Techno Tales : quelles formes de médiation pour le numérique ?
Rose Dumesny, Lou Vettier

Rose Dumesny
Designer diplômée de l’ENSAAMA en design de produit, docteure en Sciences de l’information et de la communication, mention design et designer indépendante, Université de Nîmes et Orange Labs.

Lou Vettier
Designer diplômée de l'école Boulle en design produit en 2016.

Résumé
Comment exposer des objets de design qui cherchent à révéler les technologies numériques qui peuplent nos quotidiens ? En partant d'un ensemble d'objets dont la vocation est de susciter une réflexion et de démystifier les croyances autour des technologies, l'article se questionne sur les caractéristiques d’une médiation sensible au numérique, qui va au-delà de la simple utilisation de l’objet. Dans un second temps, à partir de l’analyse d’un corpus d’expositions passées et d’une proposition d’exposition fictive, l’article interroge les conditions de mise en place de cette médiation sensible.

Abstract
How to exhibit design objects that seek to reveal the digital technologies that populate our daily lives?
Starting from a set of objects whose vocation is to provoke reflection and demystify the beliefs around technologies, the article questions the characteristics of a sensitive mediation of digital, which goes beyond the simple use of the object. In a second part, based on the analysis of a corpus of past exhibitions and a fictitious exhibition proposal, the article questions the conditions of implementation of this sensitive mediation.

Introduction

L’omniprésence des technologies numériques dans le quotidien a mis en lumière le statut particulier d’objets que l’on peut qualifier de boîtes noires. Les ordinateurs, les smartphones ou les intelligences artificielles sont des objets opaques, incompréhensibles et dissimulant un vaste écosystème de données et d’interactions. Leurs utilisateurs, maintenus à distance1, ignorent les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement de ces objets. En réponse aux questions éthiques de cette montée en complexité, c’est un besoin d’explicabilité qui se dessine depuis une vingtaine d'années. Ce terme d’explicabilité, défini par Luciano Floridi et Josh Cowls en référence aux systèmes d’intelligence artificielle trouve un écho dans les objets numériques contemporains : « We argue that a new principle is needed in addition: explicability, understood as incorporating both the epistemological sense of intelligibility (as an answer to the question ‘how does it work?’) and in the ethical sense of accountability (as an answer to the question: ‘who is responsible for the way it works?’)2». De nouvelles formes d’objets apparaissent alors, des dispositifs ayant pour ambition de proposer une « médiation sensible au numérique3 ». L’écosystème complexe qui rend possible le fonctionnement des objets technologiques est rendu visible, mais surtout tangible et intelligible pour être remis en question. Contrairement à une médiation centrée sur une montée en compétence technique, cette approche sensible vise une portée critique qui regarde les objets technologiques dans un contexte plus large, où les usages, les acteurs et les composants internes forment un ensemble, nous aidant à décoder leur fonctionnement. Ces objets de design aux apparences « étranges4 », se distinguent des œuvres d’art mais aussi des objets de démonstration scientifique présents dans les centres de culture scientifique. Destinés à être manipulés, ils invitent à une prise en main, comme l’entend Abraham Moles : «l’objet de par sa fonction même : sa justification opératoire, se présente pour être manipulé, touché, pour donner lieu à un contact sensoriel qui ne passe pas par “les sens du lointain”5 ». Plus qu’un simple observateur, le visiteur participe à la création de l’exposition.

À travers cet article, nous souhaitons nous questionner sur les cadres d’exposition idéaux pour ces objets. Dans un premier temps nous commencerons par les qualifier et nous soulignerons leurs enjeux, leur temporalité. Dans un second temps nous réaliserons un état de l’art des événements les plus à même de les exposer. Et dans un troisième temps nous imaginerons les scénarios d’une exposition fictive, appelée Techno Tales, de ces systèmes manipulables, proposant une médiation sensible et critique au numérique.

1. Des dispositifs pour une médiation sensible au numérique ?

Les technologies numériques se sont multipliées depuis une vingtaine d’années, mais se sont également miniaturisées pour s’insérer plus facilement et plus rapidement dans notre quotidien. Objets connectés, box, ordinateurs, smartphones, disques durs, assistants vocaux, consoles de jeux, etc. (Figure 1). Tous ces objets possèdent différents points communs. Leur apparence tout d’abord, généralement faite d’une coque de plastique aux couleurs neutres - noir, gris ou blanc -, symbole d’un objet technique qui ne veut pas attirer l’attention dans l’espace domestique. Leur appropriation par leurs utilisateurs est difficile, ils sont maintenus à distance, comme le soulignait déjà Abraham Moles en 1987 : « [...] le carter, cette enveloppe plus ou moins résistante aux chocs, couvrant la machine, l’appareil, est une frontière tout autant psychologique, juridique, symbolique, qu’utilitaire. Pour tous les outils un peu complexes : sèche-cheveux, téléviseur ou amplificateurs hi-fi, le carter reste scellé et juridiquement inviolable par l’utilisateur. Ainsi le propriétaire (?) possède l’extérieur, mais, en fait, pas l’intérieur : il l’ignore, il n’y a pas accès6 ».


Figure 1. Rose Dumesny, Planche illustrant des boîtes noires du quotidien

Ces parallélépipèdes noirs de quelques millimètres d’épaisseur, qui présentent un nombre très limité de boutons ou d’informations lorsqu’ils sont éteints, sont ainsi de véritables objets opaques pour un utilisateur néophyte. Face à ces objets ne pouvant être ouverts ou démontés, la plupart des utilisateurs se trouvent démunis, ne pouvant, ni intervenir sur l’objet, ni le comprendre. Moles dira encore :

« Cette montée irrésistible de l’objet complexe dont les systèmes électroniques sont les premiers exemples qui nous viennent à l’esprit a franchi un seuil qualitatif important, celui où l’homme utilisateur n’est plus maître du mécanisme intérieur de l’outil, et tend de plus en plus à l’ignorer7 ».

Tous ces objets peuvent donc être qualifiés de boîte noire, tant sur le plan formel (la forme carrée ou rectangle restant majoritaire) que fonctionnel, car leur fonctionnement reste un mystère pour la plupart des utilisateurs.

