduit par deux citations qui situent les enjeux du rôle du typographe5, ainsi que par cinq gravures extraites de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert figurant les opérations techniques effectuées par les typographes6. Ces gravures légendées et commentées par l’auteur plongent directement le lecteur dans un certain contexte technique. Les qualités graphiques de ces gravures participent à ressentir la dimension ancestrale de ces opérations. Suite à ces gravures, la première phrase de l’introduction opère une rupture aussi violente que le moment de bascule qui intéresse l’auteur : « La typographie est morte7. » L’ouvrage s’ouvre sur un constat on ne peut plus provocateur, qualifié de « boutade8 » par l’auteur. Cette rupture entre les gravures et la première phrase de l’introduction dès le début de la lecture situe directement le lecteur au cœur du propos et du moment de bascule qui est visé par l’ouvrage : la mutation du contexte technique et du métier de typographe est immédiatement palpable.
L’ouvrage traite donc d’une période bien précise de l’histoire du design graphique et de la typographie, qui justifie son titre : « l’entrée du monde de l’imprimerie dans une seconde phase de son histoire, après l’hégémonie du procédé de reproduction typographique autour duquel tout était centré9 ». Cependant, l’auteur précise que ce moment de bascule ne s’opère pas juste à l’industrialisation de la typographie, mais lorsqu’adviendra une prise de conscience de sa nouvelle nature par les typographes. L’ouvrage ne traite donc pas uniquement d’un moment de mutation dans les procédés techniques, mais avant tout de la prise de conscience de ce que cette mutation va changer pour les typographes, et de la réflexivité sur la nature de leur métier qui va en découler. Plus précisément, l’auteur repère ce moment réflexif chez les nouveaux typographes : l’ère après la typographie débute donc avec la Nouvelle Typographie. Ne nous y trompons pas : le propos est bel et bien ancré dans le champ de spécialité de l’historien de l’art. En effet, précisons que cet ouvrage est issu des recherches menées au cours de sa thèse de doctorat10.
Si nous savons que les recherches doctorales de Victor Guégan portent sur la Nouvelle Typographie, et que cette période de l’histoire du design graphique a déjà été amplement documentée et étudiée, le point de vue qu’il adopte dans cet ouvrage défend une prise de parti singulière : l’auteur entend déconstruire « le mythe moderniste autour de la Nouvelle Typographie11 » et insister sur la dimension industrielle du mouvement, qu’il estime avoir été minorée. Au-delà de la technique, c’est bien la « quête de la matérialité de nouvelles formes imprimées12 » opérée par la Nouvelle Typographie qui intéresse l’auteur. Une période bien connue, donc, mais une histoire de la typographie éclairée par un point de vue singulier.
2. Chronologie, contenus, hypothèses
À l’image d’un manuel d’histoire de la typographie, le sujet est traité de manière chronologique, structuré en trois parties délimitées par des bornes temporelles :
- « Vers une typographie sans typographie (1851-1925) »
- « La Nouvelle Typographie (1925-1928) »
- « Après la Nouvelle Typographie : un retour à l’ordre ? (1928-1967) ».
Chaque grande partie comporte deux sous-parties, elles-mêmes divisées en paragraphes thématiques assez courts. Cette organisation très structurée suivant une ligne chronologique claire, ainsi que le fluidité de l’écriture, confèrent une dimension didactique à l’ouvrage, qui nous semble tout à fait adressé à des étudiants comme le suggère la dédicace de l’auteur13. Un équilibre très agréable est trouvé entre la simplicité – voire la sincérité – de l’écriture et la précision et la densité du propos.
2.1 Deux premières parties qui préparent le terrain
La première partie s’attache à retracer l’industrialisation du procédé technique. L’auteur prend comme point de départ le Deutscher Werkbund et en tire trois idées qui lui permettent d’esquisser une définition de l’ère d’après la typographie :
« Admettre que la production de masse a enlaidi les objets de la vie quotidienne produits auparavant artisanalement ou, tout du moins, à petite échelle ;
Ne pas considérer que travailler avec une industrie qui mécanise et automatise les tâches soit une trahison dans le domaine des arts décoratifs, comme le clamait notamment William Morris ;
Chercher à améliorer la qualité des produits industriels, en acceptant les contraintes logistiques, technique et économiques inhérentes à ce système de production14. »
Le début de l’ouvrage vise donc à souligner ce point de rupture et le détachement de la typographie du précédé technique.
Après la mise en place du contexte, la seconde grande partie concerne ouvertement la Nouvelle Typographie. Il y est notamment question de l’introduction de l’image et de sa place dans la vie moderne grâce à l’industrialisation de l’imprimerie. La première sous-partie retrace l’intérêt de la Nouvelle Typographie pour la conception d’imprimés publicitaires dans les années 1920, notamment avec le Cercle des nouveaux concepteurs publicitaires fondé par Kurt Schwitters : il est question de passer de l’échelle de l’imprimé à l’échelle de la ville. La seconde sous-partie interroge plutôt les formes permises par le processus mécanisé en série. Une fois démontré en partie I que la typographie ne concerne plus uniquement un procédé technique et les matériaux de l’imprimerie, la partie II insiste sur le fait que la typographie s’attache maintenant à la structuration et l’organisation claire de l’espace de la page, avec des éléments à lire et à regarder. L’auteur s’attache notamment à étudier dans cette partie le rôle de la photographie et plus précisément la « nouvelle matérialité photosensible15 » de l’imprimé, et avance comme caractéristique de l’après-typographie une union entre les médiums de la photographie et de l’imprimé. Plus encore, l’auteur suggère que la photographie permettrait de rétablir un lien rompu entre les opérations de conception et d’impression (nous y reviendrons), au moyen de caractéristiques matérielles et esthétiques communes. Nous devons admettre que cette suggestion n’a pas manqué de nous surprendre. Plus surprenant encore, Victor Guégan réintroduit dans cette partie la question de l’ornement dont nous pourrions penser qu’elle est exclue de la Nouvelle Typographie. L’historien rend ici hommage à un intérêt de Jan Tschichold pour la mécanographie, et envisage un rapport entre la production mécanique et l’ornement.
