Performer l'usage ou comment agir l'air de rien...
Emmanuelle Becquemin

Emmanuelle BECQUEMIN est artiste, enseignante et chercheuse au sein du laboratoire Spacetelling – espaces, narrations et corps politiques à l’école d’art et de design de Saint-Étienne. Elle développe une oeuvre plasticienne au sein du duo Becquemin & Sagot et déploie en solo un travail d’écrivaine qu’elle conçoit comme un prolongement de sa pratique d’artiste.

Résumé

En performant l’usage des objets du quotidien, les designers et artistes interrogent notre rapport à la production. Que signifie aujourd’hui produire ? Qu’est-ce qui est utile ? Et inutile ? Y-a-t-il une utilité de l’inutile ? Deux performances, Sea Chair (2012) réalisée par le duo de designers réunis au sein du Studio Swine, Paradox of Praxis 1 (Sometimes Making Something Leads to Nothing) (1997) par l’artiste Francis Alÿs et une installation Sans Objet du chorégraphe et plasticien Aurélien Bory nous interpelleront sur ce que nous oublions ou refusons de voir : la répercussion de nos volontés productives et de notre puissance d’agir, qui mènent, d’un côté à la crise écologique que nous traversons, de l’autre à un constat ; la vacuité de notre agitation dont l’issue ne peut être qu’une disparition.

Mot clés : performance, usage, process, (in)utilité, disparition

Abstract

By performing the use of everyday objects, designers and artists question our relationship to production. What does it mean to produce today? What is useful? And useless? Is there a use for the useless? Two performances, Sea Chair (2012) by the design duo Studio Swine, Paradox of Praxis 1 (Sometimes Making Something Leads to Nothing) (1997) by the artist Francis Alÿs, an installation Sans Objet by the choreographer and visual artist Aurélien Bory to challenge us on what we forget or refuse to see : the repercussions of our productive wills and our power to act, which lead, on the one hand to the ecological crisis that we are going through, on the other to an observation : the emptiness of our agitation whose outcome can only be a disappearance.

Keywords : performance, usage, process, (in)utility, disappearance

Objet usuel et usage performé (en guise de préambule)

Les objets du quotidien possèdent des qualités performantielles1 dont artistes et designers se saisissent pour explorer l’usage. En les émancipant de leurs archétypes fonctionnels et techniques, ces créateurs intensifient les récits inhérents à la culture de l’objet. En fictionnalisant l’objet par la performance, leurs œuvres font surgir un monde, des objets autant que des usages, autre. Performer les usages, c’est ouvrir, dans le réel, des brèches fictionnelles : interstices féconds dans lesquels se redéfinissent l’objet usuel et l’écosystème relationnel – poétique, politique et écologique – qui se déploie avec et par les objets. La situation performative achève la mise en vue d'une trajectoire déviante de l'objet usuel. L'objet est délivré des connotations inhérentes à sa fonction, et donc de ses archétypes techniques. Il acquiert un statut autre, à la fois, sensible et extra-ordinaire :
écrire l’objet performé, c’est donc acter l’objet en déplacement – en écho aux traversées qu’opèrent les artistes et les designers, par delà les possibles frontières des usages, des récits, et des disciplines.

Cet article s’attachera plus précisément aux formes performantielles qui bousculent les process de production. Deux performances, Sea Chair (2012) réalisée par le duo de designers Studio Swine2 et Sometimes Making Something Leads to Nothing (1997) par l’artiste Francis Alÿs, ainsi qu’une installation, Sans Objet du chorégraphe et plasticien Aurélien Bory, éclaireront nos relations à la production : que signifie aujourd’hui produire ? Pourquoi et comment produire ? Qu’est-ce qui est utile et nécessaire ? Y a-t-il une utilité de l’inutile3 ?
Ces trois œuvres racontent ce que nous oublions ou refusons de voir : la répercussion de nos volontés productives et de notre puissance d’agir, qui mènent, d’un côté à la crise écologique que nous traversons, de l’autre à un constat ; celui de la vacuité de notre agitation dont l’issue ne peut être qu’une disparition.

