Incarner une objectivité féministe via un média de publication scientifique. Le cas du Codex de la bio-impression 3D
Elise Rigot

Elise Rigot (LLA-CREATIS et LAAS-CNRS) est docteure et designer de formation. Dans sa recherche, elle explore les savoirs sensibles et interroge comment les formes des pratiques scientifiques peuvent faire l'objet d'une attention de la part des designers pour ouvrir d'autres manières de faire science. Son approche transdisciplinaire mêle technologies 3D, media design & sciences naturelles. Sa thèse est intitulée Design & savoirs sensibles : une recherche-création sur les technologies 3D et l'ingénierie du vivant au sein de l'anthropocène (2022).

Résumé

Dans cette contribution, nous reviendrons sur les possibilités d'incarner l'hypothèse de Donna Haraway d'une forme d'objectivité féministe au sein des pratiques de publication académique à travers un cas d'usage : le Codex de la Bio-impression 3D développé au LAAS-CNRS, un laboratoire d'ingénierie de la région toulousaine (France). Nous reviendrons sur les apports et limites de ce média de publication de la recherche et verrons les difficultés qui se posent pour les sciences de l'ingénierie à l'intégration d\'une forme d'objectivité alternative féministe pourtant nécessaire pour l'élaboration d'un point de vue réflexif sur les pratiques des technosciences.

Abstract

In this contribution, we will discuss the possibilities of embodying Donna Haraway\'s hypothesis of a form of feminist objectivity within the practices of science publication through a case study: the 3D Bio-Printing Codex developed at LAAS-CNRS, an engineering laboratory in Toulouse (France). We will examine the benefits and limitations of this media of publication, and we will see the challenges that engineering sciences face in integrating an alternative form of objectivity that is necessary in order to promote a reflexive point of view on technosciences practices.

Introduction

« Voici un rein qui a été imprimé ici même1, sur le plateau de TEDX2! » s'exclame le scientifique devant les yeux ahuris du public. « Et je vous présente le patient que j'ai sauvé grâce à la même technologie avec une vessie artificielle. » L'audience applaudit ! Enfin de la science utile !

Cette histoire est racontée par un professeur en urologie, Anthony Atala, fondateur du Wake Forest Institute for Regenerative Medicine. Dans son récit, la technologie promet de remplacer une partie dysfonctionnelle par un élément fonctionnel et la bio-impression 3D y est vue comme productrice d'organes à remplacer. Les pratiques de communication relatives à la bio-impression 3D, telles que cet extrait de conférence TEDX, s'inscrivent dans une logique d'économie des promesses3 qui va au-delà de ce qui est techniquement faisable. « Quelles histoires racontons-nous lorsque nous racontons d'autres histoires ?4 ». Avec cette question, l'historienne des sciences et philosophe américaine Donna Haraway5 nous invite à penser à la mise en langage des technosciences. A quelles autres histoires et imaginaires choisissons-nous de relier les pratiques de la bio-impression 3D ? Haraway nous fait comprendre qu'avec les mots, des mondes existent. Ces mondes comptent et font compter avec eux des acteurs et des enjeux bien précis. Ainsi, les récits posés sur les technosciences et la position depuis laquelle ces histoires sont tenues sont loin d'être neutres.

Dans cette contribution, il ne s'agit pas de traiter ici du rôle des femmes dans la construction du savoir mais plutôt de prendre un héritage propre à la construction féminin du savoir, la notion d'objectivité féministe, comme point de départ à l'élaboration d'un média de publication de la recherche scientifique dans le domaine de la bio-ingénierie. Cette présente contribution présente répond à la question du dossier qui nous occupe : « Comment définir un nouveau régime d'objectivité féministe qui prendrait en compte les nouveaux modèles technologiques, notamment en design et humanités numériques ? » Nous verrons que les théories féministes, proposant de prendre en compte le point de vue situé de toute connaissance peuvent s'incarner à travers des choix de média design au sein des pratiques de publication de la science.
Dans l'ouvrage Bifurquer, le philosophe Bernard Stiegler et le collectif Internation insistent sur une idée que nous avons tenté de mettre en œuvre dans le cadre de cette recherche-projet.
Cette idée est la suivante : il y a une nécessité d'invention de nouveaux formats au sein des pratiques académiques. Il écrivent en effet que « de nouveaux dispositifs de publication doivent être élaborés, expérimentés et pratiqués dans toutes les sphères de la vie quotidienne et urbaine aussi bien dans les communautés académiques et artistiques, redonnant aux technologies numériques issues du world wide web la fonction d'un espace de controverses et de débats publics qui était leur vocation initiale, avant qu'elles ne deviennent des dispositifs de contrôle et de surveillance des populations6. 
Comment dès lors incarner concrètement ces enjeux ?