Cette première partie propose de définir la médiation sensible au numérique permettant d’ouvrir ces boîtes, de les déconstruire et de les décrypter afin de « rendre visible et intelligible, l’écosystème qui sous-tend le fonctionnement des objets technologiques qualifiés de boîtes noires8 ».

1.1 La médiation au numérique

L’essor, dans les années 2000, des technologies digitales, des recherches sur les biotechnologies ou les modifications génétiques amènent un nouveau champ du design à se développer. Dans l’introduction de l’ouvrage Strange Design, Emanuele Quinz décrit cette évolution :

« Après l’âge de l’industrialisation, après celle du spectacle et de la communication, c’est l’âge des technologies électroniques et numériques, des réseaux et de la globalisation -, avec des nouvelles formes de contrainte et de nouvelles normes comportementales. L’horizon n’est plus celui des produits et des codes de la consommation, mais celui des objets techniques, des interfaces et de l’interactivité9».

Anthony Dunne et Fiona Raby, designers et professeurs au Royal College of Art (RCA) à Londres, auront été parmi les précurseurs d’une nouvelle génération de designers qui se questionnent sur la manière dont les objets électroniques façonnent notre quotidien. À travers des projets conceptuels, ils utilisent le design comme un médium pour repenser nos interactions avec les objets qui nous entourent, dans le but de faire naître des perspectives de réflexion qui engagent différents acteurs. Dans un entretien avec Emanuele Quinz ils diront :

« Une telle chose est possible si les professionnels du design prennent davantage de responsabilité sociale et développent leur propre vision, en travaillant avec le public afin d’exiger davantage de l’industrie, de ce qu’elle offre actuellement 10 ».

Ces projets conceptuels sont définis par Dunne & Raby comme des objets dont la fonction est de projeter notre imagination dans réalités alternatives:

« they facilitate imagining and help us entertain ideas about everyday life that might not be obvious. They help us think about alternative possibilities - they challenge the ideals, values, and beliefs of our society embodied in material culture 11».

Dunne & Raby, mais également d’autres designers - parfois leurs élèves au RCA - et d’autres chercheurs ont développé des objets de design qui ne sont pas des objets industriels et fonctionnels vendus dans la sphère commerciale. Pour permettre un questionnement, ces objets «ne peuvent réellement exister qu’en dehors des lois du marché, en tant que formes d’un design conceptuel12». Ils se positionnent plutôt comme des objets de médiation, qui permettent d’ouvrir les boîtes noires qui incarnent les systèmes complexes qui nous entourent. Ils semblent permettre la mise en place d’une médiation sensible au numérique définie par Rose Dumesny comme une «approche expérientielle » fondée sur un espace intermédiaire entre une personne et les objets technologiques qui l’entourent13. La particularité de cet espace de médiation est de rendre possible une expérience de l’objet qui permette de constituer des savoirs à propos des environnements numériques. Cette médiation des savoirs numériques, plutôt qu’une transmission des savoirs d’un enseignant vers un apprenant, implique qu’ils ne sont pas constitués à l’avance, soulignant l’idée que chacun élabore et construit ses propres savoirs au cours de son apprentissage14. Cette médiation sensible au numérique se différencie de la médiation numérique passant le plus souvent par une formation technique aux outils numériques15 et se diffusant par le biais de vidéos, d’applications ou de cours en ligne et sur écran.

L’objectif serait alors de donner à voir - et à manipuler - l’écosystème global des objets technologiques, plutôt que de se contenter de fournir un mode d’emploi figé de celui-ci ou de former à son usage sans questionner ce qu’il cache. L’hypothèse est « que l’on comprend mieux ces objets numériques et que l’on peut en faire un meilleur usage (éclairé, responsable, etc.) si on a la possibilité de “voir à l’intérieur” et de se les approprier de manière sensible. La médiation devient alors un moyen de connaître, de forger un savoir du numérique, mais par une expérience vécue de manipulation d’objets16 ».

Cette forme de médiation s’appuie sur des objets au statut particulier, qui ont pour objectif de développer une vision et des connaissances critiques, éclairées et variées des technologies du numérique.

1.2 Les caractéristiques des dispositifs de médiation

Nous interrogeant sur les moyens d’ouvrir les boîtes noires technologiques par le design, nous avons choisi d’utiliser la notion de dispositif de médiation, telle qu’elle a été définie par André Berten à l’aube d’internet. Par dispositif, nous entendons des objets « de médiation du savoir17 ». En effet, selon lui :

« chaque dispositif inclut des savoirs multiples, transversaux, ramifiés, mais encore, le dispositif lui-même devient un milieu producteur de savoir : échappant maintes fois à l’intention qui l’a fait naître, il est alors détourné, utilisé pour des usages imprévus, remanié pour servir à résoudre tel ou tel problème 18 ».

Les dispositifs de médiation semblent donc se réaliser dans leur rencontre avec l’individu, qui le prend en main, l’utilise, le détourne, se l’approprie. En faisant passer les savoirs d’une personne (les concepteurs) à une autre (l’utilisateur), ces objets de médiation donnent aux individus des prises sur les boîtes noires et permettent de se saisir des questions que posent ces objets technologiques.

Les objets de design que nous avons choisi d’aborder dans cet article font partie de cette catégorie de dispositifs de médiation et témoignent d’un univers et d’une ambition communs. Ils nous semblent appartenir à la famille du Ludic Design théorisé par Bill Gaver et ses collaborateurs dans les années 200019 :

« Ludic designs must somehow encourage people to create and explore for themselves. Rather than thinking of technologies serving as tools to fulfil a clear set of purposes, or as providing a set of experiences, no matter how unusual, designs to support ludic engagement must offer situations and resources that people can appropriate themselves, flexibly and provisionally, through their actions and interpretations 20 ».

