Bruno TRENTINI (bruno.trentini@univ-lorraine.fr) est Maître de Conférences HDR en esthétique (université de Lorraine, UFR ALL-Metz, département Arts) au laboratoire ÉCRITURES (UR 3943). Ses recherches récentes visent à repenser le sujet spectatoriel et l’expérience esthétique au regard des théories de l’évolution non nécessairement sélectionnistes. Il est, depuis 2012, directeur de publication de la revue Proteus – cahiers des théories de l’art. https://ecritures.univ-lorraine.fr/membres/titulaires/trentini-b
Résumé
Tenant à distinguer le couple « arts plastiques / design » du couple « beaux-arts / arts appliqués », ce texte se concentre sur la manière dont les arts plastiques et le design ne se définissent pas par leurs objets. Prolongeant en cela les réflexions contemporaines sur le design de milieu, le texte défend la thèse selon laquelle le design n’anticipe pas tant le passage du projet à sa réalisation qu’anticipe des usages et des conduites, voire propose aux usagers d’inventer de nouvelles conduites, de bricoler. En ce sens, certaines œuvres des arts plastiques contemporains relèveraient pleinement du design.
Mots-clés : design de milieu — affordance — conduite spectatorielle — arts plastiques contemporains — esthétique
Abstract
With a view to distinguishing the “visual arts/design” pairing from the “fine arts/applied arts” pairing, this text focuses on the way in which the visual arts and design are not defined by their objects. In line with contemporary thinking on environmental design, the text argues that design does not so much anticipate the transition from project to realisation as it anticipates uses and behaviours, or even invites users to invent new behaviours, invites them to tinker. In this sense, certain works of contemporary visual art are fully within the scope of design.
Keywords : environmental design — affordance — spectator behavior — contemporary visual arts — aesthetics
Introduction
Les considérations tenues dans ce présent texte trouvent leur source dans l’exposition La Poursuite de Maxime Bichon au CAPC de Bordeaux qui s’est déroulée du 17 novembre 2023 au 5 mai 2024. On peut par exemple y voir exposés des objets qui ont l’air utilisable, mais qui ne servent en fait à rien. D’autres pièces semblent sorties de chaînes d’usinage, mais les cartels indiquent qu’elles sont, contre toute attente, manufacturées. Des objets inutiles accrochés aux côtés du panneau électrique et de l’extincteur viennent encore à leur tour brouiller la frontière entre la nécessité des conditions de sécurité et la contingence du superflu. Enfin, des miroirs en quart de lune, généralement utilisés comme outil de surveillance, sont accrochés aux murs, mais sans qu’il n’y ait rien de particulier à surveiller ni, surtout, personne qui soit dédiée à cette tâche. Il serait exagéré de dire que Maxime Bichon poursuit, suivant le titre de l’exposition, le rêve d’un monde où arts plastiques et design se confondent. Il serait plus juste de dire qu’il considère le design comme un matériau qu’il déforme pour en faire une œuvre relevant des arts plastiques. Quoiqu’il en soit, le public erre dans l’exposition, de pièces en pièces, à la poursuite d’une cohérence à peine soustraite.
C’est cette errance qui semble finalement être la plus intéressante pour entamer une réflexion sur la relation entre arts plastiques et design : les œuvres exposées suffisent non seulement à se scénographier elles-mêmes, mais aussi à esquisser le dessein à l’origine des flux de personnes qui enquêtent et poursuivent un but indéfini. Dès lors pourquoi semble-t-il relever d’un déplacement disciplinaire de dire que La Poursuite s’inscrit dans le design d’espace ? D’autres expositions du même artiste laissent la même impression tant il met en place des lieux qui ressemblent à des appartements témoins qu’on ne saurait habiter. Les objets perdent un peu de leur autonomie en tant qu’œuvre. Ce constat sur la disparition relative de l’objet dans les arts plastiques contemporains dépasse largement le travail de Maxime Bichon. Il est jouxté à un autre constat : la réponse spectatorielle participe de plus en plus souvent à faire œuvre, se substituant alors à l’objet présenté.
Plutôt que d’étudier de manière monographique le travail de Maxime Bichon, ce présent texte se consacre au phénomène exemplifié par ses pièces. Il s’agit ainsi de comprendre en quoi le recours aux concepts du design contemporain, et notamment aux théories sur le design de milieu, permet de repenser le rapport que les arts plastiques entretiennent à l’objet. Penser le milieu permet en effet de penser autrement l’objet et de le penser au regard de la dynamique d’une réception spectatorielle. Réciproquement, apprécier l’efficience et l’agentivité de concepts du design une fois exportés dans le champ des arts plastiques contemporains devrait permettre au design de repenser à son tour son rapport à l’objet.
Avant de repenser les relations que la réception entretient avec l’objet et le milieu, il est nécessaire de contextualiser les relations que les arts plastiques et le design entretiennent avec l’objet. Elles sont historiques et ne peuvent pas se comprendre sans revenir à leurs ancêtres et cousins respectifs, à savoir aux beaux-arts et aux arts appliqués. C’est l’enjeu de la première partie de ce texte, qui prend le temps de rappeler le contexte historique complexe qui a vu naître puis s’imposer les notions de design et de plastique. La deuxième partie, en s’appuyant sur des discussions contemporaines, propose alors de préciser les enjeux d’une tentative de rapprochement entre design et arts plastiques. La troisième partie de ce texte établit l’exportation des concepts de design de milieu et d’objet-milieu depuis le design vers les arts plastiques afin de donner à ce dernier champ de nouvelles prises pour penser les situations artistiques contemporaines qui passent par des réponses spectatorielles spatiales. La quatrième partie vise à s’appuyer sur les théories du design de milieu pour écrire une histoire des arts plastiques relues par le prisme des usages et des conduites. Essayant de prendre un peu de recul et de reconsidérer le design au regard des parties précédentes, la dernière partie propose une autre manière de penser le design en général : le dessein du design ne concerne pas tant l’anticipation de la réalisation d’un projet que l’anticipation des actions possibles une fois le projet laissé à l’usage.
