Doctorante en Arts et Sciences de l'art, spécialité design, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Institut ACTE. Lors de ma CPGE en Arts et design puis de mon cursus universitaire en Design, Arts et Médias, mon intérêt s'est petit à petit centré sur le design (typo)graphique. Après avoir mené une recherche de master sur Les livres de graphistes, je m'oriente plus précisément vers la lettre avec ma recherche doctorale : Lorsque la lettre fait image : l'esthétique de David Carson. J'effectue ce doctorat en Arts et Sciences de l'art à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
margaux.moussinet@outlook.fr
Résumé
À partir du récent travail de collages de David Carson, publié dans son dernier livre nucollage.001, cet article propose de décrire et d'analyser sa pratique. Si l'esthétique de son travail serait plutôt celle du trop, sa démarche relève bien du peu. Son processus peut être rapproché de la théorie de la formativité de Luigi Pareyson et la définition du faire de Tim Ingold. Finalement, sa pratique de collage relève moins du design que du graphisme d'auteur. Enfin, il s'agit de montrer que cette pratique graphique nourrit les travaux de design de David Carson.
Abstract:
From David Carson's recent collages work, published in his latest book nucollage.001, this paper aims at describing and analyzing his practice. If his work's aesthetic is too much, his approach is more modest. His process is linked to Luigi Pareyson's formativité theory and to Tim Ingold's definition of making. His practice is more a matter for design authorship than design. This paper points out that this graphic practice nourishes David Carson's design works.
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Dans les années 1990, le travail de direction artistique de David Carson pour les magazines Beach Culture1 et Raygun2 a suscité tant la fascination que la controverse. S'il a également travaillé pour de grandes marques telles que Bose, Microsoft ou encore Nike, ses travaux suivants demeurent moins connus. Nous aimerions nous concentrer sur sa pratique la plus récente : celle du collage. Depuis 2018, le designer s'est lancé dans l'exploration de cette technique et son dernier livre publié en 2019, nucollage.0013, expose ces travaux. C'est de l'analyse de ce cinquième ouvrage que naît notre réflexion. Tout comme ses photographies ont donné naissance à Fotografiks4 vingt ans plus tôt, c'est une accumulation d'images collectées qui a initié nucollage.001 : « J'avais un très grand garage et je collectais des travaux de tous mes voyages effectués lors de ma carrière, en particulier récemment. Je déchirais des morceaux d'affiches dans les villes que je visitais, ou des posters que j'avais faits pour des conférences, ou que quelqu'un d'autre avait fait – ou parfois quelque chose que je trouvais sur le trottoir comme une boîte jetée ou un carton. Si ça m'attirait, je le ramenais à la maison5 ».
Si l'esthétique de ses visuels serait plutôt celle du trop, sa démarche et son processus relèvent bien du peu. Cette pratique du collage semble en fait concrétiser la démarche et l'attitude qu'il a adoptées tout au long de sa carrière : « Vous savez, je dis toujours que le collage était nouveau pour moi. Mais, d'une certaine manière, je crois que j'ai presque toujours fait du collage6 ».
Nous aimerions nous demander si cette pratique du collage relève bien du design : le design du peu ne deviendrait-il pas un peu de design ? Nous proposons de partir de l'analyse du travail de David Carson pour interroger sa pratique du design. Dans un premier temps, nous démontrerons que la démarche de ce designer relève bien du peu. Après avoir analysé ce qu'il fait, nous verrons que cette pratique ne correspond pas véritablement au design. Enfin, nous montrerons que sa pratique de graphisme d'auteur enrichit les travaux de design de David Carson.
1. Design du peu
1.1. Collecte de matière ordinaire
Dans un premier temps, il convient de démontrer ce que nous avons postulé en introduction : le design de David Carson est bien de l'ordre du peu. Attardons-nous tout d'abord sur la matière même de ses collages. Il s'agit de fragments de papiers collectés : portions d'affiches de ses conférences, affiches arrachées dans la rue, papiers ou « choses » ramassées sur un trottoir, morceaux de cartons... Plusieurs photographies de nucollage.001 montrent David Carson en train d'arracher ou de ramasser des fragments dans la rue. Cette matière première est donc tout à fait ordinaire, collectée dans l'environnement visuel quotidien du designer. La distinction qu'effectue Barbara Formis entre l'ordinaire et le quotidien dans l'Esthétique de la vie ordinaire nous paraît éclairante. Elle identifie la temporalité et la subjectivité comme les deux critères de distinction : le quotidien serait présent et subjectif alors que l'ordinaire relèverait du conditionnel et de l'impersonnel. Elle en conclut que « si le quotidien est ce que chacun fait, l'ordinaire est ce qui pourrait être fait par n'importe qui7 ». L'ordinaire serait donc de l'ordre de la potentialité, du possible. Ainsi, les morceaux de papier collectés par David Carson font partie de son quotidien, tout en appartenant à l'ordinaire : ils font partie du quotidien de tout un chacun passant au même endroit que David Carson. La seule différence réside dans le fait qu'il les remarque, et qu'ils attirent son attention.
Cette pratique de collecte témoigne en effet de l'attention perpétuelle que David Carson accorde à son environnement. Bien avant la collecte des morceaux de papiers qui composent ses collages, David Carson a toujours pratiqué une collecte photographique. Cette prise de vue continuelle fait d'ailleurs partie intégrante de sa pratique de designer. Il confie : « Je ne vais nulle part sans mon portable. Si je vais dans un nouvel endroit ou que je sors et que je n'ai pas mon portable, je dois retourner chez moi le prendre parce que je vais voir des choses. Des formes, des textures, des palettes de couleur8... ». David Carson tient à garder trace de ce qu'il repère, comme autant de sources d'inspiration potentielles. Cette collecte photographique a d'ailleurs fait l'objet de son quatrième ouvrage, Fotografiks9. Contraction de photography et graphics, David Carson définit ce néologisme comme « la photographie avec une attitude (de design graphique)10 ». On comprend bien que cette observation constante du monde est d'après lui une compétence nécessaire au designer graphique, et que la photographie est une « extension de son activité de designer11 ». Néanmoins, nous pouvons préciser que cette attitude d'observation attentive et esthétique n'est pas propre au métier de designer.
Fig. 1 : Table de café ayant inspiré la reliure de nucollage.001, © David Carson. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
Cette attitude n'est d'ailleurs pas toujours consciente. En effet, si à la lecture de Fotografiks nous pouvons identifier un attrait particulier pour l'esthétique de la rue et la lettre vernaculaire, le designer assume qu'« en fait, la plupart des affiches déchirées ou des panneaux tracés à la main que je rencontre ne présentent aucun intérêt [...] mais de temps en temps, les éléments se réunissent d'une manière qui me plaît... et c'est totalement subjectif et intuitif de ma part. Je ne suis pas sûr de comprendre moi-même ce qui rend un objet intéressant à mes yeux, tandis qu'un autre me semblera juste banal12 ». Afin de mieux comprendre la relation esthétique qu'entretient David Carson avec son environnement quotidien, revenons à l'Esthétique de la vie ordinaire de Barbara Formis. Nous avons vu que l'ordinaire a un caractère indéterminé : il est de l'ordre de la potentialité, du potentiel... qu'il suffirait de savoir déceler. Dans cet ouvrage, elle interroge donc la traditionnelle opposition entre l'art et la vie, en proposant plutôt une continuité entre les deux. Elle remarque que la dimension esthétique est traditionnellement réservée à l'art et qu'une certaine hiérarchie est communément établie : « l'ordinaire est en défaut par rapport à l'art, il lui manque inéluctablement ce que seul le monde de l'art est en mesure de lui apporter, une valeur ajoutée. L'ordinaire serait à l'art ce que la matière brute est à l'œuvre : un état de puissance que la transformation intentionnelle de l'artiste peut changer et activer13 ». Il semblerait donc nécessaire que cette matière ordinaire soit transformée pour acquérir une valeur esthétique.