Les discours et le vocabulaire de la bio-impression 3D sont au cœur de notre étude de recherche-création en design qui est l'objet de cette contribution. La bio-impression 3D est apparue au début des années 20007, elle est une combinaison de technologies de fabrication additive avec un matériau biocompatible8 souvent baptisé bio-matériau9 et des cellules biologiques vivantes. La technologie rend possible la création sur-mesure d'objets artificiels et vivants. Pour prendre un exemple de la littérature scientifique de ce domaine, dans l'article « 3D Printing of Personalized Thick and Perfusable Cardiac Patches and Hearts10», une équipe de chercheurs israéliens travaillent à des pansements vascularisés fonctionnels personnalisés. Dans cet article, l'équipe de Nadav Noor propose une preuve de concept de bio-impression 3D d'un cœur miniature. Certains médias (grand public) affirment dès lors que « le premier cœur vient d'être bio-imprimé en 3D11 ». Pourtant, les auteurs décrivent bien dans leur article qu'il s'agit d'une preuve de concept et donnent à voir la taille miniature de l'objet. Malgré l'ingéniosité de leur méthodologie, consistant à reprogrammer des cellules prélevées sur le patient - en des cellules souches pluripotentes qui seront différenciées par la suite en cellules cardiaques - et à utiliser la matrice extra-cellulaire du patient en guise d'hydrogel, le bio-objet produit n'est pas un cœur. Pourtant, la légende d'une des figures de l'article scientifique prête à confusion. Le bio-objet y est décrit comme un « cœur imprimé avec un bain support12 ». Cet exemple montre qu'il y a un écart entre les objets techniques produits en laboratoire et les termes utilisés pour les décrire, que ce soit dans un premier temps dans les pratiques de publication académique ou leur reprise dans des médias grand public. Or, le langage n'est pas neutre. Il véhicule des imaginaires à l'endroit des technologies. Afin de réfléchir aux implications éthiques de la bio-impression 3D au sein d'un laboratoire de technoscience de la région toulousaine, le LAAS-CNRS, nous avons réalisé un glossaire « augmenté » numérique et contributif, le Codex de la bio-impression 3D. Il s'agit d'un médium de publication numérique et également d'un logiciel. Cette proposition de recherche-projet porte en elle l'hypothèse de l'incarnation d'une objectivité alternative, féministe à l'intérieur des formats de la recherche scientifique. Le design dans ce cadre, est celui des formats de la recherche scientifique, et tente, dans les formes qu'il propose, d\'incarner une position réflexive et critique des pratiques de la technoscience.

1. Incarner l'objectivité féministe au sein des technosciences

La notion d'objectivité féministe est présentée dans un texte fondateur de 1988, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective13 » que l'on peut traduire par « Les savoirs situés : La question scientifique dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle » publié dans la revue Feminist Studies.
Ce texte, souvent qualifié de « manifeste » , est publié à la fin des années 1980. C'est un moment où les féministes se demandent ce qu'elles peuvent dire de spécifique sur les sciences naturelles et comment le féminisme pourrait être à l'origine d'une révolution épistémologique à même de profondément bouleverser la connaissance scientifique. Ici, les féministes s'opposent aux sciences qualifiées d'exactes et au rêve du parfaitement connu qui hantent les « technologies militarisées14 ». Le concept d'objectivité féministe nait sous la plume de la philosophe des sciences américaine Donna Haraway. L'objectivité féministe prend place dans un contexte particulier, à la fin des années 1980, où la science ne peut être extraite de la condition technologique : c'est l'avènement des technosciences. Cette dernière met au monde des nouveaux types d'objets qui font se confondre la frontière entre le naturel et l'artificiel. La philosophe et historienne des sciences Bernadette Bensaude-Vincent met en avant la dimension objectale (de design) propre au contexte particulier des technosciences, et écrit : « la science du XXIe siècle vise moins à connaître ou comprendre la nature qu'à faire ou fabriquer. D'où l'usage désormais banal du terme "technoscience", qui combine en un seul terme deux visées différentes : cognitive et technique15 ». De l'œil à la main, du microscope à la fabrique, de la phusis à la poiesis, les pratiques des technosciences sont concernées par les conditions matérielles et participent activement à la fabrique du monde. De fait, la condition techno-scientifique des sciences pose des questions de design.
Nous faisons l'hypothèse que ces questions de design sont liées aux critiques que les féministes font sur l'objectivité. C'est-à-dire que les questions de design au sein de la fabrique des sciences concernent le besoin de situer les pratiques de la science. Comme le rappelle la chercheuse en design Anne-Lyse Renon « Les procédures scientifiques se prétendent "objectives", dans la mesure où elles s'efforcent de ne pas laisser les subjectivités humaines interférer avec la production des résultats16 ». Ainsi, il y aurait une forme de pureté des résultats scientifiques qui pourraient être totalement séparés de la vie humaine. Or, nous verrons que cette volonté d'extraire la science de son contexte et de ses acteurs n'est ni souhaitable, ni possible dans le cas particulier des technosciences. Pour autant, pourquoi faudrait-il inventer d'autres formes d'objectivité puisque Galilée a bien réussi à montrer que la Terre était ronde et Pasteur l'existence des microbes, tous deux grâce à leur objectivité scientifique basée sur la méthode expérimentale et la preuve ? Qu'est-ce qui, au fond, est reprochée à l'objectivité telle que promulguée par la communauté scientifique ? À la fin des années 1980, ce que les féministes et notamment la pensée de Haraway critiquent dans l'objectivité (dans le contexte particulier des technosciences) est de donner la possibilité à la science d'exercer comme une activité irresponsable. C'est-à-dire d'agir comme une science qui ne se donne pas la possibilité de répondre de ses actes. En effet, l'objectivité donne paradoxalement la possibilité de ne pas avoir à répondre des pratiques de la science, puisque c'est « la science » qui parle et plus le scientifique. Selon Haraway, le point de vue17 « objectif », lointain, et qui serait vrai en toutes circonstances ne permet pas de répondre des conséquences des actions de la science. Pour reprendre les termes de la philosophe Isabelle Stengers, dans son ouvrage Cosmopolitiques18, la Science, comprise comme rationnelle, objective et méthodique, « n'oblige à rien », ainsi on ne peut répondre en son nom. Stengers propose alors de s'atteler à une autre forme de science, ce qu'elle appelle dans la préface de son ouvrage un devenir terrestre des sciences avec « des praticiens qui se laissent obliger, avec d'autres, au risque des autres, à "ravauder" ce qui a été saccagé19. » Haraway devance ce projet en appelant aux praticiens de la science à se positionner et se situer dès la fin des années 1980. Pour la chercheure Bellacasa, « on peut dire que c'est autour d'une tentative de construire des corps et significations différents, des mondes plus vivants et plus caring, que Haraway connecte les interventions et propositions féministes autour de la notion d'objectivité et de l'ambition de construire des politiques des savoirs situés20 ». Ces mondes et tissus de signification, Haraway, pour sa part, les fait vivre à travers son rapport au langage, aux expressions et métaphores qu'elle crée et convoque.

