Quel rôle pour le designer dans une société du « co » ?
Margot Laudoux

Margaot Laudoux est doctorante en Arts et sciences de l'art, spécialité Design, Arts, Médias, à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et membre de l'Institut ACTE.

Résumé 

La multiplication des crises sociales, économiques et écologiques des dernières années a modifié le paysage de la conception et de la fabrication et a provoqué de nombreux questionnements. On assiste alors à la montée en puissance d’un société du « co » dans laquelle le design participatif tente de s’imposer. En parallèle, des amateurs s’organisent en collectifs ou en communauté dans une volonté de partage des savoirs et des savoir-faire. Le designer est alors emmené à se réinventer au cœur de ces communautés créatives en devenant médiateur ou facilitateur, tampon entre matière, outil et méthodologie.

Abstract

The multiplication of social, economic and ecological crises in recent years has changed the landscape of design and manufacturing, and raised a number of questions. We are witnessing the rise of a "co" society, in which participatory design is attempting to make its mark. At the same time, hobbyists are organizing themselves into collectives or communities in order to share knowledge and know-how. The designer is then led to reinvent himself at the heart of these creative communities, becoming a mediator or facilitator, a buffer between material, tool and methodology.

Introduction

Si les courants du design ont doucement muté depuis les années 1960, c’est par l’intégration progressive de nouvelles disciplines et par l’adaptation aux évolutions techniques et sociétales. Le design n’est plus seulement la conception d’objets tangibles, il s’étend vers l’élaboration de systèmes complexes. Ainsi, l’emploi du terme design dans cet article sous-entend, au-delà du design industriel, une pratique historiquement attachée à la notion de projet, de conception et de matière. Une pratique également en lien avec bon nombre de facteurs et de données qui composent désormais nos conditions d’existence et d’habitation. Différentes approches du design contemporain appellent tous les individus à s’impliquer à la fois dans la discussion et dans la conception d’artefacts. Le designer prend alors le rôle de facilitateur dans une co-création pour et avec les usagers futurs de nouveaux objets, systèmes, services et même de politiques. En parallèle, des mouvements amateurs ou semi-professionnels, à l’instar du mouvement des makers, questionnent le décloisonnement et la transversalité des savoirs et savoir-faire tout autant que la société socio-économique régissant la production d’objets. Ces mouvements réaffirment et se réapproprient leur droit au « faire » dans un objectif d’ouverture et de partage total et équitable. Dans cette forme de design ouvert et diffus, quelle place possède le designer ? Doit-il disparaître au profit des makers déjà en place ? Peut-il intégrer ses connaissances et savoir-faire dans cette nouvelle société des communs ? Comme le questionne Ezio Manzini :

« Quel est son rôle dans la construction d’une intelligence de conception collective qui, en cultivant la diversité et la pensée critique, catalyse les ressources positives nécessaires pour nous sortir de la catastrophe environnementale, sociale et culturelle dans laquelle nous plongeons1 ? ».

1. Vers la société du « co » : émergence de formes participatives du design

1.1. L’impasse de la conception classique du rôle du designer

La multiplication des crises actuelles, qu’elles soient sociales, écologiques, sanitaires ou politiques, bouleverse le monde, y compris celui du design. Ainsi, les questionnement écologiques nées à la suite de la publication en 1972 du rapport du Club de Rome2 vont donner naissance à l’éco-design, puis, plus tard au mouvement Cradle to Cradle3. Plus récemment, industriels, créateurs et designers ont apporté leur contribution inédite contre la pandémie de COVID-19 en montrant comme la coopération et l’association ainsi que l’innovation pouvaient assurer une réponse en cas de crise. On pense notamment à l’entreprise Decathlon, entreprise spécialiste des loisirs sportifs, qui, avec la collaboration entre un médecin et une entreprise spécialisée en impression numérique, a permis la transformation et l’utilisation de ses masques de snorkeling en respirateurs dans les hôpitaux4. Au cours de cette même crise sanitaire, le hashtag Design Resistenza a émergé sur les réseaux sociaux, permettant de partager des initiatives à la fois professionnelle et amateurs. De nombreux projets ont pris forme pour résoudre les besoins immédiats de la crise à l’instar d'OxyGEN, une machine ultra-simple qui utilise un moteur d’essuie-glace de voiture pour transformer une poche de réanimation manuelle en aide respiratoire automatisée5. Mais la crise sanitaire a également ouvert bon nombre de réflexions et de questionnements sur le monde d’après et notamment pour les designers : en tant que concepteurs, en tant que participants à un système considéré comme à bout de souffle. Comme le souligne Ramy Fishler dans un article de presse grand public datant de 2020 :

« D’autres crises à venir, issues du dérèglement climatique notamment, vont inciter le monde du design à réfléchir autrement. Inventer des alternatives de vie et d’usages adaptés à ces nouvelles situations de crises, mais qui ne soient pas subis, au contraire, désirés et adoptés par le plus grand nombre6. »

Autrement dit, le designer doit repenser la forme de ses projets tout autant que sa pratique comme il l’a toujours fait en s’adaptant aux enjeux de son époque.

1.2. L’émergence de formes participatives du design

Les designers tentent de prendre en compte les futurs usagers des objets qu’ils conçoivent : l’objectif est de produire un objet en réponse à un besoin défini par et avec les futurs usagers. Ainsi, selon certaines approches, le designer est envisagé comme un expert qui observe les terrains, s’y implique et interroge les futurs usagers dont la participation réside dans le fait d’identifier leurs besoins voire de donner leur avis sur des concepts d’objets pensés et fabriqués par d’autres. Peu à peu, les designers offrent de plus en plus de place aux avis et initiatives des non-experts dans leurs projets. S’offre alors un « paysage » du design participatif où les notions de co-création et de co-conception se développent.

Comme le précisent Elizabeth B.-N. Sanders et Pieter Jan Strappers, le design centré utilisateur, initié dans les années 1970 et répandu dans les 1990, s’est avéré très utile dans la conception et le développement de produits de consommation. Cependant, selon les auteurs, il devient aujourd'hui insuffisant face aux défis auxquels nous sommes confrontés7. Il ne s’agit plus seulement de concevoir de nouveaux produits destinés à être vendus aux usagers. Face à cela, les designers ne cessent de se réinventer et de réinventer leur propre discipline. En 1971, Victor Papanek publie Design pour un monde réel dans lequel il fustige le design industriel et dans lequel il invite l’ensemble des designers à cesser leur activité ou à transformer le design en un outil et une méthode réellement adaptée aux besoins des Hommes8. Depuis, de nombreuses théories viennent remettre en question le design en tant qu’allié de l'industrie et de la société de consommation à l’instar de La lettre aux designers écrite et publiée par Ettore Sottsas en 19909. En invitant les designers à s’intéresser à des préoccupation sociales, politiques et culturelles, ces praticiens et théoriciens ouvrent la voix à la fois à de nouveaux domaines mais également à de nouvelles formes.