Dans le cas de David Carson, c'est le fait de repérer des fragments de son environnement qu'il juge dignes d'intérêt (lors de la collecte), puis de les réassembler (lors du collage) qui va permettre à cette matière de gagner une valeur esthétique. Les morceaux de papiers qu'il collecte seraient esthétiquement insignifiants tant qu'il ne les aurait pas recomposés : on retrouve l'état d'une matière qui en elle-même serait dépourvue de valeur esthétique. Ce qu'il collecte est plutôt considéré comme des déchets destinés à être jetés. David Carson nous livre dans nucollage.001 une anecdote particulièrement révélatrice : lorsqu'il séjournait dans un hôtel à Amsterdam, le service de chambre a jeté les morceaux de papier qu'il était en train de composer, pensant qu'il s'agissait de rebuts ! David Carson explique dès les premières pages du livre qu'il entend au contraire donner une seconde vie à cette matière à travers ses collages : « J'aime le terme de repurposing, le fait de donner à ces petits morceaux de papier une nouvelle vie, un nouvel usage, une nouvelle raison d'être14 ». Par conséquent, le designer affirme clairement être dans une démarche de réemploi et de valorisation de la matière : il entend mettre en valeur ses propriétés plastiques et esthétiques.
Finalement, la transformation que va opérer David Carson par ses collages va permettre à la matière ordinaire d'être revalorisée. Mais Barbara Formis insiste bien sur le fait que cette valeur esthétique acquise est moins ajoutée que révélée : il ne s'agit pas de transformer la nature de cette matière ordinaire, mais simplement de dévoiler les qualités esthétiques décelées. Comment David Carson parvient-il à révéler la valeur esthétique qu'il décèle au sein de ces rebuts ? Il convient de préciser que, tant pour les morceaux de papier que les photographies, les trouvailles de David Carson ne sont pas réemployées directement pour ce qu'elles représentent, mais deviennent une matière première à manipuler. À partir de ces fragments, David Carson sélectionne, recadre, juxtapose, chevauche, brise, arrache, découpe, redécoupe, colle, change d'échelle, intègre d'autres éléments... afin qu'ils acquièrent un certain degré d'abstraction. Ou plutôt d'extraction : dès qu'ils sont photographiés ou collectés, ces fragments sont extraits de leur contexte pour devenir matière, et ainsi révéler leurs qualités esthétiques. C'est par exemple le cas des signes typographiques qui attirent particulièrement l'attention de David Carson : s'ils perdent leur dimension sémantique au sein de son travail, c'est pour mieux exalter leurs propriétés matérielles et plastiques.
1.2. Processus de collage
C'est à partir de ces opérations de manipulation de la matière que naissent ses collages. Il convient dans un premier temps de s'intéresser à cette technique. Le terme « collage » désigne aussi bien l'action de coller que le collage qui en résulte. Nous proposons d'étudier le processus plutôt que l'objet auquel il aboutit. Il semblerait que peu de choses soient nécessaires pour pratiquer le collage, mis à part la matière première. Si David Carson ajoute parfois un peu de peinture, cela reste trop exceptionnel pour être significatif. Au contraire, il semble chercher le degré zéro du collage, en se demandant par exemple, à propos d'un simple morceau de sac en papier qui semble se suffire à lui-même, « quand un collage cesse-t-il d'en être un15 » ? De plus, pratiqués par les enfants dès leur plus jeune âge, il apparaît que les collages nécessitent peu de compétences techniques. Comme le souligne Barbara Formis, cette technique connote plutôt une forme d'innocence et de naïveté : « L'objet vulgaire, et souvent sale, est récupéré par un travail formel de recyclage et d'agencement, lequel se veut aussi simple et méprisé que l'objet récupéré lui-même. Il n'est donc pas étonnant que le collage devienne une pratique privilégiée des amateurs et des enfants16 ». La pratique du collage semble finalement accessible et peu spécifique au métier de designer.
Fig. 2 : « Voiture selon Carson, âgé de deux ans et demi », dessin du fils de David Carson. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
Mais il y a bien une compétence nécessaire pour la pratique du collage : celle d'avoir l'œil. Contrairement à ce que la terminologie suggère, l'emploi de la colle n'est presque qu'anecdotique dans le processus de collage. Il s'agit donc avant tout d'une technique de composition et d'agencement d'éléments hétéroclites, comme la définit Amélie Gastaut dans le catalogue de l'exposition Roman Cieslewicz. La fabrique des images : « agencer des éléments distincts non destinés à être rassemblés17 ». Par tentatives, on cherche à confronter les éléments collectés, sans précisément savoir en quoi réside notre quête. L'œil devient alors le seul guide du designer lors de son processus. David Carson affirme même qu'« une grande part du design est juste d'observer ce que vous avez créé, de se faire des remarques mentales, ou d'arrêter et de réajuster quelque chose, se dire que « non, ça ne marche pas » ou « super, ça fonctionne18 ». À travers nucollage.001, David Carson souhaite non seulement présenter son travail, mais également ce processus.
Par ailleurs, dans une leçon de sa MasterClass, il s'est livré à la création de collages en direct19. Nous pouvons observer qu'il construit au sol plusieurs collages simultanément. Il précise que la base de son travail repose sur la matière qu'il a collectée, et le rapport personnel et affectif qu'il entretient avec elle : « Si vous avez un bon matériau source, ou qu'il vous plaît, vous aurez un meilleur résultat20 ». Il commence par repérer des palettes de couleurs qui pourraient fonctionner ensemble, par projeter des combinaisons de couleurs. Partir d'une qualité plastique de sa matière révèle bien le fait qu'il cherche à abstraire ce que les fragments récoltés représentent : « Je ne veux pas quelque chose de trop littéral. Je ne veux pas que vous soyez capable de voir qu'il y a un bateau ici ou ce genre de chose, parce que ce n'est pas le message21 ». Il découpe parfois des formes aux ciseaux, garde la contreforme, ou arrache même à main nue certains morceaux. La matière est librement malmenée et de cette spontanéité résulte l'esthétique bricolée des collages : David Carson ne cherche pas à lisser ses visuels, mais au contraire à faire apparaître la vivacité du processus, les morceaux déchirés à la main et les vifs coups de ciseaux.
Ainsi, à tâtons, David Carson recherche quelque chose d'inattendu, une juxtaposition surprenante, sans pour autant la prévoir à l'avance. Il déplace les morceaux entre les collages, essaie des combinaisons et agencements, semble tenter d'ajuster : « Quelque chose de sympa apparaît. C'est une couleur un peu dure, presque trop. Peut-être que l'on pourrait ajouter un peu de typographie dans celui-là. Maintenant une petite touche de couleur ici serait sympa. Et peut-être encore une touche de typographie ici. Celui-ci se rapproche, pas encore tout à fait là22 ». Cet extrait démontre qu'il arrive tout de même à verbaliser ce qu'il pense pendant qu'il fait, les raisons qui le font avancer. On remarque que le designer emploie souvent des expressions telles que « ça commence à arriver » ou « c'est quelque chose d'intéressant23 », sans pour autant réussir à expliquer pourquoi. Il semble se rapprocher peu à peu du résultat final, guidé par le collage lui-même en train d'apparaître : « Ceux-là sont vraiment proches. Ils hurlent qu'il y a un bon collage là-dedans24 ». Enfin, il procède à de petits ajustements lorsque la composition semble le satisfaire. Trois étapes parachèvent les collages. D'abord, le designer se redresse pour avoir un autre point de vue. Puis, il les photographie et ne colle les éléments qu'à la toute fin : « Et ils bougent toujours légèrement. Parfois ils deviennent meilleurs25 ».
