Femmes de sciences à l'écran : de l'Effet Matilda à l'Effet Scully
Sophie Suma

Docteure en Arts visuels, Sophie Suma est enseignante-chercheuse en Études de Cultures visuelles à la Faculté des arts de l’Université de Strasbourg. Elle coordonne un programme de recherche sur les Écologies visuelles, ouvert en 2022, dans le Groupe de recherche Cultures Visuelles, qu’elle a participé à fonder en 2017 au sein du laboratoire Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques de l’Université de Strasbourg. En 2021, elle crée la webrevue archifictions.org. Elle est également l’autrice des ouvrages Designathon. L’architecte et l’architecture participative à la télévision (Paris, L’Harmattan, 2020), Que font les architectes à la télévision ? (Lyon, Éditions 205, 2021), et Regards sur le paysage urbain (avec Lise Lerichomme, Bruxelles, La Lettre Volée, 2022).

Résumé

L’année 2023 marque les trente ans de deux événements à première vue très éloignés l’un de l’autre, mais cependant tous deux reliés à la culture visuelle des pratiques scientifiques : la publication de « The Matthew Matilda Effect in Science », un article écrit par l’historienne des sciences américaine Margaret W. Rossiter publié dans la revue Social Studies of Science ; et la diffusion de la première saison de The X-Files : l’une des séries télévisées les plus importantes de l’histoire des fictions audiovisuelles, dont l’un des thèmes récurrents est la remise en question des “vérités” scientifiques. De récentes études montrent que la figure de la femme scientifique à l’écran et dans les médias est encore minoritaire et manque de visibilité. Dans le sillon des études visuelles et des feminist media studies, il est donc ici question de s’intéresser aux images fictionnelles des femmes de sciences. Alors que les héroïnes n’accèdent que très difficilement aux grandes récompenses et ne semblent pas suffisamment s’émanciper de leurs collègues masculins, quelles représentations de la femme de sciences circulent alors dans les médias ? Plus précisément, il s’agit d’examiner l’évolution des personnages scientifiques féminins dans les séries depuis 1993, l’année où elles semblent sortir de l’ombre. Et de mesurer l’influence potentielle de ces images dans la construction d’imaginaires inclusifs, en soutenant l’hypothèse que dans le champ des représentations l’Effet Scully peut ralentir l’Effet Matilda.

Abstract

The year 2023 marks the thirtieth anniversary of two events that at first glance seem far removed from one another, but are nonetheless both linked to the visual culture of scientific practices: the publication of "The Matthew Matilda Effect in Science", an article written by American science historian Margaret W. Rossiter, published in the journal Social Studies of Science; and the broadcast of the first season of The X-Files: one of the most important TV series in the history of audiovisual fiction, one of whose recurring themes is the questioning of scientific "truths". Recent studies show that the figure of the woman scientist on screen and in the media is still in the minority and lacks visibility. Following in the footsteps of visual studies and feminist media studies, this article looks at fictional images of women in science. Given that heroines have little access to major awards and do not seem to be sufficiently emancipated from their male colleagues, what representations of women in science are circulating in the media? More specifically, the aim is to examine the evolution of female scientific characters in TV series since 1993, the year in which they seem to have emerged from the shadows. And to measure the potential influence of these images in the construction of inclusive imaginaries, supporting the hypothesis that in the field of representations, the Scully Effect can slow down the Matilda Effect.

Introduction

L'année 2023 marque les trente ans de deux événements à première vue très éloignés l'un de l'autre, mais cependant tous deux reliés à la culture visuelle des pratiques scientifiques : la publication de « The Matthew Matilda Effect in Science »1, un article écrit par l'historienne des sciences américaine Margaret W. Rossiter publié dans la revue Social Studies of Science ; et la diffusion de la première saison de The X-Files : l'une des séries télévisées les plus importantes de l'histoire des fictions audiovisuelles, dont l'un des thèmes récurrents est la remise en question des "vérités" scientifiques2. En revenant sur les oubliées des grandes récompenses comme le Prix Nobel, l'article dénonce l'identification systématique des hommes en tant que représentants majoritaires, si ce n'est exclusifs, des métiers dans les domaines des sciences. En choisissant une femme docteure en physique et en médecine comme l'un des deux personnages principaux, la série relativise quant à elle le stéréotype dominant du scientifique habituellement incarné dans les médias audiovisuels populaires par des hommes blancs. D'un côté, le texte de Rossiter propose pour la première fois de transformer l'image des personnes de sciences en tentant de valoriser le travail des femmes et des minorités dans ce champ. De l'autre, la série construit les bases d'un imaginaire plus inclusif à l'endroit de la figure du scientifique restée jusqu'alors typiquement masculine. Dana Scully (Gillian Anderson) prête même son nom à un phénomène d'identification étudié à l'université quelques années après son apparition : « l'Effet Scully », semble ainsi confirmer la capacité des images à peupler les imaginaires individuels et collectifs.

De récentes études montrent que la figure de la femme scientifique à l'écran et dans les médias est encore minoritaire et manque de visibilité3. Dans le sillon des études visuelles et des feminist media studies, il est donc ici question de s'intéresser aux images fictionnelles des femmes de sciences. Alors que les héroïnes n'accèdent que très difficilement aux grandes récompenses et ne semblent pas suffisamment s'émanciper de leurs collègues masculins, quelles représentations de la femme de sciences circulent alors dans les médias ? Plus précisément, il s'agit d'examiner l'évolution des personnages scientifiques féminins dans les séries depuis 1993, l'année où elles semblent sortir de l'ombre. Et de mesurer l'influence potentielle de ces images dans la construction d'imaginaires inclusifs, en soutenant l'hypothèse que dans le champ des représentations l'Effet Scully peut ralentir l'Effet Matilda.

1. Le scientifique : figure encore trop masculine de la culture visuelle

Dès les débuts du cinéma, la figure du scientifique est incarnée par des hommes. Dans la culture visuelle, cette figure ne semble pas agir comme la simple représentation d'un membre appartenant à une activité socio-professionnelle, mais plutôt comme une institution : une « chose établie »4 relevant des valeurs d'une époque. À force de répétition dans les films et les médias de masse, elle s'est instaurée visuellement comme un véritable objet culturel. Béla Balázs, Jean Epstein, Michael Baxandall, Svetlana Alpers, ou Bruno Latour ont tour à tour défini la culture visuelle comme une imagerie située, et comme la représentation d'un contexte politique ou social, une manière de donner à voir le monde par des dispositifs techniques et des images artistiques ou mentales5. En captant la culture scientifique, comprenant des pratiques, des outils, des discours, et des images, les premiers films et les premières séries de l'histoire ont visuellement codifié le monde scientifique et ses représentants. Les médias audiovisuels ont alors transformé l'aspect et l'attitude du scientifique en stéréotypes, en figures immuables. Du savant fou démiurgique à l'autiste désintéressé6, malgré la variation de caractères et de discours qu'ils véhiculent, les personnages les plus significatifs de l'histoire du cinéma — des premiers films, à l'âge d'or, au nouvel Hollywood — sont des hommes.

Pour la sociologue du cinéma Eva Flicker, les médias de masse contribuent à la formation d'opinions individuelles et collectives. Elle précise que « le film est plus qu'un simple miroir, il fonctionne également comme une mémoire sociale et une métaphore culturelle »7. Il n'est plus à prouver que le cinéma construit des images, des esthétiques parfois stéréotypées, entretient des mythes et fait circuler des idées8. Il en est de même pour les séries, qui en plus de véhiculer des valeurs et des représentations, prolongent les univers fictionnels durant plusieurs années, voire décennies. David Buxton les considère d'ailleurs comme des archives permettant de lire l'esprit d'une époque9. Jean-Marie Schaeffer considère les fictions comme des modélisations du monde faisant coexister différents niveaux de réalités dans notre quotidien. De leurs côté, Jean-Pierre Esquenazi et Jérôme Bruner n'opposent pas la réalité à la fiction. Cette dernière viendrait objectiver des aspirations, tout en créant des passerelles entre passés, présents et avenirs possibles.