2. Se situer par le langage

En nous inscrivant dans le terrain des pratiques de la bio-impression 3D, nous avons fait l'hypothèse d'une incarnation de l'objectivité féministe à l'intérieur des formes de médiation de la science elle-même. Dans une démarche de recherche-création en design, à travers les choix de design d'un glossaire numérique (media design) dédié à la bio-impression 3D, nous nous sommes demandé si les formes de publication de la recherche seraient à même d\'incarner une objectivité alternative où la situation des chercheurs et la responsabilité qu'ils engagent seraient prises en compte. L'hypothèse de cette recherche tient à dire que les formats de publication de la recherche et des choix formels de cette dernière influencent directement la recherche en train de se faire. Dans le cas particulier de la bio-impression 3D qui voit éclore des objets techniques tels que des « humains-sur-puce21 » qui poussent le réductionnisme technologique à son paroxysme, nous avons élaboré la proposition suivante : une expérience de langage dialogique et de publication alternative permettant d'animer un débat et une construction de la réflexion éthique. Au sein du champ miné de questions éthiques qu'est la bio-impression 3D, nous avons conçu un médium dialogique pour favoriser une forme d'objectivité alternative, féministe, au sein de la communauté de l'ingénierie du vivant.

Ce qui nous semble particulièrement fertile dans le texte des Savoirs Situés est l'appel à se situer : à réaliser nous sommes, dans quoi nous sommes pris, par quoi nous sommes tenus22. Ainsi que l'écrit Bellacasa à propos du travail de Haraway, « être situé·e - et le geste de se situer - signifie (...) que tout ne se vaut pas, car toute position, toute prise de position, amène avec elle un monde, et les mondes comptent23 ». Par ailleurs, Haraway insiste tout le long de son travail sur la construction des sciences par le langage. Elle présente cette hypothèse dès 1972, année de soutenance de sa thèse24 où elle s'intéresse au rôle des métaphores dans les savoirs biologiques. Elle publie alors en 1976 Crystals, fabrics, and fields : metaphors that shape embryos25. La physicienne et historienne des sciences Evelyn Fox Keller a également analysé la place des métaphores26 à travers le terme de gène dans la littérature scientifique. Elle a pu tirer de ces études que le langage et les métaphores utilisées en sciences embarquent toute une partie de la recherche et conditionne les pratiques de cette dernière. Les mots importent en sciences de par leur pouvoir métaphorique et transformateur. Ainsi « le langage opère sur le réel et le fait de nommer a des conséquences dont il faut répondre27 ».
Pour cette raison, nous avons proposé une hypothèse de travail sur les mots et sur les formes d'écriture au sein des pratiques scientifiques. En effet, les mots utilisés par les chercheurs en science de l'ingénierie sont en réalité situés, même si les formats de la science font tout pour éclipser cette situation au profit d'un idéal objectif, vrai en toute circonstance. Ils prennent place au sein
« d'un tissu d'histoires, de vécus, de réalités, de pratiques. (...) Mots, récits, figures ne se valent pas tout.e.s et en tout lieu28. »

3. Mettre en dialogue la communauté de la bio-impression 3D

Notre recherche-projet a pris place au sein du LAAS-CNRS, plus particulièrement au sein des recherches de l'équipe ELiA sur la bio-impression 3D entre 2018 et 202229. La proposition de média design prend place dans deux contextes qui se recoupent : le groupe de travail éthique du LAAS-CNRS et les recherches de l'équipe ELiA (Engineering for Life Sciences Applications) du LAAS-CNRS. Cette équipe travaille à l'interface entre les sciences de l'ingénierie et la biologie principalement dans le domaine biomédical, de la médecine de précision. Le groupe de travail éthique du LAAS-CNRS animé par la chercheuse en mathématiques Lucie Baudouin avait en effet commencé un travail consacré à la bio-impression 3D en collaboration avec le philosophe des techniques Xavier Guchet. L'objet de ce travail était de réfléchir aux questions éthiques soulevées par les pratiques scientifiques autour de cette technologie émergente. Laurent Malaquin, chercheur en physique, porteur d'un projet de plateforme de bio-impression 3D, directeur de l'équipe ELiA, au moment du projet, était également présent dans ces réflexions. La bio-impression 3D en tant que technologie permet la fabrication en trois dimensions de matières organiques ou biologiques par addition de couches. L'objectif principal de l'étude est la structuration de la réflexion éthique sur la bio-impression 3D. La première étape de ce travail est la définition des termes de ce champ d'étude. Si l'on prend un cas concret, en vue d'une greffe d'organe par exemple, de multiples spécialités, métiers et disciplines vont être mobilisés pour étudier et mettre en place un potentiel dispositif médical. Citons sans hiérarchie : ingénierie de modélisation et fabrication 3D, médecine, culture tissulaire, physiologie, métabolisme, sciences analytiques pour tester la toxicité, science des matériaux, biochimie, imagerie médicale, etc. Ainsi la bio-impression 3D en tant que domaine de recherche est interdisciplinaire et jouit tout autant des pratiques de la biologie, de la médecine, de l'ingénierie et des sciences expérimentales. Il y a une pluralité de sciences qui sont en jeu dans les pratiques de la bio-impression 3D qui amène une pluralité de monde et de point de vue. Ainsi, la richesse de cet héritage de disciplines hétérogènes et complémentaires est au cœur des enjeux de langage qui nous occupe. Ces traditions différentes viendront faire compter des mondes embarqués à l'intérieur de leurs pratiques et la terminologie qui sert à leur médiation. C'est pourquoi, nous avons choisi que le glossaire collaboratif fasse apparaître plusieurs définitions, toutes issus des pratiques particulières de ces différentes disciplines, plutôt que de faire accepter une définition unique pour chacun des termes de cette pratique. La seconde proposition pour structurer la réflexion est de proposer des formats de publication « non académiques » tels que des essais, fictions, etc. qui permettent de s'écarter de l'écriture académique pour apporter un point de vue sur les pratiques de la science. L'enjeu pour les chercheurs est à la fois de partager un vocabulaire des objets de la bio-impression 3D entre eux, et que ces mots exposent avec fidélité l'objet de leur travail, avec le souhait que ce langage puisse améliorer les collaborations tant la manière de nommer diffère selon que l'on ait reçu une formation en biologie, en ingénierie ou en physique. L'enjeu est aussi de montrer les pratiques de la science en train de se faire, à travers la lecture ouverte du Codex au public, avec ses contradictions et ses questions ouvertes, afin de pallier à cette science faite d'économie des promesses, qui ne correspond pas aux pratiques et aux valeurs des scientifiques.