Cette dernière remarque démontre que David Carson est réceptif à l'accident : « de temps en temps, quelque chose auquel vous ne vous attendiez pas se produit au cours du processus et vous vous dites "Waouh, c'est encore mieux que ce que j'avais imaginé26" ». Ouvert à se laisser surprendre par ce qui advient au cours du processus, il s'inscrit ouvertement dans une démarche expérimentale. Il semble donc opportun de s'arrêter un instant sur ce terme d'expérimentation. Dans un article où il tente de définir la notion de « typographie expérimentale27 », Peter Bil'ak s'appuie sur la définition de l'expérimentation dans le contexte scientifique : il s'agit de tester une idée, de valider ou d'invalider une hypothèse. Mais, ce terme semble prendre un sens contraire lorsqu'il est utilisé dans le champ du design graphique. Dans ce contexte, la notion d'expérimentation impliquerait plutôt de ne pas prévoir à l'avance ce que sera le résultat. L'expérimentation semble alors aller à l'encontre de la démarche de projet en design, où l'on conçoit un projet que l'on va ensuite réaliser. Peter Bil'ak conclut finalement que ce n'est pas ce qui est produit mais le processus qui est expérimental : c'est le moment du faire qui est expérimental, dans le sens où la forme émerge de la matière sans être préconçue. En fin de compte, c'est la définition de l'expérimentation par Tim Ingold qui décrit parfaitement le processus de David Carson : « Expérimenter, c'est tenter certaines choses et observer ce qui arrive28 ».
Soulignons ici encore l'importance de l'observation et du fait d'avoir « l'œil ». David Carson lie cette compétence à un processus de création qui repose entièrement sur son intuition. L'intuition serait le seul outil du designer véritablement fiable, qu'il s'agirait de savoir utiliser : « Tout le monde a une intuition. Il ne s'agit pas d'apprendre aux gens comment en avoir, mais d'apprendre soi-même à la suivre peut-être un peu plus. [...] Suivez-là et utilisez-là comme un outil de design29 ». À ce titre, son second ouvrage, 2nd Sight: grafik design after the end of print30, est entièrement dédié à l'intuition. Parmi les citations et textes qui apportent des éléments de définition et d'analyse de l'intuition, celui de Karrie Jacobs soulève un paradoxe. Dans son texte introductif de 2nd Sight31, elle remarque que les designers sont autorisés à se fier à leur intuition dans leur travail, mais qu'ils ne peuvent pas la revendiquer comme élément de justification de leurs choix. Bien au contraire, David Carson assume pleinement que son travail soit guidé par son intuition. Mais cette pratique, entièrement basée sur l'expérimentation et l'intuition, relève-t-elle bien du design ?
2. Peu de design
2.1. Formativité et Faire
Plutôt que de donner une forme, nous émettons l'hypothèse que David Carson fait une forme. Pour ce faire, nous établissons un lien entre la pratique de David Carson et la théorie de la formativité de Luigi Pareyson. Plusieurs éléments nous permettent de justifier ce rapprochement. D'une part, le designer met tout autant, si ce n'est plus, l'accent sur le processus que sur l'objet fini. Comme il le déclare à des étudiants pendant un workshop : « Nous cherchons une manière non-traditionnelle de faire les choses32 ». Il s'agit donc de toujours inventer la façon de faire du design. Cette idée fait directement écho à la définition de la formativité : « "former" signifie "faire" en inventant en même temps la "manière de faire33" ». De fait, le processus n'est pas l'application d'une manière de faire préétablie : « Il faut plutôt rappeler que le "faire" n'est véritablement un "former" que lorsqu'il ne se limite ni à exécuter quelque chose de déjà conçu, ni à réaliser un projet déjà établi, ni à appliquer une technique déjà éprouvée, ni à suivre des règles déjà fixées34 ». Nous avons bien vu en décrivant le processus de collage de David Carson que la forme n'est pas déterminée en amont par un projet qu'il s'agirait de réaliser, mais qu'elle résulte de l'acte de faire lui-même. On retrouve l'imprévisibilité du résultat liée au caractère expérimental de sa démarche. Cette remise en cause de la notion de projet explique également le fait que la forme émerge de la matière elle-même, au lieu d'être imposée à la matière.
D'autre part, Pareyson remarque que l'œuvre semble suivre une sorte de volonté interne qui fait qu'à un moment du processus, l'artiste est capable de dire que l'œuvre 1) est accomplie et 2) a été accomplie de la seule manière qu'il était possible de l'accomplir. D'où l'importance des tentatives, qui servent à découvrir la forme qui tend à être réalisée. On retrouve ici la conviction de David Carson que l'intuition, le fait d'avoir « l'œil », est le seul guide du designer. Cette intuition lui permet de déterminer l'aboutissement d'un projet, sans pour autant parvenir à l'argumenter : il sait quand le projet est abouti, que « ça marche » mais il ne sait pas expliquer comment il parvient à le savoir. Le lien avec Pareyson est indéniable : « l'opération artistique est un processus où l'on fait et où l'on exécute sans savoir à l'avance, de manière précise, ni ce que l'on a à faire ni comment il faut le faire, car on le découvre et on l'invente au fur et à mesure durant l'opération même et, une fois celle-ci réussie, on voit alors clairement que ce que l'on a fait était précisément ce qu'il fallait faire35 ». D'après lui, on ne peut réussir à déterminer ce moment d'aboutissement de la forme qu'en faisant. Ce moment du faire « consiste à la fois à chercher et à trouver, à tenter et à réussir, à essayer et à réaliser36 ». Il n'y aurait donc pas une idée de la forme antérieure à l'exécution qui viendrait la matérialiser, pas véritablement de moment de conception du projet. Le caractère exploratoire de la pratique de Carson est tout à fait lié à cette recherche de la forme par tentatives. Finalement, ce serait « l'œil » du designer qui servirait de guide pour faire émerger la forme.
Si, comme nous venons de le montrer, un lien est possible entre la théorie de la formativité de Luigi Pareyson et la pratique de David Carson, nous aimerions à présent rendre évidente une correspondance avec la définition du faire de Tim Ingold. Tout d'abord, les terminologies nous autorisent à pressentir une équivalence entre la formativité et le faire. Luigi Pareyson l'indique clairement : « former signifie, tout d'abord, "faire37" ». Au-delà de la terminologie, le principal point commun entre Luigi Pareyson et Tim Ingold est la remise en cause d'une conception dite « hylémorphique » du faire : « Nous sommes habitués à penser le faire en termes de projet. Faire quelque chose implique d'abord d'avoir une idée en tête de ce que l'on veut réaliser, puis de se procurer les matières premières nécessaires à cette réalisation. Et le travail s'achève lorsque les matières ont pris la forme qu'on voulait leur donner38 ». Selon ce modèle, la forme est préconçue lors du projet, puis imposée à une matière lors de la réalisation. Il n'est évidemment pas compatible avec la formativité de Pareyson, où le projet n'existe pas. La forme ne serait plus la réalisation d'une image projetée sur la matière. Cette démarche correspond tout à fait à la pratique de David Carson : il ne prévoit pas ses collages lors d'une phase de projet, mais manipule directement la matière afin de rechercher une forme. Il s'agit plutôt de suivre les potentialités de la matière. En outre, Tim Ingold compte débarrasser le faire de ce modèle qu'il qualifie d'hylémorphique, en proposant de le définir plutôt comme « un processus de croissance39 ». La manipulation de la matière est un processus fluide, et non pas une décomposition d'étapes successives entre un point de départ et un point d'arrivée. Nous l'avons vu lors de la description du processus de collage de David Carson, il est impossible de prédéfinir quand la forme de son collage sera aboutie. Bien au contraire : « chaque pas est induit par le précédent tout en induisant le suivant, et qui mène toujours bien au-delà de la destination initiale40 ». C'est bien chaque tentative, chaque positionnement de fragment de papier, qui induit le suivant.