Avec ces suggestions, le lecteur sent que la fin de la partie II se dirige vers des propos plus propositionnels, et que des idées inédites ne vont pas tarder à être avancées. En effet, les deux premières grandes parties de l’ouvrage sont finalement assez factuelles et peu sujettes à controverse. Elles servent à préparer le terrain et poser les conditions pour que la principale hypothèse advienne dans la partie III. Cette dernière partie est en effet beaucoup plus propositionnelle, avec des idées avancées plus étonnantes et moins convenues.
2.2 La Nouvelle Typographie comme projet humaniste ?
La dernière grande partie de l’ouvrage se situe après la Nouvelle Typographie et compte la mettre en perspective : « Qu’a-t-il [l’épisode de la Nouvelle Typographie] apporté dans la perspective plus longue de l’histoire de l’imprimerie16 ? » Dans la perspective de l’après typographie, l’auteur interroge d’abord la fin de la Nouvelle Typographie : quand cette expérience s’est-elle terminée ? Dans la première sous-partie, il s’agit d’abord d’opérer un élargissement à la fois spatial et temporel de la Nouvelle Typographie en se référant à deux autres épisodes de l’histoire de la typographie. D’une part, l’article de Paul Renner dans Die Form en 1929 est l’unique moment où le dessin de caractères est abordé dans l’ouvrage. L’auteur rappelle que pour Paul Renner, le rôle du dessinateur de caractères est d’adapter les formes mathématiques à la vision humaine, restituant ainsi la place de la perception visuelle dans la construction des formes des caractères. Il ne s’agit plus de la simplification de la production industrielle et de l’adaptation à des standards géométriques industriels, mais plutôt de la lisibilité. D’autre part, la question du caractère local de la Nouvelle Typographie est abordée à travers la querelle entre Max Bill et Jan Tschichold17. Victor Guégan rétablit ici les questions éthiques, sociales et politiques que posent l’industrialisation de la typographie, et insiste sur la dimension politique et culturelle du débat qui a opposé les deux typographes.
Cependant, précisons que l’auteur n’entend pas déterminer la fin de la Nouvelle Typographie en tant que phénomène avant-gardiste, mais bien dans la perspective de l’après typographie. En ce sens, la Nouvelle Typographie est envisagée du point de vue d’un « processus plus large de reconstitution d’un nouvel ordre typographique après que l’industrie de l’imprimerie a pris ses distances avec le procédé originel de ce médium18 ». C’est dans cette perspective que l’auteur avance l’hypothèse la plus surprenante de l’ouvrage. Si la Nouvelle Typographie est plutôt considérée comme une mise aux normes de l’imprimerie pour satisfaire des contraintes industrielles, elle s’inscrit avant tout dans un mouvement de normalisation des documents imprimés et, à ce titre, ne constitue que la première étape d’un projet plus vaste : celui de « garantir, avec le maintien d’un ordre typographique fondé sur la clarté et la lisibilité, le projet universaliste que projetait une certaine philosophie des Lumières sur l’imprimerie et l’architecture19 ». À première lecture, nous sommes restée quelque peu perplexe face à cette hypothèse, qui ne semblait pas tant découler des propos précédents. Contrairement aux idées avancées dans les deux premières parties, ce lien entre la typographie et une conception humaniste de l’universalité n’allait pas de soi, et nous avons été curieuse de découvrir la justification de cette hypothèse.
Le lien entre humanisme et typographie semble d’abord être suggéré par le refus de la subjectivité individuelle et de la dimension stylistique par Tschichold, qui justifie un retour aux règles, aux structures, aux codes des siècles précédents. En ce sens, Tschichold estime que la typographie a une « visée universelle et universaliste20 », et que le projet moderniste est intégré dans une « émancipation des libertés individuelles plus globale21 ». De plus, le lien entre typographie et humanisme semble central dans la « vision livresque d’une nouvelle typographie centrée sur la lisibilité et la clarté des textes22 » que défend Tschichold. La Nouvelle Typographie est-elle donc à lire sous le prisme d’un projet humaniste ? C’est ce qu’avance Victor Guégan en rappelant qu’elle visait à « restituer une relation apaisée entre le texte et le lecteur après le chaos visuel projeté par des formes industrielles ornementales23. » La Nouvelle Typographie visait le maintien d’un ordre de l’imprimerie, au service de la lecture.