1. Balade en compagnie de Studio Swine et Francis Alÿs

Sea Chair et Sometimes Making Something Leads to Nothing sont deux performances dont on prend connaissance par un film. Ces films sont montés de manière assez différente, l’un relevant plutôt du format d’un clip ; l’autre étant plus proche du format documentaire.
L’action de Sea Chair se passe en mer tandis que Sometimes Making Something Leads to Nothing se déroule en ville. Dans la première œuvre, l’objet apparaît, il est l’aboutissement de la performance : le temps d’une pêche en mer, des designers fabriquent un tabouret avec les résidus plastiques enchevêtrés dans les filets des marins. Dans la deuxième œuvre, l’objet, au point de départ de la performance, disparaît : l’artiste pousse dans la ville un pain de glace, utilisé normalement par les commerçants en guise de frigo, jusqu’à sa disparition complète.
Pour exécuter leurs actions, artiste et designers ont joué avec la contrainte d’une temporalité définie car imposée par un rythme extérieur. Ainsi, la performance de Francis Alÿs a débuté vers les neuf heures du matin et s’est finie vers vingt heures. C’est le matériau associé à la chaleur de la ville qui a dicté le temps de la performance : il aura fallu plus de dix heures pour que le bloc de glace fonde.
Les designers de Studio Swine, eux, s’immiscent dans une temporalité déjà existante, celle d’une pêche en mer, qui commence avant le lever du soleil et finit en fin de matinée. Dans leurs interviews, ils insistent sur leur volonté de s’inscrire dans ce moment précis : en quelques heures, il s’agit pour eux de récolter les résidus plastiques, de les couper, les faire fondre, les mouler, et d’assembler les pièces pour créer un tabouret issu de la pêche. C’est le même temps qu’il faut aux pêcheurs pour ramasser leur filet, prendre les poissons, les trier et remettre les filets à l’eau.

1.1 Territoires urbains, territoires maritimes

Francis Alÿs, en arpenteur infatigable de Mexico réorganise, déplace, redistribue les flux de la ville dans laquelle il habite. Il organise sa promenade insolite avec le bloc gelé en s’insérant dans le rythme des circulations citadines. Mais il ne s’agit pas d’être, comme le livreur de pains de glace de la capitale mexicaine, le plus efficace possible en allant au plus direct dans la trajectoire. Il s’agit plutôt de l’inverse : prendre son temps, ne pas savoir où aller, vaquer à déplacer tranquillement et nonchalamment, le bloc glacé, ce qui au demeurant, requiert une certaine force physique au vu du volume (un mètre sur soixante-dix centimètres de large et cinquante d’épaisseur). La posture du corps est peu habituelle (quasi perpendiculaire au pain de glace au début de la performance) et surprenante pour qui y prête attention. Mais puisque personne ne semble s’en soucier, l’action devient aussi banale qu’idiote.
Dans le film qui retrace la performance, la mégapole Mexico City se découvre de manière anodine, au gré de la trajectoire du pain de glace : trams, bus, voitures, piétons, alternances de sol bitumés et pavés, plaques d’égouts, trottoirs abîmés, pas de porte, oiseaux, déchets plastiques ou papiers, mégots de cigarettes… La ville se donne dans un ordinaire quelconque à l’image de l’attitude de l’artiste mimant la normalité de son action par la nonchalance de ses gestes. Dans cet ordinaire qui fait la complexité et la richesse de la ville, les différentes temporalités s’entremêlent ; les vitesses de circulation des piétons ou des véhicules s’opposent ou au contraire s’unissent à l’indolence du belge. Francis Alÿs joue avec les rythmes de la ville.

Les œuvres d’Alÿs parlent de la circulation des gens et des objets et explorent la manière dont l’artiste rentre en collision avec la réalité des flux urbains. Pourtant, le déplacement, si central soit-il dans l’œuvre de l’artiste belge, interpelle moins que l’enjeu philosophique que la performance soulève, notamment par son titre. Par le choix d’un pain de glace (voué à fondre) et par son action (le déplacer sous la chaleur) l’artiste conduit l’objet à sa perte. À cet égard, Sometimes Making Something Leads to Nothing a un statut spécifique dans l’œuvre d’Alÿs : l’action qu’il effectue conduit à une disparition. Il s’agit ici de créer un effacement : et si Alÿs dessine souvent dans ses pièces (comme il peut le faire avec Fairy Tales ou The Green Line), c’est pour affirmer ici que la ligne dessinée s’estompe en quelques instants, sous la chaleur emmagasinée par le sol. Un Francis Alÿs en faux Petit Poucet qui, au lieu de laisser ses traces ou de récolter celles des autres (comme avec The Collector, par exemple) va effectuer son action dans le magma du réel, pour se prouver (nous prouver ?) que faire ne mène parfois, contre toute attente, à rien.
En effet, dans cette performance, il ne se passe rien. Ou s’il se passe quelque chose, c’est l’inéluctable avènement d’une fin. Rien donc, si ce n’est le spectacle, pour qui veut bien le regarder, d’un bloc congelé en train de fondre. Aucun évènement notable ne surgit, et le montage du film (qui dure une dizaine de minutes quand l’action dure onze heures) prend soin d’éluder, s’il y en a eu, tout évènement significatif. Il ne se passe (quasiment) rien quand bien même la situation pourrait sembler insolite : aucune interaction notable avec des passants, des voitures ou encore des marchands ambulants.
Sometimes Making Something Leads to Nothing est donc une action double, comme on parle d’un agent double : d’une part, une action pragmatique à l’effet plutôt minime : pousser un pain de glace, action qui ne provoque aucune réaction des passants. D’autre part, une action qui ressemble à une maxime philosophique : déplacer un objet voué à disparaître révèle la vacuité de la puissance d’agir.