Le design des politiques publiques s’inscrit dans une forme de prolongation du design social puisque finalement, le design des politiques publiques s’inscrit dans la volonté d’appliquer les principes du design social à un domaine particulier, celui de l’action publique.

Aujourd’hui, de nombreuses formes de design sont sollicitées par l’action publique : le design de services, le UX design, le design thinking (ou « pensée design »), etc. En effet, depuis quelques années, on constate que le système politique actuel ne permet pas ou peu aux habitants, aux citoyens, de s’exprimer auprès des élus ou des « experts en costume-cravate10 ». Des dispositifs sont alors mis en place, avec l’appui de designers ou concepteurs, afin de laisser leur place dans l’ordre politique et médiatique. Dans ces pratiques participatives, souvent sous forme d’ateliers ou de rencontres, une place est laissé aux supports de médiations créatifs. Comme le souligne Laurence Monnoyer-Smith, il s’agit donc, à partir de pratiques créatives jusque là qualifiées d’irrationnelles et de non compatibles avec les institutions11, d’élargir les espaces de discussions et de permettre une certaine inclusion des citoyens dans les discussions et les décisions politiques et démocratiques. Ces dispositifs sont particulièrement utilisés par les pouvoirs publics, même si certaines entreprises privées s’en servent peu à peu notamment dans une volonté de co-conception ou de co-design.

Le passage du design centré utilisateur au co-design implique une modification des rôles des acteurs dans le processus de conception. De manière schématisée, dans un processus classique de conception centré utilisateur, l’usager est un objet d’étude passif tandis que le designer, apporte sa vision d’expert via des idéations, des croquis, des prototypes. En effet, l’usager est au centre des questions d’usage qui vont, par la suite, définir la forme de l’objet. A l’inverse, dans un processus de co-design, les rôles se mélangent : le futur usager devient un « expert » de par son expérience et les connaissances qu’il peut apporter. Le designer, quant à lui, possède un rôle de facilitateur et de médiateur : il aiguille et appuie l’ usager devenu expert par ses compétences et outils d’idéation et de conception. Le designer inclut l’usager dans l’ensemble des étapes de conceptions, puisqu’il lui sert d’aide et d’appuie. Ainsi le concepteur joue toujours un rôle essentiel en donnant forme aux idées12 mais également en proposant les outils appropriés pour permettre à l’usager d’assumer le rôle d’expert. Le designer doit ainsi diriger, guider et fournir des outils afin que chaque co-designer puisse apporter son avis, son expertise, sa créativité. Il développe alors de nouvelles tactiques, de nouveaux savoir-faires et de nouveaux objets matériels afin de guider la conversation et servir de support aux différents participants.

Le co-design modifie ainsi les rôles des différents acteurs qu’il rencontre et qu’il intègre, mais il modifie également la porosité du design avec d’autres domaines ou disciplines. En effet, le co-design peut être utilisé dans des domaines très variés, parfois en tension (éducation, santé, crise climatique, politique publique, etc.) le forçant ainsi à s’entourer d’experts issus de différentes disciplines. Le designer est-il alors uniquement un facilitateur, un traducteur des expériences des usagers13 ? Ou devient-il un connecteur de compétences comme le propose Deni14 ? Dans une forme de design pluridisciplinaire voire transdisciplnaire sous forme de co-design ou de design participatif, le design devient alors l’intermédiaire entre différentes disciplines et donc différentes méthodes, différents savoirs et formes de savoirs. Il est alors amené à connecter les compétences mais également à traduire les différentes contributions apportées. Le designer est alors celui qui pense les relations : les relations interindividuelles mais également les relations entre formes, matières, et usages.

1.3. Les limites du co-design et du design centré utilisateur

Cependant, dans l’ensemble de ces nouvelles formes de design, malgré le partage, la collaboration ou la coopération avec les usagers qui deviennent des « experts » au même titre que le designer, le designer reste le créateur, celui qui dessine à dessein. Ainsi, les méthodes de design centré utilisateur, entre autres, envisagent que l’étude de terrain et la rencontre avec les usagers viennent nourrir leurs créations et mènent à une innovation plus riche, « plus respectueuse de la complexité des usages, des comportements et des contextes15 ». Cependant, comme le soulèvent les auteurs de l’article « De l’ethnographie au design, du terrain à la création : tactiques de traduction16 », la notion de design centré-utilisateur s’apparente tour à tour à un fourre-tout17 ou à une boîte noire cachant la manière exacte d’impliquer les usagers dans la recherche. Dans la littérature et les publications académiques sur ces pratiques, il existe un angle-mort quant à la manière dont les designers utilisent les données issue de leurs études de terrains : comment cette traduction s’effectue-t-elle ? Le design centré-utilisateur possède certaines limites en particulier lorsqu’il s’agit de faire participer, dans une volonté de co-conception ou de co-design certains publics particuliers à l'instar des enfants ou des personnes en situation de handicap et en particulier les sujets socio-minorisés comme le soulèvent Patrizia Marti et Liam Bannon18. Ainsi, en France, le constat a été dressé par Marion Carrel que dans les expériences participatives, malgré leur approche créative et/ou inclusive, on retrouve une sous-représentation des personnes appartenant aux groupes dominés19 (c’est-à-dire précaires, jeunes, personnes en situations d’handicaps, population d’origine immigrée, etc.).

L’utilisation du design participatif, en particulier dans les questions de politiques publiques et d’urbanismes, résulte souvent d’une volonté de mise en discussion d’un projet. Le designer est alors invité à discuter un projet déjà construit en amont face à différents acteurs du projet. Il s’agit alors de sondages, de diagnostics, de mise en débats qui, au final, possèdent un degré de participation relativement faible20. En France, des recherches menées en sociologie ou encore en urbanisme ont montré que la participation citoyenne se résume généralement à de l’information descendant ou du débat mené à son minimum21. Ainsi, cette « promesse déçue » est présentée par Marion Carrel comme produisant des effets négatifs et sans retour en arrière possible de renforcement des malentendus et des stéréotypes entre professionnels, élus et citoyens. L’idéal participatif et délibératif s’avère alors totalement contre-productif22. Demander l’avis des citoyens avant d’agir est nécessaire, mais doit-on également les solliciter dans l’ensemble des démarches du projet, de la conception à la réalisation ? Peuvent-ils réaliser ce qu’ils ont contribué à concevoir ? Si de plus en plus de designers, architectes et artistes proposent aux habitants de s’investir et de s’impliquer dans la construction des projets qui les concernent, ce n’est pas une généralité et cela reste marginal. Ces projets de co-conception et de co-création, souvent menés dans l’espace public et donc en lien avec les institutions publiques (mairies, départements, régions, états) posent également la question de la marge de décision et la place que tiennent les résultats de cette coopération dans le choix final opéré par la maîtrise d’ouvrage.