1. Arts plastiques et design : retour sur une séparation d’une autre époque
Essayer de penser les rencontres possibles entre les arts plastiques et le design oblige de penser préalablement ce qui les distingue. Or, puisque rien ne semble permettre de penser avec évidence la distinction entre les arts plastiques et le design, d’aucuns pourraient avoir envie de regarder l’histoire et de décalquer trop hâtivement l’opposition entre les arts plastiques et le design sur l’opposition qui existait entre les beaux-arts et les arts appliqués. La distinction qui existe entre les beaux-arts et les arts appliqués est en effet claire en ce qu’elle est portée par leur désignation : l’appellation « beaux-arts » met l’accent sur la beauté de la production générée par art et insiste par conséquent, en creux, sur le fait que la chose produite ne soit appliquée à rien ; au contraire, l’appellation « arts appliqués » qualifie des productions qui remplissent une fonction et répondent à un usage. Autrement dit, il faut garder à l’esprit que lorsqu’il est question de « beaux-arts », il est en fait implicitement question de « beaux-arts appliqués à rien » et que, à l’inverse, parler d’« arts appliqués » élide la forme « arts appliqués à l’industrie1 », elle-même version simplifiée de la forme historique « beaux-arts appliqués à l’industrie2 », fondues ensuite dans l’expression « arts décoratifs ».
Comme énoncé précédemment, il serait hâtif de s’appuyer sur l’opposition entre la gratuité des beaux-arts et le supplément fonctionnel des arts appliqués ou des arts décoratifs pour étudier les distinctions entre les arts plastiques et le design. En effet, s’il est vrai qu’une filiation soit deux à deux possible entre ces champs de la création, il n’est pas moins vrai que les arts plastiques ne sont pas équivalents aux beaux-arts et que le design n’est pas synonyme d’arts appliqués.
Dire que les arts plastiques n’ont pas à être beaux devrait suffire pour marquer la différence entre beaux-arts et arts plastiques. Il est moins évident d’expliquer en quoi le design n’a pas essentiellement vocation à être appliqué à quelque chose. C’était au contraire habituellement le cas lorsqu’il était question de « design industriel », reprenant alors l’appellation « arts appliqués à l’industrie ». Stéphane Vial propose une brève archéologie du design en expliquant que « [c]’est seulement à l’âge de la société de consommation de masse, afin de donner un nom à une nouvelle profession, que le terme design a acquis provisoirement le sens restreint de design industriel3 » et que, « [p]our comprendre la notion, il faut donc distinguer entre deux premières acceptions du terme design, qui correspondent à deux moments historiques : d’une part, le design comme projet ou méthodologie de conception (Renaissance) et, d’autre part, le design comme création industrielle (XXe siècle.)4. » Abandonnant sa dimension industrielle, le design, devenu discipline à part entière, a pu (re)mobiliser le sens premier du terme « design », déjà fort d’une longue histoire, tout comme le terme « plastique5 ». Une même plume a d’ailleurs participé à écrire ces histoires, puisque Anthony Ashley-Cooper, dit Shaftesbury, a dès le début du XVIIIe siècle écrit un texte sur le design et un autre (inachevé) sur la plastique. Il écrit en Italie, le 6 mars 1712, quelques pages consacrées au design, intitulé A Letter concerning the Art, or Science of Design, qui entend le terme design dans sa proximité au projet (project), à l’esquisse (sketch) et parle des « designing arts » en incluant l’architecture, la peinture et la statuaire6. La même année, en 1712, il commence Plastics or the Original Progress and Power of Designatory Art où il est question de « plastic truth7 » (« vérité plastique ») pour qualifier une peinture. Shaftesbury montre l’importance du design (dans le sens du projet) et de la plastique (dans le sens de la formation) dans les arts afin de défendre l’hypothèse selon laquelle l’artiste est artiste, même s’il n’avait pas eu de main8. Il emploie aussi dans un autre texte l’adjectif « plastique » dans le sens non pas du modelage, mais de la formation d’une œuvre9
Héritée de l’emploi qu’en fait Shaftesbury, la terminologie contemporaine « arts plastiques » et « design » est alors précieuse pour comprendre les enjeux fondamentaux de ces deux champs artistiques :
– l’adjectif « plastique », suivant son empreint au grec plassein, qualifie la capacité des matériaux à être formé et déformé10. Il rend compte de leur malléabilité. De ce fait, l’appellation « arts plastiques » insiste sur l’importance « du processus de formation de l’art11 », sur la dimension poïétique de cet art – voire sur sa dimension praxique, reléguant alors au second rang la nécessité d’avoir produit et finalisé un objet ;
– l’appellation « design », du fait de son lien explicite au disegno, met également en avant l’importance du processus, mais surtout au regard de la capacité d’anticiper, de prévoir, de suivre un projet12.
Se fier à l’étymologie et à la manière dont l’esthétique naissante du XVIIIe siècle, notamment celle de Shaftesbury, a employé ces termes engage à penser que la distinction entre arts plastiques et design est ténue. Au mieux, elle concerne une question de valorisation des conditions de génération : dire qu’une production relève des arts plastiques serait l’apprécier au regard des choix et des aléas permettant d’arriver au résultat exposé alors que dire qu’une production relève du design serait l’apprécier au regard de la capacité de l’artiste à anticiper et à mener à bien son projet. C’est vrai que, sémantiquement du moins, alors que parler d’arts plastiques insiste sur l’écart entre le prévu et le réalisé, parler de design ne valorise pas les aléas plastiques par lesquels on passe pour aller du dessein à sa réalisation.
2. Arts plastiques et design : rapprochements contemporains
La réflexion sur l’écart entre les arts plastiques et le design aurait pu s’arrêter aux précédentes considérations, heureuses d’avoir mis le doigt sur une différence spécifique à ces deux champs et donc distincte de celles, historiques, qui séparaient les beaux-arts des arts appliqués. Ce serait toutefois ignorer de nombreuses réflexions actuelles qui, sans que cela soit leur objectif, rendent encore plus poreuse la frontière entre les arts plastiques et le design. Ainsi, et notamment pour distinguer le design de l’ingénierie, des théories du design mettent l’accent sur son caractère malléable13 et toujours diagonal. Faire du design ne serait donc pas suivre une feuille de route sans heurt, au contraire même selon Sophie Fétro pour qui « [f]aire du design serait donc par essence bricoler, autrement dit, mettre en œuvre les conditions propices à une approche en zigzag, non rectiligne, du projet14 ». Or, bricolage et plasticité partagent de nombreuses propriétés15. Par conséquent, dire que le design relève par essence du bricolage rapproche du même élan le design des arts plastiques. De leur côté, les arts plastiques ne sont pas systématiquement tournés vers les conditions de production. De plus en plus d’œuvres, ne serait-ce que celles qui sont dites immersives16, mettent bien davantage l’accent sur les conditions de réception par un public qui peut souvent se désintéresser de la manière dont l’artiste a atteint ce résultat. En bref, les arts plastiques se projettent et anticipent au moins autant que le design bricole.
