Paesaggio casalingho d’Alessandro Mendini ou l’invention d’une médialité du paysage ménager
Claire Azéma

Agrégée d'arts appliqués, Maître de conférences en design à l'Université Bordeaux Montaigne, membre du Laboratoire ARTES, UR 24141. Ses thèmes de recherche portent sur les relations entre art contemporain et design (happening et design), le Bricolage et la seconde vie des objets et textiles, le Faire en design (anthropologie et micro-projet) et l'étude des situations et restitutions de workshops en design. Elle a coordonné l'an dernier l'Acte 1 du numéro 3 de la revue Design Arts Médias consacré aux Arts de faire et plus précisément aux Modes d'existence de l'atelier en arts et en design. Elle est à l'initiative de la création du Master Design-Situé : Milieux et Matériaux (dont elle est la responsable, ouverture prévue en septembre 2023) à l'Université Bordeaux Montaigne.

Résumé :
Nous présentons ici les premiers éléments théoriques constitutifs d'une recherche sur la notion de paysage ménager et/ou paysage domestique à partir de l'ouvrage écrit par Alessandro Mendini, intitulé Paesaggio casalingo et de son prolongement dans le projet Tea and coffee piazza qu'il coordonne à la même époque pour la firme Alessi. Alessandro Mendini mène au sein de son ouvrage une réflexion qui apparaît a priori comme une nouvelle manière de considérer les objets ménagers comme un système constitué par un ensemble de relations physiques, spatiales, techniques et symboliques, ce qui est une définition possible du paysage. À l'appui de la théorie de la médiance développée par Augustin Berque et de la théorie de l'expérience de John Dewey, nous faisons l'hypothèse de l'existence d'une expérience médiale située. Dans ce cadre le design apparaît comme un processus de conduite de valuation dont les produits modulent la médialité de la relation au milieu.
Abstract :
We present here the first theoretical elements constituting a research on the notion of household landscape and/or domestic landscape based on the work written by Alessandro Mendini, entitled Paesaggio casalingo and its extension in the Tea and coffee piazza project that he coordinated at the same time for the firm Alessi. In his work, Alessandro Mendini leads a reflection that appears a priori as a new way of considering household objects as a system made up of a set of physical, spatial, technical and symbolic relations, which is a possible definition of landscape. In support of Augustin Berque's theory of mediance and John Dewey's theory of experience, we hypothesize the existence of a situated medial experience. In this context, design appears as a process of valuation whose products modulate the mediality of the relationship to the environment.

Introduction

En 1979, Alessandro Mendini, théoricien et praticien du design publie un ouvrage intitulé Paesaggio casalingo1, dans lequel il présente une sorte d’inventaire raisonné des différentes orientations de la production de la firme italienne Alessi, depuis sa création en 19212. L’expression Paesaggio casalingo pourrait se traduire en français par paysage ménager. Il s’agit, contrairement à la conception traditionnelle de la notion de paysage, de définir celui-ci en le situant non à l’extérieur d’un espace habité (extime), mais au contraire à l’intérieur d’un espace habité (intime) relevant spécifiquement de la vie domestique, en l’occurrence ici, de l’espace de la cuisine dans une maison.

Au-delà, d’une recherche autour de ce qu’on nommerait aujourd’hui l’ADN d’une marque, Alessandro Mendini mène au sein de son ouvrage une réflexion qui apparaît a priori comme une nouvelle manière de considérer les objets ménagers comme un système constitué par un ensemble de relations physiques, spatiales, techniques et symboliques, ce qui est une définition possible du paysage. Cette catégorie d’objets (contenants ou ustensiles) dédiée au transport, à la conservation, à la transformation et à la consommation de la nourriture, a été au cours du XXème siècle le témoin de l’évolution de l’espace de la cuisine sous l’impulsion de l’hygiénisme, du modernisme et de la rationalisation du « travail domestique ».

Que signifie le recours à la comparaison entre cet ensemble catégoriel d’objets et la notion de paysage ? Peut-il exister un paysage intérieur, domestique ? C’est le postulat d’une célèbre exposition qui s’est déroulée au MoMa de New York en 1972, et qui réunissait sous le titre Italy : The new domestic landscape3, un large panorama du design italien de tous bords (industriel, contro-design, anti-design). S’inscrivant à la charnière historique entre la réduction de l’architecture issue des mouvements radicaux et la pré-figuration de l’architecture post-moderne, le recours à la notion de paysage théorisée par les organisateurs, établie des relations entre le paysage extérieur (urbain) et le paysage intérieur dit domestique. Il nous semble tout d’abord, que ce parallèle entre deux topos du paysage interroge autant la domestication des paysages sauvages, que la domestication des masses opérée à partir des années 1920 par les politiques publiques et les normes qu’elles imposèrent aux concepteurs de l’habitat pour standardiser les manières de vivre au travers de l’idéal du progrès scientifique et technique4.

Le vocable paysage domestique évoque, par ailleurs, le phénomène de la naturalisation de la technique, évoqué par Simondon dans Imagination et invention5, en effet, la cuisine est un des milieux domestiques qui a connu la plus grande évolution technique6 depuis la révolution industrielle. Bien que la plupart des inventions techniques aient eu, à leurs débuts, du mal à s’y implanter7 (à l’échelle du rythme industriel), au début des années 1980, la plupart des appareils ménagers électriques, des contenants et ustensiles en plastique, sont couramment utilisés. Leur usage est devenu « naturel », au sens où ils font partie du décor au sein duquel se déroulent nos pratiques courantes à l’image des jardins et paysages qui environnement nos lieux de vie. Ainsi, si l’on peut aisément parler d’une artificialisation de la nature (de longue date) dans le travail agricole, il est tout aussi pertinent de parler du phénomène inverse de la naturalisation de la technique dans l’environnement quotidien, au sens où au fil des évolutions techniques, c’est au sein du foyer qu’elles finissent par devenir familières. Il est alors possible de se demander dans quelle mesure, le recours à l’expression paysage ménager pour désigner un ensemble d’objets pris dans leur milieu d’existence ne relève pas d’une entreprise de naturalisation des objets techniques de la cuisine.

L’ouvrage d’Alessandro Mendini sera prolongé par le projet Tea and coffee piazza édité par Alessi en 1983. Au début des années 1980, après la période critique du design radical, les designers de ce qui se qui prend le nom de Nouveau-design, cherchent à valoriser la relation entre l’humain et son environnement quotidien artificiel afin d’actualiser son sens. Il s’agira pour nous, dans cet article d’interroger la cuisine comme milieu d’existence8 et non comme espace purement fonctionnel et de comprendre comment Mendini entend, au travers de ce projet, conceptuel et pratique, moduler9 les valeurs associées aux usages ou rituels10 des objets ménagers. Les valeurs sont alors à comprendre ici, dans un premier temps dans leur nature tonale, c’est-à-dire comme des variations temporaires de la médialité du paysage ménager.