Sea Chair de Studio Swine raconte d’autres circulations, celles d’objets plastiques qui envahissent le quotidien et qui finissent par inonder les océans. La performance est réalisée aux larges des côtes de Porthtowan, petite station balnéaire à l’extrême pointe de l’Angleterre, tout autant réputée pour la beauté de son site que pour les rejets par la mer de micro-plastiques sur ses plages. Le temps d’une sortie en mer à bord d’un chalutier, les deux designers de Studio Swine et le designer Kieren Jones récupèrent les déchets plastiques coincés dans les filets de marins pêcheurs pour fabriquer un tabouret. Le sixième ou septième continent n’est pas si loin de Porthtowan : il est en train de se constituer, jour à près jour, tout près des villes côtières, par l’entremise de tous les vestiges qui n’auront pas échoué sur les plages et qui vont être drainés dans les courants marins pour finir par tourner en rond, ad vitam æternam, dans les gyres du Pacifique.
Les designers arpentent la mer comme d’autres arpentent la ville, à la recherche de circulations souterraines, peu visibles, dont ils vont pouvoir s’emparer. Ils considèrent d’ailleurs que le designer est un agent de transformation.
Leur action met en exergue ce que nous ne voyons pas : les circulations des objets par les éléments naturels (l’eau), et donc leurs « vies » propres, une fois qu’ils ont été abandonnés4. Ce faisant, ils dévoilent l’écosystème marin, habités aujourd’hui par les poissons et des morceaux de polytéréphtalate d'éthylène (PET), polypropylène (PP), polycarbonate (PC), polystyrène (PS)… La pêche est un moment particulier où l’on se glisse dans les flux de l’eau pour interrompre le flux de la vie de certaines espèces vivantes. Dans cet interstice, redéfini par ce qu’on pourrait nommer un rapport extractiviste à la terre, les designers anglais tirent un nouveau fil, font surgir un nouveau flux, celui des « nurdles5 » avec lesquels ils vont tisser une autre histoire.

Chez Studio Swine et Kieren Jones comme chez Francis Alÿs, les performances dévoilent ce qui se tisse de manière invisible. Leurs actions révèlent cet invisible. Celles-ci racontent avec modestie et puissance ce que nous oublions ou refusons de voir : la répercussion de notre puissance d’agir, qui mène, d’un côté à la crise écologique que nous traversons, de l’autre à un constat : la vacuité de notre agitation dont l’issue ne peut être que la disparition.

1.2 Produire ?

Les deux performances questionnent aussi notre rapport à la production. Que signifie aujourd’hui produire ? Où se situe le gaspillage ? Qu’est ce qui est utile ? Ou inutile ?
Les designers anglais fabriquent un objet à partir des matériaux de synthèse récoltés dans des filets. Ils font de la pêche côtière un outil de production. Leur performance interroge les processus de production et les designers se font, en ramassant les déchets de la société hyperindustrielle, les pêcheurs du Molysmocène6. Ils dessinent l’évolution de leur métier, l’avenir possible de l’usine ou de l’atelier du designer, tout en réinventant aussi de manière poétique et factuelle le métier de la pêche. Puisqu’il y aura plus de déchets plastiques que de poissons dans quelques années, les marins ne récolteront que du plastique : il sera temps alors de faire de la pêche une industrie réellement soucieuse de l’environnement. Les pêcheurs d’aujourd’hui seront peut-être les artisans de demain, troquant leur savoir-faire contre un autre. C’est ce que confirme d’ailleurs le montage vidéo, qui ne cesse de mettre en parallèle les gestes des uns et des autres.