Ainsi, la puissance des séries se cristallise dans leur capacité à formaliser et à diffuser des valeurs10. En traitant de sujets contemporains, elles troublent les frontières habituellement instaurées par les pratiques fictionnelles. La fiction n'est plus seulement comme le suggère Yannick Rumpala une expérience de pensée, ou « un laboratoire d'expérimentation du futur »11, mais l'espace présent où se joue réellement la mise en dialogue de postures, d'idées, voire de convictions profondément politiques. Les séries sont bel et bien des lieux suggestifs de débats au sein desquels s'élaborent des théories et des critiques du monde social. Elles existent alors dans toutes les réalités de l'existence. Il est cependant possible d'adhérer ou de rejeter leurs discours et les valeurs qu'elles font circuler par l'entremise de ce qu'Esquenazi voit comme différents régimes de « vérités fictionnelles »12 permis par l'immersion et l'identification. En 1975, Laura Mulvey supposait déjà qu'« en s'identifiant au héros, son substitut à l'écran, le spectateur projette son regard dans celui de cet alter ego »13. Les fictions agissent sur la manière qu'ont les individus de se reconnaitre à travers des modèles. L'identification par le visuel est alors l'une des entrées possibles du transfert ou de la projection. Sandra Laugier rappelle quant à elle l'importance du caractère pédagogique des séries qui partagent des mondes avec le public durant plusieurs années. Le phénomène d'attachement décrit par Laugier comme constitutif d'une familiarisation entre le public et les séries, dépasse alors le concept d'identification14. La façon dont les images sont construites et montrées à l'écran est bien à prendre en compte, surtout lorsque ces dernières relèvent d'une idéologie, c'est-à-dire d'un régime de valeurs, et qui peut parfois s'avérer problématique : sexisme, discrimination, inégalité, injustice, etc. Mulvey décrit notamment le male gaze comme un point de vue : un véritable système normalisé par le cinéma hollywoodien, privilégiant un monde vu par les hommes cisgenres hétérosexuels, et renvoyant aux codes du système patriarcal forgé historiquement de longue date, où la vie des femmes est dédiée à la maternité, aux activités domestiques et au plaisir masculin15. Si les femmes ne sont que des corps instrumentalisés, comment pourraient-elles alors incarner de convaincants agents intellectuels et scientifiques ? Et si elles sont longtemps montrées dans les films et les séries comme des personnages qui ne réfléchissent pas ou peu, où sont les images de femmes de sciences familières à apprécier et auxquelles s'identifier, se reconnaitre, se projeter ?

À l'écran, la figure du scientifique semble apparaitre en 1902 avec Georges Méliès lorsqu'il interprète le rôle du professeur Barbenfouillis dans son propre film Le Voyage dans la Lune. Ici, les sciences sont pratiquées par des hommes, dont les assistantes aux allures de majorettes ont des plastiques harmonieuses et des caractères dociles. À une époque où les femmes n'ont que très marginalement accès aux études universitaires, imaginer qu'elles soient choisies pour représenter le monde scientifique est encore complètement exclu. Les deux Prix Nobel décernés à Marie Curie en 1903 et 1911, ne contribuent malheureusement pas à transformer l'image du scientifique posée par le cinéma de Méliès, reproduite sans grands changements durant plusieurs décennies en Europe et aux États-Unis. Entre le début du siècle dernier et les années 1970, l'image androcentrée du scientifique domine alors largement les fictions cinématographiques. Les films comme Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1920), Docteur Mabuse (Fritz Lang, 1922), Maniac (Dwain Esper, 1934), Destination Moon (George Pal, 1950), The Time Machine (George Pal, 1960), Dr.Strangelove (Stanley Kubrick, 1964), Solaris (Andreï Tarkovski, 1972) et bien d'autres le confirment.

Bien que Retour vers le Futur (Robert Zemeckis, 1985), La Mouche (David Cronenberg, 1986), ou Extreme Measures (Michael Apted, 1996), héritent encore de l'aura de films fondamentalement masculins, et où les femmes ne jouent aucun rôle déterminant dans la réflexion scientifique des héros, les années 1980-90 marquent cependant une percée remarquable pour la représentation des femmes de sciences au cinéma. En écrivant le scénario de Gorillas in the Mist: The Story of Dian Fossey (Michael Apted, 1988), Anna Hamilton Phelan nuance le regard masculin du réalisateur. Le scénario permet de valoriser l'histoire d'une femme scientifique (anthropologue et primatologue), et son combat pour la sauvegarde des animaux dans un monde d'hommes transformé par le capitalisme. Au cours de sa carrière la scénariste propose une écriture résolument engagée pour la reconnaissance des femmes, et présente un point de vue relativisé sur les sciences et les conquêtes (Amelia, Mira Nair, 2009). Presque dix ans plus tard, Contact (Robert Zemeckis, 1997) met en scène l'intelligence d'une femme scientifique peinant à faire valoir ses recherches et son expérience extraterrestre auprès de ses homologues masculins. L'ingénieure et astronome est pourtant bien au centre de cette fiction initialement créée par Carl Sagan. Malheureusement, dans ces deux films Dian Fossey (Sigourney Weaver) et Eleanor Arroway (Jodie Foster), exercent toujours sous l'influence d'hommes qui détiennent le pouvoir. Bien que cherchant à s'émanciper, l'une se fait assassiner par des hommes, et l'autre tente de poursuivre ses recherches dans un environnement où la grande majorité de ses collègues masculins doute de ses compétences.

Entre les années 1950 et la fin des années 1990, aucune série télévisée ne dédie l'intégralité de son programme à un personnage incarnant une femme scientifique. Durant cette période, plusieurs séries valorisent uniquement des héros masculins : Flash Gordon (Syndication, 1954-1955), Doctor Who (BBC, 1963-1989), Quincy, M.E. (NBC, 1976-1983), Quantum Leap (NBC, 1989-1993), Diagnostic Murder (CBS, 1993-2001), ou Sliders (FOX, 1995-2000). The Time Tunnel (ABC, 1966-1967) a pourtant tenté d'inclure une femme à un laboratoire, mais échoue malheureusement à la rendre crédible face aux hommes. La série met en scène Tony Newman (James Darren) et Doug Phillips (Robert Colbert), deux scientifiques ayant inventé le Chronogyre, un tunnel hautement sophistiqué leur permettant de voyager dans le temps. Pendant que Newman et Phillips tentent de revenir de leurs voyages, la docteure Ann MacGregor (Lee Meriwether) assiste passivement les personnages masculins depuis leur laboratoire. Présentée comme une ancienne Miss America, Ann est douce et prudente. Seule femme du groupe, son passé de reine de beauté décrédibilise assurément son statut de scientifique pour mettre en avant les hommes de la série, qui vivent, eux, des aventures extraordinaires pendant qu'elle les attend sagement au « labo/lab ».

2. L'Effet Matilda : contre l'invisibilisation des femmes de sciences

Comme l'a démontré Margaret Rossiter en 1993 dans son article, depuis le début du siècle dernier, si les activités scientifiques sont également exercées par des femmes, elles sont largement médiatisées au profit des hommes. Diplômée de l'Université de Yale, Rossiter dédie son doctorat et sa carrière à l'étude des femmes de sciences. Elle écrit un premier article sur le sujet en 1974 dans la revue American Scientist16. Puis, entre 1982 et 2012 elle publie une étude en trois volumes intitulée Women Scientists in America, pour révéler un ensemble fort copieux de contributions scientifiques produites par des personnalités féminines issues du monde des sciences. Dans un autre article de 1983, dans lequel elle présente et justifie la poursuite de son premier volume publié une année auparavant, elle affirme qu'« il est important de noter, dès maintenant, que la "place" historiquement subordonnée des femmes au sein de la science (et donc leur invisibilité même pour des historien·ne·s des sciences expérimenté·e·s) n'était pas une coïncidence et n'était pas due à un manque de mérite de leur part ; elle était le produit du camouflage intentionnel de leur présence dans la science de la fin du 19e siècle. Cette organisation, élaborée par les deux sexes, était le résultat de la convergence partielle de deux grandes tendances essentiellement indépendantes de l'histoire américaine entre 1820 et 1920 »17. Ainsi, Rossiter pose les bases d'un phénomène historique complexe d'invisibilisation des travaux scientifiques réalisés par des femmes, directement relié à leur place dans la société patriarcale.