Pour traiter de ce parti pris, nous ancrerons notre réflexion dans la théorie de la médiance11 d’Augustin Berque pour préciser ce que nous entendons par médialité12 dans le cas qui nous intéresse ici. Nous ferons également appel à la théorie du milieu13 chez le philosophe pragmatique John Dewey et aux travaux du philosophe Gilbert Simondon dans sa théorie de l’invention14, pour comprendre comment s’invente cette médialité au travers des images qui entrent en jeu dans la relation de l’individu à son milieu d’existence quotidien. Afin d’exemplifier et de donner corps à cette approche théorique nous étudierons le paysage ménager définit par Alessandro Mendini en prenant en compte ses ramifications théoriques avec le paysage domestique et ses ramifications méthodologiques et pratiques dans le projet Tea and coffee piazza15, mené entre 1979 et 1983 pour Alessi. Nous espérons ainsi éclairer la notion de médialité et proposer une méthode possible pour moduler les valeurs d’un milieu d’usage.

Nous souhaitons ici aborder ce moment du design où la porosité entre décor intérieur et environnement extérieur a conduit les designers et notamment Alessandro Mendini à faire dialoguer deux topos du paysage pour inventer, selon notre hypothèse une nouvelle médialité, c’est-à-dire des ressources physiques et techno-symboliques, inspirées du paysage urbain, modulant la relation de l’individu à son milieu d’existence, ici la cuisine. Au-delà, de cette modulation des imaginaires de la cuisine, nous verrons également comment la cuisine devient le lieu d’une transformation en retour des imaginaires de la ville, qui tend vers l’élaboration d’un imaginaire commun. Cependant, nous présentons ici, les fondements d’une réflexion théorique sur l'invention de la médialité du paysage ménager, dont toutes les hypothèses ne pourront pas être développées et vérifiées dans l’article. Il s’agit ici, d’établir en premier lieu, les liens qui construisent cette hypothèse, afin qu'elle puisse être développée et étayée au travers de travaux ultérieurs.

1. Paysage ménager

1.1. Du paysage domestique au paysage ménager

1.1.1. Faire entrer la ville dans le foyer

L’expression paysage domestique est apparue, nous l’avons dit, dans le champ du design à l’occasion de la célèbre exposition du MoMa de New York intitulée Italy : The new domestic Landscape, en 1972. Si certains objets issus de l’industrie des plastiques y étaient présentés, l’histoire du design a surtout retenu les propositions d’aménagement spatial issues des mouvements radicaux et de l’anti-design. La notion de paysage domestique telle qu’elle est définie par Emilio Ambasz, architecte et directeur du département architecture provient en partie du constat suivant : « l’environnement domestique devient […] le théâtre de la reconstitution de formes et de scenarios introduits de l’extérieur.16 » Admettant la dimension scénique (théâtre) et fictionnelle (scenarios), de l’environnement quotidien, l’architecte et théoricien de l’architecture présente une médialité nouvelle issue de la réduction de l’architecture17, héritée des mouvements radicaux. Celle-ci repose sur la production de nouveaux imaginaires issus des conditions et des formes provenant de la vie urbaine moderne, se matérialisant dans de nouveaux dispositifs spatiaux et de nouvelles relations entre l’usager et son milieu d’existence. Cette observation renvoie au fait que le modèle d’existence dominant est devenu le modèle urbain. La médialité de l’existence domestique ne repose donc plus sur un système techno-symbolique relié spatialement et physiquement au paysage végétal mais à un paysage urbain. Apparaît alors une dichotomie entre les représentations traditionnelles du foyer et la réalité urbaine des paysages quotidiens. L’expression paysage domestique représente donc une tentative de faire entrer la question de la ville (qui sera centrale dans l’architecture post-moderne qui émergera à la fin des années 1970), au travers de ses paysages, dans le creuset des imaginaires que constitue le foyer.

1.1.2. Utiliser le creuset du foyer pour instaurer une nouvelle médialité du paysage domestique

Il serait trop long de résumer ici l’histoire de l’architecture radicale et son impact sur le design italien des années 1960, néanmoins la mise en relation directe du paysage et des usages quotidiens du foyer, trouve sa source dans la réduction de l’architecture dont le Cushicle et le Suitaloon d’Archigram, en 1967 ou le Bureau de Hans Hollein en 1969 forment des exemples marquants. La disparition de l’architecture en tant que cadre bâti, prônée par les groupes d’architecture et de design radicaux, conduisent certains groupes à présenter, à New York, des scènes de la vie quotidienne dans des espaces aux étendues infinies faisant se téléscoper sans l’intermédiaire des portes, des fenêtres ou des murs, les individus pris dans leur quotidien et le paysage d’une modernité fonctionnaliste et consumériste portée à son paroxysme. C’est le cas du projet présenté par Superstudio dans l’exposition du MoMa, ou de la No-Stop-City d’Archizoom en 1970. Dans cet exemple, bien que traitée sous un angle différent, la vie quotidienne se déroule dans l’espace d’un territoire infini qui serait le paysage dystopique de la modernité fonctionnaliste et consumériste. Or, ces deux groupes de designers produiront en parallèle du mobilier pour la maison : la série Misura M de Superstudio éditée par Zanotta de 1969 à 1972, le canapé Safari d’Archizoom édité par Poltronova en 1969. Le rapprochement entre les deux topos du paysage urbain moderne et du paysage domestique est donc déjà présent dans des productions antérieures au projet de Mendini. Le programme soumis aux designers italiens pour l’exposition du MoMa suggère que « dans ce processus [de rapprochement], nous attribuons inévitablement à ces importations [de formes et problématiques urbaines] d’autres niveaux de signification et modifions ainsi leur structure. Cette procédure nous [les usagers, les humains] permet de développer différents modes de perception de la réalité de ces formes et de ces scenarios. Ces nouveaux modes sont à leur tour, exportés vers le monde extérieur, c’est-à-dire vers d’autres environnements domestiques18 ». Faire entrer la considération du paysage urbain dans l’aménagement d’espace intérieur implique selon Ambasz un dialogue et des aller-retours modulant la perception de l’espace urbain et de l’espace domestique. Cette vision des choses n’est pas sans rappeler la ritournelle19 de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui ont montré comment le mouvement de déterritorialisation et de reterritorialisation permet20 la répétition. Le philosophe François Dagognet dirait même que les aménagements intérieurs ou les objets, redoublent le paysage extérieur comme le fait l’objet de l’objet (emballage, contenant). Ainsi, redoubler les esthétiques de l’urbanité contemporaine au sein du cadre de vie intime et privé, constituerait le moteur de la mise en place de la ritournelle post-moderne et instaurerait un nouveau paysage, entendu comme cadre et fond techno-symbolique du quotidien de nos existences.

Il se produit donc dans le phénomène décrit par Ambasz, l’apparition d’une nouvelle médialité, ou plutôt d’une mise à jour intrinsèque à la médialité et nécessaire à l’existence sociale humaine. En effet, selon Augustin Berque, la condition humaine est liée à l’écriture de l’histoire, à la nécessité d’écrire dans l’ordinaire quotidien une histoire du commun, sous peine de le faire disparaître. L’enjeu de la prise en considération du paysage domestique est donc d’assurer l’actualisation des médialités du quotidien tissant le lien entre les individus d’une même société et leur milieu d’existence devenu majoritairement urbain. Dans le prolongement de cette considération pour le paysage domestique Alessandro Mendini approfondi cette approche dans son Paysage ménager.