En ce qui concerne cette notion d'aboutissement de la forme, nous avons vu avec Pareyson que celui qui fait arrive à déterminer le moment où la forme est aboutie. Quant à Ingold, il relate une expérience de fabrication de paniers menée avec ses étudiants : « La fin nous est apparue, non pas lorsque nous avons abouti à une forme correspondant à nos attentes – puisque nous n'avions pas d'idée claire de ce que nous voulions obtenir – mais avec le déclin de la lumière du jour, la perspective imminente d'une grosse pluie [...] et avec l'impression que chaque nouvelle branche devenait quelque peu superflue41 ». Ici, il semble tout de même possible de déterminer une fin, une forme qui semble aboutie à celui qui fait. En se débarrassant de la notion de projet inhérente à la conception hylémorphique, les notions de point de départ et point d'arrivée ne sont plus aussi déterminantes, voire tendent à ne plus être signifiantes, étant donné que la fin n'est pas préconçue à l'avance. La notion même d'achèvement n'est plus totalement appropriée : « en l'absence de toute conception préalable de la forme, il est non seulement impossible de répondre à la question de savoir si l'objet est achevé ou non, mais il n'y a même aucun sens à poser une telle question42 ». L'état d'achèvement de la forme est donc remis en cause.
Fig. 3 : David Carson à l'œuvre. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
David Carson revendique d'ailleurs cet état de non-aboutissement, en présentant dans nucollage.001 son travail en train de se faire. Tout d'abord, il indique clairement à la fin du livre qu'il s'agit de l'impression d'un travail en l'état, à un moment donné. Il constitue d'ailleurs la première étape d'une trilogie d'ouvrages, comme le suggère la mention « 001 » du titre. De plus, plusieurs images sont en fait des photographies du designer en train de travailler. La place accordée au « studio » est prépondérante et nombreuses sont les photographies des collages en contexte, incluant l'espace dans lequel ils ont été composés. Notons d'ailleurs que la notion de lieu organise tout l'ouvrage : chaque partie correspond à un lieu de création43, présenté par une photographie en ouverture de chapitre. On comprend donc que le studio du designer est mobile et dépend surtout de son lieu de vie. Cet état non-abouti est également suggéré par les collages eux-mêmes qui ne semblent pas collés. Sans fixation, la composition est relativement fragile car muable voire éphémère : tout fragment de papier est encore susceptible de bouger. Le designer arrange et réarrange lui-même ses compositions sans cesse, avant de juger une composition satisfaisante. Parfois, un même collage est présenté à des étapes différentes : avec un fragment ajouté ou soustrait ou un autre essai de composition ou d'orientation, par exemples. La photographie devient ici le moyen d'immortaliser cet instant éphémère du collage. Cette modification perpétuelle est permise par le fait de travailler à même le sol, en posant simplement les fragments sans les fixer. Ainsi, le projet et, dans une certaine mesure, l'objet abouti, sont absents de la pratique de collages de David Carson. Sans objet et sans projet, peu d'éléments semblent nous permettre d'affirmer que cette pratique relève du design.
2.2. Le design, discipline du projet ?
La disparition du projet dans la pratique de collage de David Carson nous invite à nous demander : peut-on pratiquer le design sans projet ? De prime abord, il semblerait que le projet soit constitutif de la définition du design. Si Alain Findeli repère la « disparition de l'objet44 » dans cette discipline, la disparition du projet semble remettre en cause la définition même du design. Dans Le design, Stéphane Vial l'assure clairement : « Le design est une discipline du projet45 ». Il distingue le design industriel, qui prend sa source au XXe siècle, de la notion de design qui remontrait, quant à elle, à la Renaissance italienne et au projet architectural. Le design serait la méthode de conception qui séparerait l'étape d'élaboration (progetto), d'une part, de l'étape de réalisation (progettazione), d'autre part. Ces deux phases sont regroupées sous le terme de disegno, traduit à la fois par « dessin » et « design ». On retrouve ainsi l'articulation qui définit couramment le design : celle du dessein au dessin. Mais cette définition du projet rejoint la conception dite hylémorphique de la forme qui, nous l'avons vu, ne correspond en aucun point à la pratique de David Carson. Tim Ingold revient d'ailleurs sur cette articulation entre dessein et dessin. Il propose de remettre en cause la fonction du dessin, en le considérant « non pas comme la projection d'une image toute faite, mais comme la trace d'un mouvement ou d'un geste comparable au tissage ou à la gravure sur un rocher46 ». En suggérant que le dessin ne soit plus la projection d'une image mentale, il le détache de tout projet qui serait préalable.
Par ailleurs, il semblerait que le design soit par essence social et critique, ayant pour vocation d'améliorer l'existence. Cette notion d'amélioration présuppose à l'origine du projet de design une insatisfaction. Le design serait en fait une solution proposée à un problème repéré, d'où le fait qu'il soit décrit comme une activité de problem-solving47. Mais, ici encore, il s'agit de projeter un futur préférable : « Le design est donc une pratique de création tournée vers le futur et sous-tendue par une intention méliorative. [...] C'est pourquoi la notion de "projet" est si décisive en design48 ». Afin de dépasser cet étrange paradoxe d'un design sans projet, nous nous référons de nouveau à Tim Ingold, qui propose plutôt d'associer le design à la prévision : « Prévoir, ici, c'est voir dans le futur, plutôt que projeter une situation dans l'avenir ; c'est voir où l'on va, et non pas se fixer un point d'arrivée49 ». Il ne s'agit plus de préconcevoir un résultat et de chercher à l'atteindre, mais d'entrevoir un processus, en restant réceptif à sa fluidité. Mais en l'absence de projection, que reste-t-il comme élément(s) constitutif(s) du design ?
Stéphane Vial, pour poursuivre avec son propos, postule que le designer crée pour les autres alors l'artiste crée pour lui-même. Mais cette distinction entre l'art et le design est-elle opérante ? En effet, dans le cas des collages de David Carson, nous repérons plutôt que le designer crée d'abord pour lui-même. D'après Stéphane Vial, le designer aurait une forme de responsabilité envers ses usagers et devrait donc faire preuve d'objectivité. Il explique que « là où l'artiste n'a aucune explication à fournir pour justifier ses choix de formes, de couleurs ou de matières, le designer doit au contraire donner des raisons afin que ses choix puisent être objectivement reconnus comme des choix ayant un sens pour les autres50 ». Nous retrouvons ici la remarque de Karrie Jacobs selon laquelle le designer n'est généralement pas autorisé à revendiquer un travail fondé sur l'intuition. Mais, prônant un travail basé sur l'expression de la personnalité, David Carson adopte une démarche toute sauf objective. Le fait d'avoir l'œil comme seul guide semble également échapper à cette exigence d'objectivité. Le designer défend plutôt que l'expérience de vie propre à chacun exerce une influence directe sur le travail et constitue la clé d'un travail véritablement singulier. Cette expression personnelle du designer est-elle incompatible avec une forme l'altruisme ? Nucollage.001 semble en effet autant présenter le travail de David Carson, que nous convier à entrer dans sa vie personnelle. Mais cette invitation ne traduit-elle pas justement une volonté de s'adresser à l'autre, au lecteur de son ouvrage ?