4. Proposition : un médium dialogique

Afin de tester les hypothèses de travail précitées, nous avons conçu un glossaire numérique, à l'aide de l'équipe informatique du LAAS-CNRS30 et avec l'appui des chercheurs de l'équipe. Ainsi, nous avons testé une expérience d'écriture numérique et dialogique à partir d'une situation de recherche précise sur les termes d'un champ de recherche en cours de structuration, celui de la bio-impression 3D. Dans le domaine convergent des organoïdes, de la médecine régénérative, de l'ingénierie tissulaire, de la bio-impression et de la microfluidique, les scientifiques utilisent dans leurs publications une grande variété de mots pour décrire les artefacts qu'ils produisent. Certains de ces mots appartiennent au vocabulaire conventionnel, d'autres sont des néologismes créés à dessein. L'utilisation de ce champ lexical original révèle des imaginaires et des visées qui soulèvent des questions à la fois épistémiques et éthiques. D'une part, les termes choisis véhiculent souvent une vision spécifique du vivant et d'autre part, les dénominations employées ne décrivent pas correctement l'ontologie réelle des artefacts produits.
Dans ce contexte, l'objectif du Codex de la bio-impression 3D est de proposer l'édition numérique d'un codex critique sur les organoïdes, la bio-impression et les sujets connexes. Cette approche interdisciplinaire vise à prendre la forme d'un glossaire en libre accès et d'une plateforme numérique collaborative permettant aux scientifiques du domaine de discuter de leurs pratiques
et du lexique associé.

Nous invitons le lecteur à faire l'expérience du site [https://codex.laas.fr/fr/]{.underline} afin de découvrir l'hypothèse de recherche du Codex de la bio-impression 3D. Les choix graphiques ont été pensés pour que ce média de publication soit réplicable pour d'autres champs de recherche et qu'il puisse exister dans tous les laboratoires qui le souhaiteraient, un Codex de la bio-impression 3D, un Codex de l'intelligence artificielle, un Codex du design social, etc., afin que ce dernier puisse constituer un média de structuration pour diverses communautés scientifiques.

Afin d'incarner l'hypothèse des savoirs situés à même de faire émerger une objectivité féministe, nous avons travaillé à rendre lisible et visible à travers les usages du Codex trois principales intentions :

  • La situation d'énonciation, par la mise en visibilité de l'auteur d'une définition ou d'une contribution

  • Un langage dialogique, par la possibilité d'une pluralité de définitions sur un même terme

  • La pluralités des formats de contribution, en suggérant des formes d'écriture non habituelle dans le monde académique

Ces intentions sont incarnées dans les choix d'usage et de design.

En termes d'usage, il existe deux typologies de contributions du Codex de la bio-impression 3D. La première typologie est celle qui concerne les définitions des termes de la bio-impression 3D, la seconde typologie concerne des contributions libres. Les entrées pensées au sein du Codex au sein des contributions libres (figure 1) font échos au questionnement sur les formats des publications scientifiques en sciences sociales de la thèse de Robin De Mourat, Le vacillement des formats : matérialité, écriture et enquête : le design des publications en Sciences Humaines et Sociales31. Le logiciel Ovide développé dans le cadre de sa recherche, a été une inspiration pour le Codex.
L'auteur écrit à son propos sur le site du projet :

« Ovide est un logiciel expérimental d'écriture et d'édition.
Il est fait pour permettre des activités de publication savante polymorphiques et ancrées dans un contexte documentaire et médiatique riche.32 »

Faire exister et prendre soin de cette médialité riche et polymorphe est un enjeu pour la recherche en design qui s'intéresse aux pratiques actuelles de publication et de mise en visibilité des sciences. En effet, il nous semble que plus les formats de la recherche seront épais, et à même de représenter les positions et les travaux les plus divers, plus cette science sera rendues sensibles dans des dimensions à même d\'incarner l'objectivité féministe.


Figure 1 : Capture d'écran de la page actuelle de la page contribution libre, à partir d'incitation visuelle afin d'ouvrir la possibilité de modes d'écriture variés dans la recherche, Crédits : LAAS-CNRS, autorisation pour utilisation

À ce jour (juin 2023), il existe une trentaine de définitions (voir figure 2) dans le Codex de la bio-Impression 3D écrites par cinq contributeurs principaux. Il n'est donc pas possible de faire des observations d'ordre quantitatif mais l'analyse qualitative permet d'identifier les points suivants. Ce projet en cours, verra d'autres contributions et il sera possible, dans un deuxième temps de tirer d\'autres analyses de ce travail qui n'ont pas leur place dans la présente contribution. Nous pouvons observer que les chercheurs choisissent de définir en partie des termes qui leur posent problème. En effet, ce sont les termes que les scientifiques critiquent dans les conversations de couloirs et qui heurtent les valeurs avec lesquelles ils pratiquent la bio-impression 3D. Ces termes concernent en premier lieu des usages de langage dont ils souhaitent souligner le caractère controversé tels que les termes « organe-sur-puce » ou « organoïd ». Si ces termes ne sont pas critiqués fermement dans les communautés de recherche, certains chercheurs de l'équipe souhaitent faire controverse de ces termes ; car ils ne leurs semblent ni juste en terme purement descriptif, mais également injuste en terme de ce qu'ils véhiculent comme imaginaire sur la technoscience. Nous avons pu discuter de ces points lors des nombreuses discussions tenant lieu d'entretiens informels. En second lieu, ces termes concernent des bio-objets techniques sur lesquels ils travaillent, indiquant qu'ils attachent une importance à la réalité objectale de leur production plus qu'à la technologie elle-même.
Au fond, le Codex de la bio-impression 3D permet de cartographier une technologie par ses objets techniques.