1.2. Paysage ménager

1.2.1. Le projet d’Alessandro Mendini

En 1979, Alessandro Mendini reprend et fait évoluer l’idée du paysage domestique au travers de l’expression « paysage ménager », mettant la focale sur les « objets ménagers » de la table. Dans l’introduction de l’ouvrage Paesaggio casalingo, il évoque la domesticité de la catégorie des objets ménagers que nous utilisons quotidiennement dans nos activités ménagères : « La multitude d’outils, d’ustensiles et d’accessoires de cuisine et de table permettant de transformer, d’ornementer et de contenir les aliments avant et pendant les repas peut être définie comme des “objets domestiques“.21 »

Les adjectifs « domestique » et « ménager », sans avoir la même étymologie ont un sens assez proche. Cela dit, le terme domestique se rapporte à la maison, au domaine, au territoire de la famille, alors que le second correspond à l’activité du foyer, « à l’ensemble des tâches domestiques se rapportant à l’entretien d’une famille22. » L’adjectif ménager renvoie donc à l’ensemble des activités qui constituent et entretiennent le milieu familial. L’ensemble des activités nous conduisant à être en relation avec notre environnement pour notre survie et le maintien de notre être relève de ce que Jakob von Uexküll nomme le « milieu », c’est-à-dire un espace pratiqué, voire aménagé pour la vie humaine. L’adjectif ménager nous conduit également à la question du soin23, de l’attention que nous portons à notre environnement domestique, dans nos activités, révélant au passage les valeurs24 que nous y attachons.

Le paysage ménager représente donc une configuration intime des affects et des valeurs du foyer entendu comme système relationnel entre des individus en activité. L’attention de Mendini va se porter plus précisément sur les ustensiles et objets de la table et de la cuisine. Il établit ainsi le lien entre le paysage ménager et le paysage domestique, notion qu’il ne peut ignorer étant donné sa participation à l’exposition de 1972. Cependant, il resserre la focale sur les objets mobiles plus que sur l’aménagement d’espace, cela expliquant peut-être le choix d’un autre vocable. Plus loin, il précise en quoi cette catégorie forme, selon lui un paysage. « Il s’agit de petits récipients d’intérieur destinés à reposer sur les meubles […] leur résultat formel consiste à être de petits volumes […] mis en relation les uns avec les autres pour former de petites compositions complexes et articulées, une sorte de morphologie d’urbanisme, de table et de buffet.25 » Il est donc question, dans l’ouvrage, de designer un paysage urbain (morphologie urbaine), disposé sur les reliefs plus pérennes du mobilier. Il est à noter que Mendini évoque le fait que dans cet ensemble d’objets, c’est la mise en relation des uns avec les autres qui fait paysage et non uniquement l’aspect visuel de la composition qui en découle. Cela nous révèle la nature du paysage ménager qu’il considère ici comme un système relationnel fonctionnel physico-symbolique. Le recours au terme paysage nous rapproche donc ici de la perception de l’environnement quotidien comme milieu, au sens où l’entend Berque dans sa théorie de la médiance. Ce paysage, comme nous l’avons vu est mis en parallèle avec les valeurs de la ville ancienne et de la ville nouvelle, qui nourrissent la réflexion des architectes post-modernes à la fin des années 1970. Si Mendini, dans son ouvrage traite du paysage ménager en analysant la généalogie des « programmes » successifs de la firme Alessi, son dessein profond s’exprime dans le projet dont il assure la direction artistique pour la marque de 1979 à 1983, à savoir le projet Tea and coffee piazza.

1.2.2. De la Strada Novissima à Tea and coffee piazza

Le brouillage de la hiérarchie des échelles entre monument et objet dans la ville post-moderne est clairement lisible dans les dessins d’architecture d’Aldo Rossi ou du designer George Sowden26. Il sera aussi largement traité comme une donnée constituante du post-modernisme dans le projet Tea and coffee piazza coordonné par Alessandro Mendini pour Alessi.

En 2018, nous avons présenté dans un article27 une analyse du projet Tea and coffee piazza. Nous avons montré l’influence fondamentale pour ce projet, de l’exposition Présence du passé aussi nommée Strada Novissima qui s’est tenue, dans la section architecture de la Biennale de Venise en 1980. Mendini, en demandant à de jeunes architectes post-modernistes de concevoir des services à thé et à café, cherchait effectivement à renforcer les liens entre le paysage urbain et le paysage ménager. À peu près à la même période (1981-1984), Les architectures fragiles de George Sowden, dont nous avons également traité dans un autre article, montrent que la distinction d’échelle entre objet et bâtiment tend à être abolie à cette période. Ces considérations mettent en évidence le fait, qu’à cette époque les architectes et designers considéraient les constructions ou bâtiments urbains comme des objets indépendants les uns des autres posés sur un sol indéterminé, comme si la ville ne possédait plus d’enracinement dans son territoire ; parallèlement les objets adoptaient une morphologie qui rappelait celle de petites constructions architecturales.

Ainsi, comme nous l’avons déjà montré le projet Tea and coffee piazza se présente comme une application directe des théories de l’architecture et du paysage urbains aux fonctions des objets de la table. Le plateau de service incarnant à lui seul la place urbaine, et les contenants et ustensiles représentant les bâtiments mobiles de la ville post-moderne. Pour réaliser cette série destinée à être éditée en matériaux pré-industriels (édition de prestige), à 99 exemplaires par modèle, Mendini va recruter la nouvelle génération d’architectes (post-modernes) qui expose en 1980 à la Biennale de Venise. Au-delà de l’aspect médiatique de l’opération, Mendini propose dans cette série de mettre en pratique le processus décrit par Ambasz dans le catalogue de 1972, c’est-à-dire de faire de l’espace ménager un paysage redoublant le paysage urbain.

Ainsi, les ressources techno-symboliques du paysage urbain intègrent le milieu domestique pour produire de nouvelles médialités du foyer et par retour de nouvelles médialités de la ville. Nous voyons dans ce processus de répétition et de redoublement des configurations et formes du paysage urbain au sein du cadre de vie intime, mais aussi la mise en place d’une fabrique élaborée de la médialité des paysages domestiques et ménager. Il nous faut maintenant approfondir l’analyse de ce processus à la lumière de la philosophie de Gilbert Simondon, pour comprendre les mécanismes de l’invention d’une médialité à un moment donné de l’histoire, ici de l’histoire du design.

2. Inventer une nouvelle médialité

2.1. Fabrique de la médialité

2.1.1. Médialité et design

Pour aborder la notion de médialité, il nous faut en préciser les contours. La médiance définie par le géographe Augustin Berque, constitue le moment structurel où « se met en branle la trajection par laquelle l’environnement, de donnée abstraite (Umgebung), devient un milieu concret, chargé de sens, et qu’il est donc perçu.28 » Le trajectif est à comprendre au sens où comme l’a expliqué von Uexküll29, le milieu perceptif est à la fois sensible et signifiant pour l’organisme, ainsi l’information perçue est déjà signifiante à celui ou celle qui la perçoit.