Fig. 4 : Chambre d'hôtel à Amsterdam où David Carson a séjourné et travaillé accompagné de son fils, © Bob Becker. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
Son travail étant intrinsèquement lié à sa vie privée, il semble naturel pour David Carson de nous faire entrer dans son intimité. Plusieurs éléments nous permettent de l'affirmer. Tout d'abord, nous avons déjà noté que l'ouvrage est divisé en fonction des lieux où sont nés les collages, nous invitant presque à voyager avec David Carson. Le designer et ses lieux de vie sont iconographiquement très présents. Ces photographies s'accompagnent parfois d'anecdotes sur sa vie privée, comme le fait que son garage soit un lieu qu'il affectionne particulièrement, ou la nécessité d'assurer lui-même les tâches ménagères lorsqu'il a acquis son appartement à Amsterdam. Les références à sa passion, le surf, sont également présentes au sein de l'ouvrage, notamment par des photographies du designer en train de surfer. Au-delà du designer lui-même, ses collaborateurs, rencontres, amis ou proches, sont aussi mis en avant tout au long du livre. Le dernier chapitre, intitulé « Tout le reste », inclut même une double-page exposant des photos de famille, tel un album. Ses enfants sont présentés, et le designer partage parfois des moments très intimes de sa vie de famille : le fait qu'il voit son dernier fils peu souvent, ou encore le décès de sa maman. Cet évènement important a d'ailleurs donné lieu à une série de collages intitulée « Cœurs brisés », liant affectivement ses émotions à son travail. Les évènements heureux comme malheureux de la vie du designer sont librement évoqués : l'anniversaire de son fils, une visite au zoo, la tempête Irma qui a touché sa maison en Californie... et même un ongle arraché lors d'une séance de surf ! Nul doute que le designer nous invite à partager un moment privilégié avec lui.
Fig. 5 : : Collage de la série « Cœurs brisés », suivant le décès de sa maman. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
David Carson s'adresse directement au lecteur par les légendes, rédigées dans un langage très familier et avec des abréviations. Elles se résument parfois même à un seul détail du collage, invitant le lecteur à y prêter attention. Dès le début du livre, une dédicace au crayon à papier ainsi que le souhait que son travail nous « transporte51 » instaure un lien personnel avec son lecteur. Notons d'ailleurs que cette volonté de susciter une réaction affective chez son lectorat a toujours été une ligne directrice dans sa carrière, en affirmant que la communication est avant tout basée sur l'émotion52. Afin d'y parvenir, David Carson ne cesse d'insister sur le fait « qu'il y a un humain derrière cela53 », que son travail est le fruit de sa personnalité et de son expérience de vie. Enfin, il semblerait que la publication d'un livre rassemblant ses collages témoigne de cette volonté d'établir un lien personnel avec les récepteurs de son travail. En effet, il convient de préciser que les travaux de collages de David Carson sont amplement partagés sur son compte Instagram54. Mais ce média ne lui permet pas de s'adresser aussi personnellement et intimement à son lecteur que nucollage.001. La matérialité même du livre le démontre : il s'apparente à une pile de collages maintenus par deux plats, avec une reliure cousue apparente qui suggère une certaine transparence, une forme de mise à nu. Au terme de ce moment, nous pouvons conclure que la pratique de collage de David Carson relève peu du design. D'une part, nous avons vu qu'elle s'affranchit totalement du projet. D'autre part, si David Carson tient grandement compte des lecteurs de nucollage.001, sa pratique basée sur l'expression personnelle tend plus vers une pratique artistique. Mais nous aimerions postuler que, si cette pratique de collages n'appartient que peu au design, elle va venir nourrir voire enrichir sa pratique de designer.
3. Nourrir la pratique du design
3.1. Une pratique de graphisme d'auteur...
La large part d'expression personnelle présente au sein de travaux graphiques nous conduit à mentionner une pratique qui se trouve « dans les périphéries de la création graphique – les écoles d'art et ce territoire flou situé aux confins du graphisme et des arts plastiques55 » : le graphisme d'auteur. Il s'agit d'une notion apparue dans les années 1990 et qui compte répondre au besoin de légitimation du rôle du designer graphique. Adjoint à la discipline du graphisme, le concept d'autorat suppose que le designer graphique prend part au contenu des messages, au lieu d'intervenir seulement au moment de les communiquer. Mais, dans son article fondateur Le Graphiste-auteur56, Michael Rock identifie deux contextes où il semble difficile de revendiquer la propriété intellectuelle du message. Il s'agit des agences de communication, où le travail est bien souvent collectif, ainsi que de la relation entre un client et un designer graphique. Dans ce cas, l'élaboration du contenu par le client est généralement préalable à la création de la forme commandée au designer. C'est la raison pour laquelle le graphisme d'auteur est plutôt associé à des travaux auto-initiés, où le designer dépasse la présupposée distinction contenu/forme. C'est bien dans ce contexte hors-commande que sont nés les collages de David Carson. Il décrit nucollage.001 comme « un livre plus personnel, dans un sens, au lieu de juste montrer un éventail de travaux commerciaux. Il n'y avait pas de clients, pas de commande, je faisais juste ce que je pensais être bon avec personne pour me surveiller57 ».
Mais il convient de préciser que, dans son article, Michael Rock ne compte pas David Carson parmi les graphistes auteurs. Pour ce faire, il s'appuie sur les critères d'Andrew Sarris, selon lesquels un réalisateur de film serait un auteur, qu'il applique ensuite au graphiste. Andrew Sarris avance que, pour être auteur, le réalisateur doit non seulement faire preuve d'une grande maîtrise technique, mais également avoir une « signature stylistique58 ». Michael Rock admet que David Carson répond à ces deux critères : même s'il est autodidacte, il maîtrise les techniques de création de visuels. Quant à la signature stylistique, rappelons que de grandes marques ont commencé à démarcher David Carson pour les compositions très identifiables de ses pages de magazines. Rick Poynor discerne même un style « raygun-esque59 », c'est-à-dire une expérience visuelle qui présentait le même niveau d'intensité et d'excitation que la télévision. Cependant, c'est le troisième critère d'Andrew Sarris qui amène Michael Rock à conclure que David Carson n'est pas un auteur : celui de la constance thématique et de la « vision personnelle60 ». En effet, il annonce clairement : « il ne semble pas que les formidables "stylistes" que sont Carson et [Fabien] Baron soient éligibles au Panthéon des auteurs, à cause de la difficulté à discerner dans leur travail un "message" qui transcende l'élégance stylistique (dans le cas de Baron) ou l'inélégance très étudiée (pour Carson) de leur production graphique61 ». À l'inverse, Michael Rock accorde le statut de graphiste-auteur à Pierre Bernard, en raison de ses affiliations politiques qui suggèrent « des idées plus vastes, une qualité de profondeur plus grande62 » de son travail.
Nous souhaiterions néanmoins démontrer ici que David Carson répond bel et bien à ce troisième critère. Tout d'abord, une constance thématique est tout à fait identifiable chez David Carson : celle de la typographie. Que ce soit son attrait pour les lettrages vernaculaires lors de sa collecte photographique, l'affranchissement des règles de composition des textes, ou le traitement plastique de la lettre dans ses collages, le caractère typographique est central dans le travail de David Carson. De plus, l'exemple de Pierre Bernard suppose que ce dernier critère repose sur une posture critique et des convictions affirmées. Tout au long de sa carrière, David Carson n'a eu de cesse d'exprimer son opinion selon laquelle l'expression personnelle est garante d'un design graphique authentique63. En outre, il a défendu dans The End of Print64 le fait que la lisibilité n'est pas au centre de la communication. Son célèbre slogan graphique « Don't mistake legibility for communication65 » est d'ailleurs reproduit dans nucollage.001... vingt-quatre ans après la parution de The End Of Print ! De plus, il affirme avec 2nd Sight66 sa position quant à l'intuition qui guide le travail du designer. Enfin, le fait que ce designer ait publié cinq ouvrages ne nous convainc-t-il pas de son travail d'auteur ?