En décrivant « l'Effet Matilda », elle livre une généalogie d'événements minimisant, voire occultant le rôle des femmes dans les grandes inventions scientifiques au profit de l'intelligence et de la notoriété masculine18. Minoritaires au sein de fonctions à responsabilités dans les universités ou les laboratoires, les femmes subissent encore le processus généralisé de dévalorisation de leurs contributions et de leurs compétences que décrit Rossiter dans les années 1980. Selon elle, ceci provient notamment de stéréotypes tenaces attribués aux femmes de la société occidentale depuis plusieurs siècles, et qui perdurent fortement bien après la seconde guerre mondiale : devoirs domestiques et nourriciers, caractère présumé doux et émotivité féminine incompatibles avec le monde de la science présenté alors comme rationnel, froid et dur, prédestination à des métiers considérés comme plus "féminins", ou encore soumission et subordination systémique envers les hommes, etc. L'autrice fait référence à des schèmes de pensée logés dit-elle « au cœur des régions psychiques des images et des stéréotypes sexuels »19, et faisant des femmes de bonnes subalternes dans les métiers scientifiques mais de rares prétendantes aux postes à responsabilités.

Avant le milieu du siècle dernier l'accès des femmes à l'érudition et aux études universitaires est assez faible. Dans son livre La mort de la nature, Carolyn Merchant rappelle que depuis l'avènement des sciences modernes initiées par Francis Bacon, nombreux sont les textes comme ceux de John Knox ou de Jean Bodin, affirmant que l'intelligence des hommes est bien supérieure à celle des femmes. La pensée de la Renaissance suggère également qu'au vu de l'incroyable énergie que ces dernières doivent conserver pour la procréation, elles ne sont donc plus en mesure d'utiliser d'autres ressources pour leur développement intellectuel20. Aussi, le destin des femmes est longtemps réduit à soutenir celui des hommes. En plus de traiter de la faible visibilité des femmes scientifiques et de leurs travaux, l'article de Rossiter insiste sur leur manque d'identification en tant qu'instigatrices de nouvelles pratiques scientifiques. Cela relève indéniablement de l'improbabilité qu'elles puissent correctement représenter ce champ socioprofessionnel ou intellectuel et y faire avancer les recherches. À cause du manque de représentativité des femmes dans le monde des sciences, l'Effet Matilda rend compte de la difficulté même de s'imaginer une femme remportant un grand prix, voire qu'elle puisse diriger une structure, ou un projet scientifique. Dans ce contexte, il parait effectivement moins évident que le premier rôle d'un personnage scientifique soit tenu par une femme dans un film ou dans une série.

Rossiter n'approfondit pas ses recherches au sujet du rôle des images dans son étude, mais travaille durant plusieurs décennies à la visibilisation, c'est-à-dire à l'identification des femmes et leur représentativité dans les domaines scientifiques. En revenant sur les luttes ouvrières, dans la Mésentente. Politique et philosophie Jacques Rancière rappelle l'intérêt des minorités de faire entendre leur voix en augmentant leur « capacité d'apparaitre »21 sur la scène des événements publics et sociopolitiques. Lorsque Rossiter évoque la nécessité de valoriser les découvertes scientifiques des femmes de sciences en les décrivant, en les publiant et en leur octroyant la reconnaissance qu'elles méritent, il s'agit bien de les faire « apparaitre », ou de les révéler dans l'espace public22 et des médias. L'opération révélatrice conduit à l'élaboration d'images revendicatrices, qui, tel que le suggère Rancière, permettent de faire exister des communautés - auparavant invisibles, ou invisibilisées. C'est le caractère politique de ces images visuelles et mentales qui font penser au philosophe qu'elles sont « au travail »23. C'est-à-dire qu'elles produisent ce qu'il entend comme une « contre-vision », ou ce que Nicholas Mirzeoff nomme aussi une « contre-visualité »24, une résistance aux images dominantes, en leur apposant d'autres images, et en reliant ces images à des fins, et à des revendications constituant des « opérations imageantes »25. Dans le cas des femmes de sciences, l'intention de Rossiter est de publier de nombreux livres et articles à leur sujet sur plusieurs décennies. Il s'agit d'établir un équilibre dans la manière de représenter les scientifiques. L'entreprise de Rossiter peut alors effectivement s'envisager comme une opération imageante. Car en apposant des images de femmes, qui prennent la forme de portraits descriptifs de leurs travaux et de leurs biographies qu'elle resitue dans l'histoire à côté des images plus habituelles d'hommes de sciences, elle crée un lien entre les femmes et les pratiques scientifiques que l'on n'envisageait pas auparavant de façon évidente.

De son côté, Eva Flicker suggère que l'emploi des médias populaires permet de concrétiser et de renforcer la visualisation des femmes de sciences. Elle précise d'ailleurs que « les productions cinématographiques peuvent jouer un rôle de premier plan non seulement dans la lutte contre les stéréotypes scientifiques liés au genre, mais aussi dans le renforcement de l'intérêt pour les sciences, les études STEM et les carrières connexes »26. Le transfert transmédiatique du texte aux films et aux séries est donc bien ici une manière de faire vivre et de transmettre des images de femmes de sciences au public pour les faire exister, visuellement, mais aussi culturellement. En tant que médiacultures27, les séries participent de la construction et du renforcement des représentations. Du point de vue matérialiste des cultural studies, elles constituent un terrain de choix pour reconnaitre les luttes de représentation et de signification, mais également pour identifier les contradictions et les idéologies à l'œuvre dans la sphère sociale. À la suite de Dian Fossey et d'Ellie Arroway, de quelles manières les femmes de sciences sont-elles alors montrées à l'écran ? En s'émancipant des salles de cinéma et des programmes télévisés, puis en s'adaptant à d'autres formats de diffusions omniscients (streaming, réseaux sociaux, etc.), les séries multiplient leur visibilité à une échelle mondiale, permettant aujourd'hui d'évaluer leur influence à la fréquence de visionnage des épisodes dans le monde entier, ou aux productions de fans28. C'est donc à partir de l'influence du personnage de Dana Scully sur la conception d'autres héroïnes scientifiques que la suite de cet article déroule ses arguments.

3. L'Effet Scully : un levier d'empowerment pour les femmes scientifiques

Dans les années 1970, alors que Rossiter et quelques chercheuses comme Carolyn Merchant, Donna Haraway, Sandra Harding, ou Isabelle Stenger, proposent d'imaginer les sciences en dehors des représentations "normales" dominantes, bien trop souvent prescrites par des hommes blancs occidentaux, les femmes de sciences sont encore très peu présentes dans les médias et les fictions audiovisuelles. Au même moment, un intérêt grandissant pour l'étude des femmes dans les médias se développe dans la sphère académique. Entre les États-Unis et la France, Betty Friedan (Feminine Mystique, 1963), Évelyne Sullerot (La presse féminine, 1964), Germaine Greer (La femme eunuque, 1971), Lilliane Robinson (« What's my Line? Telefiction ans Women's Work », 1978), Liesbet Van Zoonen (Feminist Media Studies, 1994), ou Michèle Mattelart (« Femmes et médias. Retour sur une problématique », 2003), façonnent les feminist media studies. Les revues américaines Signs (1975), ou Feminist Media Studies (2001) marquent également ce champ de recherche visant à étudier ce que disent les images de femmes dans les médias. Au carrefour des études culturelles, de communication et cinématographiques, il est alors question de s'intéresser à la manière dont les femmes sont représentées, aux médias qui les diffusent, à ce que produisent ces représentations, ou encore aux relations qu'entretiennent ces images avec les pouvoirs dominants et les luttes féministes.