Figure 2 : Liste des termes définis dans le Codex de la bio-impression 3D. En ligne (Consulté le 9 mai 2022). Disponible à l'adresse : [https://codex.laas.fr/listTerme/]{.underline}, Crédits : laboratoire de l'auteur, autorisation pour utilisation

Une manière d'analyser le Codex est de regarder en creux les termes qui n'y sont pas définis. Il est intéressant de noter à cet égard que les termes « impression », « 3D », « bio-impression 3D », « organes artificiels », « biomimétisme », par exemple, n'apparaissent pas dans le Codex. Le fait que les chercheurs ne choisissent pas de définir ce champ par ses multiples pratiques (modélisation 3D, méthodes de caractérisation, culture tissulaire, méthode de marquage des cellules, typologies d'impression 3D) révèle également que ce n'est pas cela l'objet premier de leur intérêt. Leur préoccupation et ce qu'ils souhaitent rendre public dans le Codex, ce sont des termes qui se rapportent aux bio-objets techniques permis et impliqués dans la bio-impression 3D. En effet, les chercheurs ont plutôt choisi d'éclairer les nouveaux termes dont la définition mérite d'être travaillée à l'image des termes « modèle microphysiologique », « micro-environnement », « organoïds », etc. Les contributions du Codex s'attachent aux objets produits et non pas aux diverses applications potentielles de la bio-impression 3D.

Les typologies des contributions du Codex de la bio-impression 3D ne concernent pas uniquement des objets techniques. Elles rassemblent des définitions de fonctions biologiques, des composants d'ingénierie tissulaire, et des techniques. Je propose de séparer et hiérarchiser les contributions concernant les termes de la bio-impression 3D en différentes catégories que je reproduis ci-dessous.

Des technologies:

  • Bio-impression

  • Support

  • Vectoriseur

Des bio-objets techniques:

  • Bio artefact

  • Bioréacteur

  • Puce

  • Scaffold

  • Sphéroïdes

  • Bio-artefact

  • Bio implant

  • Implant

Des concepts:

  • Agrégat cellulaire

  • Assemblage dirigé

  • Auto-assemblage

  • Micro-environnement cellulaire

  • Micro-environnement tissulaire

Des définitions élémentaires biologie:

  • Cellule

  • Tissus

  • Organes

  • In vivo

  • In vitro

  • Explant

  • Humain

  • Matériau biosourcé

Des modèles:

  • Humain sur puce

  • Microsystème physiologique

  • Modèle microphysiologique

  • Organe sur puce

    5. Matter of concern33dans le Codex de la bio-impression 3D

Le Codex permet d'identifier des zones de préoccupation, d'interrogations communes, de doutes à l'endroit de termes communs aux pratiques de la bio-impression 3D. En effet, les chercheurs ont conscience du potentiel réductionnisme, techno-solutionnisme voire transhumanisme qui peut exister à l'endroit du développement technique pour lequel ils travaillent et auquel ils ne veulent pas être rattachés. C'est principalement sur les termes concernant les modèles d'étude que ces inquiétudes se cristallisent. Ces inquiétudes consistent à dire clairement que l'on ne peut sous aucun prétexte réduire la complexité du fonctionnement du corps ou d'un organe à un réseau microfluidique dans lequel seraient cultivées quelques cellules endothéliales, stromales, nerveuses, cardiaques, etc. Le motif d'inquiétude est ici de l'ordre de l'intégrité scientifique. Les scientifiques ne souhaitent pas participer à une forme d'économie des promesses à travers la médiation de leur recherche. Ils ne veulent pas promettre que la bio-impression 3D sera en capacité de reproduire un cœur implantable et fonctionnel, quand cette dernière ne le peut pas, et de plus, n'est peut-être pas la technique appropriée pour le faire. Je reproduis ici une définition du terme « organe-sur-puce » issue du Codex pour éclairer ce point : « Ce terme est impropre. Bien que certaines fonctionnalités de certains tissus et organes puissent être reproduites in vitro, un organe ne peut pas être réduit34 à un ou plusieurs artefacts intégrés sur un format de type puce. Un organe est par définition une partie d'un être vivant. » écrit l'un des chercheurs de l'équipe. Dans un mail daté du 26 octobre 2021, certains membres de l'équipe se demandent, par ailleurs, comment utiliser ces termes pour adhérer aux codes de leurs communautés, bien qu'ils partagent la critique35 des termes impropres révélés par le Codex de la bio-impression 3D.
En effet, ne pas les utiliser reviendrait à les couper de leur potentielle communauté et leur éviterait des opportunités
de publication dont ils ont besoin dans un contexte de recherche de visibilité pour consolider leur carrière36. Par exemple, quand un journal37 scientifique prend le nom de « organ-on-a-chip », qui est l'un des termes controversés dans le Codex de la bio-impression 3D, il devient compliqué de lutter contre ce terme, en évitant de l'utiliser. Sur cet exemple précis, un post-doctorant de l'équipe revenait sur la problématique de condamner un terme qui correspond aujourd'hui à une communauté organisée. « Dans l'esprit de cette communauté, oui, faire pousser des cellules sur une membrane déformable suffit à acquérir la dénomination d'"organe sur puce", et même si le terme est impropre, c'est celui qui est utilisé régulièrement pour ce type de dispositifs. » Le chercheur soulignait le danger de ne plus utiliser ce terme au risque de passer à côté des recherches proches des pratiques du laboratoire et proposait en guise de tierce voie de « l'utiliser tout en le critiquant ». L'objectif des recherches sur les organes-sur-puces étant de s'approcher des tissus physiologiques, les chercheurs de nombreux domaines utilisent le terme « organe-sur-puce » afin de mettre en évidence des recherches qui tentent de reproduire des fonctions d'un organe à une échelle miniaturisée, dans la plupart des cas sur une puce microfluidique. De la même manière, le terme « humain-sur-puce » est considéré comme impropre par certains des auteurs du Codex, mais semble poser davantage de problèmes, car ce n'est plus seulement un organe qui est mis en avant, mais l'être humain en son entier. Ce qui se joue à travers ces termes impropres relève, pour les uns, de la reconnaissance de leurs travaux au sein d'une communauté donnée (appartenir à la communauté des organs-on-a-chip avec les conférences, journaux etc. associés), et pour les autres de la violence intrinsèque à un imaginaire qui réduit le corps à une somme d'additions d'organes interconnectés les uns aux autres. Cette violence du langage est par ailleurs corroborée par certaines images38 qui circulent à propos de la bio-impression 3D.