La dernière sous-partie de l’ouvrage est dédiée à justifier le lien entre la normativité de la composition typographique et le projet humaniste. L’auteur restitue dans cette partie l’ambition de Tschichold de codifier la typographie c’est-à-dire d’établir un « ensemble de lois garantissant un bon usage de l’espace imprimé et respectueux de la lisibilité et de la clarté du discours de l’auteur24 ». En effet, le typographe cherche notamment à normaliser la composition typographique à travers des documents qui contiennent des instructions à destination des éditeurs, de véritables « chartes orthotypographiques25 » à suivre pour optimiser la clarté et la lisibilité d’un document pour le lecteur. Au-delà de cadrer le travail de composition, Victor Guégan identifie que ces documents participent à créer une « culture orthotypographique commune des opérateurs-compositeurs26 ». Nous retrouvons ici l’enjeu de l’après typographie qui a initié l’ouvrage, à savoir « la persistance de la culture typographique à l’heure de sa disparition technique27 ». Afin de rejoindre sa thèse de la Nouvelle Typographie comme projet humaniste, l’auteur termine par tisser un lien entre la composition typographique et les règles de civilité par la notion de « retenue émotionnelle28 » : les règles et usages en typographie seraient à envisager comme des outils permettant de la garantir. Dans cette perspective, le rejet de l’ornement serait à interpréter comme la retenue émotionnelle d’une pulsion ornementale, permettant d’offrir un espace « civilisé et pacifié à l’écriture29 ». La thèse de ce dernier chapitre vise donc à montrer comment la constitution d’un code définit une norme sociale.
L’ouvrage ne comporte pas de conclusion, mais un dernier paragraphe de cette sous-partie est qualifié d’épilogue. Ici, Victor Guégan ouvre une voie : celle d’envisager l’art typographique comme un art de faire, dans au sens de Michel de Certeau30. Le typographe est alors assimilé à un ingénieur qui possède un « tact logique31 » : le typographe, en tant qu’ingénieur au service d’un art de faire, assure l’équilibre entre la normalisation et rationalisation du système de la typographie et entre celui qui expérimente et celui qui produit. Si l’auteur s’est attaché « l’art de l’imprimerie après la typographie32 », il précise que son parti pris a été de s’intéresser « aux rapports entre la pratique de la typographie et les évolutions dans l’organisation du travail industriel, depuis qu’il ne se fait plus uniquement avec la main33 ». Cette dernière déclaration souligne que pour comprendre la rupture entre l’ancienne et la nouvelle typographie, étudier les nouvelles formes typographiques est insuffisant.
3. Le métier de typographe au cœur de l’ouvrage
Au-delà des idées et hypothèses inédites soumises par Victor Guégan, c’est surtout la mutation du métier de typographe, de son rôle et de son statut que nous suivons tout au long de l’ouvrage, et ce dès les gravures introductives. Il est avant tout question de la place des typographes dans la société à l’ère industrielle. L’introduction des machines dans l’imprimerie pose la question du rôle du typographe : que devient le typographe lorsque son procédé technique disparaît ? Cette question est d’ailleurs traitée depuis les praticiens eux-mêmes : Victor Guégan met en exergue la réflexivité des praticiens sur la nature du métier de typographe.
3.1 Acteurs, rôles et statuts
Le propos se déploie à partir d’une scission centrale entre les opérations techniques et les opérations de conception : Victor Guégan identifie la Nouvelle Typographie comme le moment où le lien entre les opérations de composition et d’impression a été rompu. C’est d’ailleurs sur cette scission que se fonde sa thèse d’un après-typographie : l’apparition d’une culture typographique n’est permise que grâce à une autonomie du champ typographique vis-à-vis de la technique. Le contenu de l’ouvrage est donc intrinsèquement lié à l’évolution du métier du typographe et vise à en problématiser les mutations.
Dans la première grande partie, l’auteur prend acte de cette scission entre les opérations de conception et d’impression. Cette rupture dans l’organisation du travail est d’abord matérialisée par les lieux où se déroulent les opérations : les opérations de conception ont lieu hors de l’imprimerie, dans des ateliers où les opérations de production ne sont pas effectuées, c’est-à-dire que le typographe quitte le lieu de la fabrique typographique. En ce sens, l’entrée dans l’après typographie s’effectue au moment de la spécialisation des tâches avec l’industrialisation des processus de travail. Il s’agit ici de replacer le nouveau rapport à l’organisation du travail au centre du propos. C’est notamment par la question du rôle du typographe que l’auteur se réfère aux avant-gardes. Alors que les poètes futuristes et Marinetti composent et organisent les poèmes eux-mêmes dans l’espace de la page directement dans l’atelier d’impression, les dadaïstes, quant à eux, collaborent avec des typographes. L’auteur rétablit ici les rôles de chacun dans la pratique. Avec Dada, ce ne sont plus des typographes qui manipulent le matériau typographique mais des amateurs, et l’auteur montre comment le terme de typographe est approprié par des « étrangers à la profession34 ». Cette perspective du métier n’est évidemment pas décorrélée de la question de ce qu’est la typographie au début du XX^e^ siècle : les pratiques de Dada s’apparentent davantage aux pratiques de studios de conception publicitaire qu’à la pratique des typographes et des ateliers de composition typographique.