Ce design ludique21 décrit une approche ouverte, décalée, non-conventionnelle et non-centrée sur l’efficacité de la conception d’objets technologiques visant à encourager des pratiques réflexives, critiques et créatives de la part des utilisateurs. Nous reprendrons, pour décrire nos dispositifs de médiation, une typologie des objets de design ludique proposée par l’une des autrices dans sa thèse :

« Les dispositifs de design ludique sont des objets volontairement intrigants, à la fois objets de communication, de divertissement, d’information ou d’apprentissage. Ils sont pensés pour inciter à la curiosité et sortir des conventions et des représentations de l’univers des objets technologiques. Les trois caractéristiques que je retiendrais de ces objets, comme nous l’avons vu précédemment, sont l’ouverture à l’exploration, leur légère étrangeté et l’expérience sensible qu’ils impliquent 22 ».

L’exposition Futurama, orchestrée par Norman Bel Geddes et présentée lors de l’exposition universelle de New York 1939, est un exemple précurseur des principes de Gaver. Véritable attraction, ce stand met en mouvement un propos sur l’urbanisme de demain, sponsorisé par General Motors Corporation. À travers cette exposition futuriste, Norman Bel Geddes montre comment la technologie pourrait surmonter des futurs problèmes de circulation dans les villes, notamment à travers un système d’autoroute automatisé : « Futurama is a large-scale model representing almost every type of terrain in America and illustrating how a motorway system may be laid down over the entire country23 ». Le caractère utopiste et futuriste de cette exposition ont contribué à son caractère insolite et a réussi à susciter une grande curiosité chez des dizaines de milliers de visiteurs, qui, n’ont pas hésité à faire plusieurs heures de file d’attente. Assis confortablement dans leurs sièges mouvants, les spectateurs tournent autour de l'œuvre dont les différentes parties sont en mouvement. Cette exploration sensible d’un paysage urbain prospectif, animé par des jeux de couleurs, lumières et sons, a marqué de nombreux visiteurs, qui pouvaient alors se vanter d’avoir « vu le monde de demain », comme indiqué sur leur badge remis à la sortie de l’exposition.

Dans la continuité de Norman Bel Geddes et selon les principes du design ludique, nous avons sélectionné quelques exemples de dispositifs de médiation sensible que nous pourrions exposer au cours de notre événement fictif. Ces dispositifs pourraient s’intégrer dans la vie quotidienne de chacun tout en détonnant assez pour provoquer un questionnement. Par exemple le projet BlackOut24 (Figure 2) met en scène des petits robots qui s’animent par une force invisible, là où le projet Manivelles quantiques25 se sert de papier et de manivelles pour aborder l’ordinateur quantique (Figure 3). L’ensemble de ces projets s'attaquent à des concepts techniques et complexes mais dans un contexte différent de celui de la science. Ils rappellent un univers ludique ou associé au divertissement (marionnettes, jeux en papier, courses de robots, pirouettes acrobatiques, images animées, etc.). Dans un de leurs premiers articles sur le sujet, Bill Gaver et ses collègues résument cela simplement par cette formule : « présenter le familier comme étrange et l’étrange comme étant familier26 ». Par cette légère étrangeté, les concepteurs de ces dispositifs déplacent le rôle de l’objet, le transforment, l’objet n’est plus fait pour être fonctionnel ni utile, mais pour susciter la curiosité. Ces objets non conventionnels imposent à l’utilisateur perplexe, de remettre en question les codes d’interactions classiques auxquels il est habitué, pour se laisser surprendre par ce qui lui est présenté.


Figures 2 et 3. Rose Dumesny d’après James Tennessee Briandt BlackOut ; Rose Dumesny d'après Julien Bobroff, Manivelles quantiques

La seconde caractéristique de ces objets est de permettre une expérience sensible. Tous ces objets ont un univers plastique et un langage graphique affirmé. Le projet Physic Circus27 (Figure 4) réunit les codes esthétiques du cirque pour expliquer la supraconductivité, le projet Papier Machine28 de Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage, présente des objets colorés à faire soi-même, passant de la 2D à la 3D dans un livret en papier (Figure 5). Les couleurs chaleureuses se retrouvent de pages en pages et attirent le regard invitant à la manipulation. L’expérience esthétique de l’objet attire d’abord les utilisateurs :

« the aesthetics of ludic design is made of a space of experience including: Tinkering, maintaining, social sharing, relation to space and time of the tangible artifact, representations and in particular the poetic rendering of time and space, evocation/information 29 ».

Cette « aire d’expérience » prend notamment en compte la part sociale, la relation au temps et à l’espace et les représentations de l’artefact tangible. Cependant, c’est dans leur dimension interactive et la manipulation que ces objets s’éloignent du statut d’objet d’art pour prendre leur sens et leur justification dans la sphère du design. Celui-ci est bien destiné à être utilisé et les choix de conception ne sont pas laissés au hasard. L’utilisateur doit prendre le temps de l’expérience et est guidé dans les différentes étapes par un mode d’emploi.


Figures 4 et 5. Rose Dumesny d’après Véronique Huyghe, M. Barani, Physics Circus ; Rose Dumesny d’après Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage Papier Machine

Enfin, ces objets possèdent une autre caractéristique commune, que Bill Gaver appelle une « ouverture vers l’exploration30 ». Par ce terme, il entend une exploration libre, qui permet de placer les utilisateurs dans une posture réflexive, dans laquelle ils sont à même de questionner leur rapport aux objets technologiques du quotidien.

Hack go Black31 par exemple, par son format propre, engage l’utilisateur à découper, assembler, bricoler (Figure 6). Le dispositif est constitué de propositions de détournement, ou hacks, en papier à réaliser sur un smartphone. Ainsi le hack de la Pouch (de Faraday) brouille les repères du capteur GPS, en coupant le téléphone des ondes, alors que le hack Culbuto détourne les mesures des accéléromètres et des gyroscopes, leur faisant croire à un déplacement là où nous restons immobiles. Ces petits dispositifs en papier donnent une visibilité aux capteurs, autrement cachés à l’intérieur du téléphone, laissant l’utilisateur prendre confiance de leur existence et de leur fonctionnement. En donnant la possibilité à l’utilisateur de réaliser les hacks sur son propre téléphone, Hack go Black le place dans une exploration active, qui rentre dans la sphère de son quotidien. Cette expérience créative réussit à susciter des questionnements, à produire de la connaissance et à éveiller un raisonnement.