Globalement d’ailleurs, design et arts plastiques sont des disciplines bien plus accueillantes que leurs ancêtres arts appliqués et beaux-arts : de très nombreuses activités étrangères aux arts appliqués relèvent du design, on va même jusqu’à dire d’une17 biologiste qu’elle designe18 ses expériences ; parallèlement, de très nombreuses pratiques qui n’ont rien à voir avec les beaux-arts se retrouvent pleinement dans ce qu’on nomme arts plastiques (comme la performance, les arts participatifs ou encore relationnels). Partant, il ne serait pas surprenant que, en l’absence du fort ancrage académique de ces deux disciplines19, arts plastiques et design puissent souvent se recouvrir. Des exemples ne manquent d’ailleurs pas. L’œuvre Anti2, une lampe que fabrique le plasticien Maxime Bichon à partir d’un piège à souris désarmé et qui a été exposée lors de sa dernière exposition au CAPC de Bordeaux, serait accueillie sans souci comme du design-bricolage d’objets. De nombreuses œuvres peuvent passer pour du design d’espace, de Yard d’Allan Kaprow et ses tonnes de pneus déversés à la Galerie Martha Jackson, aux brouillards d’Ann Veronica Janssens en passant par les vitres illusoires de Marcius Galan. D’autres exemples montreraient la porosité entre le champ des arts plastiques contemporains et le design d’expérience, d’interface ou de service20. On pourrait même imaginer relever le défi théorique de parvenir à justifier que n’importe quelle œuvre (même sans objet) des arts plastiques contemporains puisse trouver sa place au sein d’une description du design. Il faudrait certes un peu d’habileté théorique et une bonne connaissance des deux champs, mais ce serait probablement opérant, voire herméneutique. Or, s’il est vrai que les œuvres à la lisière entre arts plastiques et design existent bel et bien, dans les faits aucune théorie du design n’irait les labelliser comme relevant du design sans susciter une certaine incongruité.
À ce stade de la réflexion, un double constat tiré des considérations précédentes mérite d’être explicité. D’une part, les champs que sont le design et les arts plastiques sont tellement accueillants qu’il apparaît impossible d’en donner une définition par compréhension qui permettrait de toujours distinguer l’un de l’autre. D’autre part, hormis quelques cas particuliers toujours stimulants à étudier21, une définition par extension existe tant les champs sont pragmatiquement différents. Par conséquent, les théorisations disjointes du design et des arts plastiques donnent lieu à des créations de concepts qui sont rarement exportés d’un champ à l’autre, mais qui auraient probablement toute légitimité et pertinence à l’être. Là est le pari théorique qui sous-tend ce texte. Puisqu’il ne s’agit pas ici de mener un travail de grande ampleur visant à traduire de nombreux concepts du design pour les rendre opérants en arts plastiques, et réciproquement, la question reste de savoir quel concept semble être le plus adapté à cette exportation. Étant donné que le cœur du design comme des arts plastiques consiste en la mise en avant du processus au détriment de la réalisation effective d’un objet, il semble pertinent d’arrêter le choix sur un concept qui marque le fait que les pratiques contemporaines se soustraient de l’objet. Or, voilà une dizaine d’années – un peu plus même si sont pris en compte les délais de publication –, que, pour prendre de la distance avec l’objet considéré dans son autonomie, les théories du design mettent l’accent sur le milieu. Il a tout d’abord été question d’« objet-milieu » à travers le dossier de 2012, coordonné par Antonella Tufano, que la revue Le Philotope consacre à l’objet-milieu22. En 2015, Victor Petit publie un article intitulé « L’éco-design : design de l’environnement ou design du milieu ? » qui explicite la différence entre un design visant à réinventer l’objet indépendamment de son usage et, au contraire, un design qui se concentre sur l’usage23. Plus récemment, l’ouvrage d’Antonella Tufano Vers un design des milieux finit de consacrer le milieu comme concept permettant au design de penser non plus des objets dans leur opposition au sujet24, mais des choses, des objets-milieu25 qui appareillent des interstices et des relations entre des sujets et le monde qui les entoure.
3. Le design de milieu : un paradigme du design pour penser les œuvres des arts plastiques contemporains
Victor Petit a recours à une comparaison très efficace pour distinguer deux cultures de la conception26. Selon lui, l’invention de la voiture électrique n’a pas vocation à changer l’usage de la voiture, « en ce sens que l’usage de la voiture électrique peut être équivalent à celui de la voiture à essence27 » ; en revanche, l’invention de la voiture partagée en libre-service, l’autolib, rend possibles de nouveaux usages : on peut par exemple prendre une voiture à l’aller et rentrer à pied ou en transport au retour sans avoir à retourner chercher sa voiture plus tard. Cette seconde situation relève selon lui du « design de milieu ». Il en fait le propre du design, reléguant du côté de l’ingénierie le cas qui ne propose pas de nouveaux possibles comportementaux. Ainsi, les systèmes modulaires, comme le chariot Bobby de Joe Colombo, entrent sans hésitation dans le design de milieu alors qu’un énième abat-jour pour lampe de chevet, aussi inventif soit-il formellement, se verrait relégué du côté de l’ingénierie s’il ne vient pas créer de nouveaux comportements possibles.
Victor Petit ancre sa définition du milieu sur les travaux de Jakob Von Uexküll et son concept d’Umwelt (généralement traduit en français par « environnement propre », mais Victor Petit préfère traduire par « milieu ») qui a l’avantage de décrire le monde qui entoure un individu non pas de manière prétendument objective, mais au regard de son champ d’actions possibles, des seules actions que cet individu est capable de faire, autrement dit de ses affordances28. Une personne humaine a beau se tenir à proximité d’un pigeon, elle et l’oiseau n’ont pas le même milieu, dans le sens d’Umwelt, car les manières d’interagir avec l’environnement de cette personne et du pigeon ne sont pas les mêmes. L’un perçoit par exemple plus facilement que l’autre un toit comme une affordance à aller se percher. Le design de milieu façonne le milieu, il reconfigure l’Umwelt, il le designe. Pour prolonger l’exemple de Victor Petit, inventer l’autolib c’est regarder des comportements humains de personnes qui sont contraintes de reprendre leur véhicule au retour si elles l’ont pris à l’aller et proposer une manière de modifier cela. Il s’agit donc de réfléchir sur les comportements humains pour voir comment les infléchir. C’est exactement ce que Stéphane Vial met en avant lorsque, reprenant Alain Findeli, il écrit que ce « qui distingue l’investigation du chercheur en design lorsqu’il étudie les interactions entre les humains et leurs environnements, c’est que sa recherche ne considère pas ces interactions comme des objets d’étude, mais comme des projets de design29 ».