Aussi, le milieu perceptif humain quotidien, pour être un milieu de vie, voire un milieu d’existence doit-il être perçu comme signifiant par les individus. Si nous rentrons dans la concrétude des choses, le design étant en charge d’organiser et de produire notre cadre de vie, il est de même en charge de faire advenir la médiance grâce aux ressources physiques (aménagements, artefacts, accessoires etc.) techno-symboliques qu’il fournit. Il a pour rôle de produire les « prises trajectives » présentes dans notre environnement, compris comme un milieu (Umwelt) adapté et organisé pour que nous y menions les activités qui nous permettent de vivre.

En ce sens, la médialité d’un paysage ou d’un environnement est la qualité qui lui permet de devenir l’Umwelt d’un individu et/ou d’une société. Or, Berque dénonce le modernisme en architecture qui selon lui, a abîmé la relation entre l’humain et son milieu de vie, en accélérant notamment les changements dans l’environnement sans tenir compte de l’espace perçu par les individus qui cherchaient à l’habiter. La notion de médiance forgée par Berque est ici pertinente, cependant concernant le design du paysage ménager, la réflexion sur la médialité des produits30 paraît plus adaptée. En effet, dans ce cas, la médiance serait l’effet qui se dégagerait de l’expérience de l’usage d’un produit. Ainsi, pour penser la méthode d’un processus de design ayant pour objectif l’expérience de la médiance, il faudrait envisager un processus de design centré sur la médialité du milieu de vie quotidien. Si la médialité est une qualité que l’on prête à un paysage, à un environnement, elle peut être déconstruite, manipulée, appropriée, déterritorialisée, pour devenir pour le designer une matière-sens à travailler. Elle met cependant le designer face à la responsabilité d’assurer la cohérence et la qualité médiale de l’environnement dans une forme de stabilité, même temporaire des usages d’un milieu.

Les mouvements radicaux du design critiquant les développements de la modernité, ont donc ramené sur le métier et sans la nommer la question de la médiance, suite aux modifications du cadre de vie dans les sociétés industrialisées produites par la société de consommation31. Dans ces conditions l’objectif premier du projet a été de produire de la médialité, donc de procurer à l’environnement quotidien les conditions nécessaires à la survenue de la médiance — moment structurel où l’individu éprouve le fait d’être en phase physique, émotionnelle et symbolique avec son milieu de vie. Il serait peut-être alors possible de parler d’expérience médiale32 pour désigner l’expérience qualitative que nous faisons de notre milieu quotidien. Ici, faisons remarquer que le designer ne peut qu’anticiper les conditions qui lui semblent nécessaires à la survenue de l’expérience médiale dans le quotidien. Pour cela, le designer doit tenir compte, comme l’indique Berque, de la réalité socio-historique de son époque. Ainsi, lorsque Mendini étudie l’inventaire des différents programmes de la firme Alessi, il trace une historicité des formes et des usages qui ont dans le temps constitué la médialité du paysage ménager. L’idée est alors, peut-être, d’en retrouver l’essence pour permettre la mise en cohérence de la qualité médiale des formes, configurations et rituels associés aux arts de la tables et des modes de vies, imposés par un nouvel environnement urbain.

2.1.2. La fabrique des images ou la modulation de l’expérience médiale

« C’est toujours en tant que quelque chose que les choses nous apparaissent et que nous avons affaire avec elles [continue Berque] ; autrement dit, c’est toujours en tant qu’Umwelt que nous percevons l’Umgebung et agissons dessus ; ce qui suppose nécessairement une médiance.33 » Et nous ajoutons que cela suppose également une médialité, une forme qui donne sens à notre activité au sein du milieu quotidien.

Nous en venons alors ici à la fabrique de la médialité. Comment le design s’y prend-il pour produire de la médialité ? Il nous semble que le modèle trajectif de Berque, en valorisant la relation contemplative au milieu ne propose pas vraiment de manière déterminante un modèle qui puisse évoquer les échanges permanents que nous entretenons avec notre milieu d’existence. Le philosophe Gilbert Simondon, de son côté, dans Imagination et invention traite également du modèle perceptif en présentant le rôle de l’imagination dans l’appréhension du milieu et dans l’adaptation mutuelle de l’individu et du milieu. Ce modèle nous semble utile pour comprendre comment le design réussirait en jouant sur la perception du milieu, à produire de la médialité, pour moduler, voire en modifier les usages.

Pour Gilbert Simondon, philosophe de l’objet technique, l’image mentale34 n’est pas nécessairement totalement consciente, c’est une image sensible qui implique d’autres sens que la vue, elle permet notamment à son stade embryonnaire des « pré-adaptations, mais non des adaptations35 » au milieu. Il décrit dans un second temps :

Dans « L’expérience perceptivo-motrice, les images deviennent effectivement et directement fonctionnelles ; elles s’organisent et se stabilisent en groupements intérieurement corrélés selon les dimensions du rapport entre l’organisme et le milieu.36 »

Les images mentales dont parlent le philosophe, participent donc entièrement de la relation que nous entretenons avec le milieu et les objets que nous y trouvons et que nous recrutons pour nos activités. Il poursuit :

« Enfin, après […] cet apprentissage, le retentissement affectivo-émotif achève l’organisation des images selon un mode systématique de liaisons, d’évocations et de communications ; il se fait un véritable monde mental où se trouvent des régions, des domaines, des points-clefs qualitatifs par lesquels le sujet possède un analogue du milieu extérieur, ayant lui aussi ses contraintes, sa topologie, ses modes d’accès complexes.37 »

Il existerait donc, selon le philosophe, en chacun de nous, un cycle des images qui les conduirait à s’organiser en un système cohérent, en analogie avec le milieu quotidien environnant. Ce cycle constituerait le socle de ce qui modèle et module nos usages et pratiques du quotidien. Si, l’organisation intérieure des images possède ainsi sa propre topologie, il apparaît alors possible de l’envisager également sous la forme d’un paysage intérieur nous permettant de nous repérer et d’interagir, de correspondre avec le milieu. Pour que le design puisse participer à la modification de nos usages, il lui faut donc sans doute interagir avec le système d’images intra-perceptives qui régit et rend possible la relation physico-symbolique au milieu.

Pourtant, si les images, selon Simondon, nous permettent d’anticiper la relation à l’objet, elles peuvent se trouver en décalage au moment de l’expérience perceptivo-motrice. Il se produit alors une réorganisation des images intérieures pour remettre l’organisme en phase avec son milieu. C’est sans doute, là qu’intervient le design, soit en proposant de nouvelles représentations de la réalité qui vont permettre une adaptation de notre monde mental, analogon du milieu extérieur, soit en participant à l’invention qui permettra de faire émerger un nouveau cycle des images.