De la même manière, I.A. ex Machina32 invite l’utilisateur à explorer le fonctionnement d’un réseau de neurones (Figure 7). Si le dispositif intrigue tout d’abord par son aspect rétro-futuriste, l’utilisateur se met rapidement à tourner ou appuyer sur les différents boutons pour réaliser le défi proposé par les machines. La dimension ludique du dispositif (l'utilisateur doit jouer le rôle d’un réseau de neurone) place l’utilisateur dans une dynamique d’action : investi d’une mission, il cherche à déterminer les enjeux et le fonctionnement du jeu, ce qui implique de comprendre ce qui se joue dans les mécanismes d’intelligence artificielle.

Il en va de même pour le projet Placebo33 réalisé en 2001 par Anthony Dunne et Fiona Raby (Figure 8). À travers une collection de 8 prototypes faits de bois et d’autres matériaux, le projet s’écarte de la notion d’usage au sens de consommation, pour proposer une véritable expérience à ses utilisateurs. Le point de départ du projet était d’étudier le rapport qu’ont les gens avec les objets électroniques qui les entourent, mais qui, la plupart du temps, par des choix de design disparaissent du champ visuel, relégués sur une étagère ou posés sous une table de chevet. Des prototypes ont été réalisés afin de changer la perception humaine vis-à-vis des rayonnements magnétiques, phénomène immatériel et invisible mais qui les entoure au quotidien. Afin de se confronter au réel, ces probes ont été placées chez des utilisateurs volontaires, au préalable identifiés via des publicités, des workshops. Tels des placebos médicaux, ces objets ne sont pas faits pour contrer ou supprimer les inquiétudes liées aux ondes magnétiques mais pour apporter du confort psychologique aux utilisateurs. Ce projet va donc au-delà de la seule production d’objet. Communications sur l’expérience, photos, interviews et échanges avec les utilisateurs enrichissent l’artefact, le prolongent pour former ce que Dunne & Raby appellent des « propositions de design ».


Figures 6, 7 et 8. Rose Dumesny d’après James Tennessee Briandt, Hack go Black ; Rose Dumesny d’après Lou Vettier, Rose Dumesny, I.A. ex Machina, conception graphique et Rose Dumesny d’après Jason Evans, Placebo Project

Mettre en place une médiation sensible au numérique par l’intermédiaire de dispositifs tangibles empruntant les caractéristiques du design ludique apparaît comme une opportunité en vue de comprendre, s’approprier et pourquoi pas détourner l’écosystème des objets technologiques qui peuplent nos quotidiens.

2. Les enjeux des expositions autour du numérique

Comme nous l’avons montré dans la première partie de cet article, des dispositifs permettant une médiation sensible des nouvelles technologies ont été développés depuis plusieurs années par des designers. Ils ont pour objectif d’initier une discussion et d’encourager la curiosité en utilisant leurs qualités esthétiques et leur légère étrangeté. L’analyse de ces dispositifs nous a amené à interroger leur contexte de présentation et d’exposition : comment favoriser une exploration autonome et critique de systèmes complexes qualifiés de boîtes noires ? Quels lieux et quelles formes d’interaction permettent la mise en place d’une médiation sensible ? Peut-on encore parler de simple visiteur, si celui-ci manipule et participe activement ? Comment exposer ces dispositifs, qui ne sont pas identifiables à première vue par l’imaginaire collectif, comme pourraient l’être une chaise ou une machine à café ?

La deuxième partie de cet article analyse un corpus d’expositions. Il réunit six événements qui se sont intéressés aux nouvelles technologies et s'appuie sur la comparaison des textes de catalogue et de leur scénographie afin de définir les modalités de l’exposition idéale que nous développons dans la dernière partie.

2.1 Exposer le numérique

La médiation est à destination d’un « public » - ou de plusieurs - elle vise à partager et à constituer une culture faite d’un ensemble hétérogène de références, d'œuvres et d’objets. Comme le dit Paul Rasse :

« La médiation, considère alors que la personne est différente, étrangère au lieu ou au sujet. Elle s’efforce de l’accueillir, d’expliquer, de traduire, dans un processus de négociation à partir de ce que chacun est, de ses capacités cognitives, de sa propre culture, de ses aspirations, de ses angoisses, de sa propre histoire, de son statut social. La médiation consiste alors à créer des espaces où le public se sente respecté et reconnu dans sa différence, d’abord pour l’attention dont il est l’objet, pour cet effort d’hospitalité de l’institution ou de la communauté qui l’accueille, qui tente d’expliquer, d’informer, de traduire34 ».

Ici, il est question de l’espace de médiation, qui nous amène à penser le lieu et le contexte la rendant possible et accessible. Dans le cadre de notre réflexion, en tant que designers et autrices, nous nous sommes donc interrogées sur la manière dont nos dispositifs pouvaient être présentés. Comme le propose Dunne & Raby, l’exposition de ce type de dispositifs peut être un prétexte pour réunir et engager des gens. Elle doit être conçue comme un laboratoire, un terrain d’exploration de nouvelles formes de sociétés :

« Paraphrasing Jan Boelen, artistic director of Z33, we need to build audiences rather than targeting them. Exhibitions can bring together people interested in how design can engage with the ideas and disciplines shaping our lives, not only in science but also in fields such as politics, law, and economics. We fully agree with Paola Antonelli, senior curator of design at MoMA, when she suggests museums can become laboratories for rethinking society, places for showing not what already exists, but more important, what is yet to exist 35 ».

2.2 Du visiteur au participant

Souhaitant nous inscrire dans la continuité d’initiatives passées pour les enrichir, nous nous sommes appuyées sur l’étude de six expositions s’intéressant à la mise en scène et en question des technologies numériques (Tableau 1). Nous avons sélectionné des manifestations variées, tant d’un point de vue temporel - allant de 1985 à 2019 - que de celui du lieu d’exposition - Musée d’Art Moderne, Biennale ou Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI). Elles ont en commun leur thème, les nouvelles technologies au sens large ou un aspect précis de celles-ci, et partagent également une approche de la médiation par l’objet. En effet, trois de ces expositions ont été commissionnées par des départements dédiés au design (E1, E2, E5), deux ont eu lieu dans le cadre des Biennales Internationales de Design (E3, E6) et la dernière à la Cité des Sciences et de l’Industrie, qui fait la part belle aux manipulations.