Cette description de ce qu’est la recherche en design résonne de manière étrangement harmonieuse au contact de nombreuses pratiques plasticiennes : histoire de varier un peu les exemples, les précédents propos ne sont-ils pas pertinents pour rendre compte de l’œuvre Invisible Cube de Jeppe Hein ? Cette œuvre relie la caméra de surveillance de la galerie à une alarme de telle sorte qu’elle se déclenche dès que le public s’éloigne des murs blancs et vierges de l’espace d’exposition. Quel est le point de départ de cette œuvre si ce n’est Jeppe Hein qui observe la manière dont les gens se déplacent et se placent dans une galerie et qui trouve intéressant de proposer une situation qui jouerait avec ces mouvements ? Suivant en cela le propos de Stéphane Vial et d’Alain Findeli, Jeppe Hein n’a pas étudié la place des personnes. Il a imaginé un dispositif qui rebat les cartes de leur position. Invisible Cube révèle les habitus spectatoriels en jouant sur le fait que le public a intégré qu’il fallait rester en distance des murs blancs des galeries pour conserver la soi-disant neutralité du white cube. Il n’en reste pas moins à un stade de révélateur puisqu’il modifie cet habitus, non seulement bien sûr en le rendant conscient, mais aussi et surtout en sanctionnant les personnes de ce comportement tacite par le son d’une alarme. L’alarme attire l’attention sur les personnes contrevenantes, soit, mais la question de savoir s’il faut pour autant se priver de la déclencher est une autre question. L’installation opère dès lors aussi comme une invitation à jouer avec elle puisqu’elle a soustrait la dimension de surveillance punitive de l’alarme. Indépendamment de cela et même sans assumer de déclencher l’alarme, le public peut jouer avec en réinventant des manières de se déplacer, de frôler d’autres personnes, de reconfigurer son espace personnel et sa proximité à autrui.
Ainsi contextualisée, la proposition de Victor Petit pour penser un design de milieu donne envie de « bricoler », mais cette fois-ci théoriquement, avec la citation tronquée, s’il en est, de Marcel Duchamp : « C’est le regardeur qui fait l’œuvre ». Cette phrase ne prend-elle pas subitement un autre sens, un sens qui n’était pas précisément celui imaginé par Marcel Duchamp, dès lors qu’on la met en relation avec Invisible Cube ? « C’est le regardeur qui fait l’œuvre » devient depuis le point de vue du design de milieu importé dans le champ des arts plastiques contemporains « c’est l’usager qui fait l’œuvre ». Même si cela est à contre-courant de ses idées, l’ancrage duchampien de la théorie de l’activation de Nelson Goodman prend alors un nouveau sens : c’est l’activation qui fait qu’un objet fonctionne comme art. Et ici, contrairement à la pensée originale de Nelson Goodman, l’activation s’entend au sens propre d’un comportement actif d’un individu dans son Umwelt soumis à une nouvelle affordance30. Cette conception est particulièrement opérante dans le champ des arts plastiques contemporains tant sont nombreuses les œuvres qui impulsent des comportements qui n’étaient pas ceux qu’on avait jusque-là l’habitude d’avoir avec de l’art. On peut à nouveau évoquer les arts relationnels, participatifs et interactifs comme faisant partie des grandes catégories artistiques qui sortent le public d’un rapport frontal et distant avec d’autres œuvres d’art. On peut tout autant penser aux structures de Frank West, ses Passstücke qui ne fonctionnent comme art que si une personne du public s’en empare et les met en mouvement ou du moins en est l’usagère – pour reprendre un terme du design. L’art non contemporain a également quelques exemples pertinents : il est certes anachronique de parler de postures spectatorielles dès cette époque sans prendre de nombreuses précautions, mais il est vrai que déjà les anamorphoses du XVIe siècle réinventaient la posture traditionnelle frontale et inséraient un peu de déplacement voire d’accroupissement face aux œuvres31 ; avec les mêmes réserves, la manière dont Véronèse a criblé la salle de l’Olympe et la salle Cruciforme de la villa Barbara de peintures en trompe-l’œil au beau milieu d’autres peintures témoigne non seulement de l’intention d’ancrer les œuvres dans un milieu, mais surtout de les envisager au regard d’une réception active.
4. La spectatrice comme usagère de l’œuvre
Les remarques précédentes évoquent peut-être à la lectrice plus habituée aux réflexions sur les arts visuels que sur le design la distinction que Michael Fried a proposée entre des œuvres théâtrales et les œuvres anti-théâtrales. Les œuvres théâtrales jouent avec la place de la spectatrice alors que les œuvres anti-théâtrales « traitent le spectateur comme s’il était absent32 ». Autrement dit, les unes jouent avec le milieu tandis que les secondes essaient au maximum de faire comme si elles étaient indépendantes du milieu dans lequel elles étaient exposées. Michael Fried a bien conscience que les œuvres anti-théâtrales relèvent en fait d’une « fiction suprême33 », mais il les défend et les préfère aux autres. Les mondes de la théorie des arts visuels auraient à gagner à relire Michael Fried au regard du design de milieu. Autant l’appellation « théâtrale/anti-théâtrale » a souvent été pointée du doigt comme étant peu claire et mal choisie34, autant peu de textes sur Michael Fried ont proposé d’autres grilles de lecture pour comprendre les discussions qu’il a ouvertes sur la place du spectateur. Comprendre les œuvres que critique Michael Fried au regard du design de milieu clarifie les choses et permet en effet de voir qu’il s’agit pour lui de refuser la perte de l’objet, de refuser l’autonomie, de refuser la perte du chef-d’œuvre, de refuser en d’autres termes de sortir l’art visuel de son ancrage dans un objet coupé du monde. Les œuvres qu’il nomme anti-théâtrales correspondent en fait au degré zéro d’art ambiant. Il les défend probablement parce qu’elles restent dans le paradigme du chef-d’œuvre tel qu’il s’est historiquement construit : il n’a aucun souci avec l’abandon des beaux-arts au sens où il accepte que le beau ne donne pas le la aux arts visuels, mais il ne souhaite pas pour autant perdre l’abstraction des objets générés par les beaux-arts. Cela supposerait déjà qu’on puisse se passer du beau sans se passer du fait que les objets soient autonomes et fassent comme s’ils étaient indépendants de l’espace dans lequel ils se situent et donc nécessairement dans l’Umwelt des personnes du public – ce qui n’est pas acquis35. Indépendamment de cette dernière remarque, la manière dont Michael Fried pense l’objet d’art est aux antipodes de la conception de l’objet-milieu théorisé par Antonella Tufano. Au contraire, les œuvres qu’il nomme théâtrales sont pleinement des objets-milieu. Une fois formulée l’idée selon laquelle les œuvres que Michael Fried nomme anti-théâtrales relèvent d’une posture anti-écologique niant l’Umwelt, il apparaît encore plus clairement en quoi elles relèvent d’une fiction – il apparaît en revanche encore moins clairement que cette fiction eût pu être jugée « suprême ».