« L’invention pourrait alors être considérée comme un changement d’organisation du système des images adultes ramenant, par un changement de niveau, l’activité mentale à un nouvel état d’images libres permettant de recommencer une genèse : l’invention serait une renaissance du cycle des images, permettant d’aborder le milieu avec de nouvelles anticipations d’où sortiront des adaptations qui n’avaient pas été possibles avec les anticipations primitives, puis une nouvelle systématisation interne et symbolique.38 »

Cela dit, Simondon le précise, l’invention pure concerne principalement l’objet technique, elle correspond à un changement de paradigme technique. Lorsque Simondon évoque « le processus de création d’objets39 » auquel correspond le design, il considère que celui-ci produit un grand « nombre d’objets techniques […] habillés en objets de manifestation [Pour le philosophe40], il y a création dans le domaine de la couche externe de manifestation [qui est] la couche intermédiaire de réalité, mi-technique et mi-langage41 » et qui sert principalement à organiser les relations et les « compatibilités » entre les objets du milieu. Elle est relative aux « circonstances sociales et psycho-sociales42 » d’une époque. Cela signifie que le design, en produisant des images sensibles, organiseles relations et les compatibilités entre les objets et appareils présents dans le cadre de vie. Ce faisant, il accompagne l’invention technique pour l’adapter au milieu d’existence de l’individu tout autant qu’à l’individu lui-même. Rappelons également, ce que nous avons développé dans l’article sur Les outils-transducteurs43. Les outils participent à la modulation de la relation entre organisme/individu et milieu, que ce soit chez Simondon ou Dewey. Les ustensiles et contenants de service, conçus par des designers, entrent dans la catégorie des outils. Les images intra-perceptives qui se manifestent à nous au cours de leurs usages modulent, effectivement, nos manières de precevoir et d’interprêter nos manières de faire quotidiennes .

2.2. L’invention d’un nouveau cycle des images, modifications des relations au milieu

2.2.1. De la médiatisation à l’invention de la médialité du quotidien

À partir de l’analyse de Simondon, il nous paraît intéressant d’observer la stratégie des images adoptée par Mendini dans sa reconfiguration et potentielle invention d’une nouvelle médialité du paysage ménager. Si nous considérons alors les différentes étapes du projet global de Mendini, nous en dénombrons quatre :

1) L’étude détaillée de l’historicité des programmes successifs de la production de la marque et la conceptualisation de la notion de « paysage ménager », mettent en évidences les relations existantes entre les objets et leur milieu d’usage.

2) L’élaboration du projet Tea and coffee piazza présentant un premier état de l’importation d’images de l’urbanité dans le paysage ménager. Les produits sont réalisés au travers d’une série limitée destinée à être médiatisée au travers des revues spécialisées ou des vitrines de boutiques. Ici, les images vont pouvoir intégrer l’anticipation d’un éventuel usage de ces produits, car ces ensembles sont conçus pour être assimilés à des objets de collection et former un fond patrimonial et culturel constitutif de l’image de la marque. Ces objets se présentent au commun des mortels comme inabordables, ils éveillent cependant une curiosité, un imaginaire qui va pouvoir de façon diffuse imprégner le sens de nos pratiques quotidiennes au sein de nos milieux d’existence.

3) À ce stade, il nous faut prendre en compte la stratégie de la marque Alessi qui a cette époque consistait à réorienter sa production industrielle et standardisée (production d’objets de la table, en inox, à destination de collectivités) vers le marché plus diversifié de l’environnement privé et familial. Ainsi, l’étude que Mendini mène sur le paysage ménager est-elle à comprendre comme un outil de communication de la marque pour entrer dans la mémoire collective en tant que producteur d’objets patrimoniaux.

Si la série Tea and coffee piazza traite d’un nouveau regard sur l’urbanité, elle implique la mémoire et l’image d’une production pré-industrielle. La série met donc en tension la tradition avec un nouvel état de la modernité appelé post-modernisme. Elle s’inscrit donc dans un système éco-techno-symbolique lié à un contexte socio-historique donné et ses formes s’objectivisent comme réalités sociales. Au-delà de la médiatisation publicitaire de la série au travers des images diffuées dans les revues spécialisées de l’époque, la construction d’une nouvelle image du paysage ménager introduit la possibilité d’une réorganisation du cycle des images chez l’usager. Réorganisation qui sera effective lorsque ce renouvellement des images atteindra le stade de l’expérience perceptivo-motrice, comme c’est le cas dans les prolongements de la série Tea and coffee piazza. Alors seulement pourra se produire l’invention d’une nouvelle médialité du paysage ménager.

4) La série Tea and coffee piazza va permettre à la firme Alessi de commercialiser auprès du grand public deux modèles de cafetières réalisés avec des matériaux et selon des procédés industriels : la Conica et la Cupola d’Aldo Rossi. Les croquis préparatoires d’Aldo Rossi ne laissent planer aucun doute sur la filiation des projets (Tea and coffee piazza et les deux cafetières). L’architecte les conçoit comme des bâtiments (la Conica est dessinée selon l’archétype de la maison, avec un profil qui rappelle le toit en pente) voire des monuments en miniature (la Cupola, comme son nom l’indique, reprend la coupole d’une église). Nous accédons au second stade de l’image qui correspond à la phase de rencontre avec l’objet et qui va au fil des usages répétés intégrer le troisième stade de l’image, c’est-à-dire intégrer la mémoire individuelle puis collective. Ce long processus en quatre étapes conduit par Mendini, permet donc effectivement de moduler, de manière graduelle, la perception du milieu quotidien, en partant de la modification des images impliquées dans l’expérience médiale : visuelle, comportementale, et mémorielle.

2. 2. 2. Moduler les relations au milieu d’existence.

Il est intéressant d’observer comment les images pénètrent, sont digérées et remises en jeu par le design dans l’expérience médiale. Cependant qu’est-ce qui guide le travail du designer dans l’élaboration d’une médialité ? La médiance implique une adaptation constante de l’organisme à son milieu quitte à ce que celui-ci modifie le milieu pour le rendre plus propice à son mode de vie. En effet, si le milieu influence le mode de vie de l’organisme, ce dernier est capable dans une certaine mesure d’agir sur son milieu pour le modifier. Lorsque cette adaptation ne fonctionne pas, l’organisme se retrouve en déphasage avec son milieu, ce qui le met potentiellement en danger.

Le design en tant que processus visant à améliorer l’habitabilité du monde est donc en charge de proposer des adaptations du milieu aux individus humains et non-humains. Le design chercherait donc à remettre en phase les individus avec leur milieu tout autant qu’à mettre en cohérence les objets entre-eux. Cela nous conduit alors, à interroger les critères qu’utilise le designer pour concevoir l’expérience médiale et produire les formes de médialité adaptées à la situation pour laquelle il est sollicité. Sur ce point, la notion d’« expérience médiale » que nous proposons ici, nous semble plus utile que celle de « médiance ». En effet, la médiance semble être un phénomène qui relève d’une harmonie entre l’organisme et son milieu, elle constituerait en cela un idéal à atteindre, la médiance serait donc toujours chargée d’une valeur positive. Or, la médialité n’est pas toujours positivement opératoire elle peut ne pas fonctionner, ne pas nous conduire à l’expérience de la médiance.