Bien qu'encore assez discrètes, aujourd'hui plusieurs études françaises se focalisent sur le rôle des femmes dans les séries. Iris Brey (Sex and the Series, 2016), Céline Morin (Héroïnes de séries américaines, 2017), ou Delphine Chedaleux (Du savon et des larmes. Le Soap opéra, une subculture féminine, 2022), travaillent à relier ces fictions, aux vagues féministes, ou aux luttes des sexes29. En parallèle de ces études universitaires, depuis 2013 le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) français mène chaque année une action ciblée intitulée « Droits des femmes ». Il s'agit de vérifier la représentation des femmes dans les médias télévisés, radiophoniques et dans les œuvres audiovisuelles (séries et téléfilms). Bien que les résultats découlent d'un échantillonnage ciblé, dans ces statistiques les femmes sont moins présentes que les hommes. Elles n'occupent que 30% des rôles principaux. En 2018, une étude sur la représentation des femmes de sciences dans les séries américaines menée par la Lyda Hill Foundation et par le Geena Davis Institute on Gender in Media — dont le slogan officiel est « If she can see it, she can be it »30 — a révélé que seulement 37,1% des personnages scientifiques sont des femmes. Si cela a été évalué notamment dans les films en 2008 par Eva Flicker et récemment par d'autres31, qu'en est-il dans les séries ? Combien de femmes scientifiques y tiennent le premier rôle ? De quelles manières les personnages sont construits et en quoi sont-ils vecteurs d'identification ?

Aujourd'hui l'apparition des femmes dans les fictions audiovisuelles n'est plus marginale. Or dans le domaine des sciences, elles occupent souvent des rôles secondaires ou de figuration. Il est donc plus rare que les personnages féminins détiennent le rôle principal. C'est pour cette raison que les observations qui suivent se concentrent en priorité sur des héroïnes féminines de premier plan identifiées comme pratiquant des recherches scientifiques. Les intellectuelles (médecins, avocates, psychologues, autrices de livres, etc.) ne sont donc pas prises en compte. Les séries étudiées ici sont principalement américaines, car les femmes de sciences y apparaissent davantage qu'ailleurs, et qu'elles font partie des programmes les plus diffusés internationalement. Si l'on revient sur l'année 1993, on remarque qu'elle voit l'apparition du premier personnage fondant les bases d'un changement évident dans la représentation des personnes pratiquant les sciences à l'écran. La même année où paraît l'article de Rossiter, la toute nouvelle série américaine The X-Files est alors diffusée sur la FOX. Dès l'épisode pilote, Dana Scully, docteure en médecine et autrice d'une deuxième thèse dédiée à la physique d'Einstein, semble à première vue éclipsée par l'imposant charisme et la renommée de Fox Mulder (David Duchovny). Diplômé du supérieur en psychologie et auteur d'un livre sur l'occultisme et les tueurs en série, Mulder est à première vue présenté comme le héros de la fiction durant plusieurs épisodes. Mais Scully se démarque en donnant une crédibilité scientifique aux enquêtes. Les hypothèses de Mulder travaillent en contrepoint les mythologies, le folklore et la psychologie comportementale. Très rapidement, Scully s'émancipe totalement jusqu'à devenir, dans l'épisode final énigmatique de la onzième saison, le personnage le plus important et complexe de la série.

Aujourd'hui, The X-Files est l'objet de nombreuses études sur la culture populaire contemporaine, notamment pour discuter des hypothèses qu'elle pose autour des théories du complots32, de la post-vérité, ou des rapports entre sciences et religions33. Les caractères des personnages principaux sont également analysés comme étant tous deux égaux mais complémentaires dans leurs quêtes existentielles. Frédéric Gai le souligne très justement ainsi : « si Mulder s'avère être un héros postmoderne par excellence, il est à la recherche d'un idéal perdu, qui peut être représenté par Scully, figure d'une modernité encore présente, et qui croit en des idéaux pourtant démentis par l'Histoire »34. Or au-delà des apparents intérêts que porte la série pour les questions liées au regard et à l'interprétation des événements en général, Scully semble être la véritable héroïne du programme, et cela dès l'épisode pilote. En effet, si Mulder est en premier présenté comme une figure importante, et notamment comme le fondateur des affaires non classées (the X-Files), il est rapidement présenté comme un anti-héros travaillant dans un « placard » perdu au sous-sol. Scully avoue à ses supérieurs que les autres élèves de l'académie de Quantico lui ont donné le « sobriquet » de « Martien » pour faire référence à ses croyances extraterrestres (S01E01). La crédibilité « scientifique » de Mulder est déjà mise à mal dès l'ouverture de la fiction.

Sans jamais vraiment se positionner mais en leur donnant toutes deux une place égale, la série entretient l'affrontement entre « sciences dures » et « sciences molles » (sciences humaines). Les compétences en psychologie de Mulder, doublées de connaissances en sciences occultes et mythologiques, sont confrontées aux rationnelles et pragmatiques déductions émanant de l'étude scientifique des preuves par Scully, déployant souvent tout un arsenal d'arguments théoriques pour expliquer les événements. Ici les rôles traditionnels sont inversés : c'est bien une femme et non un homme qui use de rationalité et de recul critique. L'habituel partage entre nature et culture est donc à l'œuvre, mais la série innove dans ce renversement des postures. Si Scully est la gardienne du stéréotype des sciences modernes rationnelles, c'est un homme et non une femme qui est choisi pour faire vivre les croyances [sur]naturelles. Mais qu'il s'agisse de Mulder qui tente inlassablement d'expliquer l'enlèvement de sa sœur dont il a été témoin, ou de Scully qui devient la cible d'expériences scientifiques, le point de vue des deux personnages ne relève autrement que d'un « savoir situé »35, s'établissant au travers d'une subjectivité phénoménologique assumée, et d'une intersubjectivité. Cherchant habituellement à définir les faits par l'usage de théories et de méthodes scientifiques, Scully tente progressivement d'expliquer le monde des événements par l'intermédiaire de ses expériences présentes et passées. C'est notamment sa foi religieuse qui lui permet de relativiser sa rationalité. S'affirmant personnellement et professionnellement de plus en plus à partir de ses propres convictions, elle ne se laisse pas pour autant submerger par ses émotions, ni même par ce que la société attend d'une femme dans un monde d'hommes, notamment au FBI.

Indépendante, elle vit et subvient seule à ses besoins durant les onze saisons, mène une carrière épanouissante, élève un enfant en mère célibataire, n'attend pas l'approbation des hommes pour prendre des décisions personnelles - pas même de son père. Or bien qu'elle soit respectée dans son champ professionnel pour ses compétences avérées, son corps est néanmoins exploité par des hommes : expériences génétiques, inoculation de maladie, stérilisation réversible, puis grossesse provoquée sans son consentement. Néanmoins, l'équilibre est posé puisque Mulder est également victime de sévices et d'expériences corporelles durant plusieurs épisodes (S07E22). En cela, le personnage de Scully est résolument innovant car il ne tient pas de discours meta-féministe. Il ne s'agit pas d'une femme luttant pour faire valoir ses droits, mais bien de l'histoire d'une personne tentant de se connaitre dans un monde incertain, complexe et parfois hostile. Il en émane ainsi une figure très actuelle imaginée sous l'angle de plusieurs contradictions : femme soumise à l'ordre / femme émancipée, femme de sciences / humaine ressentant des émotions, femme humaniste / femme défendant ses propres intérêts quand il le faut, etc. En effet, le personnage de Dana Scully incarne un point de vue relativisé sur la place d'une femme dans le monde social, qui semble montrer ce que peut vouloir dire d'être humaine avant d'être "femme"36. Et cela, sans pour autant gommer les difficultés tangibles que représente l'évolution d'une femme de science dans les conflictualités opérantes au sein d'univers bureaucratiques, capitalistes, et phallocratiques. Un personnage aussi complexe, et sa durée de vie si longue couplée aux pratiques transmédiatiques, ont forcément des répercutions sur la manière d'imaginer les futures héroïnes de séries, et ne peut que provoquer la fascination du public37.