Si l’on accepte l’idée selon laquelle l’anti-théâtralité est la fiction que les beaux-arts ont souhaité réaliser, si l’on accepte l’idée défendue précédemment que l’anti-théâtralité est fondamentalement anti-écologique, il semblerait pertinent de dire, rétrospectivement, que l’histoire des beaux-arts a certes montré l’invention de nouvelles formes, mais non pas de nouvelles conduites ou de nouveaux usages – ou à la rigueur à la marge et de manière anecdotique. Parler d’usage et de conduite face à un chef-d’œuvre peut toutefois surprendre tant on a cru que la posture contemplative était dépragmatisée. Pour dissiper cet éventuel étonnement, il est bon de préciser que, relative à la coutume et au comportement, la notion d’usage, du latin usus, renvoie à une forme de jouissance de bien précisément sans abus (sans ab-usus, qui signifie « usé jusqu’au bout ») et donc sans la dimension d’usure qui aurait pu donner envie de rapprocher usage et consommation. Il n’est donc pas pertinent d’y injecter des connotations socio-politiques néolibérales ni de s’en passer. Il est en revanche bon de se demander d’où vient l’idée que manipuler des objets comme une voiture, un tire-bouchon ou des Passstücke relève davantage d’une conduite pragmatique que la contemplation : contrairement aux préconceptions, la contemplation est toujours active, et la contemplation d’œuvres d’art est en plus particulièrement cadrée socialement. Sans doute refuser de voir la contemplation comme une conduite et un usage entretient-il une frontière faussement étanche dans les esprits entre arts plastiques et design ; frontière que ce texte continue d’interroger.
Partant, accepter de parler de conduite spectatorielle pour rendre compte de la contemplation, et non pas uniquement d’attitude, permet bel et bien de constater que les beaux-arts n’ont pas inventé de nouvelles conduites. Les postures sont les mêmes. Le rapport au chef-d’œuvre est tellement tout le temps semblable que la posture contemplative s’est imposée a priori comme la seule modalité de conduite des œuvres. Pourtant l’émergence de l’esthétique au XVIIIe siècle, donc contemporaine aux paradigmes du chef-d’œuvre et de la posture contemplative, aurait pu davantage voir que le modèle du chef-d’œuvre avait en fait déjà inventé une nouvelle conduite spectatorielle, nouvelle au regard de ce qui préexistait dans les contextes religieux ou rituels par exemple36. Au lieu de cela, et tant qu’il n’y a pas eu invention de nouvelles conduites, il n’a jamais été question de discuter des modalités de réception de l’art, mais uniquement d’étudier cette unique attention comme étant la seule à être « esthétique » et donc spectatorielle.
Pourtant, depuis qu’il se fait ce que Dominique Chateau a nommé de l’« art autrement qu’art37 », on assiste à une multiplication de postures spectatorielles qui diffèrent de la contemplation. Penser la spectatrice comme une usagère des œuvres et penser l’invention artistique au regard non pas uniquement de la forme, mais aussi des conduites amènent à voir les œuvres relationnelles, participatives, interactives, etc., comme des appareils inventant de nouvelles conduites spectatorielles. Le terme « appareil » est ici à entendre dans le sens défini par le philosophe et théoricien du design Pierre-Damien Huyghe : « on aborderait l’appareil moins facilement, mais en se demandant quelque chose. […] L’appareil, lui, n’est pas immédiat. Il me fait des propositions et je ne fais avec lui qu’en m’interrogeant sur la façon qui sera la mienne. Je choisis en le réglant38. »
5. Le bricolage de milieu comme nouvelles affordances offertes aux usagères
Parler de conduites spectatorielles peut laisser croire que de nombreuses œuvres visuelles opèrent comme des partitions ou des scripts dirigeant le public comme une metteuse en scène dirige ses actrices. Il semble toutefois important de maintenir à distance le modèle théâtral – d’autant que ce n’est pas pour sa ressemblance au script que Michael Fried a parlé de théâtralité pour qualifier ces œuvres visuelles. Si penser au script risque de mettre sur une mauvaise voie, c’est que chacune est libre d’interpréter son propre rôle de la manière qu’elle le souhaite. L’œuvre ne pré-écrit rien. Le script ferme des possibles alors que, au contraire, l’œuvre qui emprunte au design de milieu, tout comme l’autolib, crée des possibles. Encore une fois, cela évoque des considérations inhérentes aux réflexions sur le design de milieu. Dans son livre Vers un design des milieux, Antonella Tufano mobilise la distinction que dresse la philosophe Joëlle Zask entre contexte et situation, en s’appuyant sur la pensée de John Dewey39. Elle rappelle alors que le contexte ferme des possibles alors que la situation en ouvre. La théoricienne du design montre ainsi que le design s’inscrit bien plus dans la génération de situations que de contextes40.
Prolongeant cette remarque, il semble alors tout à fait cohérent de réévaluer le cœur du design : le dessein ne concerne finalement pas la capacité à se représenter mentalement le processus pour passer du projet à sa réalisation ; le dessein concerne bien plus distinctement la capacité à se représenter mentalement quelques-unes des conduites offertes par le projet de design. Dès lors, un projet de design n’est pas fini au moment où un objet est réalisé, il doit attendre d’être objet de conduites pragmatiques pour être pleinement réalisé41. Le design est par conséquent un design de conduites possibles, un design de nouvelles affordances possibles.
Encore une fois, cette remarque résonne avec les arts plastiques contemporains et fait penser à la manière dont Jeppe Hein a pu s’y prendre pour concevoir son Invisible Cube. Il est intéressant de constater que l’installation Invisible Cube, du fait de l’alarme qui se déclenche dans la galerie, certes encourage le public à se coller aux murs blancs, mais est à l’initiative de comportements inventifs de la part du public. Autrement dit, le design en général et le design de milieu en particulier relèvent deux fois du bricolage : une première fois lors de la conception qui s’éloigne de l’ingénierie et une seconde fois en ce que le projet permet aussi aux usagers de bricoler. Quoique Jeppe Hein n’ait pas été formellement inventif, il laisse la possibilité au public de l’être pour lui.
