Éditorial n°8
Catherine Chomarat-Ruiz

À quoi peut bien servir l'éditorial d'une revue électronique ? À donner une couleur au numéro qu'il ouvre ? Dans notre cas, ce serait plutôt d'unité de ton dont il s'agit pour le numéro 8 de Design, Arts, Médias, comme pour tous ceux qui l'ont précédé. En relisant les éditoriaux de notre revue avant que d'écrire celui-ci, c'est au fond l'esprit critique qui, une fois de plus, s'impose comme animant notre ligne éditoriale. Mais cet esprit critique ne va pas sans être propositionnel.

1. Critique versus renouveau créatif et militant

La critique apparaît d'emblée, de façon implicite, dès le titre de notre «Dossier thématique». Dirigé par Béatrice Gisclard et Marine Royer, il porte en effet sur Les vulnérabilités à l’épreuve de la sobriété : apports et perspectives pour les disciplines de conception. S'il s'agit, on s'en doute, d'arrêter le saccage de nos ressources naturelles et d'encourager à concevoir autrement, que ce soit dans le champ du design, de l'architecture et de l'urbanisme, l'objectif de ce dossier ne s'arrête pas à la simple critique. En effet, les articles réunis tendent à montrer que cette exigence de sobriété engage un renouveau créatif et militant des projets.

2. Critique versus horizon déontologique

C'est le même état d'esprit qui se dégage de l'enquête sociologique menée auprès d'une trentaine designers français et étrangers. Publiée dans «Paroles d'auteurs», cette série d'entretiens porte sur Le design et ses pratiques (volet 2). De la reconnaissance à l'action. Son objectif est de cerner la manière dont ces professionnels s’estiment reconnus (ou pas) dans leurs compétences, le lien qu’ils établissent entre leur métier et un engagement tant éthique que politique. Cette enquête de terrain, menée grâce à mes étudiantes et étudiants du master 2 «Design, Arts, Médias» (Paris 1 Panthéon-Sorbonne), vise ainsi à tester les hypothèses formulées au sein du séminaire de recherche Vers une théorie critique du design. Or, là encore, la parole critique de ces professionnels, qui révèle parfois la souffrance au travail, ne va pas sans propositions concrètes pour réformer la profession et améliorer l'habitabilité du monde.

3. Critique versus prises de positions

Les rubriques « Critiques» et «Varias» n'échappent pas à cet état d'esprit (critique). La recension signée par Ambre Charpier porte en effet sur l'ouvrage d'Ellie Wyatt intitulé PARALLAX : Conspiracy Theories, Details, and the Act of Looking Closely. Si, à travers sa critique, l'autrice s'attache à la crise conceptuelle qui se joue entre les champs du voir, du savoir et de la croyance, c'est précisément pour ne pas céder à la fatalité d'images qui vogueraient, sans prise, entre «la vérité et l’invérité». Quant à l'article de Yann Aucompte, il examine le design graphique sous l'angle de l’histoire (critique) des idées et de la philosophie critique des techniques. Ici aussi, la critique engage l'horizon d'autres formes pratiques, des constructions alternatives à celles héritées des «classes lettrées».

Allez, il est grand temps de lire, d'un oeil critique — il va de soi !— afin de proposer, pour nos rubriques, des contributions critiques critiques...