6. Des définitions plurielles et situées

Si l'action de définir les termes de sa recherche est un élément primordial afin de cerner un contexte, d'en expliquer les enjeux, ces définitions nous apparaissent d'autant plus importantes dans un cadre interdisciplinaire dont les objets et technologies évoluent constamment. D'un côté, les définitions permettent des espaces inter-communicationnels dans des communautés hétérogènes. De l'autre, elles permettent de mettre des mots sur des bio-objets techniques récemment créés. Dans Naming nature : the clash between instinct and science, Carol Kaesuk Yoon explique que la façon dont nous avons de nommer les éléments qui nous entourent reflète notre vision du monde. Elle suggère que nous puissions nommer les éléments des sciences du vivant afin de nous réapproprier notre propre vision du monde vivant39. Les observations et analyse des contributions à la plateforme nous amènent à considérer que la réappropriation par le langage des objets qui peuplent la bio-impression 3D permet de faire exister différentes visions du monde et de favoriser la notion de savoirs situés que nous avons exposée précédemment.
Le point de discussion concerne ce qui est habituellement entendu comme définition (unique) pour aller vers des définitions dialogiques et plurielles, venant de disciplines et traditions différentes. L'enjeu est en effet d'amener les chercheurs à sortir de cette position d'une réponse unique pour les amener à aborder des formes d'écriture et de publication non nécessairement académiques qui les mettraient en capacité de porter un regard différent sur leur production quotidienne.
Le manque d'utilisateurs du Codex et sa faible représentativité que ce soit en termes de genre et de statut social ne permettent pas un réel dialogisme des définitions. Une plus grande représentativité et donc altérité au sein des laboratoires techno-scientifiques accompagneraient mieux cette intention et ouvre de nouvelles questions. Il y a un paradoxe non résolu à ce stade dans le fait de voir les publications scientifiques ouvertes comme des espaces d'objectivité féministe, et donc des espaces d'empowerment et de responsabilisation, quand elles ont pour héritage la mise en compétition des chercheurs entre eux. Des récentes prérogatives telles que la « Déclaration de San Francisco sur l'évaluation de la recherche »40, qui suggère de ne plus juger les travaux des chercheurs en fonction de l'indice de calcul de l'impact factor, offre des propositions concrètes pour pallier ces biais d'évaluation et de compétition.

Conclusion

Le Codex en tant que medium dialogique peut engager une création matter of concern pour les communautés de chercheurs afin de partager un certain souci pour l'emploi des mots. La chercheuse Maria Puig de la Bellacasa prolonge le concept de Bruno Latour des « sujets de préoccupation » pour en faire « sujet de soin » dans son ouvrage Matters of Care in Technoscience.
Elle précise ce passage de la préoccupation latourienne au soin dans Matters of care : Speculative ethics in more than human worlds : « Même parmi ceux qui s'accordent à dire que "prendre soin" est vital dans les mondes de la naturecultures41 et de la technoscience et qui veulent nous amener à nous préoccuper de la représentation des choses, le soin n'a pas nécessairement la même connotation. La notion de soin est également marquée par les politiques de genre et de race ; elle évoque des travaux particuliers associés au labeur féminin et à ses complexités éthiques. En raison de ces significations chargées, si les "sujets de préoccupation" peuvent fonctionner comme une notion générique pour la politique des choses (c'est-à-dire que tout peut être potentiellement considéré comme un sujet de préoccupation), les "questions de soins" ne peuvent pas l'être42. »
Avec cette notion de soin, au sens d'une attention, d'une préoccupation commune, Bellacasa nous invite à penser que l'objet n'est pas simplement que les chercheurs puissent se sentir concernés, mais qu'ils incarnent concrètement dans leur action ce soin de la langue et donc ce soin envers l'imaginaire de leur domaine, qu'ils puissent envisager que ces images « comptent » pour la société. Ce prototype que constitue le Codex, trouvera-t-il une place dans le paysage de la recherche scientifique ? Nous pensons qu'il est emblématique d'une volonté réflexive qui doit s'étendre plus largement au sein de la recherche afin de réfléchir davantage à la non-neutralité éthique des techniques et technologies. Il peut participer d'un désir de faire science autrement et offre une possibilité concrète de structuration de communautés permettant d'améliorer le caractère interdisciplinaire des projets scientifiques à venir. C\'est pourquoi nous envisageons la poursuite de cette recherche au sein de réseau et groupe de travaux tels que des groupements de recherche (GDR)43.