À l’action volontariste et pleine d’espoir de Studio Swine, s’oppose l’action - touchant à une forme de sublime - de Francis Alÿs qui propose la disparition en tant que manière de produire. Comme les designers anglais, il fait lui aussi référence à un métier traditionnel qu’il va s’amuser à détourner (les livreurs de Mexico City, qui, tous les matins, distribuent les pains de glace aux commerçants). L’artiste joue avec l’adage bien connu de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » mais au lieu de produire un objet en transformant une matière première, il produit l’évaporation de la matière dans l’air.
Ce qui pourrait être vu comme du gaspillage est en fait une manière de produire. Alÿs est aussi un agent transformateur : il se fait l’intercesseur des flux entre eau solide, eau liquide, et eau évaporée. Mais à l’inverse de l’action des designers, Alÿs travaille à faire s’éclipser son objet dans les méandres urbains : la production est de l’ordre de la disparition ; son évaporation signe la fin de l’action.

1.3 « Sometimes Doing Something Poetic Can Become Political and Sometimes Doing Something Political Can Become Poetic7. »

Les performances de Studio Swine et de Francis Alÿs, très différentes de prime abord, partagent en fait une même ambition qui articule poétique et politique - même si le positionnement adopté par chacun n’est pas tout à fait identique.
Surgit ici sans doute une frontière entre une pratique plasticienne et une pratique de design : « Tandis que les derniers [ndlr : les designers] savent redonner une valeur symbolique et économique à des objets tombés en disgrâce en repensant tout l'ensemble du système, les artistes agissent en extrayant l'objet de son système d'origine pour l'inscrire dans le système symbolique de l'art. Les deux activités débouchent sur des effets de valorisation symboliques semblables ; mais alors que dans un cas, c'est l'objet et son économie réelle qui sont relancés, dans l'autre, l'objet, bien que réel, est investi d'une ambiguïté polysémique qui le fait valoir aussi comme fiction8 » explique la philosophe Jehanne Dautrey dans Milieux & créativités9.
Pendant que les designers anglais mettent au monde un objet en collectant les traces et déchets de la société, l’artiste belge fait mourir le sien. Chez Studio Swine, l’action est une solution autant qu’une poétique. D’une part, ils dessinent un système économique et revendiquent une possible action écologique face aux déchets des microplastiques en mettant à disposition en open source les plans du four, des moules et du processus de fabrication. À chacun de se greffer sur une sortie de pêche pour pêcher du plastique, le recycler et produire du mobilier. Pour autant, la proposition résonne tout autant par sa force symbolique puisque cette « solution » n’est qu’une goutte d’eau – ridicule quant à la dépollution en masse des océans :
Francis Alÿs oscille entre régime économique et régime symbolique dans des proportions inversées. L’ambition symbolique y est annoncée dès le titre. Mais l’action, absurde et poétique, possède elle-aussi une ambition économique – à rebours des tendances : celle de ne plus produire. L’action ne mène plus à rien. N’agissons plus, semble dire l’artiste belge, car alors quelque chose est susceptible d’arriver. C’est sans doute là que se niche le Paradoxe de la Praxis : si l’action pratique, dans son efficacité probante, ne mène plus à rien (ou à la destruction du monde), peut-être alors est-il plus sage de ne plus rien faire. Car alors Sometimes Making Nothing Could Lead to Something10.