Lorsqu'elle est consultante scientifique pour la série The X-Files, la virologue américaine Anne Simon théorise ce qu'elle nomme « l'Effet Scully » (The Scully Effect). Après la publication de son ouvrage en 2001, intitulé The Real Science Behind the X-Files: Microbes, Meteorites, and Mutations, dans lequel elle revient sur l'importance de présenter davantage de femmes de sciences à l'écran, Simon reçoit de nombreuses lettres de fans. Ils lui rapportent avoir été influencés par le personnage de Dana Scully, et s'intéresser désormais aux matières scientifiques dans la poursuite de leurs études. Bien loin d'être anecdotiques, des témoignages similaires sont recueillis durant les 11 saisons de la série qui s'étendent sur plus de vingt ans. En 2013, pour confirmer l'existence de l'Effet Scully, le Geena Davis Institute on Gender in Media débute une longue étude sur plusieurs années38. Repris comme objet d'études dans de nombreux programmes universitaires39, l'Effet Scully est emblématique de l'impact des représentations dans les médias et les fictions audiovisuelles sur les imaginaires collectifs et les perceptions individuelles. Ces travaux montrent que l'Effet Scully encourage l'engagement des femmes dans les métiers scientifiques, et potentiellement leur réussite. Les représentations positives de la femme de sciences sont alors réconfortantes car elles supposent la plausibilité d'un empowerment féminin dans les universités, les laboratoires et les métiers scientifiques.

Dans un article très récent datant de 2022, les chercheuses en Sciences de la communication, Denise Kool, Nathalia Helena Azevedo et Lucy Avraamidou poursuivent ce type d'études. Elles comparent un ensemble de données (quantitatives et qualitatives) figurant la faible percée des femmes dans les secteurs des sciences, technologies, d'ingénieries et de mathématiques (STEM), et suggèrent que ces résultats font apparaitre l'existence d'un manque de modèles féminins dans les domaines des sciences, où la « communauté scientifique [est] encore guidée par des valeurs masculines »40, entretenant ainsi des stéréotypes de genre. En s'appuyant sur plusieurs travaux précédents, les autrices achèvent de confirmer l'influence des fictions audiovisuelles faisant évoluer des personnages scientifiques féminins sur l'identification des femmes et leur décision individuelle de poursuivre des études et des carrières scientifiques. À travers dix questions (stéréotypes, intégrations sociales et contextuelles du personnage, performances de genre, etc.), l'étude montre la manière dont sont présentées les femmes de sciences entre 2013 et 2020 dans plusieurs films britanniques et américains et encouragent le développement et la diversification de ces caractères dans les futures productions audiovisuelles.

4. Le temps des femmes de sciences dans les séries

À la suite de l'évolution de l'héroïne de The X-Files et de la médiation de l'Effet Scully, les femmes de sciences deviennent de véritables modèles d'émancipation. Dès la fin des années 1990 et le début des années 2000, plusieurs fictions sérielles américaines dédient entièrement leur programme long à des scientifiques féminines41. Aussi, les sciences et le regard scientifique, parfois scientiste, sont au cœur de la série Bones (FOX, 2005-2017). Il s'agit de l'une des toutes premières fictions des années 2000 à mettre au premier plan le plus de femmes de sciences à l'écran évoluant dans des domaines différents. Le personnage principal, Temperence Brennan (Emily Deschanel), est une jeune anthropologue judiciaire américaine brillante et internationalement reconnue pour ses compétences. Au fil des saisons, elle est accompagnée de deux autres femmes : Camille Saroyan (Tamara Taylor), médecin légiste pathologiste et directrice de la section médico-légale de l'Insitut Jefferson, et Angela Montenegro (Michaela Conlin), diplômée en informatique et artiste médico-légale spécialisée dans les reconstructions faciales. Ces trois femmes sont au cœur de la série. Elles incarnent trois personnalités partageant des valeurs différentes, et montrent trois manières de se consacrer à la recherche et aux pratiques scientifiques.

Surnommée "Bones" par son coéquipier du FBI Seeley Booth (David Boreanaz) - stéréotype américain du mâle alpha -, Temperence est une personne extrêmement rationnelle, pragmatique, passionnée par son métier et les découvertes scientifiques. Hormis le fait qu'elle possède un QI très élevé et qu'elle présente certains traits antisociaux, l'influence de Mulder et Scully sur ces deux personnages est avérée. Jusqu'à la fin de la sixième saison, l'héroïne vit une sexualité libérée. Elle déclare souvent ne souhaiter ni enfants, ni attachements affectifs. Elle revendique même le fait de ne pas être mère comme une manière de vivre pleinement sa vie de scientifique. Mais lors du dernier épisode, elle révèle à Booth qu'elle est enceinte et qu'elle souhaite garder le bébé (S06E23). Personne ne s'étonne du changement radical de position de l'héroïne. Alors qu'elle défendait la polygamie dans les toutes premières saisons, elle accouche d'un deuxième enfant, puis encourage la fidélité et le mariage. Aussi, la série, un peu trop progressiste à ses débuts, semble ensuite mettre au premier plan la maternité et l'institution du mariage, adoptés également par tous les personnages principaux féminins de la fiction. Le revirement conventionnel des dernières saisons de la série, s'explique à l'époque par le soutien très à droite de la chaîne FOX, notamment envers les Présidents Bush Jr. puis Trump.

Dans la série Masters of Sex (Showtime, 2013-2016), le personnage principal de Virginia Johnson (Lizzy Caplan) est imaginé d'après la vie de la psychologue du même nom qui développe les premières recherches scientifiques sérieuses sur la sexualité humaine aux États-Unis à partir des années 1950 aux côtés du gynécologue William Masters. Après deux divorces, cette mère de deux enfants reprend ses études de psychologie, qu'elle arrête néanmoins pour se consacrer aux recherches sur la sexualité avec le docteur Masters. Dans la série, le personnage laisse bien transparaitre l'opiniâtreté et le charisme de la véritable Virginia, qui permet la réussite de leur étude et qui co-signe l'intégralité des recherches et des publications avec Masters (Michael Sheen). Ici, la fiction raconte l'ascension quasi autodidacte de la jeune femme qui se forme à la recherche scientifique directement sur le terrain, et qui excelle dans son travail, en incarnant une attitude sérieuse, sensible et intelligente basée sur l'empirisme. Le charisme dont elle fait preuve pour se révéler dans un monde presque essentiellement masculin est paradigmatique de l'univers scientifique de l'époque. Néanmoins, la série aborde frontalement des sujets toujours autant d'actualité : la monoparentalité, la sexualité féminine, l'indépendance économique des femmes, la phallocratie, etc.

Si ces séries valorisent les femmes de sciences en les faisant progresser au premier plan de leurs intrigues, se joue en parallèle un tout nouveau genre de modèle narratif sublimant les enjeux de la femme du nouveau millénaire dans les rapports sociaux. Après Dana Scully, l'arc narratif comprend le regard que la femme de sciences porte sur sa propre expérience du monde : apprentissages, transformations, réalisations. Le female gaze apparait dans les fictions audiovisuelles au sein de deux séries américaines très importantes de la fin des années 1990 : Sex and the City (HBO, 1998-2004) et Ally McBeal (FOX, 1997-2002). Il se traduit par une manière de filmer l'environnement sans faire appel aux ressorts esthétiques du voyeurisme, ou de la scopophilie, ni même de l'instrumentalisation des corps féminins42. Iris Brey l'explique simplement en précisant qu'il s'agit d'un « regard qui nous fait ressentir l'expérience d'un corps féminin à l'écran »43. Ce point de vue subjectif s'exprime parfois à travers la voix off d'une héroïne. C'est le cas dans la série Grey's Anatomy (ABC, 2005+), qui suit sur 19 saisons l'évolution d'une interne puis chirurgienne entourée de ses amis et collègues. Écrite et réalisée par Shonda Rhimes, la fiction est connue pour occuper une place importante dans la représentation de l'empowerment et des luttes post-féministes44. Au centre d'une dizaine de personnages, Meredith Grey (Ellen Pompeo) évolue comme une véritable femme de sciences. Comme les autres, elle travaille beaucoup, mène ses recherches sur l'Alzheimer ou sur la création d'organes, opère, soigne, soutient ses homologues femmes et hommes confondus, et élève ses enfants. Ici, la compétition n'empêche pas la sororité et la bienveillance entre les personnages.