Il convient ici de se référer à un autre théoricien du graphisme d'auteur : Steven McCarthy. D'après lui, la notion de graphisme d'auteur débute par le constat de la pluralité des activités des designers : au design s'ajoute également des activités d'écriture et de publication, qui sont autant de moyens pour les designers d'exprimer leurs idées. Ces activités témoignent d'un engagement plus important dans le contenu et le sens de leur travail. Son ouvrage The Designer... As Author, Producer, Activist, Entrepreneur, Curator and Collaborator67 repère les multiples facettes du métier de designer qui écrit, s'exprime, publie, émet des commentaires sociaux et politiques, initie ses propres travaux, gère son entreprise, crée des expositions... Précisons que Steven McCarthy est lui-même le co-commissaire de l'exposition Designer as Author: Voices and Visions68, dont l'appel à contribution sollicitait « des graphistes ayant adopté une posture qui transcende la production commerciale traditionnellement orientée vers le service, et qui mènent des projets de nature personnelle, sociale ou expérimentale69 ». Le rôle d'intermédiaire que joue le designer dans le processus de communication est ici clairement discuté.
Ainsi, le graphisme d'auteur redéfinirait le processus en design, afin d'affirmer un rôle plus étendu et signifiant. En outre, Steven McCarthy cite parmi les principes du graphisme d'auteur : de nouvelles opportunités de collaborations, une relation plus étroite entre la forme visuelle et le contenu littéral, un espace dédié à l'expression personnelle ou encore un engagement social et politique plus affirmé. Par tous ces aspects, le graphiste auteur n'est plus un « donneur de forme soi-disant neutre et objectif70 », mais pense le sens de son travail en réfléchissant à « ce que son travail signifie, à qui il s'adresse et sa raison d'être71 ». On retrouve le constat d'Ellen Lupton selon lequel le graphiste auteur dépasse la fonction passive de prestataire72. Plus qu'un auteur, elle propose de considérer le designer comme un producteur73. Elle s'appuie ici sur la conception moderne de la production : les techniques de fabrication ne sont pas neutres, mais possèdent un sens esthétique et culturel. En tant que producteur, le designer se doit donc d'avoir conscience des moyens de production et de leurs significations. C'est en effectuant des choix conscients que les designers participent à l'élaboration du sens de leurs travaux. Dans ce contexte, la forme visuelle n'est plus seule à être au centre des préoccupations du designer graphique. Ce sont plutôt « comment et par qui est produit le design74 » et « ce qu'on dit et pourquoi on le dit75 » qui sont au cœur du graphisme d'auteur. Steven McCarthy en conclut que le graphisme d'auteur serait une forme de conscience du design graphique. De ce fait, le graphisme d'auteur est plutôt défini par l'attitude, le positionnement adopté par le designer graphique, que par le contexte de création. Au terme de ce passage, nous pouvons tirer trois conclusions. Premièrement, la pratique de David Carson relève bien du graphisme d'auteur dans la mesure où ses convictions témoignent d'une vision personnelle du design graphique. De plus, le graphisme d'auteur est une forme d'extension, d'élargissement du design graphique. Enfin, une pratique d'auteur ne semble pas totalement incompatible avec le contexte de commande et de relation avec un client.
3.2. ... qui nourrit la pratique du design graphique
D'une part, il apparaît que le graphisme d'auteur impliquerait une sorte de hiérarchie de valeurs : le recul critique, que cette pratique suppose, ferait du graphisme d'auteur une forme plus raffinée de design graphique. Dès lors, le graphisme d'auteur apporterait quelque chose de positif au design graphique, en ce qu'il aurait « enrichi, légitimé, développé et renforcé la discipline76 ». D'autre part, il semblerait que seuls les graphistes auteurs, par des projets auto-initiés, pourraient jouir du privilège de penser un contenu et quitter le rôle de sous-traitant qui se cantonnerait à résoudre les problèmes d'un client. En somme, le peu de contraintes (ou des contraintes auto-imposées) permettrait de bénéficier d'une plus grande liberté, ce qui pourrait s'apparenter à un luxe ultime pour cette profession créative. Mais nous avons également noté que le graphisme d'auteur est avant tout une démarche et une attitude. Est-elle vraiment incompatible avec le contexte de la commande ? Au contraire, nous postulons que la pratique du graphisme d'auteur vient nourrir et enrichir la pratique du design.
Fig. 6 : Réemploi d'un collage lors des recherches pour les pochettes d'album de John Coltrane. Source : Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019.
Si notre propos est centré sur la pratique des collages de David Carson, nous n'oublions pas qu'il travaille aussi pour de nombreux clients. Plusieurs liens peuvent être tissés entre sa pratique d'auteur et ses travaux de commande. Le premier élément est le réemploi de recherches graphiques pour des travaux de clients. Si nucollage.001 est un projet auto-initié, le designer assume qu'il a réexploité son travail de collage au sein de commandes : « si vous avez un travail artistique personnel que vous pratiquez, il y a souvent un contexte où vous pouvez l'utiliser77 ». On peut par exemple remarquer qu'il a utilisé des visuels issus de ses collages pour des clients comme la marque de whisky The Macallan78, ou pour les albums de John Coltrane. [Figure 6] Ici, les collages deviennent eux-mêmes la matière de nouveaux visuels. Il s'agit moins de réexploiter à tout prix ce travail personnel, que de remarquer quand le contexte s'y prête. Pour The Macallan, David Carson raconte : « Ce n'est pas vraiment une affaire de regarder le client et de se dire "oh, ils ont besoin d'un collage". C'était plutôt une combinaison du fait qu'ils ont fait appel à moi parce qu'ils avaient vu mon travail de collage, et de moi qui suis allé dans leur distillerie en Ecosse. [...] C'est vraiment un travail très humain et manuel. Donc j'ai vraiment senti quand j'ai présenté des idées que le collage faisait sens pour ce client particulier79 ». Soulignons que certains clients démarchent David Carson parce qu\'ils ont connaissance de son travail, qu'il soit commandé ou auto-initié. Le designer dispose en effet de plusieurs médias : son site internet80 déploie une galerie de travaux commandés par des clients et son compte Instagram81 donne plutôt à voir sa pratique personnelle. En outre, nous souhaiterions insister sur le point commun repéré par David Carson entre la fabrication du whisky et ses collages : la dimension manuelle. Par ses collages effectués à la main, le designer entretient un rapport tout à fait direct et sensible à la matière, ce qui confère une valeur supplémentaire aux visuels ainsi créés. Tim Ingold explique en quoi ce retour à la main est qualitatif : « Autrefois, il eût paru inutile de dire qu'un article a été "fabriqué à la main". [...] Mais dans le monde d'aujourd'hui, ce qui est "fait main" ou "cousu main" est une marque de distinction. Ce type de fabrication dénote une sorte d'authenticité et d'engagement personnel82 ». C'est finalement dans ce rapport direct et physique que réside la différence entre le travail antérieur de David Carson et les collages qu'il a produits ces dernières années : « Je composais vraiment déjà les choses à l'œil et à la main. Mais le faire physiquement comme je viens de le faire, c'est nouveau. C'est revigorant. Et c'est amusant83 ».