1.4. Aller au de-là de la simple co-conception voire de la co-production ?

Ces projets de co-design, malgré leurs promesses de participation voire d’émancipation du citoyen dans sa prise de décision et sa capacité de création, impliquent que le designer reste le créateur, celui qui dessine à dessein. Malgré l’interaction avec les usagers, le fait qu’ils soient élevés au rang « d’experts », ils ne sont pas élevés au rang de designer, de créateur, de faiseur de projets. Ils ont un accès à la matière du projet, mais la matérialité même du projet ne leur est pas rendue accessible si ce n’est à travers certains supports intermédiaires. Est-il possible, dans une nouvelle forme de design, d’aller au-delà de la co-création telle qu’elle est envisagée dans les formes contemporaines de design participatifs ? Que les usagers, en plus d’être élevés au rang d’expert, soient élevés au rang de designer, de concepteur voire de fabricant ? Les artistes ont tenté d’inclure leur public, leurs spectateurs dans le déroulé ou la production d’une oeuvre dès les années 1960. Claire Bishop donne ainsi une définition de l’art participatif selon laquelle «  people constitute the central artistic medium and material, in the manner of theatre and performance23 ». Estelle Zhong utilise des oeuvres des années 1990 pour compléter cette première définition en précisant que dans l’art participatif, la participation du public prend effet sur un temps plus ou moins long, par une intensité plus ou moins poussée, et elle est une fin en soi au même titre que l’œuvre produite24. S’il n’existe pas de définition unique à ce mouvement, à cette forme d’expression artistique, c’est parce qu’elle prend des formes et des finalités variées (Mickael Rakowitz fonde Ennemy kitchen sur une pratique coopérative de le cuisine, Intervention to Aid Drug-Addicted Women du collectif allemand WochenKlauser consiste à la rencontre de personnel politique et d’activistes au cours d’une croisière de quelques heures, etc.) redéfinit et questionne les notions d'oeuvres et d’artistes. Selon Estelle Zhong, :

« les activités quotidiennes mobilisées en art participatif ne manifestent pas à première vue un travail de l’artiste, une maîtrise propre, un savoir-faire spécifique […] : le travail de l’artiste semble s’apparenter à celui d’un grand organisateur, capable de mettre en place ces événements et de rassembler des gens25. »

Plus encore, elle ajoute : « Est-ce à dire qu’il n’y a pas de travail artistique dans l’art participatif, et ainsi pas d’art ?26 ». S’il existe un art sans artiste, peut-il exister une forme de design sans designer ? C’est-à-dire un projet aboutissant à un ou des objets dans lequel le designer prend part à la démarche mais n’en est pas la pièce maîtresse ? Quelle est alors la part d’idéation, de création, de fabrication ?

2. La réappropriation créative de la matière et du savoir-faire par les citoyens

2.1. Les pratiques quotidiennes du faire soi-même : un pied de nez au système industriel et économique ?

Si certains designers explorent peu à peu de nouvelles manières de fabriquer en commun ou en coopération via un design participatif qui serait initié par eux dans un cadre délimité et souvent institutionnel, des artistes, des ingénieurs, des designers, des architectes ou même des amateurs explorent des manières de faire et de fabriquer en réseau. Si la crise sanitaire de COVID-19 a amplifié le mouvement du Do it yourself, elle a également permis au mouvement des makers de se faire connaître du grand public. Ils ont en effet, via des plans et des tutoriels disponibles en open source, imprimé, fabriqué puis distribué bénévolement des attaches pour masques, des visières de protection, des ouvre-portes, etc. Certains journaux les nommant même « les nouveaux héros de la crise27 ». Cette réappropriation créative et innovante de la matière et du savoir-faire ne date pourtant pas d’hier.

Pour certains, l’acte fondateur du mouvement du Do it yourself est le « Whole Earth Catalog » lancé en 1968 par Stewart Brand, au sein de la communauté hippie de la Bay Aera, aux Etats Unis. Cette publication réalisée uniquement à partir d’un Polaroïd et d’une machine à écrire, présentait à la fois des conseils pratiques, des petites annonces, des visions d’avenir. Ce catalogue, énumération pratique d’informations et de conseils pour tout faire soi-même s’étoffera au fur et à mesure des années jusqu’à ce qu’en 1971 il soit diffusé à plus d'un million d’exemplaires. Si on a tendance à associer le Do it yourself au bricolage ou à la débrouillardise28, c’est peut-être parce qu’aujourd’hui, au delà d’une simple volonté de « faire soi-même », il interroge la société de consommation, l’autogestion, le troc, les savoir-faites dits « de grands mères » abandonnés voire oubliés, etc. Si l’arrivée d’Internet a augmenté les possibilités de partages interindividuelles, elle a dès les années 2000, augmenté les ressources Do it yourself et donc des amateurs29.

Né aux États-Unis dans les années 1990, le mouvement des makers est en fort développement depuis une dizaine d’années. Le maker est définit par Antoine Ruiz-Scorletti comme quelqu’un qui fait par lui-même, mais qui fait également avec les autres30. À l’origine, on retrouve une volonté de liberté, de réappropriation de ses biens et de leur fabrication, du faire les choses soi-même associé à la technologie, une culture numérique du libre et à l’open-source. On retrouve, dans la philosophie des makers, des similitudes avec le mouvement anglais Arts and Crafts de la deuxième moitié du XIXe siècle : ils souhaitent réhabiliter le travail artisanal, ses savoir-faire et son esthétique en réaction à la révolution industrielle et à ses produits standardisés. Ce mouvement repose en premier lieu sur la notion de partage : partage de connaissances, partage d’outils, partage de méthodes, etc. La notion de partage passe également par l’accès libre aux sources de plans, de designs d’objets, de logiciels. Les makers utilisent souvent des espaces de travail et des ateliers partagés associatifs auxquels on peut accéder librement à l'instar des fablabs. Les makers incarnent un idéal de partage de savoir-faire et de matériaux dans une optique d’innovation quotidienne et de coopération. Ce mouvement a notamment intéressé la sociologie, comme l’atteste les travaux de Michel Lallement31 et d’Isabelle Berrebi-Hoffmann32, pour, entre autre, son fonctionnement en communauté ouverte, sans leaders, et constituées en réseaux : l’ensemble des communautés communiquent et partagent leurs connaissances via des conférences participatives, des workshops, des hackatons, etc. Elles utilisent tous les moyens de communication à leur disposition, créant de nouvelles façons de collaborer de manière ouverte et créative : partager fait que « les projets deviennent des inspirations pour d’autres et des opportunités de collaboration33 » comme le dit Chris Anderson, dans son livre Makers, la nouvelle révolution industrielle.