Nous avons parfaitement conscience des limites de cette hypothèse dans le contexte de la sur-sollicitation des chercheurs et de la compétitivité des pratiques éditoriales académiques. Les injonctions et contraintes sont nombreuses dans les pratiques scientifiques. En plus de leur activité de recherche expérimentale, les scientifiques doivent organiser leur temps pour trouver des budgets de financements, diffuser leur recherche, évaluer les recherches de leurs pairs, donner des cours à l'Université et faire des conférences grand public. Les propositions de Stengers et de Haraway exigent une réflexivité, un temps individuel et collectif, un temps néanmoins bien difficile à libérer tant il y a déjà à faire.
Cela implique également une construction critique en regard des activités de la recherche, une réflexion éthique sur les pratiques quotidiennes de la science à laquelle les chercheurs ne sont pas nécessairement formés ni sensibles.
Nous pensons néanmoins que l'objectivité féministe peut trouver une incarnation tout à fait concrète pour ne pas se cantonner à un concept scientifique et qu'elle est à même de resituer les pratiques des sciences afin de leur rendre une partie de la responsabilité qui leur incombe.
Il faut alors des personnes spécifiques, dont la tâche sera d'animer ces formes de publications alternatives et rendent possible ce que l'alternative existe. Aujourd\'hui, ces rôles de réflexivité ne sont pas assez pris en compte dans la structuration des projets de recherche, cela pourrait être le rôle de la recherche en design si cette dernière était intégrée dans toutes les instances de la recherche.44

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  1. Le rein, imprimé en sept heures, aurait permis une greffe d'organe urgente à un patient qui témoigne devant le public. 

  2. ATALA, Anthony, Printing a human kidney. En ligne: https://www.ted.com/talks/anthony_atala_printing_a_human_kidney (Consulté le 4 mai 2022)  

  3. Cette expression signifie une logique de financement des pratiques scientifiques basée sur une anticipation à venir des retombées économiques des technosciences. 

  4. HARAWAY, Donna, 2020. Vivre avec le Trouble. Vaulx-en-Velin, Les Éditions des mondes à faire. p. 25 

  5. Cette expression est utilisée par exemple par le chercheur en sociologie et STS Mathieu Noury, dans sa thèse de doctorat et exprime très bien cette nouvelle façon de faire de la science avec les nanotechnologies, où les promesses font partie intégrante de la manière de financer ces nouveaux champs de recherche. NOURY, Mathieu, 2014. La nanosanté : perspective et enjeux sociologiques de l'application des nanotechnologies à la médecine. Thèse de doctorat. Paris 10. 

  6. STIEGLER, Bernard et COLLECTIF INTERNATION, 2021. Bifurquer. Les Liens qui Libèrent. poche, p. 256 

  7. Thomas Boland (Université de Clemson) brevette l'utilisation de jet d'encre pour des cellules en 2003. MIRONOV, Vladimir, BOLAND, Thomas, TRUSK, Thomas, FORGACS, Gabor et MARKWALD, Roger R., 2003. Organ printing: computer-aided jet-based 3D tissue engineering. Trends in Biotechnology. Vol. 21, n° 4, pp. 157‑161. 

  8. On appelle matériau biocompatible un matériau compatible pour la croissance de types cellulaires particuliers. C\'est-à-dire qui a des propriétés qui ne sont pas néfastes pour ces dernières. 

  9. On appelle bio-matériau, un matériau issu de la biomasse animale ou végétale pour les distinguer des matériaux synthétiques. 

  10. NOOR, Nadav, SHAPIRA, Assaf, EDRI, Reuven, GAL, Idan, WERTHEIM, Lior et DVIR, Tal, 2019. 3D Printing of Personalized Thick and Perfusable Cardiac Patches and Hearts. Advanced Science. Vol. 6, n° 11 

  11. Traduction de l'auteur/trice, « First 3D Engineered Vascularized Human Heart Is Bioprinted »VUKSANAJ, Kathy, 2019. First 3D Engineered Vascularized Human Heart Is Bioprinted. GEN - Genetic Engineering and Biotechnology News. En ligne: https://www.genengnews.com/news/first-3d-engineered-vascularized-human-heart-is-bioprinted/, 16 avril 2019 (Consulté le 15 mai 2022) 

  12. Traduction de l'auteur/trice, « printed heart within a support bath », figure 6 dans Nadav NOOR, Assaf SHAPIRA, Reuven EDRI, Idan GAL, Lior WERTHEIM,Tal DVIR, 3D Printing of Personalized Thick and Perfusable Cardiac Patches and Hearts. 

  13. HARAWAY, Donna, 1988. « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, vol. 14, no 3, p. 575‑599 traduit en français dans Donna HARAWAY, Laurence ALLARD, Delphine GARDEY et Nathalie MAGNAN, Manifeste cyborg et autres essais: sciences, fictions, féminismes. Référence fr. incomplète 

  14. Je reprends ici l'expression à différents penseurs tels que Haraway, Stengers, Latour. L'expression « technologies militarisées » doit sa naissance à la corroboration des technosciences avec l'implication des connaissances scientifiques dans des armes de destruction massive telle que la bombe atomique. La philosophe et historienne des sciences Bernadette Bensaude-Vincent revient par exemple sur l'histoire du projet Manhattan dans son ouvrage Les Vertiges de la technoscience (2009). Bruno Latour, quant à lui écrit « Technoscience is a military affair » dans Science in action: How to follow scientists and engineers through society (1987). 