L’expérience médiale, nous rapproche plutôt de la philosophie pragmatique de John Dewey. La théorie de l’expérience44 chez Dewey, dans Expérience et nature repose, en effet, sur la relation de l’organisme à son milieu d’existence, il précise que l’organisme peut être soit en phase (relation harmonieuse/médiance) soit en déphasage (situation problématique) avec son milieu. Or, Dans l’Art comme expérience, il précise plus avant sa définition de la notion pour entrer dans la question de son vécu. À l’initiation de l’expérience, ce trouve l’impulsion, sorte d’élan vital qui nous pousse à entrer en relation avec le milieu pour vivre l’expérience. L’expérience met en jeu le rapport entre l’impulsion et la résistance que nous rencontrons potentiellement dans le milieu. L’expérience vécue, selon Dewey a donc à voir avec le dépassement d’une résistance présente dans notre relation au milieu. Nous pourrions dire que ce dépassement s’opère par la résolution d’une situation problématique. Cette théorie de l’expérience, introduisant la possibilité d’une gradation dans la qualité de la rencontre avec le milieu, permet d’envisager l’amélioration ou la dégradation d’une expérience médiale. Le design aurait alors toute sa place dans la conception de cette expérience pour la moduler, la modifier, l’améliorer, car il possède les outils et les méthodes pour le faire, comme le montre l’exemple du Paysage ménager de Mendini.

3. Design et valuation du milieu

3.1 De la valence à la formation des valeurs

Simondon recourt à l’emploi du terme valence pour évoquer le vécu agréable ou non d’une relation au milieu, soit d’une expérience au sens de Dewey. Ce terme provient de la psychologie, c’est également à partir de la psychologie que le philosophe construit sa pensée de la relation entre imagination et invention. La valence en psychologie signifie la « puissance d'attraction (valence positive) ou de répulsion (valence négative) qu'un individu éprouve à l'égard d'un objet ou d'une situation45. » Le terme valence est très proche du terme valeur, bien que selon ce que nous en comprenons, il implique une échelle de satisfaction ou d’appréciation d’une situation dont nous faisons l’expérience. Le terme valeur quant à lui, nous semble ouvert à une construction d’une appréciation plus complexe et socialement structurante (parfois traitée sous l’angle de la norme).

Concevoir la médialité du paysage ménager ou domestique impliquerait donc de prendre en compte la réception, l’appréciation positive de l’expérience médiale, et c’est sans doute ici que reposerait le talent du designer qui saurait concevoir des produits attractifs et désirables.

Nous vient alors la question de savoir comment le processus de design participe à la Formation des valeurs de l’expérience médiale au travers de la médialité (qualité médiale de l’expérience) ? Il nous faut donc approfondir la question des valeurs associées aux activités humaines dans nos milieux quotidiens. Pour cela, le pragmatisme de Dewey, soulevant la question des relations de l’organisme au milieu possède de grandes proximités, comme l’a démontré Elisa Binda46, avec le modèle simondonien. Aussi, choisissons nous ici d’approfondir la question de la formation des valeurs telle que Dewey la traitée pour comprendre la logique par laquelle le design peut influer sur nos manières de faire, sur le sens de nos gestes compris dans leur milieu pratique. Tout comme les milieux, les valeurs se construisent au travers des activités humaines. Plus une chose est prisée, plus nous en prenons soin, nous dit Dewey, plus nous lui attribuons de la valeur, c’est un phénomène qui vaut à l’échelle de l’individu ou d’une société. Le design apparaît alors comme un moyen de former et d’entretenir les valeurs des individus et des scoiétés. Ainsi, le projet Tea and coffee piazza en améliorant l’appréciation des rituels associés à la consommation du thé et du café, révèle-t-il et entretient-il, les valeurs que nous accordons à ces denrées.

Pour Dewey, la valeur se forme au travers de l’expérience d’une situation et c’est précisément le processus de la formation des valeurs qui va intéresser le philosophe pragmatique. Il nomme ce processus, valuation. La valuation comprend deux dimensions, la première d’ordre émotionnel renvoie au fait que nous prisons une situation ou un objet, la seconde est d’ordre plus intellectuel, elle est plus construite. Elle consiste en une évaluation. Cette évaluation renvoie implicitement à «  une situation existante et indirectement à une situation future, qui est voulue et désirée.47 » Dans le processus de valuation, il y a donc nécessairement passage d’une situation problématique à une situation améliorée en fonction des fins-en-vues48 et des moyens dont nous disposons pour l’atteindre. L’évaluation porte donc sur les relations qui se tissent et évoluent entre fins-en-vues et moyens disponibles. Il n’existe donc pas de valeurs en soi, elles ne sont pas une propriété des choses, mais c’est au cours de l’expérience d’une situation que les valeurs se construisent49.

Notons, que la formation des valeurs corrélées aux situations vécues, chez Dewey, intègre parfaitement son modèle de la relation de l’organisme au milieu. Ainsi, les propositions de valuations constituent-elles les moyens de l’organisme pour modifier son milieu humain et non-humain. La démonstration du philosophe s’appuie sur le langage, mais elle peut s’appliquer aux mouvements et aux gestes, aux compositions de l’espace que nous reconfigurons tous les jours au cours de nos usages. Notons également cette remarque de Dewey : « Les énoncés produits pour influencer l’activité des autres, en sorte de susciter chez eux certains modes d’activité ayant certaines conséquences, sont des phénomènes relevant de la valuation.50 » Le philosophe semble présenter ici une définition possible du design en tant que processus produisant des énoncés « pour influencer l’activité des autres, en sorte de susciter chez eux certains modes d’activité ayant certaines conséquences », le processus de design serait donc bien un phénomène ou plus exactement une activité relevant de la valuation. Dans le cas qui nous intéresse plus particulièrement, le processus de design conduit par Mendini au travers des quatre étapes que nous avons présentées à pour but de modifier le cycle des images du stade perceptivo-moteur de la relation au milieu, et donc de moduler les pratiques quotidiennes en les inscrivant dans un paysage ménager mis en cohérence avec le paysage urbain post-moderne. Les conséquences, comme l’envisage Emilio Ambasz tendent à la modification de la perception du paysage urbain qui en retour gagne sans doute en familiarité.

3.2. Le processus de design comme conduite de valuation

Ainsi, le processus de design serait une activité capable de modifier ou de moduler l’expérience médiale parce qu’il constitue un phénomène, et nous disons même une conduite51 de valuation (au sens ou le designer accompagne ce phénomène de manière sensible et méthodique). Cette conduite de valuation, en tant qu’évaluation aurait notamment pour but la construction des relations entre les fins-en-vues et l’adaptation aux moyens disponibles, activité qui constitue une large part du processus de design. S’il semble facile de se représenter le designer pesant le pour et le contre dans la conception technique liée à la fabrication d’un produit, cette évaluation se produit également durant la conception d’un scenario d’usage, ou d’un concept, car le designer passe en réalité son temps à arbitrer des choix au sein des hypothèses qui se présentent à lui, de la naissance à la finalisation d’un projet. L’introduction de l’ouvrage Paesaggio casalingo en témoigne. Mendini y explique qu’il souhaite se concentrer sur « un seul type d’objets spécifique afin d’effectuer une classification et une évaluation globales.52 » Il considère cette évaluation nécessaire pour pouvoir résoudre une situation problématique, car selon lui « le design est en crise.53 » La crise dont il parle semble toucher directement une expérience médiale qui aurait perdue en qualité, puisqu’il envisage en effet comme méthode :

« l’étude comparative complexe de l’évolution historique d’un système précis et unitaire d’objets [. Il considère cette étude comme…] l’un des moyens les plus actuels et les plus complets pour définir l’avenir possible du design.54 »

Ce texte, en tant que témoignage des préoccupations du designer, montre à quel point la valuation comme évaluation comparée et construite forme le socle d’un projet de design. Il montre également le souci du designer pour la qualité médiale de l’environnement car son étude porte sur l’historicité des formes du paysage ménager, il traite de la cohérence du milieu techno-symbolique de l’humain qui seul rend possible l’expérience de la médiance.