S’il est vrai que le bricolage de milieu offre de nouvelles affordances c’est bien parce que les situations designées par bricolage ne visent pas de fonction distincte. Accepter ce point donne envie de repenser le design au regard de sa finalité à travers l’un des concepts les plus connus de la philosophie de l’art. Lorsque Emmanuel Kant théorise la finalité sans fin dans la Critique de la faculté de juger il précise en note de bas de page qu’il ne faut pas confondre la finalité sans fin de la belle nature avec la finalité sans fin identifiée de l’artefact retrouvé lors de fouille : l’ignorance de la fin (au sens de la fonction) n’est pas la même chose que l’absence de fin42. Dans le cas de l’objet-milieu et du bricolage qu’il permet avec les conduites, la situation est encore différente. L’objet-milieu, en tant qu’appareil, jouirait aussi d’une sorte de finalité sans fin déterminée : l’objet semble tellement être fait pour quelque chose qu’il semble évident qu’une intention lui préexiste et pourtant sa fonction reste relativement indéterminée. Il ne s’agit toutefois pas vraiment de la belle fleur dont la beauté est inutile, mais il ne s’agit pas non plus de l’artefact dont on ignore la fonction. Si la fonction n’est pas directement déductible de la forme de l’objet, même pour une personne de la culture dans laquelle l’objet a été généré, c’est parce que, idéalement, les fonctions sont indénombrables. La finalité est sans fin, presque au sens où elle est infinie. Le design se révèle pleinement ainsi avec le temps et peut au premier abord passer pour objet d’ingénierie avant que l’on entrevoie les affordances tapies en puissance qu’il offre. L’usagère bricole encore et encore avec l’objet-milieu, bien au-delà en fait des quelques conduites possibles envisagées au moment de la conception. Pensé dans sa radicalité, l’objet-milieu ne permet ainsi pas de tracer une différence nette entre son usage et son mésusage. Il est tout autant une invite à certaines actions, qu’une évite à d’autres actions43.
Rejouant le principe d’équivalence de Robert Filliou qui prône que bien fait, mal fait, pas fait sont tous les trois équivalents, l’objet-milieu permettrait de prôner un autre principe d’équivalence, cette fois entre le bien usé, le mal usé et, pourquoi pas, le non usé44. Le principe de Robert Filliou rend compte des arts plastiques dans leur dimension poïétique et praxique ; il attire l’attention sur les aléas de la situation de production, nécessairement au détriment des conditions de réception, de conduite et d’usage. Le principe d’équivalence lié à l’usage et au mésusage, au contraire, néglige la plasticité des conditions de productions mais attire l’attention sur la plasticité des conduites de réception et montre la forte parenté entre ces pratiques du champ des arts plastiques et le design.
Conclusion
La séparation entre arts plastiques et design est l’héritière d’une conception des beaux-arts comme passant par la production d’un chef-d’œuvre qui ne prend pas en compte, aucunement, les comportements spectatoriels, qui ne les anticipe pas. Cette conception des beaux-arts ne convient plus aux arts plastiques ; la manière dont les arts plastiques et le design parviennent à se distancier de l’objet permet de mieux comprendre les conditions historiques de leurs retrouvailles.
En parlant d’art autrement qu’art, Dominique Chateau a fait de l’objet le centre de l’art et a relégué du même élan aux marges les pratiques anticipant des conduites spectatorielles. Il serait intéressant – une autre fois – de se demander si la marge n’est pas en train de devenir la norme dans le champ des arts plastiques contemporains. Pour l’heure, il est intéressant de constater qu’on ne pourrait pas parler de « design autrement que design » en suivant la même trame que l’« art autrement qu’art » : le design de milieu tel qu’en parlent notamment Victor Petit et Antonella Tufano n’est pas du design autrement que design, ce n’est pas la marge du design, mais bien son cœur. Suivant ce qui a été dit précédemment, le design consiste à anticiper non pas tant la réalisation du projet qu’à anticiper, à appareiller dirait Pierre-Damien Huyghe, quelques-uns des multiples usages rendus possibles par le design. Suivre cette idée engage à repenser encore l’extension du design : les travaux sur le bricolage ont déjà montré l’importance qu’il peut y avoir à sortir du design les pratiques qui relèvent de l’ingénierie (et qui, de ce fait, ne bricolent pas) ; il faudrait à présent songer à sortir de l’extension du design les pratiques qui n’impulsent pas les usagères à bricoler avec leur milieu. En d’autres termes, faire du design est une pratique qui invite des personnes à inventer de nouvelles affordances, à repenser, sous l’impulsion du design, la relation avec leur milieu. Au risque de déterrer des concepts obsolètes, pourquoi pas remobiliser l’appellation « arts appliqués » pour identifier des pratiques qui ne designent pas de réponses comportementales et qui se contentent de modifier l’objet, sa forme, en laissant inchangés les usages ? Ces pratiques sont bel et bien appliquées à un usage, mais sans donner l’opportunité de réinventer les usages, sans donc qu’ait été designé des comportements possibles. Suivre une telle voie permettrait de donner pleinement au design son autonomie sur les arts appliqués et décoratifs et reconfigurerait le paysage artistique : certaines pratiques plastiques contemporaines, à l’instar de l’Invisible Cube de Jeppe Hein, relèveraient de plein droit du design, sans que personne ne vienne à se demander à quoi cet art serait alors « appliqué ».
S’interroger sur la proximité entre arts plastiques et design en faisant la part des choses des relations passées entre beaux-arts et arts appliquées permet ainsi d’attirer l’attention sur un faux-pas de l’histoire et de profiter de cette chute pour alors mieux la redresser.