2.2. Une production uniquement matérielle ou l’ouverture vers des questionnements bien plus larges ?

Enzo Mari provoque une révolution dans le domaine du design en 1974 en tentant de mettre le design à la portée de tous via Proposta per un’autoprogettazione, un manifeste du design anti-consumériste, considéré comme une des premières marches médiatiques et d’envergures des mouvements makers et Do it yourself. Il propose ainsi une collection de meubles à construire soi-même avec des matériaux simples comme des planches standards et des outils quotidiens (marteau, scie, colle, etc.) : les plans étaient disponibles gratuitement. Par cette appropriation du design par les usagers, il espère qu’ils prendront ainsi conscience des méfaits la société de consommation et espère mettre le design à la portée de tous : pour Enzo Mari, l’usager d’un meuble n’est alors plus un consommateur passif, mais il prend une part active à sa réalisation. À la même époque, Enzo Mari propose également la Box Chair, une chaise à assembler soi-même, ainsi qu’un livret offrant des suggestions pour transformer des bouteilles de détergent vaisselle en plastique en vases. Par ailleurs, Enzo Mari fabrique lui-même une série de vases dont il ne signera qu’une partie des exemplaires, laissant ainsi le choix au consommateur : les instructions, le vase déjà réalisé non signé ou le vase déjà réalisé et signé ? Par ce geste, il attire l’attention sur le statut du design : quelle part de démocratisation ? Un vase que l’on fait soi-même a-t-il moins de valeur marchande qu’un exemplaire signé par un designer ? Quelle frontière entre design open source et imitation34 ?

Si Enzo Mari se sert de son statut de designer pour lancer un appel anti-consumériste, les fablabs, hackerspaces, makerspaces ou tout autre atelier partagé deviennent des véritables laboratoires de changement social, économique et industriels. En effet, ils entraînent une transformation des modes de production et de consommation tout en faisant une production à la fois matérielle et artisanale (les artefacts produits) et immatérielle (le mouvement provoque des questions, des débats, des questionnements). Finalement, l’esprit collaboratif des makers est visible et se répand à la fois dans les produits mais également dans les processus et les méthodes. Cette invitation à une réflexion autour d’un partage de méthode plutôt qu’un produit fini, constituait également un des enjeux de la Box Chair d’Enzo Mari : finalement, Autoprogettazione tout autant que la Box chair dénoncent les entreprises qui ont transformé le designer en simple interprète des tendances et en simple technicien à leur solde. Enzo Mari veut alors supprimer les éditeurs de mobilier. Ainsi, les travaux d’Enzo Mari tout autant que les mouvements hackers ou makers, mettent fin de la distinction entre savoirs savants et savoirs profanes dans une position verticale de pouvoir dans la mesure où chacun est invité à partager et utiliser ses connaissances techniques, matérielles, etc.

2.3. L’émergence d’un communauté créative : vers l’agir-ensemble

Le co-design offre des situations d’interactions et de coopérations permettant aux différents acteurs du projet de se rencontrer, d’échanger voire parfois de créer en commun, mais celui-ci suit une logique et un protocole structuré et structurel inscrite dans un système industriel ou institutionnel. Si le mouvement Do it yourself est à l’origine un mouvement individuel, les makers, eux, construisent une véritable communauté créative construite autour d’un partage, du goût pour la conception et la fabrication. Au sein de ces ateliers, il émerge à la fois des concepts ou artefacts originaux mais également un nouveau réflexe de coopération et collectivité. En effet, participer à ces activités de conception ou de fabrication permet à l’ensemble des participants d’apprendre à partager leurs savoirs, leurs savoir-faire et leurs connaissances afin d’innover ensemble. On assiste alors à l’émergence d’une communauté créative voire même d’une véritable « communauté de pratique » au sens d’Etienne Wenger35. Comme le soulignent Louis-Étienne Dubois, Pascal Le Masson, Patrick Cohendet et Laurent Simon :

« Les participants ont davantage de capacités de coordination et de compétences en création : ils savent mieux faire circuler leurs connaissances collectivement et manipuler des outils de conception qu’ils ne le faisaient au préalable36».

Autrement dit, ces ateliers permettent à la fois d’ouvrir les participants vers une forme de créativité qu’ils ignoraient jusque là, mais permettent également de les convaincre du bien-fait de la collaboration voire de la coopération entre les différents acteurs d’un projet. S’asseoir autour d’une même table et faire travailler collectivement les acteurs des différentes strates d’un projet permet à la fois une innovation formidable et l’émergence d’une « communauté » de projet créative et ouverte à la coopération. Cette approche intersectionniste, permet alors l’apparition d’un « agir-ensemble » collectif naissant de situations d’interactions et de coopérations. Ces réflexions mènent droit vers un paradigme alternatif de conception et de fabrication dérivé du Do it yourself nommé Do it together. Il s’agit d’un processus de conception alternatif pensé pour une conception et une fabrication ouverte, personnalisée, favorisant une production locale et invitant les usagers à participer à la production. Le principe, finalement, s’approche d’un écosystème de production destiné à capitaliser les connaissances, la créativité ainsi que les capacités d’ingénierie37. Pour John Hagel III, John Seely Brown et Lang Davison, le Do it together implique la construction d’une équipe, composée de participants aux expertises et aux savoir-faire variés, mais également la possibilité de faire évoluer cette équipe par le partage des connaissances au delà des limites de cette équipe : autrement dit, la création d’un nouveau éco-système de partage des connaissances sans prise en compte d’une quelconque hiérarchisation ou appartenance. La puissance innovatrice de ce fonctionnement vient, d’une part « parce qu’il puise dans la passion et la créativité des individus à travers le monde38 » mais également parce que la coopération par delà les limites classiques de hiérarchies et de fonctionnement industriel, permet de « façonner la sérendipité » par les interactions à la fois avec les machines et les ressources mais aussi entre les makers.

2.4. Un mouvement de contre-culture isolé ou un véritable moyen d’émancipation ?

Dès le départ, les mouvements du « faire soi-même », qu'il s’agisse du Do it yourself ou des makers, se présentent comme des mouvements de contre-culture s’opposant, voire même défiant, le modèle capitaliste et le système marchand. En ce sens, de nombreux travaux sur le Do it yourself se placent à l’intérieur ou dans la bordure des mouvements de contre-cultures musicales, notamment le mouvement Punk39. Le principe du « faire soi-même » s’applique aux objets de la vie quotidienne dans l’ensemble des secteurs (alimentation, habillement, ameublement, construction, etc.) mais également aux production artistiques et intellectuelles. En tentant de tout faire seul, les adeptes du Do it yourself imposent une résistance économique, bien sûr, mais également d’indépendance face à une société de consommation. Ainsi, Anna Zaytseva propose dans son étude40 une théorie selon laquelle la fabrication des fanzines en DIY permet de repenser la division du travail traditionnel au profit d’une organisation horizontale et non-hierarchique. Le modèle Do it yourself se présente alors comme un modèle parallèle et indépendant qui s’oppose notamment aux excès de la société contemporaine apparaissant comme dévastateurs. Le mouvement Do it yourself ou encore le mouvement des makers posent également la question des technologies numériques, de l’open design et du bricolage comme une forme de contestation politique voire activiste. Ainsi, pour Fabien Hein le mouvement Punk tout autant que le mouvement du Do it yourself s’incarne à travers trois piliers : refus du consumérisme, rébellion contre l’ordre établi et émancipation personnelle et collective41. De fait on peut citer le camp d’innovation POC21 qui s’est tenu à Paris en 2015, forme de miroir citoyen et coopératif de la COP21. Des créateurs, des innovateurs, des designers, des makers se sont ainsi réunis afin de mettre au point différents projets et prototypes destinés à lutter contre le changement climatique. Ainsi, même si il existe une réappropritation des tendances Do it yourself et makers par les grandes entreprises42 et donc le système socio-économique actuel, les adeptes du Do it yourself, comme les makers, assument dès leur origine une posture politique et économique basée sur la réapproprition des modes de productions, de conceptions et de fabrications.