Dans la seconde grande partie, Victor Guégan pose la question de la place des nouveaux typographes dans cette nouvelle économie industrielle. L’auteur pointe ici une scission entre les artistes et nouveaux concepteurs publicitaires qui tendent à « réformer l’imprimerie à l’ère industrielle35 » d’une part, et les imprimeurs et typographes ancrés dans la tradition de l’édition du livre qui, d’autre part, ont du mal à s’y adapter. Dans ce contexte, l’auteur explique que la Nouvelle Typographie a pour tâche « d’organiser visuellement les matériaux typographiques et photographiques au sein d’un nouvel ordre imprimé, unifié par l’opération d’impression36 » : le rôle du concepteur typographe est d’agencer, d’organiser les différents éléments (visuels et textuels) dans l’espace imprimé. Ce rôle n’a donc plus que peu à avoir avec la composition d’une forme imprimée à partir d’une casse : selon la logique industrielle, ces opérations sont désormais mécanisées et automatisées. D’après les mots de Tschichold, le typographe devient alors un acteur à qui « l’on remet des clichés pour qu’ils soient insérés dans la composition prévue37 ». Le concepteur typographique, quant à lui, traite de la manière dont l’agencement des éléments graphiques permet d’équilibrer et clarifier le message.
Dans la troisième et dernière partie, l’auteur se demande « à quoi ressemblent les typographes d’après la typographie38 ? » Cette partie s’appuie sur la démonstration de la mise à distance des opérations techniques, qui ouvre des postes de conceptions à des non-professionnels de l’imprimerie tels que les peintres modernes et artistes constructifs. Ancrant son propos dans la querelle qui oppose Jan Tschichold à Max Bill, Victor Guégan met en évidence cette scission entre la typographie du livre et la typographie des imprimés publicitaires et commerciaux, dont Tschichold critique la soumission à des normes industrielles. Découlant de la séparation entre les opérations de conception et les opérations d’impression, l’auteur forme dans cette dernière partie la notion d’« antériorité typographique », selon laquelle les opérations de conceptions sont antérieures à celles de fabrication. Cette notion est reliée au rôle du typographe par l’idée selon laquelle cette antériorité implique une « mise à distance du geste du dessinateur39 ». Selon Victor Guégan, cette nouvelle division des opérations implique l’effacement des traces des opérations de montage avec la typographie. La position d’antériorité de la conception induit ainsi phase de planification de la part du concepteur, qui a à charge de s’assurer que la phase de fabrication n’altère pas le dessin de la maquette. Il restitue alors une sorte de hiérarchie entre le concepteur et les compositeurs qui vont exécuter la maquette : il s’agira notamment pour Tschichold d’établir des règles d’instruction destinées à ces compositeurs. Dans cette perspective, les graphistes semblent constituer une menace et entrer en concurrence avec les typographes. Dans cette troisième et dernière partie apparaissent d’autres acteurs extérieurs aux cercles professionnels de la typographie, au-delà des avant-gardistes. À cet égard, Victor Guégan retrace une divergence d’objectifs entre les imprimeurs qui vont suivre une raison économique (gagner du temps et limiter les coûts notamment afin de rentabiliser leurs investissements dans les machines et générer du profit), et les conseillers ou « lettrés » qui s’attachent plutôt à garantir la qualité des imprimés et la clarté du texte. Alors que les lettrés revendiquent des règles de lisibilité et la raison éditoriale, les imprimeurs sont plutôt guidés par des raisons industrielles. Enfin, Victor Guégan met en évidence l’intérêt que portait Tschichold à ces acteurs « en marge du métier pour résoudre des problèmes relatifs à l’ordre du lisible au sein de l’imprimerie40 ».
3.2 Redonner la parole aux praticiens
Ce complément sur les contenus de l’ouvrage nous permet de mettre en évidence le cœur du propos : il s’agit avant tout d’identifier les différents acteurs, de préciser leurs rôles, de clarifier leurs statuts, et de s’attacher à leurs intérêts et préoccupations afin de situer leurs enjeux respectifs. Victor Guégan s’est d’ailleurs déjà attaché, de manière plus synthétique, à clarifier des réalités que recouvrent le terme de « typographe » dans la notice dédiée du glossaire de la plateforme Design in Translation41. De plus, la richesse du vocabulaire employé dans l’ouvrage pour qualifier les praticiens démontre la subtilité avec laquelle le sujet est traité : l’évolution du termes accompagne le développement du propos. Nous passons ainsi du « typographe » à l’« artiste et concepteur typographique publicitaire », puis du « concepteur typographique » à l’« agent compositeur » (qui doit se soumettre aux règles de la typographie). Enfin, les termes d’« opérateurs-compositeurs » ou « opérateur typographique » apparaissent, et c’est également la figure de l’ingénieur qui se dessine à la fin de l’ouvrage. L’importance des qualificatifs employés pour désigner les praticiens est mise en évidence par une anecdote : Jan Tschichold se serait qualifié de « collaborateur artistique42 » d’une imprimerie, statut qui ne manque pas d’étonner lorsque l’on connaît le rejet du typographe de toute dimension artistique de la typographie.