2. Rêver l’inutile

2.1 Fascination contre fascination

Sans objet (2014), tel est le nom d’une installation créée par le chorégraphe Aurélien Bory : une bâche plastique noire se meut de manière plus ou moins mécanisée : certains de ses mouvements sont abrupts, d’autres sont au contraire doux et fluides. Le bruit des froissements ou plissements de la bâche emplit toute la salle. Les formes s’allongent, se grandissent, se ramassent, se rétrécissent, se déploient : des silhouettes apparaissent, monstres étranges qui semblent prendre vie. Les mouvements très mécanisés qui apparaissent, de manière ponctuelle, sont les seuls indices donnés au spectateur : sous la bâche se cache un bras robotique industriel, d’une envergure assez conséquente, responsable de cette danse oscillant entre une pulsion de vie, que les silhouettes provoquent, et une pulsion de mort, que le bruit très sec et coupant de la bâche suggère.
Sans objet est un objet performé qui raconte de manière emblématique l’utilité de l’inutile, pour reprendre l’oxymore de Nuccio Ordine11.
La proposition d’Aurélien Bory est d’une éclatante simplicité : l’outil qui condense l’efficacité la plus extrême et qui représente la culture utilitariste la plus aboutie fait danser une bâche. Le bras robot, inventé à l’origine pour les chaînes de montage automobile afin de permettre des opérations de soudure d’une grande dangerosité (le premier, nommé Unimate, créé en 1961 et implanté dans une usine du New Jersey de General Motors), a intégré une grande majorité des processus industriels eu égard à sa précision et à sa rapidité d’exécution, en particulier dans la répétition de l’action effectuée : en somme grâce à son efficacité. Il permet de produire des objets industriels selon une cadence qui, bien évidemment, dépasse le rythme naturel humain. Il représente ainsi l’apothéose de la culture de l’utilité dominante et de la logique capitaliste qui fait de l’outil un moyen de calculer et de quantifier un rendement afin de maximiser les profits.
Regarder un bras robot fonctionner génère une certaine fascination. « Parce que l’objet automatisé "marche tout seul" » rappelle Jean Baudrillard, « il impose une ressemblance avec l’individu humain autonome, et cette fascination l’emporte. Nous sommes devant un nouvel anthropomorphisme. Jadis les outils, les meubles, la maison elle-même portaient dans leur morphologie, dans leur usage, clairement empreintes la présence et l’image de l’homme. Cette collusion est détruite au niveau de l’objet technique perfectionné, mais il s’y substitue un symbolisme qui n’est plus celui des fonctions primaires, mais des fonctions super-structurelles : ce ne sont plus ses gestes, son énergie, ses besoins, l’image de son corps que l’homme projette dans les objets automatisés, c’est l’autonomie de sa conscience, son pouvoir de contrôle, son individualité propre, l’idée de sa personne12. » Et quelques pages après : « C’est un microcosme symbolique à la fois de l’homme et du monde, c’est-à-dire se substituant à la fois à l’homme et au monde. C’est la synthèse entre la fonctionnalité absolue et l’anthropomorphisme absolu13. »
Le succès de la robotisation, entre la fascination anthropomorphique et la fascination du chiffre témoigne de ce que nous sommes pleinement dans la société du calcul. L’utilité est toujours comprise comme étant ce qui a une finalité technique immédiate qui puisse se monnayer et produire une richesse quantifiable. Tout peut, tout doit être chiffré et calculé, tout est nommable et finalisable, tout est divisé et partitionné. L’horizon de l’utilité est celui d’une quantification du monde, à l’opposé d’un regard holistique.
Aurélien Bory invite à s’absoudre du monde utilitariste qui fait du bras robot un outil programmé pour assembler des formes et accoucher d’objets finis, marchandises prêtes à arriver sur le marché. En le recouvrant d’une bâche, il annihile la puissance tout utilitaire du robot. Sa fonction est neutralisée : son utilité, au sens économique tout du moins, est remise en question au profit d’une danse dont la rentabilité est réduite à néant (ou relativement pauvre si l’on considère que les spectateurs convoqués à la représentation sont une manne financière).
L’analogie, par ailleurs, avec l’organisme humain (analogie lexicale, mais aussi, technique) est, elle aussi, gommée : ce n’est plus l’image d’un bras surdimensionné et hyper-mécanisé qui vient à l’esprit. Au contraire, apparaissent d’autres images, proches de l’informe. Forme rationnelle contre informe poétique. Car si la bâche plastique abolit la forme et la fonction du bras, il ne s’agit pas, pour autant, de ne pas produire : le bras robot, produit, de manière inutilement ostentatoire, des silhouettes voire des paysages. À la fascination de la machine, il oppose une autre fascination, celles de formes flottantes, moins lisibles, que l’on ne sait pas clairement nommer. Parfois inertes, parfois organiques, ces formes informes oscillent entre l’inanimé et l’organique, l’animal et l’humain.
La seule certitude du spectateur : le monde industriel est bâché, la précision mécanique est refoulée, l’utilitarisme est enterré. Ici, devant Sans Objet, on ne peut plus calculer.