Ce travail d’évaluation constitue pour Mendini en :

« Une proposition de méthode “critique“ pour le design et le produit […] c'est-à-dire que la vie projectuelle d'un flux de produits, pour être organique et justifiée, doit se dérouler dans le cadre d'une "conscience critique" de son histoire qui est une condition pour le diagnostic et les hypothèses de développement.55 »

Il se dessine donc au travers ce cette évaluation critique, le propre de la formation des valeurs selon Dewey, dans ce que les valeurs touchent à l’éthique. Une vaste question située, qu’il nous conviendra d’approfondir ultérieurement lors d’un prochain article.

Conclusion

La « conscience critique » d’un designer comme Mendini fait donc ici référence à une éthique. Celle-ci apparaît, dans son cas, construite à partir de l’évaluation d’une situation, donc à partir d’une conception située du design. Une éthique du design construite sur une conscience critique du milieu semble donc ouvrir la porte à une expérience médiale située. C’est ce à quoi nous conduit l’analyse de cette idée singulière de l’existence d’un paysage ménager. Il nous semble tenir ici une première définition de ce que serait un design situé, c’est-à-dire ancré dans l’expérience médiale. Nous en voyons, ici également ébauchés des éléments de méthodes qui sont encore à approfondir et à confronter à la pratique du projet. Il nous semble important à partir de cette étape de clarifier la relation du design au milieu, car il est culturellement compris comme un professionnel extérieur intervnenat dans un environnement auquel il n’appartient pas. Il nous faudra donc pour la suite de notre recherche déconstruire, cette idée pour mieux préciser la conduite de valuation que le designer développe en projet.

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  1. Mendini, Alessandro, Paesaggio casalingo, Milan, EditorialeDomus, TWC, 1979. 

  2. Fratelli Alessi Omegna (FAO), fondée en 1921 par Giovanni Alessi. L’entreprise se spécialise dans les Arts de la Table en 1929. 

  3. Italy : The new domestic landscape, du 26 may au 11 septembre, 1972, Museum of Modern Art (MoMa), New York. 

  4. Nous voulons ici parler de la différenciation des usages dans l’espace domestique opérée entre autres par le fonctionnalisme à partir des années 1920. Cf. Claire Azéma, « La chambre mobile entre espace minimum et (in)différenciation des usages », dans La chambre et les arts, l’intime au défi, (dir.), Marie Escorne, (collab.), Myriam Métayer, Bordeaux, PUB, 2022. À propos de l’histoire de la rationalisation de l’espace de la cuisine, cf. Clarisse, Catherine, Cuisine, recettes d’architecture, Les Éditions de l’Imprimeur, Paris, 2004. 

  5. Cf. Gilbert Simondon, Imagination et invention (1965-1966), Paris, PUF, 2014. Le philosophe évoque la naturalisation de la technique, p.175. 

  6. Nous faisons référence ici aux travaux d’organisation de l’espace domestique débuté au XIXème Siècle par Catharine Beecher aux Etats-Unis, puis poursuivis par Christine Fredricks et qui ont influencé les architectes modernistes dans la conception de la cuisine. L’exemple le plus connu de ce phénomène est celui de la cuisine dite de Francfort conçue par l’architecte Grete Schütte-Lihotsky en 1926 en Allemagne. 

  7. Cf. Kaufmann, Jean-Claude, « Moulinex libère la femme », dans le catalogue, Guidot, Raymond (dir.), Les bons génies de la vie domestique, Paris, Centre Georges Pompidou, 2000, p. 21 sq

  8. Il s’agit de considérer ici la cuisine comme un environnement dont nous faisons partie, qui est à la fois le moyen de notre subsistance et le lieu où se manifeste la singularité de notre être pris dans ses manières de faire avec le milieu-cuisine. 

  9. Cnrtl, définition, Moduler, au sens figuré : « Faire varier d'une manière souple, pour adapter dans le détail aux conditions du moment, aux circonstances diverses ou à chaque cas particulier. » Dans sa recherche, Mendini travaille sur les déclinaisons de la production d’Alessi, il envisage des évolutions qui conservent la typologie des objets. Nous considérons donc qu’il travaille plus à l’élaboration de nouvelles tonalités qui modulent la relation symbolique à l’objet fonctionnel. 

  10. Le terme est employé par Emilio Ambasz dans le catalogue de l’exposition de 1972, pour signifier que le design ne se concentre plus sur la simple analyse fonctionnelle de l’espace pour concevoir nos relations aux environnements quotidiens. Le terme rituel apparaît comme une exacerbation de la dimension anthropologique de l’usage, caractéristique des considérations qui feront émerger le Nouveau Design des années 1980. 

  11. Cf. Berque, Augustin, Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/Reclus, 2000 (1re éd. 1990). 

  12. Cf. Malaurie, Christian, L’ordinaire des images, Paris, L’harmattan, 2015. L’auteur nous invite à penser la relation sensible non comme médiation mais comme médialité du faire et du dire dans une situation donnée. Nous traiterons ici, la médialité du point de vue de sa réception et pour cela nous la définirons comme qualité médiale du paysage domestique ou ménager. 

  13. Dewey John, Expérience et nature, trad. fr. J. Zask, Paris, Gallimard, 2012. 

  14. Simondon, Gilbert, Imaginaiton et invention, Op. Cit. 

  15. Cf. Azéma, Claire, « Tea & Coffee Piazza, des théières comme des bâtiments, d’une communication de marque à un manifeste du néo-design », dans Profils : revue de l'Association d'histoire de l'architecture, Association d'histoire de l'architecture, 2018, L'architecture au quotidien : regards sur des représentations ordinaires

  16. Ambasz, Emilio (dir.), « Program », catalogue Italy : the new domestic landscape achievements and problems of Italian design, Greenwich, New York Graphic Society, 1972. p.143 (traduit par nos soins) 

  17. Rouillard, Dominique, Superarchitecture, Le futur de l'architecture 1950-1970, Paris, éditions de La Villette, 2004. Elle expose ce principe de réduction de l’architecture dans une conférence en ligne donnée à la Cité de l’architecture, le 12 juin 2008, [https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/superarchitecture 