Si nous insistons sur cet attachement de l’ouvrage au point de vue du métier et des pratiques, c’est qu’il nous semble révélateur d’une nouvelle perspective qui s’ouvre pour la recherche contemporaine en typographie et en design graphique. En effet, l’histoire du design graphique et de la typographie a souvent été écrite selon divers points de vue : celui des idées (voire des idéologies), de l’esthétique et des formes, du point de vue de la technique ou encore selon une perspective monographique en retraçant la vie de grandes figures43. Avec cet ouvrage, Victor Guégan ouvre une nouvelle voie, celle d’un point de vue sociologique sur le métier de typographe et sur les pratiques de la typographie. Cet intérêt pour ce qu’être typographe signifie pour les praticiens nous semble partagé par les chercheuses et chercheurs contemporains : nos pairs tentent non seulement de comprendre les pratiques des designers graphique et typographique, mais surtout de les analyser du point de vue de ces designers eux-mêmes. Trois exemples nous semblent particulièrement révélateurs. D’abord, Karen Brunel-Lafargue adopte une méthodologie au plus proche des designers graphique dans son travail de recherche sur la notion de responsabilité : elle ne cherche pas à former cette notion d’un point de vue surplombant et détaché de la réalité du métier, mais elle va directement interroger les designers sur ce que cette notion signifie pour eux44. Nolwenn Maudet, quant à elle, mène des entretiens avec des designers graphique où elle analyse les usages qu’ils font de leurs outils45. Enfin, plus récemment, Julie Blanc s’est attachée au lien entre les outils de publication web et la formation d’une communauté de pratique46. Dans ces recherches, les méthodes adoptées entendent redonner la parole aux graphistes et au typographes sur leurs propres pratiques.
Bien que l’ouvrage qui nous intéresse soit issu d’une thèse en histoire de l’art, il nous apparaît que Victor Guégan restitue les propos de typographes sur les questions qu’ils se posaient à propos du sens, de la signification et des mutations de leur métier et de leur rôle. Ce travail de recherche met donc en avant la réflexivité des praticiens sur leur propre pratique. Ce point de vue est notamment lisible à travers les sources convoquées par l’historien : il s’appuie en grande partie sur des revues professionnelles allemandes. Tout comme Arts et Métiers graphiques en France, ces revues constituaient un lieu de discussion entre les praticiens, d’exposition de leurs idées et de réflexion sur leur métier. La volonté de rendre la parole aux typographes se matérialise notamment par de nombreuses citations longues extraites d’articles publiés par les praticiens dans les revues professionnelles, qui constituent autant de témoignages précieux pour l’historien. Donner la parole aux typographes semble peut-être aller de soi à l’heure où les designers graphique et typographique s’expriment sur leurs pratiques à travers de nombreux médias (entretiens, cycles de conférences, podcasts47, magazines48, associations telles que les Rencontres de Lure, voire débats sur les réseaux sociaux…). Nul doute que ces divers matériaux permettront d’écrire l’histoire du design graphique et typographique contemporain. Cependant, l’ouvrage de Victor Guégan nous semble être l’un des premiers à aborder ouvertement l’histoire de la typographie selon l’angle de la réflexivité des praticiens.
4. Donner à lire la recherche
Les sources convoquées nous amènent à aborder la démarche de l’auteur pour construire son propos. Cet ouvrage donne non seulement à lire un moment de l’histoire de la typographie, mais il retrace également l’histoire de la recherche menée par Victor Guégan. L’historien nous livre son travail de recherche dans une forme de sincérité et d’authenticité très agréable à lire. L’ouvrage est empreint de traces qui donnent à voir la recherche : il ne s’agit donc pas uniquement de donner à lire le résultat de sa recherche, mais également le processus dont ce travail est issu. La présence de ce processus est lisible à travers plusieurs expressions disséminées dans le propos de l’auteur telles que « j’ai commencé à m’interroger49 » ou encore « il m’a semblé au cours de mes recherches50 », qui nous permettent de suivre sa démarche. De plus, les revues de la bibliographie ne sont pas classées par ordre alphabétique mais par leur date de consultation, ce qui permet aussi au lecteur de suivre un processus à mesure que les sources sont consultées.
L’ouvrage est parfois aussi le lieu de confidences, où l’auteur s’adresse directement au lecteur notamment en employant la première personne du singulier. Il convient également de signaler que l’ouvrage se clôture par une « Note aux lecteurs et aux lectrices51 », où l’auteur nous précise sa démarche, exprime quelques regrets, et rend également hommage aux projets de recherche contemporains dans le champ de la typographie. De plus, la bibliographie s’intitule « Orientations bibliographiques52 », comme autant de suggestions et de pistes ouvertes. Enfin, l’ouvrage ne comporte pas de conclusion mais un dernier paragraphe « épilogue53 », démontrant la vocation de ce livre à servir d’introduction, d’ouverture proposée aux mondes de l’après-typographie.