2.2 « Est utile de penser à l’inutilité de l’utile14. »

Sur son site internet, Aurélien Bory cite, à propos du spectacle chorégraphique issu de cette installation, Oskar Schlemmer : « Marque de notre temps : tout ce qui peut être mécanisé est mécanisé. Résultat : la prise de conscience de ce qui ne peut être mécanisable. »
Pour le designer du Bauhaus, le corps non-mécanisable, comme antidote au monde industriel est au cœur de ses performances, à l’image de La danse des bâtons (1927). Aurélien Bory renverse le propos : il choisit le corps mécanisé, symbole de l’hyper-industrialisation, pour en faire un corps unique et un corps qui danse. C’est une des raisons pour laquelle l’installation se nomme Sans Objet. Sans objet, car le bras robot a disparu et avec lui, tout le processus industriel qui produit à la chaîne des objets.
Une autre raison qu’il faut évoquer : en recouvrant d’une bâche le bras robot, celui-ci ne peut que devenir sans objet : c’est-à-dire sans fondement, sans but. Inutile. L’objet ainsi performé revendique son inutilité et proclame, dans le même temps l’utilité de l’inutile. Sans objet peut se lire comme un objet qui performe le désintéressement. « Nous avons besoin de l’inutile comme nous avons besoin de satisfaire les fonctions vitales du corps15» écrit Ordine reprenant à son compte un texte de Ionesco qui décrit l’homme moderne condamné à se transformer en machine si celui-ci ne prend pas le temps de cultiver l’inutile. Car l’inutile n’est pas superflu, mais au contraire absolument nécessaire à l’homme, comme une de ses fonctions vitales.

Expérimenter l’inutile, voilà ce que font les artistes et les designers en assignant à l’inutile une nécessaire existence. Ils font même de l’inutilité un des modes opératoires du fonctionnalisme. Ils détournent l’objet de sa fonction soit en le rendant a-fonctionnel (à ce titre, on pourrait aussi évoquer Vivien Roubaud avec Brooms, Chris Burden avec Flying Steam Roller, Makkink & Bey avec leur Dust Furniture, et Py & Verde avec Edredons) ; soit en déployant l’inutilité économique du geste effectué comme dans la performance de Francis Alÿs Sometimes Making Something Leads to Nothing. Mais on pourrait aussi convoquer Ludi et Peillex (Rocking Knit), Michel de Broin (Share Propulsion Car) ou encore Édith Dekyndt (One Thousand and One Night).

2.3 Vers un art de l’anti-performance ?

En dehors du contexte artistique, la performance réfère soit à un exploit ou à un résultat remarquable obtenu par un homme (en particulier le sportif), soit au rendement exceptionnel d’une machine, d’un objet ou d’un matériau. On doit par ailleurs remarquer avec évidence à quel point l’usage de ce mot a gagné les sphères économiques et politiques : si la culture de la performance va de pair avec le capitalisme, celle-ci s’affiche désormais comme le paradigme absolu de l’hyper-capitalisme16. La recherche systématique de la performance comme horizon de développement d’un produit d’une part, et comme unique moteur de rationalisation des processus industriels économiques d’autre part sont autant d’indices qui questionnent.
Comment se fait-il que le même mot puisse à la fois signifier le déploiement capitalisme et un régime artistique qui tente, par ailleurs, de s’y soustraire en critiquant ce régime ?
L’homonymie est intrigante et il faut l’interroger : on dira rarement d’ailleurs qu’une performance artistique est performante et l’association de ces deux mots crée un malaise intéressant. La teneur économique sous-entendue dans cette phrase soustrait toute ambition politique à une performance qui serait performante. On dira qu’elle est éventuellement efficace ou qu’elle fonctionne. Boyan Manchev invite à une vraie radicalité quant à la définition du mot sous son prisme économique :

« Qu’est-ce que la performance ? Une réponse immédiate : c’est la marchandise ultime aujourd’hui. Pour aborder la question de la performance, rappelons-nous la définition du spectacle par Guy Debord : selon la thèse 34 de La société du spectacle, "c’est le capital à un tel degré d’accumulation qu’il devient image". La notion de société du spectacle, catégorie symptomatique, correspondait sans doute au capitalisme technologique postindustriel et à sa logique de production, ainsi qu’à la logique moderne de la représentation. (…) L’obsession actuelle du terme performance est plus qu’éloquente, elle en est le symptôme. Une véritable obsession de la performance gouverne aujourd’hui les discours politiques, économiques et médiatiques. Cet emploi, doté aujourd’hui de valeurs ajoutées obsessionnelles, est motivé aussi par des raisons étymologiques : la per-formance, de per-formare, désignerait l’exécution, l’actualisation sans reste de la forme. La per-formance de la forme (de vie) est incommensurable avec la mise en scène des représentations ou des images de la vie (le spectacle) : la performance excède le spectacle classique de la même manière que le biocapitalisme contemporain excède le capitalisme « classique », « fordiste », le capitalisme de la haute modernité. Ainsi, ce nouveau modèle a introduit une marchandise inédite – les formes de vie elles-mêmes17. »