Tableau 1. Informations sur les six expositions anlysées.

Notre analyse se fonde sur la lecture des catalogues, des sites internet ou des communiqués de presse produits à l’occasion de ces expositions. Notre objectif est d’identifier, à travers ces différents supports, les modalités communément partagées par les commissaires ou concepteurs de ces expositions. Nous avons organisé notre analyse selon trois axes : l’interactivité, le collectif, la critique. Le Tableau 2 synthétise les éléments que nous avons pu identifier dans les différents supports de présentation des expositions.


Tableau 2. Synthèse de l'analyse du corpus d'exposition.

La première modalité que l’on retrouve en filigrane des descriptions des expositions étudiées est l’ambition de développer l’esprit critique des visiteurs. Ces expositions cherchent à confronter les points de vue et multiplient les interventions d’artistes, de scientifiques ou de designers différents (E1, E4, E5). Elles cherchent à nous rendre « plus élastiques36 » et à mettre en perspective notre rapport aux nouvelles technologies (E2, E3, E6). Au-delà de l’exposition et du choix des objets présentés, les six expositions mobilisent des supports variés pour développer ce propos critique et prolonger la visite. Conférences, plateformes en ligne, vidéos, catalogues, servent ainsi à enrichir et approfondir les connaissances des visiteurs sur les nouvelles technologies et leurs impacts sur nos vies. La visite est perçue comme une expérience qui viendra aiguiser le regard et qui ambitionne de faire basculer les visiteurs dans une nouvelle posture, critique, voire même engagée vis-à-vis des technologies.

Ce changement attendu poursuit un objectif quasi sociétal, qui nous paraît être la deuxième modalité des expositions étudiées. On retrouve à plusieurs reprises l’idée d’un passage de l’individu vers le collectif, d’un impact culturel et social. Cela rejoint une des caractéristiques de la médiation proposée par Rasse :

« Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication (Lamizet et Silem, 1997, p. 364), la médiation intervient à l’articulation du sujet et de la société. “La médiation, dialectique entre le singulier et le collectif, suppose ainsi l’oubli du singulier pour la mise en œuvre d’une forme collective de l’appartenance.” 37 »

Dunne & Raby disent ainsi de leur exposition (E3) :

« Notre intérêt ne se porte pas seulement vers des possibilités expressives, fonctionnelles et communicatives de technologies nouvelles mais vers les conséquences sociales, culturelles et éthiques résultant du fait de vivre dans une société perçue de plus en plus à travers la technologie 38 ».

L’exposition semble devoir être vécue comme un moment de partage (E3), fédérateur (E1) et tissant des liens (E6). Cet élan collectif peut même donner lieu à la constitution d’une culture commune (E5), base d’un projet de société plus vaste, voire structurante dans un contexte de révolution sociétale majeur (E2).

La troisième modalité commune aux six expositions s’articule à l’idée d’un engagement du public par le biais des objets présentés. Cette recherche d’interactivité passe par la présentation d’objets tangibles (E2, E3, E5) qui permettent de « rendre visible l’invisible39 » (E6). Dans le cas de Terra Data (E4) le public est même encouragé à manipuler et à s’impliquer physiquement lors de sa visite. Malgré cette intention, Triquet et al. soulignent, dans une analyse de l’exposition, qu’elle se révèle «peu efficace pour aider les visiteurs à se projeter dans une posture de sujet acteur, engagé et responsable40». La volonté d’engager les publics se heurte certainement à plusieurs facteurs que nous ne détaillerons pas ici, mais une rapide observation des scénographies proposées lors des expositions montre que la manière de présenter les objets perpétue une approche muséale qui cantonne les visiteurs à une posture de regardeurs (Figure 9). Les objets sont présentés sur des piédestaux, enfermés sous des cloches de verre, protégés par des barrières. Le visiteur est invité à se projeter dans l’usage de ces objets mais jamais à les manipuler ou à les toucher réellement. Exception faite de la Cité des Sciences, les formats de médiation ne sont pas interrogés. Alors même que la matérialité des environnements numériques est invoquée comme condition pour se les approprier (E5), la forme de l’exposition n’est pas repensée41 pour s’adapter à cette nouvelle matière numérique.


Figure 9. Rose Dumesny, Vues des dispositifs de scénographie des expositions (E1, E2, E5, E6)

La dernière partie de cet article s’appuie sur les trois modalités que nous avons fait émerger : l’intention critique, l’engagement collectif et l’implication physique. Afin de prolonger l’histoire des expositions autour des technologies numériques, nous avons décidé de proposer notre propre événement, Techno Tales. Cette exposition fictive nous permet d’imaginer et d’explorer des formats à même de déployer le potentiel critique des dispositifs de médiation. Le titre Techno Tales, qui peut être traduit par «Contes Technologiques», souligne l’importance que nous souhaitons donner à la mise en récit et à l’expérience vécue par les visiteurs devenant des participants.

3. Techno Tales, une fiction d’exposition pour explorer le numérique

Bienvenue dans Techno Tales. Nous vous proposons d’oublier votre rapport aux technologies numériques et tout ce que vous pensez savoir à propos de ces objets qui vous entourent. Cette exposition a été imaginée comme une exploration vous permettant de vivre et de questionner la complexité du numérique à travers des projets de design contemporains.

Techno Tales est une forme de rencontre collective, où designers comme participants ont un rôle à jouer. Vous pourrez par exemple détourner votre smartphone pour comprendre comment il fonctionne, vous initier à l’électronique avec des jeux en papier ou pratiquer le cirque en lévitation, autant de projets qui vous feront voir les technologies numériques sous un autre angle.

Techno Tales met en scène des dispositifs tangibles, à manipuler pour s’approprier et comprendre les systèmes complexes qui nous entourent. Cette médiation sensible au numérique vous invite à aiguiser votre regard et à participer à une dynamique collective. Moments d'interactivité, de réflexion ou d’échanges, vous sont proposés tout au long l’exposition afin d’initier la mise en place d’un esprit critique collectif.