Cette sincérité met également en exergue un point de vue personnel voire la dimension affective que le chercheur entretient avec son sujet de recherche. Il avoue dans la note aux lecteurs et lectrices : « j’étais fasciné par l’esthétique de la Nouvelle Typographie54 ». Nous pouvons également noter la présence de sa sensibilité personnelle aux objets graphiques, par exemple lorsqu’il retrace son expérience esthétique du Typographe de Fernand léger, où il y discerne un poète futuriste55. Le lecteur ressent que l’expérience esthétique personnelle prend pleinement place dans la recherche de Victor Guégan. Le chercheur nous présente ce qui dans la recherche est de l’ordre de l’intuition, celle qui n’est pas encore démontrée mais qui est ressentie, et qui permet de former les hypothèses. Il affirme également des opinions personnelles et partis paris, comme celui qui a initié ce travail de recherche : le fait que la dimension industrielle de cette révolution technique a été minorée par l’histoire de l’art. Il entend alors rendre hommage à pans sous-traités dans l’histoire du design graphique et de la typographie. Il estime par exemple que la carrière de Max Hertwig est « trop peu connue56 » et nous présente un « intérêt peu connu de Tschichold pour ce qu’il nomme la “mécanographie57“ ». Il adopte parfois un regard critique sur l’histoire du design graphique, par exemple lorsqu’il remet en question la tendance « (très française58) » de séparer l’histoire du design graphique expérimental de la publicité commerciale.
Victor Guégan ouvre également l’ouvrage en annonçant qu’il s’inscrit dans le sillage de Robin Kinross59, et que ses propres recherches « poursuivent ce travail60 ». Au-delà du sujet de la modernité, la filiation avec Kinross nous semble d’ordre méthodologique : il s’agit d’opérer un déplacement, d’adopter un nouveau point de vue sur le sujet. Dans cet ouvrage, tout comme dans La typographie moderne61, nous suivons une chronologie de l’histoire de la typographie bien connue, mais avec un petit pas de côté : la surprise ne réside pas dans la structure de l’ouvrage, mais dans le nouveau point de vue selon lequel cette chronologie est éclairée. Il nous semble que c’est ce petit pas de côté qui permet de satisfaire non seulement les étudiants, mais également les chercheurs du champ.
5. Quelques remarques formelles
La facture de l’ouvrage témoigne du soin caractéristique des éditions B42, grandement attachées à la qualité graphique de leurs ouvrages. Deux points nous semblent mériter d’être soulignés. Tout d’abord, le choix graphique de traiter l’expression « après la typographie » en italique tout au long de l’ouvrage. Il nous semble que cette mise en évidence ne se réfère pas au titre de l’ouvrage. Nous l’interprétons plutôt comme la formation d’un néologisme. En effet, Victor Guégan nous propose une relecture de l’histoire de la typographie selon ce prisme. Envisager la nouvelle typographie comme un après typographie permet d’être moins ancré dans le temps que la notion de nouveauté : la nouvelle typographie datant d’un siècle, elle n’a plus rien de proprement nouveau pour nous contemporains. La notion de nouveauté est située temporellement, quelque chose n’est nouveau que par rapport à ce qui le précède, et ce référent est toujours mouvant. L’après typographie est donc moins située dans le temps que la nouvelle typographie et, conjointement, elle est également moins éphémère : quelque chose est nouveau jusqu’à ce qu’autre chose de nouveau ne le remplace. Par la formation de cette expression « après la typographie », Victor Guégan s’affranchit de la notion de nouveauté pour davantage marquer une rupture, un avant et un après.
Le second point que nous souhaiterions souligner est l’iconographie présente dans l’ouvrage. Elle n’est pas particulièrement riche et les images sont reproduites en niveaux de gris, ce qui nous a d’autant plus frustrée que les quelques objets graphiques présentés sont finement décrits dans le texte. À titre d’exemple, la reproduction du Pantin à découper de Clara Möller-Coburg62 ne nous permet pas réellement d’apprécier les « couleurs vives » décrites. Nous nous interrogeons sur ce choix de ne pas reproduire les images en couleurs, d’autant plus qu’un traitement en magenta est utilisé sur les figures 7 à 14 : l’économie d’une impression en niveaux de gris ne semble donc pas être une explication plausible. D’ailleurs, le traitement chromatique spécifique à ces figures est particulièrement curieux et nous laisse perplexe. Nous pourrions croire qu’il permet de mettre des éléments en évidence, mais les éléments colorés ne correspondent pas toujours au propos du texte. À première lecture, nous avons donc émis une grosse réserve sur les images de l’ouvrage : pas assez nombreuses bien que précisément décrites, et reproduites en niveaux de gris ce qui ampute en partie leurs qualités graphiques. Passée cette frustration, nous nous sommes tout de même interrogée : peut-être n’y a-t-il pas beaucoup d’images car là n’est pas le sujet ? Nous avons en effet argumenté que l’ouvrage est plutôt centré sur le métier de typographe que sur les objets graphiques et typographiques.
Par contre, nous devons souligner la justesse du choix de l’image reproduite en couverture du livre. Cette image est présentée et analysée lorsque l’auteur réintroduit la question de l’ornement et son lien avec la production mécanique63. Le choix de cette image pour illustrer la couverture du livre nous paraît triplement justifié. Tout d’abord, cette image témoigne de l’intérêt pour la mécanisation et la machine, soulignant l’ancrage du propos dans le contexte de la révolution industrielle. C’est plus encore le rapport entre la technique (ici, du guillochage) et la matérialité graphique qui est souligné : de nouvelles matérialités sont permises par cette mutation technique. Par ailleurs, cette image est une production anonyme, ce qui souligne davantage encore le point de vue de l’ouvrage, qui écrit l’histoire à partir de la matérialité graphique plutôt que dans une perspective monographique très attachée aux grands noms et grandes figures. Enfin, nous l’avons dit, réintroduire la question de l’ornement dans un ouvrage sur la Nouvelle Typographie démontre la volonté de l’auteur de sortir d’une image archétypale : il s’agit pour Victor Guégan d’ajouter de la nuance, d’aller dans les interstices de l’histoire de la typographie que nous connaissons. Cette histoire non archétypale est plus fine, mais pas pour autant plus complexe : elle nous est racontée simplement sans nous perdre sur des chemins de traverse.