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Sur cette appellation, voir : Molinier, Émile, Histoire générale des arts appliqués à l’industrie du Ve à la fin du XVIIIe siècle, notamment le volume III consacré au mobilier au XVIIe et XVIIe siècle (Paris, E. Levy, 189? pour ce volume). L’ouvrage est consultable en ligne sur gallica : \<https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97386924/f11.item>, consultée le 21 novembre 2024. ↩
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Pour donner quelques jalons historiques, il est intéressant de noter qu’est créée en 1864 l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie. Sur ses activités, voir : Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, Le beau dans l’utile. Histoire sommaire de l’Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, suivie des rapports du jury de l’exposition de 1865, Paris, Union centrale, 1866. Pour quelques extraits et une introduction récente, voir : Froissart, Rossela, « Le Beau dans l’Utile. Histoire sommaire de l’Union Centrale des Beaux-Arts appliqués à l’Industrie, 1866 », dans Fraixe, Catherine, Estelle Thibault, Bertrand Tillier (dir.), L’Art social de la Révolution à la Grande Guerre, Paris, INHA, 2014, \<https://doi.org/10.4000/books.inha.5492>, consultée le 21 novembre 2024. ↩
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Vial, Stéphane, Le design, Paris, PUF, 2024, p. 10. ↩
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Ibid. ↩
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Le terme « plastique » renvoyait dès le XVIe siècle à une pratique formelle semblable à la sculpture sauf que, au lieu d’enlever de la forme, on en ajoutait ou on la modelait. La plastique s’opposait alors au dessin et à la sculpture stricto sensu. Voir l’article « plastique, adj. et subst. », TLFi, 2002, \<https://www.cnrtl.fr/definition/plastique>, consultée le 21 novembre 2024. ↩
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Shaftesbury, Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times, with a Collection of Letters, vol. III, Basil, 1790, A Letter concerning the Art, or Science of Design, p. 329-340. Une réédition a été récemment faite dans : Shaftesbury, Second characters ; or, The langage of forms, Rand, Benjamin (éd.), Cambridge, University Press, 1914, « A Letter concerning Design », p. 18-27 (« designing arts » est employé aux pages 20 et 22 dans cette dernière édition et aux pages 332 et 335 dans la première édition). ↩
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Shaftesbury, Second characters ; or, The langage of forms, Rand, Benjamin (éd.), Cambridge, University Press, 1914, op. cit., « Plastics », p. 89-178, citation p. 98 (« plastic » est souligné dans le texte) et p. 148. ↩
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Ibid., p. 142 (ce passage est cité par Dominique Chateau dans son encadré sur la plastique, voir ici-même plus bas, note 10). Benjamin Rand compare justement le commentaire de Shaftesbury à la phrase de Lessing disant que Raphaël aurait été un excellent artiste même si, par malchance, il n’avait pas eu de mains (ibid., introduction, p. xxvi). ↩
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Shaftesbury, Characteristics of Men, Manners, Opinions, Times, with a Collection of Letters, vol 1, Basil, 1790, Soliloquy ; or, Advice to an Author, p. 131-313, emploi à la p. 179 … Une traduction de ce texte est disponible sur Gallica : Shaftesbury, Les conseils, Londres, 1773, \<https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54007649/f116.item.texteImage>, consultée le 21 novembre 2024. L’emploi du terme « plastique » est à la p. 85 (il faut chercher « plaftique » dans le moteur de Gallica). ↩
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Chateau, Dominique, article « Art », encadré 2 « Plastique, arts plastiques, bildenden Künste », dans Cassin, Barbara (dir.), Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, 2004. Une version de l’encadré est en ligne à cette adresse : \<https://vep.lerobert.com/pages_html/$ART2.HTM>, consultée le 21 novembre 2024. ↩
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Chateau, Dominique, « L’ambivalence de la notion d’arts plastiques : Lamennais et Taine », Nouvelle revue d’esthétique, no 31, 2023, p. 31-42, citation p. 34. Voir aussi du même auteur l’ouvrage – épuisé – Arts plastiques. Archéologie d’une notion, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1999 dont un des chapitres a donné, une fois remanié, l’article précédemment cité. ↩
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Sur les différentes histoires du design et notamment l’histoire du projet, voir l’article : Le Bœuf, Jocelyne, « Histoires du design : questionnement critique », Sciences du design, no 1, 2015, p. 76-83 et notamment le 2.1 « L’histoire du design comme histoire du projet » (p. 82). ↩
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Cf. Gentès, Annie, « Les “médiums malléables” : contribution à une théorie des médiums en design », Sciences du design, no 19, 2024, p. 142-159. ↩
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Fétro, Sophie, « Bricolages en design. Inventer des rapports non réguliers à la technique », Techniques & Culture, no 64 « Essais de Bricologie. Ethnologie de l’art et du design contemporains », 2015, p. 152-167, citation p. 155. ↩
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C’est anecdotique, mais il est peut-être à noter que bricoler et plastiquer partagent également une connotation guerrière : la bricole renvoie étymologiquement à la catapulte alors que plastiquer évoque aujourd’hui des bombes rudimentaires et « bricolées ». Pour l’histoire du terme bricolage, voir ibid., p. 153-154. La biologie a également eu recours aux notions de bricolage et de plasticité pour désigner des processus dynamiques non rectilignes et capables de se remodeler (Pierre Jacob s’est inspiré de Claude Lévi-Strauss pour parler de bricolage du vivant pour rendre compte d’une théorie de l’évolution non strictement sélectionniste, non « linéaire » ; les neurologues parlent de plasticité cérébrale pour rendre compte de la capacité des neurones à se reconfigurer). ↩
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La précision « dites immersives » vient du fait que j’ai généralement l’habitude de ne pas parler d’œuvres immersives, mais d’expériences immersives d’œuvres. Une œuvre, comme un dispositif, n’est pas en soi immersive. ↩
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Puisque ce texte n’étudie pas d’éventuelle différence culturelle de genre ou de sexe entre designeuses et designers, entre spectatrices et spectateurs, etc., il est facile de l’écrire entièrement au féminin sans jamais induire en erreur les personnes qui peineraient à voir l’accord au féminin comme neutre. C’est le choix qui a été fait. ↩
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Conjugué à la troisième personne du singulier et au présent de l’indicatif, l’anglicisme designe – sans accent sur le, à prononcer donc [dizajn], comme le design – suit l’usage oral pour parler d’une personne qui pratique le design. ↩
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Cela vaut pour la France du moins, puisque la notion d’arts plastiques, qui n’existe pas dans tous les pays, n’est pas réductible à celle d’arts visuels. ↩
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Les différents termes auxquels « design » est ici renvoyé sont inspirés d’une liste proposée dans : Tufano, Antonella, Vers un design des milieux, Paris, Hermann, 2024, p. 14. ↩
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Antonella Tufano remarque notamment, au sujet de Donald Judd qu’il « a produit des mobiliers fonctionnels pour sa maison et aussi pour la vente en collaboration avec des entreprises ; ses œuvres ont une proximité impressionnante avec les mobiliers, ce qu’il a assumé tout au long de sa vie. » Ibid., p. 26. ↩