En faisant référence à Guy Debord et à l’étymologie du mot, le philosophe rappelle que l’exécution (de soi) ne peut que mener à une performativité de soi, à un soi devenu lui-même marchandise selon les logiques concurrentielles à l’œuvre dans le capitalisme. La performance comme culture du résultat, voire comme culte du résultat.
L’ambivalence homonymique des termes et le constat de l’obsession du mot sont sans aucun doute ce qui permet aux artistes de faire un pas en arrière : ou de se maintenir en suspens, dans un flottement singulier. Artistes et designers recherchent par leurs performances une anti-performance. L’objet performé, c’est ainsi, et sans aucun doute, l’antithèse de l’objet performant recherché et produit par l’hyper-capitalisme. Et si le passage du participe présent (performant) au participe passé (performé) dit beaucoup, c’est précisément dans son rapport au temps.
Car, par-delà les questions d’usage et de production performante, il semblerait que modeler le temps de la production soit, in fine, la grande ambition du performeur artiste ou designer. Les objets performés proposent autant de perturber les usages que de troubler notre rapport au temps contemporain : un temps sous l’emprise de l’hypercapitalisme et de l’hypermodernité, autrement dit, un temps toujours rentabilisé, un temps sciemment calculé, un temps rationalisé à l’extrême. Aller le plus vite possible pour produire le plus vite possible. Maîtriser le temps plutôt que de se couler dans les rythmes du temps, dominer les contraintes temporelles pour triompher du temps : telle est la logique de l’hyper-capitalisme.
L’hyper-productivité liée à la maîtrise du temps est aussi liée à l’impossibilité de « l’investir avec fermeté, sans l’accumuler par l’utopie ou l’hétérotopie. La perte de toute perspective historique infinie génère le phénomène d’un temps improductif et gaspillé18. » À ce diktat de l’instant présent, se superpose alors, comme le suggère Boris Groys, le temps du doute, de l’hésitation, de l’inquiétude.
Au temps-instant, l’artiste oppose alors le temps de la durée, le temps d’un présent à ralentir, un temps présentement vécu, un temps qui s’éprouve, se performe et s’expose (aux autres).
L’artiste et designer, en performant leurs actes, s’immiscent alors au cœur du temps-calcul pour (se faire) ralentir : ils ralentissent le temps de la production comme ils se ralentissent (le corps comme espace micropolitique). En modifiant leur rapport au temps dans le présent et dans le réel, ils se transforment et transforment le temps. Travailler à défausser le temps-calcul, sculpter le temps par l’usage des objets ou par leur processus de fabrication, modeler le temps dans son corps et dans celui d’autrui : ou comment agir l’air de rien.

Une fiction en guise d’épilogue

Depuis tout ce temps, la ville entière vrombissait.

Le Dust-Act avait été voté puis ordonné, dans une forme de grand désespoir collectif qui avait fini par faire taire les individualités opposantes.

La ville entière vrombissait, immense machine à aspirer ce qui avait été réduit au néant. Cela évoquait, pour certains - ceux qui en avaient entendu parler par les générations précédentes - les monticules d’énergies noires d’un autre temps.

L’humanité s’était muée dans une civilisation nouvelle où la destruction devenait la nouvelle poétique du vivre ensemble. D’une civilisation qui sombrait dans ses ruines opulentes était né le pari fou de la réduction en miettes des objets de la société - pour tenter de ne pas finir soi-même poussière.

Toutes et tous travaillaient à la mise en œuvre d’un déconstructivisme qui n’opérait que parce que toutes et tous étaient tournées vers l’application minutieuse du pacte. Un acte destructeur mais salvateur. Une production de la dé-production comme antidote à l’Anthropocène.

Dans les paysages post-urbains se dressent désormais des usines dont la vocation est de faire éclore des Dust Mountains. La ville est devenue un road trip interminable, un travelling sans fin de bras mécaniques qui pêchent puis écrasent, réduisant en lambeaux tout ce qu’a produit la société « d’avant ».

On avait calculé que cela prendrait plusieurs décennies. De fait, l’effort collectif avait permis de réorganiser la société en fonction.