6. Pour discuter
Nous l’avons compris, cet ouvrage constitue un indispensable des bibliothèques d’étudiants en typographie et en design graphique, et nous émettons peu de réserves quant à son contenu. Nous souhaiterions terminer ce compte-rendu par ouvrir une discussion sur deux points.
Le premier est l’emploi du terme « matérialité » dont le sens gagnerait parfois à être précisé. Nous nous autorisons cette remarque sachant à quel point Victor Guégan est attaché à cette notion, et la place assez centrale qu’elle tient dans ses recherches. Plusieurs acceptions semblent renvoyer à la matérialité des objets graphiques, par exemple lorsque les lettres et les images sont qualifiées de « matériaux64 » visuels. Dans d’autres cas, le terme renvoie plutôt aux réalités matérielles du travail de fabrication (voire parfois de conception), notamment lorsque l’auteur parle de « matérialité de la discipline65 », ou encore des « matériaux de l’imprimerie66 » qui semblent concerner la matérialité du travail de fabrication. Cependant, d’autres usages sont plus ambigus. A titre d’exemple, nous n’avons pu trancher si la « nouvelle matérialité photosensible67 » renvoie à la matérialité du travail d’impression ou à la matérialité graphique. Cet exemple est d’autant plus ambigu qu’il se situe dans une partie qui entrecroise à la fois les axes artistique et technique, et où l’auteur suggère que le matériau photographique deviendrait le « trait d’union entre les formes envisagées sur les tables de montage et les impressions produites68 ». Un autre exemple nous semble également particulièrement ambigu, dans une phrase pourtant cruciale dans la compréhension du constat qui a initié la réflexion de cet ouvrage : « l’imprimerie industrielle du XX^e^ siècle a rompu ses liens avec les matérialités qui la définissaient lors des siècles précédents69 ». Dans quel sens le terme « matérialités » est-il employé ici ? Cette occurrence nous permet également de souligner l’usage récurrent du terme au pluriel, dès l’introduction puis régulièrement tout au long de l’ouvrage. S’agit-il de la matérialité du métier au sens des réalités matérielles des opérations de fabrication ? Ou bien de la matérialité des objets graphiques ? Nous avançons que cet emploi témoigne peut-être justement du lien qui unit ces deux types de matérialités.
Enfin, nous attendons désormais que la promesse faite en introduction soit tenue. L’auteur part d’un constat contemporain, d’un état de fait actuel : le procédé technique de la typographie a disparu au XX^e^ siècle, mais il subsiste au XXI^e^ une culture typographique ancrée et liée à ce procédé, comme en témoigne l’exemple que convoque l’auteur : « Qui n’a jamais entendu parler, à titre d’exemple, de “fontes numériques”, rencontre du troisième type entre la matérialité des premiers caractères mobiles en métal et la calculabilité programmée des tracés vectoriels de nos écrans d’ordinateur70 ? » Dans Après la typographie, Victor Guégan nous a permis de comprendre la disparition de ce procédé technique et ses implications sur le métier de typographe. Nous attendons désormais de savoir comment cette culture typographique a malgré tout subsisté jusqu’à nous. D’autant plus que d’autres révolutions techniques sont advenues depuis, comme l’introduction de l’écran : nous pensons ici au projet de recherche WYSIWYG71, au sein duquel Caroll Maréchal et Clémence Imbert s’attachent à la mutation de la profession et du métier de designer graphique avec ce tournant numérique. Sommes-nous encore dans l’après typographie ? Avec la typographie numérique, ne nous situons-nous pas plutôt après après la typographie ? Ou dans une post-typographie ?
S’il s’agit bien d’un ouvrage d’histoire de la typographie, il nous semble que la thématique mériterait d’être traitée d’un point de vue théorique en s’affranchissant peut-être de la chronologie et en dépassant plus largement Jan Tschichold et la Nouvelle Typographie. Prendre désormais quelques distances avec l’ancrage du questionnement dans un moment bien précis de l’histoire de la typographie permettrait sûrement d’adopter un point de vue plus global sur la problématique et de la traiter de manière plus transversale. Forts des acquis de ce premier ouvrage, nous attendons avec impatience l’acte II où la question de la mutation du métier de typographe sera posée (et investie) jusqu’à nos jours.