Redonner le pouvoir de faire, de fabriquer, de créer à tout un chacun s’apparente alors une stratégie de contre-pouvoir face aux systèmes politiques, économies et marchands en place. Si toute relation de pouvoir implique une possible insoumission quelle que soit sa forme, sa durée et son temps43, il s’agit ici d’une forme de réappropriation de la matière mais également de tout le système sous-jacent. Il est possible de tracer et de repérer des similitudes entre les hackers et les makers, à la fois en terme de pratiques et de valeurs. D’abord, l’un comme l’autre valorise la libre circulation de l’information dans une logique communautaire de partage. Davantage encore, les makers font ce qu’ils appellent eux-mêmes du hack, c’est-à-dire le détournement créatif de l’utilisation habituelle d’un objet, d’une technique, d’un outil. Le but est d’être efficace, innovant, écologique, et ingénieux44. A l’instar du mouvement Arts and Craft qui nait en réaction à la révolution industrielle et ses produits standardisés, le mouvement des makers participe à une volonté de transformation des moyens de production et de consommation. Comme le précisent Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau et Michel Lallement, le mouvement makers s’inscrit à contre-courant du « capitalisme vertical45 » en s’attaquant au système actuel d’obsolescence programmé et en inventant des réseaux où les savoirs et savoir-faire circulent librement. De même, si André Gortz46 voit dans l’autoproduction des makers une alternative possible au capitalisme, pour Chris Anderson, le mouvement des makers, entre autre, participe à une révolution industrielle qui serait déjà en marche47. Si le mouvement des makers est à l’origine un mouvement d’amateurs ou de semi-professionnels, il laisse aujourd’hui une empreinte sur l’économie locale et nationale : mais jusqu’où peut aller cette contre-culture ou plutôt ce contre-système48 ? Le designer possède-t-il une place dans ce futur économique et industriel ?

3. Renouveler le rôle du designer dans une communauté créative d’innovation

3.1. Un design ouvert signifie-t-il un design sans designer ?

À l’origine, le mouvement des makers ainsi que celui du Do it yourself relevait uniquement de la pratique amateur, paradoxalement, cette pratique, cette manière de faire, de fabriquer, s’est peu à peu professionnalisée. On trouve alors dans les makerspaces, les Fablabs ou tout autre atelier collectif des artisans, des designers, des architectes, des ingénieurs, souvent autodidactes mais parfois directement issus d’écoles ou d’apprentissages. Comme le souligne Camille Bosqué, on assiste à l’émergence d’une nouvelle forme de design dans ces lieux, qui est parfois qualifiée de design participatif ou de co-design, mais qui ouvre surtout la voie à un design ouvert, diffus, qui n’est plus l’apanage des seuls experts49. Le design est « rendu » à l’usager, à la manière d’Enzo Mari et son autoprogettazione. Mais plus encore les objets peuvent être construits et déconstruits, reproduits, détournés, modifiés et adaptés à l’infini : finalement, le projet et la possibilité de faire projet apparaissent comme infinis. En effet, comme le souligne Fabien Eychennes :

« la publication des sources, projets, la possibilité de les dupliquer, de les améliorer avant de les remettre au pot commun pour en faire bénéficier d’autres permet une innovation rapide et incrémentale50 »

Outre cette ouverture des possibilités du projet par et pour les usagers, il s’agit finalement d’une critique de l’ensemble des technologies de fabrication et en particulier l’industrie de masse ainsi que des conditions socio-politiques qui régissent la matière. Si pour Camille Bosqué, le mouvement des makers et les technologies de fabrication personnes qui en découlent ne sont pas assez mûres pour concurrencer le système en place

« il s’inscrit dans une époque en crise dans laquelle les perspectives pour le travail, l’éducation, les systèmes et schémas de production ainsi que les fonctionnements politiques sont en pleine mutation51 ».

Ces productions spontanées, hors des cadres, nous rappellent la thèse d’Ezio Manzini selon laquelle, tout un chacun pourrait ponctuellement agir en designer avec ses propres moyens, ses propres outils, ses propres matériaux52. Cette possibilité d’un design totalement ouvert, diffus, qui touche l’ensemble des strates de la fabrication à la consommation et qui en défait sa hiérarchie, porte-t-il la possibilité d’un design sans designer, et donc la fin des designers ?

3.2. Le designer devient facilitateur et médiateur

Le mouvement des makers est ainsi parfois envisagé comme un moyen d’émancipation économique, social voire politique notamment via ses possibilités d’ouverture et de coopération. Il s’émancipe notamment d’un système capitaliste dont les designers sont un rouage bien huilé. La frontière entre les deux, entre makers et designers est-elle imperméable ? Pour reprendre les notions employées par McKenzie Wark, s’agit-il d’une opposition frontale entre « hackers » et « vectorialistes53» ? Le designer peut-il naviguer entre les deux, ou peut-il se servir de ses compétences de « vectorialiste » au service des « hackers » ?

Si le designer ne sera peut-être plus celui qui dessine à dessein, le designer sera toujours nécessaire dans la mesure où il possède des compétences multiples et complexes. Comme le précise Nicolas Nova, une des spécificités du designer, par sa position comme par son enseignement, est sa capacité à renouveler sans cesse son procédé et sa méthode par sa facilité à intégrer des approches et des concepts variés54. De même, Anthony Masure soulève la particularité du designer, apte à utiliser des méthodologies et des savoirs issus de diverses disciplines55. Ainsi, à mesure que la portée et la complexité des problèmes de conception augmenteront, nous aurons besoin des compétences et des capacités spécifiques des designer pour nous aider dans la voie à suivre. Il s’agit alors, pour les designers, d’explorer et de développer de nouveaux outils et de nouvelles méthodes, comme il l’a déjà fait, permettant une pensée créatrice collective et générative. Bousculer les codes classiques du design en le rendant perméable à la fois aux autres disciplines et domaines, comme il a déjà été capable de le faire, mais également aux pratiques dites « amateurs ». Il s’agit de reconsidérer « l’agir créatif » d’Hans Joas56 en considérant la créativité de chacun comme une énergie positive, viable et réelle. Ce renouveau possible du designer fait écho au chercheur et designer Victor Papanek qui, dès les années 1970, prédisait que le rôle du designer serait amené à être modifié voire totalement chamboulé dans la mesure où celui-ci se considère comme un « maître styliste », ne s’interroge jamais sur sa participation ou non au système en place, prédestiné à exploiter et duper la population57. Autrement dit, Victor Pananek envisage que les designers, en se mettant des œillères, mènent à leur propre perte : le designer n’est pas seulement celui qui met en forme la matière, il participe au système socio-politique de la matière.