3.1 La visite et le programme de l’exposition


Figure 10. Lou Vettier, Programme de l’exposition Techno Tales

3.1.1 Anatomies sur sujets technologiques (Figure 11)

Les projets qui composent l’exposition prennent le parti de l’interactivité, assumant l’idée qu’il faut faire et manipuler pour comprendre et s’approprier la complexité des objets technologiques. Afin de prolonger cette ambition, des temps de « déconstruction » d’objets technologiques sont proposés tout au long de l’exposition. Chacun est invité à amener un objet qu’il souhaite comprendre. À l’aide de différents outils et de leurs connaissances pratiques des systèmes complexes les médiateurs-experts dissèquent les objets proposés.


Figure 11. Rose Dumesny, Image conceptuelle d’une « Anatomie sur sujets technologiques »

3.1.2 Manipulations Collectives (Figure 12)

Les projets de l’exposition ont été pensés pour être questionnés, ce format de médiation fait écho à cette ambition. Les participants sont accompagnés par les concepteurs dans leur découverte du projet, ils peuvent ensuite explorer librement les potentialités des objets. Ces moments d’échanges sont pensés de manière collective où les participants confrontent leurs points de vue et leur expérience de l’objet. L’ambition est ici de faire naître le débat et la discussion par la manipulation tangible.


Figure 12. Rose Dumesny, Image conceptuelle d’une « Manipulation Collective »

3.1.3 De-librons (Figure 13)

Au-delà de la mise en exposition de dispositifs de médiation qui invitent à porter un regard critique sur les nouvelles technologies, Techno Tales est vue comme une occasion de faire émerger des actions collectives qui dépassent le cadre et le temps de l’exposition. Pétitions, débats, manifestations, interventions engagées, sont proposés aux participants afin de prolonger leur visite par un engagement concret qui les place au cœur d’un sujet de société.


Figure 13. Rose Dumesny, Image conceptuelle d’un temps « De-liberons »

3.2 Prolonger la réflexion

À travers cet article nous avons porté notre réflexion sur la médiation des objets technologiques et sur les modalités d’une exposition la rendant possible. La conception d’une exposition fictive reste bien entendu, ici, au stade de l’exercice. Cependant, elle mériterait d’être prolongée par une mise en place concrète pour se confronter à la réalité et à sa faisabilité, tout en aboutissant au projet initial de pouvoir faire manipuler des objets aux participants. Malgré tout, il nous semblait intéressant d’utiliser le format de l’article de recherche pour proposer une exploration narrative et conceptuelle qui complète une réflexion analytique.

Au-delà de l’analyse de dispositifs de médiation et d’expositions, c’est un questionnement sur des manières de concevoir les technologies que nous souhaitons partager. Les différents concepteurs dont le travail est mentionné, proposent de les percevoir non pas comme quelque chose d’obscur, d'impénétrable et d'inaccessible mais comme un univers à explorer, qui peut s’avérer amusant et intrigant. Par leur volonté de démystifier des technologies numériques, ils en deviennent des médiateurs, et les rendent accessibles à la compréhension de chacun. Leurs objets sont des objections à une vision des technologies conçues comme des boîtes noires, et par leurs choix esthétiques et pratiques, ils témoignent de leurs convictions. En prenant parti, ils invitent directement leurs utilisateurs à prendre eux-mêmes position.

Comprendre et réussir à s’approprier les technologies numériques est un véritable enjeu d’émancipation. L’exposition, moment de rencontre entre les utilisateurs et ces dispositifs qui ne trouvent pas leur place dans les circuits de commercialisation habituels, a donc un rôle majeur à jouer dans l’appréhension et la transmission de ces objets. Ces derniers mettent en exergue une médiation sensible, qui nécessite, comme nous l’avons discuté, de repenser les formats d’exposition classique, pour favoriser le collectif, l’interactivité et le regard critique des visiteurs, devenant ainsi des participants actifs et engagés dans l’acte de médiation. Enfin, au-delà du cadre de l’exposition, c’est l’intégration de la médiation sensible dès la conception de l’objet que nous invite à penser l’ensemble des dispositifs mentionnés, dès la création des technologies numériques et la conception des algorithmes, afin de permettre à chacun de retrouver des prises sur ce monde abstrait et invisible.

Bibliographie

Antonelli, Paola, Design and the elastic mind, New York, Museum of Modern Art, D.A.P./Distributed Art Publishers, 2008.

Agamben, Giorgio, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, Paris, Payot & Rivages, 2014.

Berten, André, « Dispositif, médiation, créativité : petite généalogie », Hermes, La Revue n° 25, 1999/3, p. 31‑47.

Bel Geddes, Norman, « Magic Motorways » [archive], 1940. https://archive.org/details/magicmotorways00geddrich (consulté le 01/12/2020)

Centre de création industrielle et Centre Georges Pompidou, Les Immatériaux, Épreuves d'écriture, Vol. 2, Paris, Centre Georges Pompidou, 1985.

Centre de création industrielle et Centre Georges Pompidou, « Les Immatériaux - Communiqué de presse », 1984.

Dautrey, Jehanne, et Quinz, Emanuele, Strange design, Grenoble, IT éditions, 2014.

Dumesny, Rose, Médiation sensible : des dispositifs d’expression tangibles pour s’approprier et comprendre l’objet smartphone, Thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication, Université de Nîmes, 2019.

Dunne, Anthony, et Raby, Fiona, Speculative everything: design, fiction, and social dreaming, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, 2013.

Floridi, Luciano, Cowls, Josh, “A Unified Framework of Five Principles for AI in Society”, Harvard Data Science Review, 1(1), 2019.

Gaver, William, Bowers, John, Boucher, Andrew, Gellerson, Hans, Pennington, Sarah, Schmidt, Albrecht, Steed, Anthony, Villars, Nicholas, et Walker, Brendan, « The Drift Table: Designing for Ludic Engagement », In CHI ’04 Extended Abstracts on Human Factors in Computing Systems, 885–900, CHI EA ’04, New York, NY, USA, ACM, 2004.