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CIRCLUDE Camille, La typographie post-binaire. Au-delà de l’écriture inclusive, Paris, B42, coll. « Façons », 2023. ↩
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« La collection Façons accueille des ouvrages du catalogue consacrés au design, au design graphique, à la typographie, à l’architecture et au design de mode. Composée d’essais inédits et de traductions, cette collection forme une boîte à outils indispensable à la compréhension et au développement de ces disciplines. »
Description de la collection « Façons » sur le site des éditions B42, URL : https://editions-b42.com/collections/, consulté le 13/10/2025. ↩ -
Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, Paris, B42, coll. « Façons », 2025, p. 14. ↩
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Ibidem, p. 15. ↩
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Ibid., p. 7. ↩
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Figures 1 à 5, id., p. 8-12. ↩
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Id., p. 14. ↩
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Id., p. 14. ↩
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Id., p. 17. ↩
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Guégan Victor, Jan Tschichold et les Nouveaux Typographes en Allemagne et en Suisse. Explications de textes (1925-1972), Paris, Université Paris IV Paris-Sorbonne, thèse de doctorat en histoire de l’art, 2016. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 196. ↩
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Ibidem, p. 196. ↩
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« à mes étudiants et étudiantes, passé.es, actuel.les et futur.es »
Ibid., p. 6. ↩
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Id., p. 20. ↩
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Id., p. 112. ↩
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Id., p. 124. ↩
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À ce sujet, voir BOSSARD Hans Rudolf, Max Bill / Jan Tschichold. La querelle typographique des modernes, traduit de l’allemand par Pierre Malherbert et Victor Guégan, Paris, B42, 2014. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 124. ↩
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Ibidem, p. 124. ↩
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Ibid., p. 153. ↩
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Id., p. 154. ↩
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Id., p. 149 ↩
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Id., p. 150. ↩
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Id., p. 184. ↩
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Id., p. 177. ↩
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Id., p. 179. ↩
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Id., p. 183. ↩
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Id., p. 186. ↩
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Id., p. 186. ↩
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DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien, tome I, Paris, Gallimard, 1990. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 192. ↩
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Ibidem, p. 190. ↩
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Ibid., p. 194. ↩
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Id., p. 59-60. ↩
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Id., p. 100-101. ↩
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Id., p. 106. ↩
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TSCHICHOLD Jan, « Fotographie und Typogrpahie », Die Form, n°5, 1928, p. 140-150, traduit en français dans LUGON Olivier (dir.), La photographie en Allemagne. Anthologie de textes (1919-1939), Nîmes, Jacqueline Chambon, 1997. Cité dans Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p.113. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 165. ↩
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Ibidem, p. 168 ↩
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Ibid., p. 182 ↩
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Guégan Victor, « Typographie », notice du glossaire Design in Translation, URL : https://dit.dampress.org/glossary/typographe, consulté le 13/10.2025. ↩
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Lettre de Jan Tschichold à Willi Baumeister datée du 08/03/1935, Bâle. Cité dans Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 173. ↩
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Voir à cet égard le numéro dédié de la revue Graphisme en France, n°29, « Histoire(s) de design graphique », 2023, disponible en ligne sur https://www.cnap.fr/actualites/graphisme-en-france/revues/ndeg29-graphisme-en-france-histoires-de-design-graphique-2023, consulté le 13/10/2025. ↩
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BRUNEL Karen, Le designer graphique et le sens de la responsabilité. Étude descriptive de la modélisation morale du praticien, Paris, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, thèse de doctorat en Arts et Sciences de l’Art, option design, 2018, disponible en ligne sur https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/48d69764-5842-402c-b5bd-e12a520f1656, consulté le 31/08/2024. ↩
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MAUDET Nolwenn, Designing Design Tools, Université Paris-Saclay, thèse de doctorat en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication, 2017, disponible en ligne sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01827014v2, consulté le 07/04/2020. Voir notamment le chapitre 3 « StoryPortraits. A methodology for inquiring into designers’ practice », p. 51-63. ↩
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BLANC Julie, Composer avec les technologies du web. Genèses instrumentales collectives pour le développement d’une communauté de pratique de designers graphiques, Vincennes, Saint-Denis, Université Paris VIII, thèse de doctorat en ergonomie, 2023, disponible en ligne sur https://phd.julie-blanc.fr/, consulté le 13/10/2025. ↩
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Tels que Graphic Matter et Lettres Mobiles pour des exemples français. ↩
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Nous pensons ici à Etapes, avant son rachat par le groupe Pless en 2024. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 53. ↩
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Ibidem, p. 126. ↩
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Ibid., p. 195-202. ↩
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Id., p. 203-207. ↩
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Id., p. 190. ↩
-
Id., p. 196. ↩
-
Id., p. 53. ↩
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Id., p. 26 ↩
-
Id., p. 120. ↩
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Id., p. 84. ↩
-
Voir KINROSS Robin, Unjustified Texts : Perspectives on Typography, Londres, Hyphen Press, 2011 et KINROSS Robin, La typographie moderne. Un essai d’histoire critique, traduit de l’anglais par Amarante Szidon, Paris, B42, 2019. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 17-18. ↩
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KINROS Robin, La typographie moderne. Un essai d’histoire critique, op. cit. ↩
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Guégan Victor, Après la typographie. Imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques, op. cit., p. 25. ↩
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Ibidem, p. 121. ↩
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Ibid., p. 70. ↩
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Id., p. 61. ↩
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Id., p. 80. ↩
-
Id., p. 121 ↩
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Id., p. 113. ↩
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Id., p. 102. ↩
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Id., p. 15. ↩
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Projet de recherche WYSIWYG. Enquête sur l’évolution des logiciels de graphisme en Suisse et en France, 1980 - aujourd’hui, mené par la HEAD Genève. Voir le site dédié au projet de recherche, disponible en ligne sur https://wysiwyg.ch/fr/, consulté le 13/10/2025. ↩