Finalement, cette pratique récente des collages ne diffère pas tant des autres travaux de David Carson, et nous pouvons plutôt repérer une sorte de continuité. Nous avons déjà remarqué en première partie que David Carson a toujours pratiqué la collecte de matière (notamment photographique) qui constitue une banque de données réemployées au moment opportun. À titre d'exemple, David Carson fait part d'une anecdote84 sur sa couverture de l'album The Fragile pour le groupe Nine Inch Nails. La photographie utilisée résulte en fait d'une erreur lors du développement de photographies prises au Texas. Le propriétaire de la boutique n'osait même pas les présenter à David Carson, car il avait honte d'avoir ruiné les photographies et endommagé la pellicule. Mais le designer les a quant à lui trouvées incroyables, et l'une d'entre elles est finalement devenue la couverture de l'album. Mis à part le réemploi de trouvailles précieusement collectées, David Carson a toujours eu besoin de revenir à un rapport manuel lors de la création de ses visuels. S'il travaille inévitablement sur son ordinateur, ce n'est pas sans prendre une certaine distance avec les logiciels. Ces outils permettent de gagner en efficacité mais ne sont pas toujours adaptés avec sa démarche exploratoire. Dans sa thèse, Nolwenn Maudet85 remarque que les logiciels sont conçus pour des designers qui ont une idée précise en tête, et qui souhaitent la réaliser de manière efficace. Il s'agit du modèle dit hylémorphique de conception de la forme qui, nous l'avons vu, ne correspond pas à la méthode de travail de David Carson. L'immatérialité de l'écran n'est pas tout à fait adaptée à la spontanéité du designer, et il ressent toujours le besoin de retrouver un rapport plus matériel en imprimant pour observer et ajuster les éléments manuellement. Cette composition exploratoire, à tâtons, que nous avons analysée dans la partie 2.1, n'est d'ailleurs pas spécifique à sa pratique de collages. Qu'il s'agisse d'un visuel pour un client ou d'un collage, David Carson ne préconçoit jamais une forme, mais tente de faire advenir son visuel à partir de la matière plastique en sa possession. Si la méthode de travail ne diffère pas entre sa pratique personnelle et les travaux commandés, nous pouvons affirmer que le graphisme d'auteur est bien une question d'attitude adoptée.
Bien qu'auto-initié, nucollage.001 s'inscrit donc dans la continuité du travail de David Carson. Cet ouvrage semble même constituer un moment pour faire le point sur sa pratique. Les références à ses premiers travaux pour les magazines y sont nombreuses. Dès la première partie, il considère, rétrospectivement, une double-page de Beach Culture comme son premier travail de collage. On retrouve également des photographies qui le montrent en train de travailler manuellement sur des pages de Transworld Skateboarding, rappel que son travail a débuté avec d'autres outils que l'ordinateur. Dans la dernière partie, toute une double-page est consacrée à son travail pour le magazine Raygun, qui lui a véritablement permis de gagner en notoriété. Par ailleurs, la matière textuelle du livre contribue à garder une trace, fixer un souvenir de la création de ses collages. Les visuels sont la plupart du temps accompagnés d'une anecdote sur sa récolte de matière ou sur la création du collage. Nucollage.001 est même un moment de prise de recul du designer sur son propre travail. David Carson désigne certains collages comme « préféré » ou « peut-être pas abouti », comme autant de commentaires critiques sur ce qu'il a produit. Comme des notes mentales, il relève également des éléments qu'il a trouvé intéressants : le verso des fragments, la texture du papier, des ombres, une couleur... autant de caractéristiques plastiques à exploiter dans de prochains travaux.
Conclusion
Au terme de cette étude, nous pouvons conclure que le peu n'implique pas forcément le moins, mais se transforme au contraire en une qualité supplémentaire. Nous sommes partis du constat que la pratique du collage de David Carson relève du peu : une matière pauvre et ordinaire, peu de compétences techniques requises... mais beaucoup d'attention, d'expérimentations et d'intuition. Parce qu'elle ne repose pas sur un projet, nous avons constaté que cette pratique ne correspond que peu à la définition usuelle du design. Si David Carson revendique une plus grande part d'expression personnelle au sein de ses travaux, sa pratique tend vers l'artistique, et correspond au graphisme d'auteur. Dans ce contexte, le peu de contraintes imposées par un client permet d'élargir le rôle du designer. En somme, il semblerait que le peu, d'une part, s'équilibre par le plus, d'autre part. Notre étude nous permet d'apercevoir un lien entre le quantitatif et le qualitatif : il semblerait que la restriction permette finalement de révéler, nourrir, élargir voire enrichir.
Bibliographie
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De 1989 à 1991. ↩
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De 1992 à 1995. ↩
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Carson, David, nucollage.001, Burlington, Hula Publishing, 2019. ↩
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Carson, David, Meggs, Philip B., Fotografiks, London, Laurence King, 1999. ↩
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« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 09, « Collage Art for Designers », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 18/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « Well, you know, I used to say a collage was new to me. But in some ways, I guess I've almost always done collage ». ↩
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Formis, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p. 50. ↩
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« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 02, « An Intuitive Approach to Design », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design consulté le 19/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « I'm never without my phone. And if I go for a walk in a new city or something and I don't have my phone, I have to go back because I'm going to see something. Some shape, some texture, some color registers... ». ↩
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Carson, David, Meggs, Philip B., Fotografiks, op. cit. ↩
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Ibid., p. 3. [Traduction de l'auteur] Version originale : « Photography with a [graphic design] attitude ». ↩
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Ibid., p. 24. [Traduction de l'auteur] Version originale : « he sees photography as an extension of his activities as a designer ». ↩
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Carson, David, cité dans Berger, Warren, « What makes David Carson tick ? », Affiche, n°14, 1995, p. 49. ↩
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Formis, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, op. cit., p. 106. ↩
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Carson, David, nucollage.001, op. cit., non paginé. [Traduction de l'auteur] Version originale : « I like the term repurposing, these bits of paper are given a new life, a new purpose, a new reason for being ». ↩
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Ibid., non paginé. [Traduction de l'auteur] Version originale : « When a collage is no longer a collage? This is just one piece of a torn bag ». ↩
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Formis, Barbara, Esthétique de la vie ordinaire, op. cit., p. 61. ↩
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Gastaut, Amélie, Roman Cieslewicz. La fabrique des images, catalogue de l'exposition au Musée des Arts Décoratifs, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 2018, p. 23. ↩
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Carson, David, nucollage.001, op. cit., non paginé. [Traduction de l'auteur] Version originale : « a huge part of design is just observing what youve created, making mental notes or stopping and readjusting something, saying no, not happening or oh, nice, thats working ». ↩
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Voir « David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 09, « Collage Art for Designers », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 19/05/2021. ↩
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Ibid. [Traduction de l'auteur] Version originale : « If you have source material that's good or that you like, you're going to have better results. [...] The best work comes to the individual pieces have some significance to your life, to your existence ». ↩
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Ibid. [Traduction de l'auteur] Version originale : « I don't want anything too literal. I don't want you to be able to see like there's a boat here and that sort of thing, because that's not the message ». ↩
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Ibid. [Traduction de l'auteur] Version originale : « That's kind of something nice going. Rather difficult color, it's almost too strong. Maybe we could bring some more type into this one. Now there a little hint of the color is pretty nice. And maybe a hint of another letter over here. And this one is getting close, it'd not quite there ». ↩
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Ibid. ↩