Dès l'épisode pilote, Meredith observe qu'« il n'y a que six femmes sur vingt » internes dans sa promo (S01E01). Cristina Yang (Sandra Oh), son amie, répond en disant que la chirurgie « c'est macho, c'est hostile, c'est violent » (S01E01). Ici, les femmes occupent des postes habituellement dévolus aux hommes (direction de la chirurgie ou grands projets de recherche), et remportent de prestigieux prix scientifiques. Aux côtés de Meredith, plusieurs profils de femmes d'origines différentes sont représentés. Certains pièges essentialistes sont souvent évités. Par ailleurs, la série s'aventure sur des territoires idéologiques risqués. Dans la huitième saison, Cristina se fait avorter alors qu'aux États-Unis, l'IVG est toujours déjà problématique (S08E02)45. Juive et asiatique, Cristina est véritablement subversif et distille en creux une posture post-féministe digne d'un acte militant46. Depuis le tout début de la fiction, elle déclare ne pas vouloir d'enfant et met sa carrière de chirurgienne et de chercheuse au premier plan de sa vie. Child Free47, Cristina est l'un des premiers personnages de fiction populaire à aller jusqu'au bout de son non-désir d'enfant. Entre drames sentimentaux et rebondissements scénaristiques dignes du cinéma, ici toutes les femmes chirurgiennes font également de la recherche. Les nombreuses heures passées à l'hôpital et dans leur laboratoire, génèrent un évident manque de temps pour s'occuper d'elles-mêmes, mais ne les empêchent pas pour autant de se soucier des autres, et font presque du care une pratique genrée48.

Avec un ensemble copieux de séries dédiées à cet univers, la médecine semble alors être au centre des représentations des femmes de sciences dans les séries. En effet, après The X-Files d'autres programmes comme Crossing Jordan (NBC, 2001-2007), Body of Proof (ABC, 2011-2013), ou CSI: Crime Scene Investigation (CBS, 2000+), proposent de suivre des femmes évoluant dans les recherches médicales, ou médico-légales. Mais de quelles sciences parlons-nous alors ? Si les sciences encore dites « dures » (médecine, biologie, physique, etc.) sont les disciplines les plus représentées à l'écran et dans les séries populaires, qu'en est-il des sciences humaines ? 49 Dès la fin des années 1990, la pratique des sciences historiques est reliée au personnage de Sydney Fox (Tia Carrere) dans Relic Hunter (Citytv, 1999-2002). Dans l'épisode pilote, l'héroïne est volontairement sexualisée. Dès sa première scène, le personnage apparait en train d'effectuer une danse suggestive devant ses étudiant·e·s impressionné·e·s. Uniquement vêtue d'un pagne et d'un soutien-gorge, son but est d'illustrer les rituels des cultures tribales polynésiennes. Pour les intéresser à l'Histoire, elle précise à son nouvel assistant Nigel Bailey (Christien Anholt) : « que le plus important au début du trimestre c'est que les étudiants soient attirés par l'Histoire et qu'ils deviennent insatiables. (...) Sinon l'Histoire se résume à un simple exercice de mémoire, à une connaissance livresque » (S01E01). La Professeure d'Histoire Ancienne utilise donc ses attributs féminins pour intéresser ses élèves. Le personnage de Sydney Fox ne se résume malheureusement parfois qu'à une interprétation en miroir de l'Indiana Jones (Harrison Ford) original des films de Steven Spielberg, reproduisant sans ménagement plusieurs stéréotypes de genre. Mondialement reconnue, Sydney n'a apparemment pas besoin de se faire une place dans un monde d'homme. Même si la série permet d'imaginer qu'il est possible pour une femme d'évoluer librement dans le monde académique, elle a tendance à idéaliser la reconnaissance des femmes dans les milieux universitaires, et du même coup, ne montre pas en substance la lutte représentative qu'elles doivent nécessairement opérer dans les universités50.

Le reste du prisme des sciences humaines est encore malheureusement trop rare dans les séries contemporaines. Pourtant deux décennies plus tard, la mini-série The Chair (Netflix, 2019) augure l'espoir d'une meilleure représentation des enseignantes-chercheuses en littérature. Mais les aventures de Ji-Yoon Kim (Sandra Oh) s'arrêtent au terme du sixième épisode de l'unique saison. Le caractère comique du scénario, associé aux questions sensibles sur le wokisme, la cancel culture ou le sexisme à l'université, peine à aborder sérieusement par l'absurde ces problématiques pourtant actuelles et incontournables. L'héroïne en surcharge mentale, défendant l'égalité et l'inclusion dans un département de littérature moribond, échoue finalement à transformer la dynamique conservatrice instituée dans les fondations de l'université néanmoins fragilisées par l'évolutions des mentalités ambiantes. Voyant que la direction du département lui échappe, Ji-Yoon confie à sa collègue : « Je n'ai pas l'impression d'avoir hérité d'un département d'anglais. J'ai l'impression qu'on m'a tendu une bombe à retardement parce qu'ils voulaient qu'une femme la tienne quand elle exploserait » (S01E02). Ici la jeune femme est stigmatisée dans son incapacité à trouver des appuis au sein de son environnement de travail. Même sa collègue la plus directe, la Professeure Joan Hambling (Holland Taylor) qui se plaint de sexisme et d'âgisme, ne soutient finalement pas Ji-Yoon devant ses confrères durant le vote qui conduit cette dernière à son éviction de la tête du département. L'autocensure des femmes et le manque de sororité dans les contextes élitistes et concurrentiels sont alors ici bien illustrés.

Dans cette série les sciences humaines présentées sous le prisme de la littérature sont minorées. Elles semblent poussiéreuses, peu importantes au regard des enjeux contemporains. Malgré les tentatives progressistes notamment figurées par la programmation de cours et de recherches sur les questions de genre et de sexualité en littérature initiées par une jeune enseignante-chercheuse racisée Yazmin McKay (Nana Mensah), la fiction ne donne pas une image très valorisante des sciences humaines. Pour des raisons de conventions, alors qu'elle est docteure et publiée, puisqu'elle est non titulaire, Yazmin est contrainte d'assister son supérieur masculin dont les recherches n'ont pas été actualisées depuis plus de vingt ans. Par un jeu de chaises musicales qui propulse le Professeur Elliot Rentz (Bob Balaban) à la place de Ji- Yoon, la série montre également la force avec laquelle l'image de l'homme scientifique rationnel triomphe encore aujourd'hui de la femme atteinte par sa propre sensibilité. La série expose les difficultés très diverses que les enseignantes-chercheuses rencontrent à tout âge. Elles œuvrent ici tant bien que mal à évoluer dans une faculté toujours dirigée par des hommes, consolent leurs collègues masculins en perte de confiance, et tentent d'appliquer globalement une politique bienveillante entre sororité, auto-censure et constantes remises en question. Ici les femmes ne font pas beaucoup de recherches et sont sollicitées en permanence pour résoudre un ensemble de problèmes qui n'ont rien à voir avec les sciences, et sont toujours un peu trop subordonnées à leurs collègues masculins. En cela la série ne semble rien exagérer.