Si Victor Papanek défend la possibilité que le designer puisse devenir « un outil entre les mains du peuple58», n’est-ce pas déjà en cours via les mouvements de co-design, de design participatif ou encore via le mouvement des makers ? Les usagers se réapproprient à la fois la matière, les idées, le système de fabrication, l’esthétisation et donc finalement, le projet dans sa globalité. Dans cette volonté de design libre, le designer n’est plus un concepteur unique. Cependant, les designers devront jouer un rôle à la fois de trait d’union, de médiateur et de facilitateur. Ils regagnent alors une place, un rôle, dans cette société des communs, à cheval entre l’intérieur et l’extérieur d’un projet, par sa vision globale de ce qui l’entoure. Il peut ainsi à la fois poser des questions, initier des débats et des réflexions, mais également lier la parole entre les personnes et les domaines. Cette action de médiation est une action intermédiaire, une charnière entre le départ d’un projet et son aboutissement. Le designer est alors capable de « faire tampon » entre des savoirs profanes et savants, des connaissances non tangibles issues de situations d’interactions et de collaborations, entre une matière, des outils formels, différentes pratiques et mises en formes.

3.3. Des outils simples, accessibles et manipulables par tous

Afin d’être capable de répondre à ce besoin de médiation et d’aiguillage, mais aussi dans une démarche de résilience face au système en place, le designer doit réapprendre voire reproduire des outils simples, accessibles et manipulables par tous. Ce n’est pas sans rappeler une thèse défendue par Abraham Moles dès 1987 selon laquelle, face à l’ère industrielle mais également face à tous les nouveaux systèmes à venir, le designer doit appliquer à son travail une réelle nécessité de rendre accessible et intelligible certains dispositifs complexes59. Aujourd’hui, nous pensons notamment aux systèmes électroniques complexes dans lesquels l’Homme, l’usager, n’apparait plus comme maître du mécanisme de l’outil voire même en ignore tout. Il nous semble alors que le designer dispose d’une responsabilité dans la fabrication et la démocratisation de ces outils, c’est donc à lui d’en défaire les mystères auprès du grand public si cela est possible. En effet, selon le philosophe et théoricien du design Pierre-Damien Huyghes, les procédés industriels impliquent une occultation et une mise sous secret des idées et des produits ce qui exclut « nous autres », c’est-à-dire les non-designers, les usagers :

« À nous autres qui, n’étant pas au cœur de la production industrielle, ne sommes pas à la source de quoi il est question, à nous qui par ailleurs utilisons ce qui nous est servi, bref, à nous qui ne sommes pas parmi les fabricants au fait du fait, il nous arrive en conséquence ceci : nous [...] imaginons [les utilisateurs] beaucoup plus que nous ne les comprenons60 ».

La figure et le rôle du designer comme médiateur de dispositifs et de systèmes s’inspire des mouvements des hackers, mais aussi des makers, dans le sens où ils envisagent la libre circulation de la connaissance comme réponse à l’ignorance. Ainsi, Le Manifeste du Hacker de Loyd Blankenship61 affirme que l’objectif du hacker n’est pas uniquement un désir égoïste de causer du tort, mais qu’il s’agit d’une manière de montrer que la technologie devrait être utilisée pour étendre nos capacités, nos connaissances et ainsi essayer de maintenir libre la connaissance dans le monde. Par sa responsabilité, sa présence dans le système actuel, ses connaissances techniques et fonctionnelles et sa pensée systèmique : le designer apparait alors comme celui capable d’ouvrir la boîte noire, d’en partager et d'en expliquer le fonctionnement ainsi que les modes de conception et de fabrication mis en oeuvre. Cependant, les modes de fonctionnement de certains systèmes sont inaccessibles soit par des questions de propriété, soit par des questions de fabrication intrinsèque. Comment rendre accessible ces dispositifs inaccessibles ?

Outre cette mission d’ouvrir la boîte noire à l’œuvre, le designer est invité à fabriquer et proposer des outils et protocoles destinés à devenir des outils sobres et manipulables au sens d’Ivan Illich : c’est-à-dire qui ne dégradent pas l’autonomie personnelle, qui ne permet ni esclave ni maître et surtout qui permet d’élargir l’action individuelle62. Le design, par son approche de conception créative, permet de penser dès le départ du projet un processus de participation à la fois convivial, attractif et créatif. Cela se traduit par différents éléments : les outils de facilitation de parole, les éléments de communications internes et externes, l’accessibilité des protocoles, l’attention particulière à la mise en scène des lieux et moments de concertation. Autrement dit, le designer peut se servir de ses compétences d’idéations, de créativité et d’innovations dans une volonté de partage de savoirs : cette transmission des savoirs semble horizontale, à la manière du fonctionnement des mouvements makers. C’est-à-dire que le designer, au même titre que chacun des participants, est emmené à rejoindre un « pouvoir d’agir du collectif63 » dans une situation d’entraide, de partage et de coopération. Plus qu’une simple situation d’apprentissage, ce mouvement coopératif de fabrication offre la possibilité de devenir « auteur » de ces objets comme le précise Fabien Eychenne en citant Neil Gershenfeld. Selon lui, les fab labs sont « des vecteurs d’empowerment, de mise en capacité, d’être acteur plutôt que consommateur64 ».