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Ibid. [Traduction de l'auteur] Version originale : « These guys are close. They're screaming that there's a good collage in here ». ↩
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Ibid. [Traduction de l'auteur] Version originale : « And they always move slightly. Sometimes they get better ». ↩
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« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 02, « An Intuitive Approach to Design », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design consulté le 19/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « But every now and then, something you weren't expecting happens in the process and it's like, "whoa, that's even better than I thought" ». ↩
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Bil'ak, Peter, « Experimental Typography. Whatever that means », Items, n°1, 2005, disponible en ligne sur https://www.typotheque.com/articles/experimental_typography_whatever_that_means, consulté le 27/03/2020. ↩
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Ingold, Tim, Faire : anthropologie, archéologie, art et architecture, traduit de l'anglais par Hervé Gosselin et Hicham-Stéphane Afeissa, Bellevaux, Éditions Dehors, 2017, p. 32. ↩
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« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 02, « An Intuitive Approach to Design », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design consulté le 19/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « Everybody has intuition. It's not a matter of teaching people to have it, but it is a matter of teaching yourself maybe to listen to it more. [...] Listen to it and utilize it as a design tool ». ↩
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Carson, David, Blackwell, Lewis, 2nd sight: grafik design after the end of print, Londres, Laurence King, 1997, non paginé. ↩
-
Jacobs, Karrie, « Court traité philosophique sur l'intuition », Ibid. ↩
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Carson, David, Blackwell Lewis, 2nd sight: grafik design after the end of print, op. cit., non paginé. ↩
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Pareyson, Luigi, Esthétique, théorie de la formativité, [1988], traduit de l'italien par Gilles Tiberghien, Paris, Éditions rue d'Ulm, 2007, p. 24-25. ↩
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Ibid., p. 73. ↩
-
Ibid., p. 83. ↩
-
Ibid., p. 84. ↩
-
Ibid., p. 73. ↩
-
Ingold, Tim, Faire : anthropologie, archéologie, art et architecture, op. cit., p. 59. ↩
-
Ibid., p. 60. ↩
-
Ibid., p. 108. ↩
-
Ibid., p. 64. ↩
-
Ibid., p. 100. ↩
-
Après la première partie introductive, la seconde présente les collages réalisés dans le garage de sa maison en Californie. Les trois suivantes présentent son travail réalisé à Amsterdam, respectivement dans un hôtel, une auberge de jeunesse et son propre appartement. ↩
-
Findeli, Alain, « La recherche-projet : une méthode pour la recherche en design », communication lors du premier Symposium de recherche sur le design à la HKG de Bâle les 13 et 14 mai 2004, disponible en ligne sur http://projekt.unimes.fr/files/2014/04/Findeli.2005.Recherche-projet.pdf, consulté le 09/01/2020. ↩
-
Vial, Stéphane, Le design, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2015, p. 11. ↩
-
Ingold, Tim, Faire : anthropologie, archéologie, art et architecture, op. cit., p. 160. ↩
-
« L'essence du design réside dans le processus qui consiste à découvrir un problème partagé par beaucoup de gens et à tenter de le résoudre », dans Hara, Kenya, Designing Design, Baden, Lars Müller Publishers, 2008, p. 24. ↩
-
Vial, Stéphane, Court traité du design, op. cit., p. 47-48. ↩
-
Ingold, Tim, Faire : anthropologie, archéologie, art et architecture, op. cit., p. 156. ↩
-
Vial, Stéphane, Court traité du design, op. cit., p. 47. ↩
-
Carson, David, nucollage.001, op. cit., non paginé. ↩
-
Voir à ce sujet son premier ouvrage : Carson, David, Blackwell, Lewis, The End of Print: The Graphic Design of David Carson, Londres, Laurence King, 1995. ↩
-
Gosling, Emily, « Anti-grid Design Icon David Carson Says Computers Make you Lazy + Indie Magazines Needs to Liven Up », art. cit. [Traduction de l'auteur] Version originale : « There's a renewed interest in being able to tell that there's a human behind it ». ↩
-
@davidcarsondesigner, disponible sur https://www.instagram.com/davidcarsondesigner/, consulté le 25/08/2921. ↩
-
Rock, Michael, « Le Graphiste-auteur », [1996], dans Armstrong, Helen, Le graphisme en textes, lectures indispensables, Paris, Pyramyd, 2011, p. 108. ↩
-
Ibid. ↩
-
Gosling, Emily, « Anti-grid Design Icon David Carson Says Computers Make you Lazy + Indie Magazines Needs to Liven Up », art. cit. [Traduction de l'auteur] Version originale : « All of that makes it a more personal book, in a sense, instead of just showing a bunch of commercial work. There was no client, no brief, I was just doing something that felt right with no one overseeing me ». ↩
-
Sarris, Andrew, The Primal Screen, Simon and Schuster, New York, 1973, p. 50-51. ↩
-
Poynor, Rick, « Alternatif à dessein ? », La loi du plus fort. La société de l'image, Paris, Pyramyd, 2001, p. 48. ↩
-
Sarris, Andrew, The Primal Screen, op. cit., p. 50-51. ↩
-
Rock, Michael, « Le Graphiste-auteur », art. cit., p. 113. ↩
-
Ibid., p. 112. ↩
-
Notamment dans Carson, David, « Why a bird signs », Print, n°20.3, Automne 2016, p. 64-69. ↩
-
Carson, David, Blackwell, Lewis, The End of Print: The Graphic Design of David Carson, op. cit. ↩
-
Traduction de l'auteur : « Ne confondez pas lisibilité et communication », voir Figure 2 ↩
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Carson, David, Blackwell, Lewis, 2nd sight: grafik design after the end of print, op. cit. ↩
-
McCarthy, Steven, The Designer As Author, Producer, Activist, Entrepreneur, Curator and Collaborator, Amsterdam, BIS Publishers, 2013. ↩
-
Designer as Author: Voices and Vision, Northern Kentucky University, du 08/02/1996 au 08/03/1996, commissariat assuré par Steven McCarthy et Cristina de Almeida. ↩
-
Appel à contribution de l'exposition cité dans Rock, Michael, « Le Graphiste-auteur », art. cit., p. 113. ↩
-
Dalla Mura, Maddalena, « The Designer as... Interview with Steven McCarthy », 2013, disponible en ligne sur http://graphic-design-exhibiting-curating.unibz.it/2013/11/16/the-designer-as-interview-with-steven-mccarthy/, consulté le 26/08/2021. ↩
-
Ibid. ↩
-
Lupton, Ellen, « The Designer as Producer », dans Heller, Steven, The Education of a Graphic Designer, New York, Allworth Press, 2015, p. 214-219, disponible en ligne sur http://elupton.com/2010/10/the-designer-as-producer/, consulté le 03/04/2020. ↩
-
Dès le titre, Ellen Lupton indique que son article se réfère directement à Benjamin, Walter, « L'artiste comme producteur », [1934], Essais sur Brecht, Paris, La Fabrique Éditions, 2003, p. 122-144. ↩
-
Vanderlans, Rudy, « Graphic Design and the Next Big Thing », Emigre, n°39, 1996, disponible en ligne sur https://www.emigre.com/Essays/Magazine/GraphicDesignandtheNextBigThing, consulté le 26/08/2019. ↩
-
McCarthy, Steven, The Designer As Author, Producer, Activist, Entrepreneur, Curator and Collaborator, op. cit., p. 13. ↩
-
Ibid., p. 12. ↩
-
« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 09, « Collage Art for Designers », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 18/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « So if you have your personal side of artwork or something you're doing, there's very often a place you can use it ». ↩
-
Les visuels issus de la collaboration sont disponibles en ligne sur https://www.themacallan.com/fr-fr/david-carson-archival-folio, consulté le 04/10/2021. ↩
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« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 10, « Working with clients », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 18/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « So it wasn't so much a matter of me looking at this particular client and saying, "oh they need a collage". It was like a combination of them coming to me because they'd seen some of that and then me spending time at their distillery in Scotland. [...] I mean it's very human, hands-on work. So I really felt when I presented some ideas that, well, collage make sense for this particular client ». ↩
-
Disponible sur http://www.davidcarsondesign.com/, consulté le 27/08/2021. ↩
-
@davidcarsondesigner, disponible en ligne sur https://www.instagram.com/davidcarsondesigner/, consulté le 25/08/2021. ↩
-
Ingold, Tim, Faire : anthropologie, archéologie, art et architecture, op. cit., p. 255. ↩
-
« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 09, « Collage Art for Designers », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 18/05/2021. [Traduction de l'auteur] Version originale : « I really was arranging things still by eye and by hand. But in terms of physically doing it like I have, that's new. And it's refreshing. And it's fun ». ↩
-
« David Carson teaches graphic design », David Carson's MasterClass, mis en ligne en avril 2021, leçon 04, « Using Photography in Design », disponible sur https://www.masterclass.com/classes/david-carson-teaches-graphic-design, consulté le 18/05/2021. ↩
-
Maudet, Nolwenn, Designing Design Tools, thèse de doctorat en Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication, Université Paris-Saclay, disponible en ligne sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01827014v2, consulté le 07/04/2020. ↩