Gaver, William, Bowers, John, Boucher, Andrew, Law, Andy, Pennington, Sarah, et Walker, Brendan « Electronic Furniture for the Curious Home: Assessing Ludic Designs in the Field », International Journal of Human–Computer Interaction 22, n°1-2, 1 avril 2007, p.119‑52.

Mandon, Thierry, Peyricot, Olivier, et Briand, Soizic, Archives 19 : catalogue post-Biennale internationale design Saint-Etienne 2019 : me, you, nous : créons un terrain d’entente, Saint-Etienne, Cité du Design, 2020.

Migayrou, Frédéric, Coder le monde, Orléans, Éditions HYX, 2018.

Mivielle, Cédric, Gentès, Annie, « What Is Ludic about Ludic Design ? », Paris Descartes University, Boulogne Billancourt, France, 2015.

Moles, Abraham A., « Vivre avec les choses : contre une culture immatérielle », dans Alexandra Midal, Design : l’anthologie, Genève, HEAD, 2013, p.381‑90.

Rasse, Paul, « La médiation, de l’utopie à la transformation sociale ». Hermès, La Revue, 70, n°3, 2014, p. 46‑49.
–, « La médiation aux temps de l’hypermodernité », Hermès, La Revue, n° 80, 2018, p.142-148.

Tacer, Frédéric, Téléportation : Saint-Étienne Internationale, Saint-Étienne, Cité du design, 2010.

Triquet, Éric, Flesch, Eloi, Archat, Caroline, Poli, Marie-Sylvie, « Freins et leviers pour de nouvelles créativités dans notre relation au monde numérique. Points de vue de visiteurs de l’exposition TERRA DATA Nos vies à l’ère du numérique », dans Pré-actes Vol.3 : Objets techniques, dispositifs et contenus, vol. Volume 3, XXIe Congrès de la SFSIC - Création, créativité et médiations, MSH - Paris Nord, 2018, p. 5-15.

Crédits et légendes

Figure 1 : Planche illustrant des boîtes noires du quotidien, conception graphique © Rose Dumesny

Figure 2 : BlackOut, conception graphique © Rose Dumesny d’après James Tennessee Briandt

Figure 3 : Manivelles quantiques, conception graphique © Rose Dumesny d’après Julien Bobroff

Figure 4: Physics Circus, conception graphique © Rose Dumesny d’après Véronique Huyghe, M. Barani

Figure 5 : Papier Machine, conception graphique © Rose Dumesny d’après Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage

Figure 6 : Hack go Black, conception graphique © Rose Dumesny d’après James Tennessee Briandt

Figure 7: I.A. ex Machina, conception graphique © Rose Dumesny d’après Lou Vettier, Rose Dumesny

Figure 8 : Placebo Project, conception graphique © Rose Dumesny d’après Jason Evans

Figure 9 : Vues des dispositifs de scénographie des expositions (E1, E2, E5, E6), conception graphique © Rose Dumesny

Figure 10 : Programme de l’exposition Techno Tales, conception graphique © Lou Vettier

Figure 11 : Image conceptuelle d’une «Anatomie sur sujets technologiques», conception graphique © Rose Dumesny

Figure 12 : Image conceptuelle d’une «Manipulation Collective», conception graphique © Rose Dumesny

Tableau 1 : Informations sur les six expositions analysées © Rose Dumesny

Tableau 2 : Synthèse de l’analyse du corpus d’exposition © Rose Dumesny


  1. Moles, Abraham A., « Vivre avec les choses : contre une culture immatérielle », dans Design : l’anthologie, par Alexandra Midal, Genève, HEAD, 2013, p. 381‑90. 

  2. Floridi, Luciano, Cowls, Josh, « A Unified Framework of Five Principles for AI in Society », Harvard Data Science Review, 1, 2019. Traduction : « De plus nous soutenons qu'un nouveau principe est nécessaire : l'explicabilité, comprise comme intégrant à la fois le sens épistémologique de l'intelligibilité (comme réponse à la question "comment cela fonctionne-t-il ?") et le sens éthique de la responsabilité (comme réponse à la question : "qui est responsable de la façon dont cela fonctionne ? ». 

  3. Dumesny, Rose, Médiation sensible : des dispositifs d’expression tangibles pour s’approprier et comprendre l’objet smartphone, Thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication, Université de Nîmes, 2019. 

  4. Dautrey, Jehanne, et Quinz, Emanuele, Strange design, Grenoble, IT éditions, 2014. 

  5. Moles, Abraham A., « Vivre avec les choses » op.cit. p. 389. 

  6. Ibid., p. 385-386. 

  7. Ibid., p. 385. 

  8. Dumesny, Rose, Médiation sensible, op.cit, p. 52. 

  9. Quinz, Emanuele, « Objets et stratégies du design conceptuel », dans Dautrey, Jehanne, Quinz, Emanuele, Strange Design, op. cit., p. 30‑39. 

  10. Dunne, Anthony, Raby, Fiona, « Plaisirs Compliqués », dans Dautrey, Jehanne, Quinz, Emanuele, Strange Design, op. cit., p.168. 

  11. Dunne, Anthony, et Raby, Fiona, Speculative everything: design, fiction, and social dreaming, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press, 2013, p.90. Traduction : « ils facilitent les images/l’imagination et nous laissent entrevoir des concepts liés à la vie quotidienne qui ne sont pas forcément évidents. Ils nous aident à envisager des possibilités alternatives - ils remettent en question les idéaux, les valeurs et les croyances de notre société incarnés dans notre culture matérielle.» 

  12. Dunne, Anthony, et Raby, Fiona, « Plaisirs Compliqués », op. cit., p.168. 

  13. Dumesny, Rose, Médiation sensible, op. cit, p.75. 

  14. Berten, André, « Dispositif, médiation, créativité : petite généalogie », Hermès, La Revue n° 25, n°3, 1999, p. 40. 

  15. On retrouve notamment sur le portail de la médiation numérique de l’Éducation Nationale l’objectif suivant « la maîtrise des outils matériels et logiciels et de leurs usages ». (Consulté le 01/12/2020) http://www.mediation-numerique.fr/presentation-mediation-numerique.html 

  16. Dumesny, Rose, Médiation sensible, op.cit., p. 74‑75. 

  17. Berten, André, « Dispositif, médiation, créativité : petite généalogie », op.cit., p.33. 

  18. ibid. p.35. 