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Le Philotope. La revue du réseau scientifique thématique Philau, dossier sur l’objet-milieu coordonné par Antonella Tufano, no 9, 2012. ↩
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Petit, Victor, « L’éco-design : design de l’environnement ou design du milieu ? », Sciences du design, n° 2, 2015, p. 31-39. ↩
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Tufano, Antonella, Vers un design des milieux, op. cit., p. 26-28. Antonella Tufano rappelle que la chose vient de la cause, « “ce pour quoi” on s’engage » (p. 27), alors que l’objet, avant d’avoir le sens courant d’objectif, évoque une opposition, un obstacle (p. 27). ↩
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Antonella Tufano fait la différence entre des « objets-milieu », des objets qui dialoguent avec le milieu et des « objets-milieux », des objets qui traversent différents milieux. Ibid., p. 149. ↩
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Il s’appuie pour cela sur la distinction entre écoconception et écodesign que propose Gaël Guilloux dans sa thèse en sciences et génie de l’environnement. Voir Guilloux, Gaël, Écodesign, du contexte au produit. Contribution méthodologique à l’intégration de l’environnement dans les métiers du design industriel, thèse de doctorat de de l’École Nationale Supérieure des Mines de Saint‐Étienne & de l’Université Polytechnique de Valencia, 2009, \<https://theses.hal.science/tel-00770953v1/file/2009_these_G_Guilloux.pdf>, consultée le 1er septembre 2024. C’est au cours du chapitre 1 que la distinction est posée. ↩
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Petit, Victor, « L’éco-design : design de l’environnement ou design du milieu ? », art. cit., p. 36. ↩
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Définie par James J. Gibson, la perception du milieu est en fait la perception des actions possibles qu’il appelle « affordance ». Gibson, James J., « The theory of affordance », dans Shaw, Robert et Bransford, John (dir.), Perceiving, Acting, and Knowing, Hillsdale/New Jersey/London, Lawrence Erlbaum Associates, 1977, p. 67-82. ↩
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Vial, Stéphane, « Qu’est-ce que la recherche en design. Introduction aux sciences du design », Sciences du design, n° 1, 2015, p. 22-36, citation p. 34. Le texte original auquel il se réfère est : « The aim of human ecologists is to construct a theory of human-environment interactions; their stance is descriptive and mainly analytical. Conversely, the aim of designers is to modify human-environment interactions and to transform them into preferred ones. Their stance is prescriptive and diagnostic. Indeed, design researchers, being also trained as designers – a fundamental prerequisite – are endowed with the intellectual culture of design; they not only look at what is going on in the world (descriptive stance), they look for what is going wrong in the world (diagnostic stance) in order, hopefully, to improve the situation. In other words, human ecologists consider the world as an object (of inquiry), whereas design researchers consider it as a project (of design). Their epistemological stance may thus be characterized as projective. » Findeli, Alain, « Searching for Design Research Questions : Some Conceptual Clarifications », dans Chow, Rosan, Jonas, Wolfgang et Joost, Gesche (dir.), Questions, Hypotheses & Conjectures : discussions on projects by early stage and senior design researchers, Design Research Network/iUniverse, Bloomington, 2010, p. 286-303, citation p. 293. Le propos d’Alain Findeli est très proche des thèses défendues ici, si ce n’est la dimension d’amélioration sur laquelle il met l’accent et qui n’est pas évoquée ici. ↩
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Nelson Goodman nourrit son analyse de « Quand y a-t-il art ? » sur le ready-made inversé de Marcel Duchamp au sujet de la peinture de Rembrandt utilisée comme couverture et se demande dès lors comment activer un objet comme art. Il est important de préciser que la notion d’activation de Nelson Goodman ne porte pas sur des comportements spectatoriels comme discutés ici, voilà pourquoi la relecture qui en est faite est à contre-courant des idées de Nelson Goodman. Voir Goodman, Nelson, « Quand y a-t-il art ? », Lories, Danielle (éd. et trad.), Philosophie analytique et esthétique, Paris, Klincksieck, 2004, p. 199-210. Marcel Duchamp ne parle pas de Rembrandt comme couverture, mais comme table à repasser (voir Duchamp, Marcel, Duchamp du signe, Paris, Champs Flammarion, 1994, p. 192). ↩
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Pour le début des anamorphoses qui repensent la posture du regardeur d’image, voir Baltrušaitis, Jurgis, Anamorphoses. Les perspectives dépravées II, Paris, Champs Flammarion, 1996, p. 25-54. ↩
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Fried, Michael, La place du spectateur. Esthétique et origines de la peinture moderne, C. Brunet (trad.), Paris, Gallimard, 1990, p. 30. Les citations au masculin n’ont pas été modifiées. ↩
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« Vers une fiction suprême » est le titre du chapitre 2 (ibid, p. 94). ↩
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Même Michael Fried semble se justifier du choix de ce terme dans son avant-propos en évoquant une filiation diderotienne (ibid., p. 10). ↩
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Une fois dégagée de tout désir, de toute attirance sexuelle et de toute considération animale, conformément à ce que l’histoire des idées a longtemps fait avec, il n’est pas absurde de voir la catégorie esthétique du beau comme celle qui permet le plus facilement de rendre compte du chef-d’œuvre. Ainsi, beaux-arts, chef-d’œuvre et œuvres anti-théâtrales se retrouvent indissociables. ↩
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À moins que, au contraire, le modèle du chef-d’œuvre ait repris la conduite qui préexistait dans les conduites religieuses et n’a rien inventé d’autres que de la rendre non religieuse. ↩
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Chateau, Dominique, L’art autrement qu’art, Paris, PUF, 2022. ↩
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Kasi-Tani, Tiphaine et Huyghe, Pierre-Damien, « À quoi tient le design : un entretien avec Pierre-Damien Huyghe », Sciences du Design, no 2, 2015, p. 71-81, citation p. 78-79. ↩
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Zask, Joëlle, « Situation ou contexte ? Une lecture de Dewey », Revue internationale de philosophie, 2008/3, no 245, p. 313-328. J. Zask finit son article en montrant la pertinence de penser la culture comme une situation, donc comme « quelque chose qui “pousse”, qui est “vivant” ou “dynamique” » (ibid., p. 325). Le design est en ce sens une pratique éminemment culturelle. ↩
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Tufano, Antonella, Vers un design des milieux, op. cit., p. 104. ↩
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Cette remarque permet peut-être de rendre compte de la difficulté à exposer de manière convaincante les produits issus du design : le public de ce genre d’exposition doit dépasser l’inhibition de sa boucle perception-action et être apte à se représenter mentalement quelques conduites possibles avec les objets présentés pour les saisir pleinement. ↩
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Kant, Emmanuel, Critique de la faculté de juger, A. Renaut (trad.), Paris, GF Flammarion, 1995, § 17, p. 216, note. ↩
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Le terme d’affordance est parfois traduit en français par le nom commun « invite » ; le néologisme « évite » y renvoie directement. ↩
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La coïncidence est trop heureuse pour ne pas évoquer l’œuvre de Maxime Bichon Extension du principe d’équivalence qui ajoute, dans une espèce de tableau à double entrée sur une petite carte la série « Bien vu, mal vu, pas vu ». ↩