Ce « pouvoir d’agir du collectif65 » par le design et le faire, imbriqué dans une société des communs, implique que le projet tout autant que la fabrication ne sont plus des conceptions individuelles mais bien collectives. Cette approche par le design fait appel à la créativité de chaque participants plutôt que leurs connaissances techniques et scientifiques, leurs ressentis plutôt que leurs certitudes. L’objectif, finalement, est la mise en place d’une expérience pratique et idéologique créative et ouverte. On pense ainsi à des collectifs pluridisciplinaires déjà existants et mettant en oeuvre une forme d’expérimentation voire de production collective à l’instar de Yes we camp, EXYZT ou encore Bellastock. Ces mises en design sont basées sur le partage des savoirs tout autant que des savoir-faires : si chacun possède sa spécialité, il se doit d’être ouvert aux autres disciplines et notions convoquées. Ainsi, les formes de collaboration se multiplient autant dans le design que dans l’ensemble des autres domaines : co-conception, co-développement, co-innovation, etc. Cet approfondissement d’une société du « co » crée un système de connaissance partagé et accessible, semblable aux réflexes de communication de la culture maker. Cette volonté de plus en plus prégnante de partage de pratiques et d’innovations du quotidien est associée de l’idée selon laquelle l’innovation doit être ouverte sur la société et non pas exclusivement réservée à une élite scientifique66. Ces manifestations d’une envie de coopération de la part des amateurs autant que des designers ou concepteurs, les mises en places de collectifs pluridisciplinaires, nous montrent la voie vers une « société conviviale67 » comme illustrée par les propos d’Ivan Illich où l’Homme contrôle l’outil tout autant que la matière. Dans cette dimensions de société du « co », le designer aurait toute sa place en tant que médiateur et facilitateur. On rejoint alors la conception de Victor Papanek, qui envisageait la possibilité selon laquelle le designer deviendrait un « outil entre les mains du peuple68 ». Yochai Benkler va plus loin dans cette réflexion de ressources et de société commune. Au cours des années 2000, il a en effet affirmé qu’une nouvelle manière de faire, une nouvelle forme de production fondée sur des communs pourrait prendre de plus en plus de place dans le paysage socio-économique actuel. Ce qu’il nomme « commons-based production » implique que la séparation entre entreprises et marché n’ait plus lieu et donc implique une coordination qui ne dépendrait ni de l’offre, ni de la demande, mais de contributions volontaires aux ressources communes69. On assisterait alors à une forme de dé-privatisation et de démocratisation à la fois des connaissances et des matières, donc des manières de faire, du faire et des moyens du faire.

Si les dimensions traditionnelles du design participatif ne semblent pas suffire pour renouveler la coopération dans un projet, de la conception à la fabrication voire à la distribution, il s’agit de réinventer un modèle où le designer serait médiateur et facilitateur. Présent dans une communauté basé sur des ressources communes (à la fois en terme de connaissances, de savoirs, de matière, d’outils, de méthodes), celui-ci participe à l’élaboration d’une expérimentation collective créative et ouverte. Si les makers sont déjà à la frontière du design, de la micro-industrie voire de l’industrie dans leurs ressources, leurs méthodes et leurs outils, la plupart envisagent cette production comme une pratique amateur voire comme un divertissement. Il s’agirait donc, pour reprendre les termes de McKenzie Wark, d’un transfert des compétences des « vectorialistes » vers les « hackers ». Dans la mesure d’un design ouvert et diffus, chaque compétence, chaque savoir est emmené à être partagé et le designer n’agit plus en son nom, mais au nom d’une coopération pluri-disciplinaire.

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  1. Manzini, Ezio, Poltics of the Everyday, Bloomsburry, 2018, p. 186-187. 

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  3. McDonough, William et Braungart, Michael, Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, North Point Press, 2002. 

  4. Voir Bosqué, Camille, « Design viral, le plan C. Les makers face au Covid », dans Fétro, Sophie (dir.), Les Arts de faire : Acte 2 - Design du peu, pratiques ordinaires, Revue Design Arts Medias, 12/2021 (consulté le 14/11/2023). Disponible sur : https://journal.dampress.org/issues/design-du-peu-pratiques-ordinaires/design-viral-le-plan-c-les-makers-face-au-covid 

  5. Voir : https://www.oxygen.protofy.xyz [Consulté le 20 septembre 2023] 

  6. Vignando, Dorane, Comment le monde du design combat le Covid-19, 2020. https://www.nouvelobs.com/design/20200404.OBS27051/comment-le-monde-du-design-combat-le-covid-19.html Consulté le 20 septembre 2023] 

  7. Sanders B.-N., Elizabeth& Stappers, Pieter Jan, (2008) « Co-creation and the new landscapes of design », Co-Design, Vol. 4, n°1, pp. 5-18. 

  8. Papanek, Victor, Design for the Real World: Human Ecology and Social Change, New York, Pantheon Books, 1971. 

  9. Sottsass, Ettore, « Lettre aux Designers », Domus, avril 1990. 

  10. Carrel, Marion, Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Lyon, ENS Éditions, 2013. 

  11. Monnoyer-Smith Laurence, « La participation en ligne, révélateur d'une évolution des pratiques politiques ? », Participations , 2011/1 (N° 1), p. 156-185 

  12. Sleeswijk Visser, Froukje, Kouprie, Merlijn, « A framework for empathy in design: Stepping into and out of the user's life », Journal of engineering Design, 2009, p. 437-448. 

  13. Catoir-Brisson, Marie-Julie, et Royer, Marine, « L’innovation sociale par le design en santé », Sciences du Design, vol. 6, no. 2, 2017, pp. 65-79. 

  14. Deni, Michela, « Le design de services : projeter le bien-être », Design & Projet, Communication Organisation, vol. 46, 2014, p. 129-142. 

  15. Nicolas Nova, Lysianne Léchot Hirt, Fabienne Kilchör, et Sébastien Fasel, « De l’ethnographie au design, du terrain à la création : Tactiques de Traduction », Sciences Du Design, n° 1, 2015), p.87. Disponible sur : \<https://doi.org/10.3917/sdd.001.0086> [Consulté le 24 juin 2022] 

  16. Nicolas Nova, Lysianne Léchot Hirt, Fabienne Kilchör, et Sébastien Fasel, « De l’ethnographie au design, du terrain à la création : Tactiques de Traduction », art. cit. 

  17. Marti, Patrizia et Bannon J, Liam, « Exploring user-centred design in practice: some caveats », Knowledge Technology Policy, vol. 22, n°1, 2009, p.7-15. 

  18. Ibidem. 

  19. Carrel, Marion, Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, op. cit. 

  20. Jolivet-Duval, Marion, Stéphane Safin, et Samuel Huron. « Design territorial, représentations spatiales et participation citoyenne : revue de cas et analyse d’outils », Sciences du Design, vol. 14, no. 2, 2021, pp. 55-75. 

  21. Donzelot, Jacques, Epstein, Renaud, « Démocratie et participation : l'exemple de la rénovation urbaine », Esprit, 2006/7 (Juillet), p. 5-34. ; Carrel, Marion, Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, op. cit. 

  22. Carrel, Marion, Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, op. cit. 

  23. Bishop, Claire, Artificial hells : participatory art and the politics of spectatorship, Londres, Verso, p. 2., 2012 : pouvant être traduit par : les personnes constituent le médium et la matière artistique principale, comme dans le champ du théâtre ou de la performance. 

  24. Zhong, Estelle, « Des Formes Cachées Dans La Matière. La Bricologie de l’art Participatif à La Lumière de La Pensée de Gilbert Simondon », Techniques & Culture, 64, 2015. 