  18. Cf. Le catalogue d’exposition, Italy : the new domestic landscape achievements and problems of Italian design, Op. Cit., p.143 

  19. Cf. Deleuze, Gilles et Guattari, Félix, « De la ritournelle », dans Milles plateaux, capitalisme et schizophrénie, Tome 2, Paris, Minuit, coll. critique, 1980, p.381 sq

  20. Dagognet, François, Les dieux sont dans la cuisine, philosophie des objets et objets de la philosophie, Tours, Synthélabo groupe, Les empêcheurs de penser en rond, 1996. « L’objet de l’objet […] ouvre des dimensions au cœur de celui-ci ; il le stratifie, il ne le coupe pas en deux — l’intérieur et l’extérieur — mais le redouble, le creuse et le change », p. 20 

  21. Mendini, Alessandro, Op.Cit. p.10 (traduit par nos soins) 

  22. Cnrtl, extrait de la définition de MENAGER ADJ. I.B., [https://www.cnrtl.fr/definition/ménager//1 

  23. Notons que nous ne développerons pas ici le lien avec le verbe ménager et le ménagement définit par le philosophe Martin Heidegger dans Bâtir, habiter, penser, rapprocherait l’adjectif ménager de la question du soin, ou bien nous y viendrons plus loin, en rapport avec La formation des valeurs de Dewey. 

  24. Cf. Dewey, John, La formation des valeurs, Paris, La découverte, Les empêcheurs de penser en rond, traduit et présenté par Alexandra Bidet, Louis Quéré, Gérôme Truc, 2011, p. 72  : « Le nom « valeur » désigne [selon Dewey] ce qu’on nomme dans le langage courant un objet de valeur [a valuable] – quelque chose faisant l’objet d’une forme donnée d’activité. » C’est l’activité humaine, selon le philosophe qui confère des valeurs aux choses. Plus nous prenons soin d’une chose, plus elle a de la valeur à nos yeux. 

  25. Ibid. p.15 

  26. Cf. Azéma, Claire, « Les architectures fragiles de Georges Sowden », dans Architectures fictives, Renaud, Robert et Herbert de la Portbarré-Viard, Gaëlle (dir.), Bordeaux, PUB, Eidôlon 2021. https://books.openedition.org/pub/45730?lang=fr 

  27. Azéma, Claire,  « Tea & Coffee Piazza, des théières comme des bâtiments, d’une communication de marque à un manifeste du néo-design », Op. Cit. 

  28. Berque, Augustin, « Perception de l’espace, ou milieu perceptif », [http://ecoumene.blogspot.com/2016/01/milieu-perceptif-augustin-berque.html 

  29. Uexküll (von), Jakob, Mondes animaux et monde humain suivi de La théorie de la signification, 1934 ; trad. fr. éd. Denoël, [1965] éd. Pocket, coll. Agora, 2004. - Rééd. sous le titre Milieu animal et milieu humain, Rivages, 2010. 

  30. Cf. Le terme produit est ici utilisé pour sa valeur générique désignant tout résultat obtenu par un processus de design. 

  31. Cf. Baudrillard, Jean, La société de consommation, Gallimard, coll. « Poche-Essais », 1968. 

  32. Selon ce que nous comprenons de la médiance telle que Berque la décrit, lorsqu’elle est vécue et éprouvée par l’individu, elle ressemble à l’expérience esthétique, telle que la définie John Dewey, dans L’Art comme expérience. Dès lors qu’on considère la médiance comme un expérience médiale, elle peut connaître des variations et notamment des intensités variables. 

  33. Ibid

  34. L’hypothèse que nous présentons ici se fonde sur la lecture d’Imagination et invention de Gilbert Simondon, mais dans la poursuite de notre recherche, il nous faudrait également mettre à jour la notion d’image mentale à la lumière des travaux d’Antonion Damasio qui parle d’ailleurs d'un Paysage du corps

  35. Gilbert Simondon, Imagination et invention, Op. Cit. p.19 

  36. Ibid

  37. Ibid. 

  38. Ibid. 

  39. Ibid., p. 164 

  40. La démonstration de Simondon est ici très largement résumée et l’exposé que nous en faisons est partiel, mais il laisse clairement apparaître le lieu et le moment où le design peut intervenir pour modifier les relations au milieu. Nous voyons également au passage un indice du lieu où se manifeste la médialité d’un environnement. 

  41. Ibid., p.165 

  42. Ibid. p.167 

  43.  Azéma, Claire, « Les outils-transducteurs dans les traductions du designer », dans Chomara-Ruiz, Catherine (dir.), Traduction & design, revue Appareil [En ligne], 24 | 2022, mis en ligne le 22 juillet 2022, consulté le 24 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/appareil/4399 ; DOI : https://doi.org/10.4000/appareil.4399 

  44. Nous mettons ici en relation la notion d’expérience formulée par Dewey dans Expérience et Nature et celle qu’il présente également dans l’Art comme expérience. Ces deux défintions se complètent et n’en font qu’une. Cf. Dewey, John, Expérience et nature, Op. Cit., et du même auteur L’art comme expérience (1934), trad. coordonné par Jean-Pierre Cometti, Paris, Gallimard, Folio, 2010. 

  45. Définition donnée par le CNRTL : Valence Subs. Fem. Psychol., [https://www.cnrtl.fr/definition/valence 

  46. Cf. Binda, Elisa, « Techno-esthétiques ou philosophies de l’interaction : les réflexions de Gilbert Simondon et John Dewey », Appareil [En ligne], 16 | 2015, mis en ligne le 09 février 2016, consulté le 23 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/appareil/2217 ; DOI : 10.4000/appareil.2217 

  47. Dewey, John, La formation des valeurs, Op. Cit. p. 86 

  48. Terme utilisé par le philosophe pour désigner les objectifs de la valuation. 

  49. En cela nous retrouvons la modification des images durant la phase sensitivo-motrice de l’usage des objets décrite par Simondon. Mais nous n’approfondirons pas cet aspect ici. Il y a un parallèle ici qui mériterait pourtant que nous nous y attardions, nous le ferons dans d’autres circonstances. 

  50. Dewey, John, La formation des valeurs, Op. Cit. p. 83 

  51. Sur le terme conduite, nous renvoyons aussi à la conduite instauratrice définie par Étienne Souriau, et à l’article que nous avons publié à ce sujet : Azéma, Claire « Conduite instauratrice de l'œuvre, entre expérience et expérimentation : faire atelier. », dans Azéma, Claire (dir.), Les Arts de faire : Acte 1 - Les modes d'existence de l'atelier en Arts et en Design, Revue Design Arts Medias, 11/2021, (consulté le 14/11/2022), URL: https://journal.dampress.org/issues/les-arts-de-faire-acte1-les-modes-dexistence-de-latelier-en-arts-et-en-design/conduite-instauratrice-de-loeuvre-entre-experience-et-experimentation-faire-atelier 

  52. Mendini, Alessandro, Paesaggio casalingo, Op. Cit., p.5 (traduit par nos soins) 

  53. Mendini, Alessandro, Op. Cit. p. 6 

  54. Ibid

  55. Ibid. p. 6