  15. BENSAUDE-VINCENT, Bernadette, 2009. Les Vertiges de la technoscience. Paris : La Découverte. p.7 

  16. RENON, Anne-Lyse, 2020. Design & sciences. Presses universitaires de Vincennes. p. 50 

  17. Haraway utilise la formule « God's trick » pour qualifier ce point de vue. 

  18. STENGERS, Isabelle, 2022. Cosmopolitiques. La Découverte. Paris : Empêcheurs de penser rond. 

  19. Ibid. p. 10 

  20. DE LA BELLACASA, María Puig, 2014. Les savoirs situés de Sandra Harding et Donna Haraway: science et épistémologies féministes. Editions L'Harmattan. p. 170 

  21. Cet objet, présenté comme une avancée majeure pour le domaine de l'élaboration de médicament, permet des modèles plus pertinents pour la biologie humaine selon les chercheurs du Wyss Institute (Harvard). Ils définissent les organes sur puces comme des dispositifs de culture microfluidique qui reproduisent les structures et fonctions complexes des organes humains vivants. Voir : Human Organs-on-Chips, 2014. Wyss Institute. En ligne: https://wyss.harvard.edu/technology/human-organs-on-chips/ (Consulté le 2 mai 2022)  

  22. Ces réflexions découlent également de la lecture de HACHE, Émilie, 2019. Ce à quoi nous tenons: propositions pour une écologie pragmatique. La découverte. 

  23. DE LA BELLACASA, María Puig, Op. cit. p. 167-168 

  24. HARAWAY, Donna Jeanne, 1972. The search for organizing relations: an organismic paradigm in twentieth-century developmental biology. Yale University. Thèse de Doctorat. 

  25. HARAWAY, Donna Jeanne, 1976. Crystals, fabrics, and fields: metaphors that shape embryos. Yale University Press. New Haven and London. 

  26. KELLER, Evelyn Fox, Refiguring life: Metaphors of twentieth-century biology, Columbia University Press, 1995. 

  27. HARAWAY, Donna, ALLARD, Laurence, GARDEY, Delphine et MAGNAN, Nathalie, 2007. Manifeste cyborg et autres essais: sciences, fictions, féminismes. Exils. p. 123 

  28. DE LA BELLACASA, María Puig, Op. cit. p. 144 

  29. C'est une période marquée par l'épidémie de Covid-19, ce qui est sans doute un contexte limitant dans la perspective collaborative de notre projet. 

  30. Le projet bénéficie des moyens humains et techniques du laboratoire mais pas de budget. 

  31. MOURAT, Robin De, 2020. Le vacillement des formats: matérialité, écriture et enquête: le design des publications en Sciences Humaines et Sociales. Thèse de doctorat. Rennes 2. 

  32. Ovide, (sans date), En ligne: https://peritext.github.io/ovide/ (Consulté le 23 juin 2022) 

  33. LATOUR, Bruno, 2004. Why has critique run out of steam? From matters of fact to matters of concern. Critical inquiry. 2004. Vol. 30, n° 2, pp. 225--248.  

  34. Je souligne. 

  35. Si je suis capable de faire la généalogie de ces échanges, c'est que je suis un témoin direct de ces échanges en tant que membre intégrée dans l'équipe ELiA du LAAS-CNRS, équipe elle-même particulière en ce que certains de ces membres participent au groupe de réflexion éthique du laboratoire (animé par Lucie Baudouin). Bien qu'elle soit marquée de cette expérience réflexive, cette équipe n'est pas représentative de l'ensemble des échanges qui se font autour de ce terme. 

  36. C'est notamment le cas des doctorants et post-doctorants, majoritaires dans l'équipe qui ne bénéficient pas du privilège d\'un poste de recherche permanent. 

  37. Organs-on-a-Chip, All Journal Issues, ScienceDirect.com by Elsevier, sans date. En ligne: https://www.sciencedirect.com/journal/organs-on-a-chip/issues (Consulté le 2 mai 2022)  

  38. Notamment l\'image d\'une oreille imprimée en 3D au cœur d\'une boîte de pétri. KANG, Hyun-Wook, LEE, Sang Jin, KO, In Kap, KENGLA, Carlos, YOO, James J. et ATALA, Anthony, 2016. A 3D bioprinting system to produce human-scale tissue constructs with structural integrity. Nature Biotechnology. Vol. 34, n° 3, pp. 312‑319. 

  39. YOON, Carol Kaesuk, 2009. Naming nature: the clash between instinct and science. WW Norton & Company. p. 297 

  40. Read the Declaration, (sans date). DORA. En ligne: https://sfdora.org/read/ (Consulté le 22 juin 2022). On peut également citer l'initiative française Camille Noûs. 

  41. Le terme et concept « natureculture » est développé dans HARAWAY, Donna, 2019. Manifeste des espèces compagnes. Climats. 

  42. ma traduction, « Even among those who agree that "to care" is vital in the worlds of naturecultures and technoscience and who want to bring it to our concern in the representation of things, caring does not necessarily have the same connotations. But the notion of care is also marked by gender and race politics; it brings to mind particular labors associated with feminized work and its ethical complexities. Because of these charged meanings, if "matters of concern" can function as a generic notion for the politics of things (i.e., everything can be potentially thought as a matter of concern), "matters of care" might not. » DE LA BELLACASA, Maria Puig, 2017. Matters of care: Speculative ethics in more than human worlds. U of Minnesota Press.  

  43. Ce sont des structures d'animation de communauté (5 ans) créées pour favoriser les échanges entre scientifiques et les différents partenaires. Le projet pourrait également se poursuivre dans le réseau Fabrication Additive du CNRS (RFA). Nous travaillons actuellement sur ces poursuites. 

  44. Nous remercions ici l'implication de Christophe Vieu, Lucie Baudouin, Laurent Malaquin, Xavier Guchet, Mathieu Estivil et Jean-Marc Larré sans qui le Codex n'aurait jamais vu le jour et les précieux retours des évaluateurs qui ont largement contribué à l'amélioration de cette présente contribution.