  19. Gaver, William, et al., « The Drift Table: Designing for Ludic Engagement », in CHI ’04 Extended Abstracts on Human Factors in Computing Systems, CHI EA ’04, New York, NY, USA, ACM, 2004, pp.885–900 

  20. Gaver, William, et al., « Electronic Furniture for the Curious Home: Assessing Ludic Designs in the Field », International Journal of Human–Computer Interaction 22, n°1‑2, 1 avril 2007, p.6. Traduction : «Les objets de design ludique doivent en quelque sorte encourager les gens à créer et à explorer par eux-mêmes. Au lieu de considérer les technologies comme des outils permettant d'atteindre un ensemble d'objectifs précis ou de fournir un ensemble d'expériences, aussi inhabituelles soient-elles, les conceptions destinées à soutenir l'engagement ludique doivent offrir des situations et des ressources que les gens peuvent s'approprier, de manière souple et provisoire, par leurs actions et leurs interprétations 

  21. Pour faciliter la lecture du terme « ludic design » a été traduit dans le reste de l’article, néanmoins le terme français « ludique » ne rend pas complètement compte de la dimension critique du concept développé par Gaver. 

  22. Dumesny, Rose, Médiation sensible, op.cit., p.120, 

  23. Bel Geddes, Norman, « Magic Motorways »,[ archive], 1940. Traduction : « Futurama est un modèle à grande échelle représentant presque tous les types de terrain en Amérique et illustrant comment un système d'autoroute peut être posé sur tout le pays » 

  24. Dumesny, Rose, Pineau, Florian, et Ramus, Catherine, «BlackOut», [Dispositif technique], 2018. (consulté le 01/12/2020) https://rosedumesny.com/article.php?id=33 

  25. Vettier, Lou, et Bobroff, Julien, « Manivelles quantiques », [Dispositif technique], 2020. (consulté le 01/12/2020) https://www.louvettier.com/manivellesquantiques.html 

  26. Gaver et al., « The Drift Table », op.cit., p.9. 

  27. Echasseriau, Alexandre, Bobroff, Julien, et Bouquet, Frédéric, « Physic Circus » [Dispositif technique], 2013. (consulté le 01/12/2020) http://www.physiccircus.com/ 

  28. Pluvinage, Raphaël, et Pinaffo, Marion, « Papier Machine », [Dispositif technique], Panoplie, 2018. (consulté le 01/12/2020) https://pinaffo-pluvinage.com/ 

  29. Mivielle, Cédric, et Gentès , Annie, « What Is Ludic about Ludic Design ? », 11th European Academy of Design Conference, Paris Descartes University, Boulogne Billancourt, France, 2015, p.15. Traduction : « L’esthétique du design ludique est constituée d’un ensemble d’expérience incluant : le bricolage, la maintenance, le partage social, la relation spatiale et temporelle d’un artefact tangible, les représentations et en particulier le rendu poétique de l’espace et du temps, l’évocation / l’information » 

  30. Dumesny, Rose, Médiation sensible, op.cit., p.114. 

  31. Gelli, Juliette, Dumesny, Rose, et Ramus, Catherine, « Hack Go Black », [Dispositif technique], 2018. (consulté le 01/12/2020) https://juliettegelli.fr/Hack-go-black 

  32. Vettier, Lou, et al., « I.A. ex Machina » [Dispositif technique], 2018. (consulté le 01/12/2020) https://www.louvettier.com/iaexmachina.html 

  33. Dunne, Anthony, et Raby, Fiona, « Placebo » [Dispositif technique], 2001. (consulté le 01/12/2020) http://dunneandraby.co.uk/content/projects/70/0 

  34. Rasse, Paul, « La médiation, de l’utopie à la transformation sociale », Hermès, La Revue 70, n^o^ 3, 2014, p.48‑49. 

  35. Dunne, Anthony, et Raby, Fiona, Speculative everything, op.cit., p.154. Traduction : « Pour paraphraser Jan Boelen, directeur artistique de Z33, nous devons construire des publics plutôt que de les cibler. Les expositions peuvent réunir des personnes intéressées par la manière dont le design peut s'engager dans les idées et les disciplines qui façonnent nos vies, non seulement dans le domaine scientifique mais aussi dans des domaines tels que la politique, le droit et l'économie. Nous sommes entièrement d'accord avec Paola Antonelli, commissaire principale du design au MoMA, lorsqu'elle suggère que les musées peuvent devenir des laboratoires pour repenser la société, des lieux pour montrer non pas ce qui existe déjà, mais, plus important encore, ce qui n'existe pas encore. » 

  36. Antonelli, Paola, Design and the elastic mind, New York, Museum of Modern Art, D.A.P./Distributed Art Publishers, 2008, p.14. 

  37. Rasse, Paul, « La médiation aux temps de l’hypermodernité », Hermes, La Revue, n° 80, n°1, 2018, p. 143. 

  38. Cité du design, « Between reality and the impossible », s.d., (consulté le 01/12/2020) https://www.biennale2010.citedudesign.com/expo\_between\_reality\_and\_the\_impossible.php 

  39. Cité du design, « Dépliages », s.d., (consulté le 01/12/2020) https://www.biennale-design.com/saint-etienne/2019/fr/programmation/?event=dépliages-19 https://www.biennale-design.com/saint-etienne/2019/fr/programmation/?event=depliages-19 

  40. Triquet, Éric, et al., « Freins et leviers pour de nouvelles créativités dans notre relation au monde numérique. Points de vue de visiteurs de l’exposition TERRA DATA Nos vies à l’ère du numérique », dans Pré-actes Vol.3 : Objets techniques, dispositifs et contenus, vol. Volume 3, XXIe Congrès de la SFSIC - Création, créativité et médiations, MSH - Paris Nord, 2018, p.11. 

  41. On pourra pourtant souligner que les mêmes institutions proposent des formats plus tangibles et expérientiels, comme pendant l’exposition monographique autour du designer Ron Arad (2008-2009) où il était possible de s'asseoir dans certains des fauteuils exposés.