À côté des grands rôles principaux, les femmes scientifiques occupent quelques personnages secondaires. Ils sont malheureusement caricaturaux et ne tiennent qu'une place minoritaire. Le plus souvent, l'arc narratif de ces femmes ne joue pas un rôle fondamental dans le dénouement des intrigues, si ce n'est dans l'usage de leurs incroyables capacités à soutenir les héros (masculins) par leurs compétences nécessairement hors du commun. Dans les séries NCIS (CBS, 2003+) et Criminal Minds, (CBS, 2005-2020), Abigail Sciuto (Pauley Perrette) et Penelope Garcia (Kirsten Vangsness) sont deux scientifiques (biologiste et informaticienne) aux QI très élevés. Mais le personnage de Lisa Cuddy (Lisa Edelstein), évoluant dans la série House (FOX, 2004-2012), est peut-être le plus problématique. Doyenne de l'hôpital universitaire fictif Princeton-Plainsboro, spécialiste en endocrinologie et diagnosticienne, elle excelle dans la gestion de tout, de Gregory House (Hugh Laurie) à son immense structure médicale. Femme célibataire, rationnelle, organisée et indépendante, elle gère une imposante institution tout en élevant seule un enfant en bas âge (S05E11). Mais elle ne semble être là que pour mettre en exergue la masculinité pourtant toxique de House, qui est abusivement romantisée pour en faire un personnage attachant. Plutôt déterministe, cette série montre qu'une femme doit reproduire des rapports de forces et agir pratiquement comme un homme masculiniste si elle veut s'en sortir dans un monde médical fortement phallocrate (S06E14). Neuroatypiques, asociales, adoptant le machisme, ou émergeant d'une élite hors du commun, les rôles secondaires dédiés aux femmes de sciences n'échappent évidemment pas aux caricatures les plus grossières. Elles sont souvent marginalisées, ou mises en compétition avec leurs collègues masculins. Même si elles sont pourtant nombreuses, les femmes scientifiques de la série The Big Bang theory (CBS, 2007-2019) illustrent parfaitement cet écueil. Elizabeth Plimpton (Judy Greer) est astrophysicienne, Leslie Winkle (Sara Gilbert) est physicienne, Beverly Hofstadter (Christine Baranski) est psychologue, Amy Farrah Fowle (Mayim Bialik) est neuroscientifique et Bernadette Maryann Rostebkowski (Melissa Rauch) est microbiologiste. Mais même si leurs travaux sont respectivement reconnus, sous couvert du genre comique de la série, elles sont régulièrement rabaissées, stigmatisées, marginalisées, voire ridiculisées. Dans Fringe (FOX, 2008-2013), les personnages d'Astrid Farnsworth (Jasica Nicole) et de Nina Sharp (Blair Brown) sont un peu plus nuancés, mais sont éclipsés par les rôles masculins de scientifiques brillants incarnés de surcroit par trois acteurs très célèbres : Joshua Jackson (Peter Bishop), John Noble (Walter Bishop), et Leonard Nimoy (William Bell).

L'Effet Scully peut-il ralentir l'Effet Matilda ? (Conclusion)

Dans la dernière partie de cet article, l'étude des dernières séries sélectionnées a montré que la majorité des personnages ne présente pas de personnalités lambda. Cela suppose la diffusion de valeurs élitistes projetant un biais dans l'identification. Avant l'apparition de Meredith Gray, c'est finalement le personnage de Dana Scully qui le soulignait encore le mieux : la femme de sciences n'a pas forcément besoin d'être neuroatypique, asociale ou marginale pour accéder aux métiers scientifiques. En plus d'appuyer leur propos sur le fait qu'il est encore indispensable que ces personnages féminins perdurent dans les productions audiovisuelles, Denise Kool, Nathalia Helena Azevedo, et Lucy Avraamidou en concluent « qu'au-delà de la représentation des femmes dans les domaines scientifiques, leur image devrait être positive, diverse et intersectionnelle, sans pour autant renforcer les stéréotypes de femmes dominantes ou trop féminines »51. Au vu de leur grand nombre, on peut donc en conclure qu'aux côtés des fictions médicales d'autres représentations scientifiques devraient également voir le jour. La série The Chair semblait avoir ce potentiel, mais n'est pas reconduite pour une deuxième saison. Pourtant les sciences humaines ont déjà captivé le public avec la saga Robert Langdon adaptée au cinéma par Dan Brown lui-même, et avec un prolongement de l'univers dans la série The Lost Symbol (Peacock, 2021). L'universitaire masculin résolvant des énigmes en usant de méthodes scientifiques semble plus séduisant que Ji-Yoon Kim se débattant dans un monde favorisant les inégalités ou l'invisibilisation des femmes et des minorités.

Les études médiatiques et surtout sociologiques rapportent encore que de plus en plus de jeunes femmes suivent des filières scientifiques et obtiennent leur diplôme (toutes sciences confondues)52. Néanmoins, elles montrent également que l'imaginaire scientifique est toujours identifié comme relevant davantage d'un "monde masculin", et que ce phénomène joue un rôle dans la faible poursuite des femmes dans des carrières scientifiques. Il est notamment précisé que le manque de modèles féminins dans le champ des sciences freine la motivation des jeunes femmes à s'identifier dans des métiers scientifiques. Les articles académiques comme ceux de Margaret Rossiter expliquant l'Effet Matilda, qui visent à visibiliser les femmes en terrain scientifique, ne parviennent malheureusement pas facilement à toucher un large public. Malgré quelques efforts de médiatisation53, ils restent encore un peu trop confinés dans l'espace confidentiel des recherches universitaires. L'Effet Matilda s'appuie sur un paradigme anglo-américain, mais les mêmes observations semblent encore aujourd'hui d'actualité, même en France54. Puisque l'Effet Scully s'avère opérer concrètement notamment sur le jeune public, il est donc en ce sens important de valoriser le travail des femmes de sciences dans les médias, les films et les séries. Il n'est plus à prouver que ces modèles constituent des images inspirantes et fondamentales pour entretenir une diversification des imaginaires.

Si la visibilité joue un rôle dans la reproduction d'un mème, alors la multiplication des représentations intersectionnelles de femmes scientifiques dans les médias populaires peut certainement permettre de stabiliser leurs existences visuelles et culturelles. Or malgré les différentes avancées manifestes visibles à travers les personnages de séries précédemment présentés, il s'avère qu'aujourd'hui les femmes de sciences et les intellectuelles défendant leurs idées, sont toujours minoritaires à l'écran. À partir des années 2000, la représentation de la femme de sciences dans les séries opère donc un tournant significatif. Inspirée par la troisième vague féministe, le personnage de Scully a montré la voix d'un changement possible lors de la décennie précédente. Les femmes scientifiques sont désormais visibles, indépendantes et compétentes. Le genre de séries scientifiques portées par des femmes a alors connu son acmé entre les années 2000 et la fin des années 2010. Mais aujourd'hui qu'en est-il ? Après Gillian Anderson avec Scully, maintenant qu'Ellen Pompeo quitte Grey's Anatomy, et que l'on ne verra plus Sandra Oh à l'Université de Pembroke, ni les "filles" de The Big Bang Theory, quel est l'avenir des femmes de sciences dans les séries ? 55 Après la percée spectaculaire de programmes très populaires propulsant des personnages féminins dans plusieurs univers scientifiques, peut-on encore s'identifier à une figure féminine pour s'imaginer évoluer dans la pratique des sciences et faire ainsi de l'Effet Scully un objet d'empowerment pour freiner l'Effet Matilda ?


  1. Rossiter Margaret W., « The Matthew Matilda Effect in Science », Social Studies of Science, SAGE, London, Newbury Park and New Delhi, vol. 23, 1993, p. 325-341. 

  2. Entre 1995 et 1999, The X-Files remporte douze Golden Globe dans la catégorie « Meilleure série télévisée dramatique ». 

  3. Détrez Christine, Piluso Claire, « La culture scientifique, une culture au masculin ? », Sylvie Octobre (dir.), Questions de genre, questions de culture. Ministère de la Culture - DEPS, 2014, pp.27-51. 

  4. Hess Rémi, Savoye Antoine, L'analyse insitutionnelle, PUF, 1993, p.3. 

  5. Pinotti Andrea, Somaini Antonio, Culture visuelle. Images, regards, médias, dispositifs, Les presses du réel, 2022 [2016], pp.20-36. 

  6. Plusieurs textes proposent une étude de la figure du scientifique dans les fictions : Hélène Machinal (dir.), Le savant fou, PUR, 2013. Ou Éric Dufour, « Les représentations de la science et du scientifique dans le cinéma de science-fiction », Alliage, N°71, 2012, pp.123-134. 

  7. Flicker Eva, « Between Brains and Breasts. Women Scientists in Fiction Film: On the Marginalization and Sexualization of Scientific Competence », Public Understanding of Science, 12, 307, 2003. Traduction de l'autrice. 