Certains amenaient les éléments, d’autres supervisaient leur destruction. Enfin, la majorité était volontaire pour s’affairer autour des Dust Mountains : dans un élan collaboratif évoquant les années 2000, toutes et toutes travaillaient d’arrache-pied à redonner forme et sens aux poussières : armés d’aspirateurs, unique nouvel outil de production, les résidents de la postproduction aspiraient les résidus de la déproduction pour les ensacher dans une toile ultra-résistante, normalisant un style cocoon qui permettait de construire le strict nécessaire pour vivre. Cela faisait longtemps pourtant que l’on avait abandonné les mises en pratique d’un design survivaliste. Mais il se trouve que les aléas de la vie les avaient remises au goût du jour, recyclant là aussi des idées énoncées puis perdues dans les méandres d’une civilisation qui s’effondrait.

Comme quoi, rien ne se perd. Jamais.

Fiction 24-05
D’après Dust Furniture de Makkink & Bey, 2004

Extrait du livre, Performances-fictions, Editions Les Murmurations, Paris, 2022

Bibliographie

Aubert, Nicole, « L’urgence, symptôme de l’hypermodernité : de la quête de sens à la recherche de sensations » dans Communication et organisation, n°29, 2006, Presse Universitaire de Bordeaux

Babin, Sylvette (dir.), Objets animés, Esse, N° 75, printemps/été 2012

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  1. En pensant la performance par le prisme de son effet dans le réel, Zerbib invite à dépasser les notions de genre et de médium pour faire de la performance une qualité (qu’il appelle la dimension performantielle) ; celle-ci pouvant se retrouver aussi bien dans un objet que dans un mot, une photo, une sculpture, une vidéo, un dispositif…
    Pour une précision lexicologique sur la notion de « performantiel », voir Zerbib, David, « De la performance au performantiel » dans Artpress2 n°7, Performances contemporaines, novembre 2007, pp. 11-18. 

  2. Studio Swine (Super Wide Interdisciplinary New Explorers) est un collectif créé en 2011 par Azusa Murakami et Alexander Groves. 

  3. L’expression fait référence à Nuccio, Ordine, L’utilité de l’inutile : manifeste, traduit de l’italien par Luc Hersant et Patrick Hersant, Paris, les Belles lettres, 2014. 

  4. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces déchets ne sont en général pas visibles, ni de la terre ni par image satellite, les plastiques ayant été laminés en miettes : la plupart ont une taille qui n’excède pas quatre millimètres de diamètre. Ces micro plastiques ne sont visibles que du ponton d’un bateau ; or on sait qu’aujourd’hui la plaque de déchets du sixième ou septième continent occupe 1,6 millions de mètres carrés soit environ quatre-vingt mille tonnes de déchets...Une quantité de déchets phénoménale mais invisible, sauf si on se retrouve pris dedans. 

  5. C’est le terme anglais pour micro-plastique et, qui, par un étonnant jeu sémantique, signifie « les larmes des sirènes ». 

  6. Qui renvoie à l’âge de la pollution et a été formulé par le biologiste français Maurice Fontaine. 

  7. C’est le sous-titre de la performance de Francis Alÿs The Green Line effectuée en 2004 à Jérusalem. 

  8. Dautrey, Jehanne, « Nourrir une recherche en art aujourd'hui : apprentissage et désapprentissage des savoirs » dans Dautrey, Jehanne (dir.) Milieux & créativités, Dijon, les Presses du réel, 2016, p.36. 

  9. Dautrey, Jehanne (dir.), Milieux & créativités, Paris, Les Presses du Réel, 2016 

  10. Sometimes Making Nothing Leads to Something (Paradox of Praxis 2), c’est le nom d’une autre performance où Francis Alÿs s’arrête et scrute le ciel. Des passants s’arrêtent pour regarder avec lui et fixent quelque chose qui n’existe pas. 

  11. Nuccio, Ordine, L’utilité de l’inutile, op. cit. 

  12. Baudrillard, Jean, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1978, p.157. 

  13. Ibid., p.169. 

  14. Mendini, Alessandro, « Utilité de l’inutile », dans Écrits : (architecture, design et projets), traduit de l’italien par P. Caramia et C. Geel, Dijon, les Presses du réel, 2014, p.218. 

  15. Nuccio, Ordine, L’utilité de l’inutile, op. cit., p.14. 

  16. L’hyper-capitalisme, que Thomas Piketty fait débuter avec la chute du Mur de Berlin et l’effondrement du communisme, se définit comme un capitalisme ultra libéral qui n’est plus encadré par les États et qui parie sur une autorégulation des marchés, ceci aboutissant à un capitalisme financier devenu mondialisé grâce à l’apparition des nouvelles technologies (Internet). 

  17. Manchev, Boyan, « Performance politique, politique de la performance », dans Lignes, n°55, 2018/1, pp.46-47. 

  18. Ibid.,p.12.