  25. Ibidem. 

  26. Ibid. 

  27. Voir : https://www.consoglobe.com/makers-covid-19-mobilisation-cg 

  28. Anderson, Chris, Makers, la nouvelle révolution industrielle, Pearson France, 2017. 

  29. Saranow, Jennifer, « BlogWatch: This Old House », The Wall Street Journal, 28 septembre 2007. 

  30. Antoine Ruiz-Scorletti, est maker, directeur de Roselab à Toulouse et président du Réseau français des fab labs (RFF). 

  31. Lallement, Michel, L’âge du faire : hacking, travail, anarchie, Paris, seuil. 

  32. Berrebi-Hoffmann, Isabelle, Bureau, Marie-Christine, et Lallement, Michel, Makers : enquête sur les laboratoires du changement social, Seuil, Paris, 2018. ; Berrebi-Hoffmann, I., Bureau, M.-C. et al. (2020). Les makers contre le coronavirus : quelle leçon pour demain ?. AOC [Analyse Opinion Critique]. ; Berrebi-Hoffmann, I., Bureau, M.-C. et al. De nouveaux mondes de production ? Pratiques makers, culture du libre et lieux du “commun”. Recherches sociologiques et anthropologiques, n°46, vol. 2, 2015. 

  33. Anderson, Chris, Makers, la nouvelle révolution industrielle, op. cit. 

  34. Ramakers, Renny, Less + More: Droog Design in context, 010, Rotterdam, 2002. 

  35. Wenger, Etienne, La théorie des communautés de pratique, Québec, Presses Universitaires de Laval, 2005. 

  36. Dubois, Louis-Étienne, et al. « Le co-design au service des communautés créatives », Gestion, vol. 41, no. 2, 2016, pp. 70-72. 

  37. DUPONT Laurent, KASMI Fedoua, PEARCE Joshua M. et al., « “Do-It-Together” and Innovation: Transforming European Industry », Journal of Innovation Economics & Management, 2023/1 (N° 40), p. 1-11. DOI : 10.3917/jie.040.0001. [Consulté le 21 septembre ] 

  38. « DIY is powerful because it taps into the passion and creativity of individuals around the world » - Hagel III, John, Seely Brown, John and Lang Davison, « From Do It Yourself to Do It Together », Harvard Business Review, 2010. 

  39. Dale Pete, Anyone Can Do It: Tradition, Empowerment and the Punk Underground, Londres, Routledge, 2016. ; Robène Luc, Serre Solveig, « “On veut plus des Beatles et de d’leur musique de merde”. Introduction au dossier », Volume ! La revue des musiques populaires, vol. 13, n° 2, 2016, pp. 7-15 ; Hein, Fabien, Do It Yourself ! Autodétermination et culture punk, Le passager clandestin, 2012. 

  40. Zaytseva, Anna, « Les objets qui conduisent à l’action : transformations des fanzines punk Do-It-Yourself dans les années 2000-2010 en Russie », Volume ! La revue des musiques populaires, vol. 15, n° 1, 2018, pp. 45-69. 

  41. Hein, Fabien, Do It Yourself ! Autodétermination et culture punk, op.cit. 

  42. les industriels exploitent les FabLabs sous trois formes : FabLab interne à l’entreprise, FabLab coopératif exploité entre plusieurs partenaires ou FabLab externe en collaboration avec des FabLabs extérieurs. On peut ainsi citer le Creative Lab de Renault, le Fablabl Protospace D’Airbus, les Techshp de Leroymerlin, l’I2R d’EDF etc. 

  43. Foucault, Michel, L’herméneutique du sujet. Cours au collège de France. 1981-1982, Paris, Editions EHESS, 2001. 

  44. Pekka Himanen, The hacker ethic and the spirit of the information age, Secker and Warburg, 2001. 

  45. Berrebi-Hoffmann, Isabelle, Bureau, Marie-Christine et Lallement, Michel, Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social, Paris, Seuil, avril 2018. 

  46. Gorz, André, Ecologica, Galilée, 2008. 

  47. Anderson, Chris, Makers, la nouvelle révolution industrielle, Pearson France, 2017. 

  48. Berrebi-Hoffmann, Isabelle, Bureau, Marie-Christine et Lallement, Michel, Makers. Enquête sur les laboratoires du changement social, op.cit. 

  49. Bosqué, Camille, Open design. Fabrication numérique et mouvement maker, Paris, Éditions B42, collection “Esthétique des données”, 2021. 

  50. Eychenne, Fabien, Fab lab. L'avant garde de la nouvelle révolution industrielle, Limoges, La Fabrique des possibles, 2012, p. 85. 

  51. Bosqué, Camille, Open design. Fabrication numérique et mouvement maker, op. cit. 

  52. Manzini, Ezio, Design, When Everybody Designs. An Introduction to Design for Social Innovation, Cambridge, MIT Press, 2015 

  53. Wark, McKenzie, A Hacker Manifesto, Cambridge, Mass, Harvard University Press, 2004. 

  54. Nova, Nicolas, Enquête/Création en design, Manifeste n°2, Genève, Head Publishing, 2021. 

  55. Masure, Anthony, Le design des programmes : des façons de faire du numérique, Thèse de doctorat en design, Université Paris 1, 2014, p.22. 

  56. Joas, Hans, La créativité de l’agir, Paris, Éditions du Cerf, 1999. 

  57. Papanek, Victor, Design for the Real World: Human Ecology and Social Change, op.cit. 

  58. Ibidem

  59. Moles, Abraham, « Vivre avec les choses : contre une culture immatérielle», ArtPress, hors-série n°7, «À l’heure du design», Paris, 1987, p. 12. 

  60. Huyghe, Pierre-Damien, «Design et modernité», Poussées techniques, conduites de découverte / À quoi tient le design, Saint-Vincent-de-Mercuze, De l’incidence éditeur, 2015, p. 46. 

  61. Blankenship, Loyd, « The Hacker Manifesto », Phrack, Vol. 1, N°7, 1986. 

  62. Illich, Ivan, La Convivialité, Paris, Seuil, 1973. 

  63. Caillé, Alain. « Horizontalité/verticalité », Revue du MAUSS, vol. 54, no. 2, 2019, pp. 321-327. 

  64. Eychenne, Fabien, Fab lab. L'avant garde de la nouvelle révolution industrielle, op. cit., p. 13. 

  65. Caillé, Alain. « Horizontalité/verticalité », op. cit. 

  66. Voir par exemple : Joëlle Zask, Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, Paris, Le Bord de l'eau, 2011. 

  67. Illich, Ivan, La Convivialité, op. cit. 

  68. Papanek, Victor, Design for the Real World: Human Ecology and Social Change, op. cit. 

  69. Benkler, Yochai, «Coase’s Penguin or Linux and the Nature of the Firm», Yale Law Journal, vol. 112, n°3, 2002, p. 369-446.