  8. Voir plus précisément à ce sujet Jacques Rancière, Les écarts du cinéma, La Fabrique, 2011. 

  9. Buxton David, Les séries télévisées. Forme, idéologie et mode de production, L'Harmattan, 2011. 

  10. Buxton Davis, Cf

  11. Rumpala Yannick, Hors des décombres du monde, Champ Vallon, 2018. 

  12. Esquenazi Jean-Pierre, La vérité de la fiction. Comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la réalité ?, Hermès-Lavoisier, 2009. 

  13. Mulvey Laura, Au-delà du plaisir visuel. Féminisme, énigmes, cinéphilie, Mimésis, 2017, p.43. Citation issue du texte intitulé « Plaisir visuel et cinéma narratif », paru en 1975 dans la revue Screen

  14. Laugier Sandra, Nos vies en série, Climats Flammarion, 2019, p.93. 

  15. Voir à ce sujet le premier texte qui évoque cette question : Simone de Beauvoir, Le deuxième Sexe t.1, Gallimard, 1949. 

  16. Rossiter Margaret W., « Women Scientists in America before 1920 », American scientist, n°3, vol.62, 1974, pp.312-323. 

  17. Merci à la revue Zilsel d'avoir permis à Jérôme Lamy de publier la traduction de cet article duquel est extraite la citation : Rossiter Margaret W., « Les femmes scientifiques en Amérique », Zilsel, vol.8, n°1, 2021 [1983], pp.390-396. 

  18. Rossiter, Cf, 1993. 

  19. Rossiter, Cf, 2021, [1983]. 

  20. Merchant Carolyn, La mort de la nature, Wildproject, 2021 [1980], p.218. 

  21. Rancière Jacques, Le travail des images, Les presses du réel, 2019, p.46. 

  22. Macé Éric, « Mouvements et contre-mouvements culturels dans la sphère publique et les médiacultures » dans Maigret Éric et Macé Éric, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin, 2005. 

  23. Rancière Jacques, « Le travail de l'image », Multitudes, vol.28, n°1, 2007, pp.195-210. 

  24. Mirzoeff Nicholas, The Right to Look: A Counterhistory of Visuality, Duke university press, 2011. Cf. Mirzoeff Nicholas, « Qu'est-ce que la visualité », Maxime Boidy, Francesca Martinez Tagliavia (dir.), Visions et visualités, 2018, p.143. 

  25. Rancière Jacques, Le travail des images, op., cit, p.27. 

  26. Flicker Eva, Cf

  27. Macé Éric et Maigret Éric, Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin, 2005. 

  28. Bourdaa Mélanie, « La promotion par les créations des fans. Une réappropriation du travail des fans par les producteurs », Raisons politiques, vol. 62, n°2, Presses de Sciences Po, 2016, pp.101-113. 

  29. Voir également le travail philosophique très intéressant de Sandra Laugier dans quelques récents articles, mais qui ne se réclame pas des feminist media studies. Sandra Laugier « Sur la deuxième vague des séries américaines féministes », AOC, 2021. Et Laugier Sandra, « En confinement : du care en série », AOC, 2021. 

  30. Visible sur le site internet du Geena Davis Institute on Gender in Media : https://seejane.org

  31. Kool Denise, Helena Azevedo Nathalia, Avraamidou Lucy, « The lonely heroine: portrayal of women scientists in films, Educational Media International, 59:2, 2022, pp.150-171. 

  32. Gai Frédéric, The X-Files. Histoires sans fin, Presses universitaires François-Rabelais, 2020. 

  33.  Doumergue Christian, Mythes & symboles cachés dans nos séries préférées, L'Opportun, 2020. 

  34. Gai Frédéric, Cf, p.266. 

  35. Puig de la Bellacasa Maria, Les savoirs situés de Sandra Harding et Donna Haraway : Science et épistémologies féministes, L'Harmattan, 2014. 

  36. Beauvoir Simone (de), op., cit

  37. Knowles Claire Elizabeth, « A Woman's Place Is in the Morgue: Understanding Scully in the Context of 1990s Feminism », M/C Journal, 21(5), 2918. 

  38. Voir la page dédiée sur le site du Geena Davis Institute on Gender in Media : https://seejane.org/research-informs-empowers/the-scully-effect-i-want-to-believe-in-stem/ 

  39. https://www.sfu.ca/wwest/WWEST_blog/the-scully-effect.html 

  40. Kool Denise, Azevedo Nathalia Helena, Avraamidou Lucy, « The lonely heroine: portrayal of women scientists in films », Educational Media International, 59:2, 2022, pp.150-171. Traduction de l'autrice. 

  41. En France leur arrivée est plus tardive. Par exemple, la série Profilage (TF1, 2009-2020), créée par deux femmes, Fanny Robert et Sophie Lebarbier met en scène trois femmes psycho-criminilogues travaillant avec la police judiciaire de Paris. 

  42. Si Sex and the City et Ally McBeal sont des séries au sein desquelles les héroïnes sont souvent sexualisées, en lien avec les idéaux portés par la seconde vague féministe, il s'agit d'une stratégie employée consciemment par les femmes qui utilisent leurs corps comme source d'empowerment

  43. Brey Iris, Le regard féminin. Une révolution à l'écran, Éditions de l'Olivier, 2020, p.9. 

  44. Dupont Barbara, « Une réponse aux tensions post-féministes : l'empowerment de Grey's Anatomy », Revue française des sciences de l'information et de la communication (En ligne), 4 | 2014. 

  45. Elizabeth Levy, « "You Killed Our Baby!": Cristina Yang and the Breaking of the Abortion Taboo in Grey's Anatomy », TV/Series (En ligne), 5 | 2014. Imaginons l'impact actuel de cet épisode à l'heure où l'avortement est de nouveau interdit dans plusieurs états américains depuis juin 2022. 

  46. Cristina vit une première grossesse dans la première saison, mais Shonda Rhimes se heurte à de fortes réticences de la part de la production. Sous la présidence du conservateur George W. Bush Jr., les Américains ne sont pas encore prêts à assumer l'IVG dans une fiction populaire en Prime Time, donc Cristina fait une fausse couche. Voir https://www.vulture.com/2011/09/shonda_rhimes_talks_about_grey.html 

  47. Debest Charlotte, Le choix d'une vie sans enfant, Presses universitaires de Rennes, 2014. 

  48. Jullier Laurent, Laborde Barbara, Grey's Anatomy : Du cœur au care, PUF, 2012. 

  49. Snow Charles Percy, Les deux cultures, Les Belles Lettres, 2021 (1968). 

  50. Combes Adèle B., Comment les universités broient les jeunes chercheurs, Autrement 2022. 

  51. Denise Kool, Nathalia Helena Azevedo, Lucy Avraamidou, Cf. Traduction de l'autrice. 

  52. Le sujet préoccupe puisqu'en 2019, l'Institut statistique de l'Unesco (ISU) produit une étude sur les femmes et les sciences : https://uis.unesco.org/sites/default/files/documents/fs55-women-in-science-2019-fr.pdf 

  53. En 2023, le 8 mars comptait néanmoins une exposition organisée par le CNRS et l'association Femmes & Sciences sur l'Effet Matilda dans la ville de Toulouse. 

  54. Voir à ce sujet quelques récentes annonces ou articles en France, comme sur le site de la Sorbonne : https://sciences.sorbonne-universite.fr/actualites/nous-avons-besoin-de-femmes-en-sciences. En 2021, Le Monde diplomatique a publié un numéro intitulé « Manière de voir. Vérités et mensonges. Au nom de la Science ». L'article d'Élisa Perrigueur, « De l'exclusion à la sous-représentation des femmes », précise que le problème est encore bien présent. Cf. « Manière de voir », Le Monde diplomatique #179, octobre-novembre 2021. En 2020, une étude sur la revue Nature révèle des biais genrés dans les sciences, les femmes de sciences sont toujours sous-représentées : https://www.nature.com/articles/d41586-021-01676-7?utm_source=twt_nat&utm_medium=social&utm_campaign=nature 

  55. La nouvelle saison de la filiale CSI: Crime Scene Investigation (2000+) qui se déroule à Las Vegas, est peut-être intéressante avec l'apparition du personnage de Maxine Roby (Paula Newsome) qui reprend la direction du laboratoire. Mais aucun personnage ne semble plus à ce jour défendre les sciences humaines à l'écran...