Maître de conférences habilité à diriger des recherches en art et design à l'université de Nîmes : co-responsable du Master MEEF parcours arts appliqués INSPÉ/FDE-UM/Unîmes et du programme Pédagogie du design, design de la pédagogie de l'UPR PROJEKT, membre du groupe de recherche en création située SITÉ. Chercheur associé du MICA (EA4426), université Bordeaux-III.
Résumé
Nous explorerons ici l'hypothèse selon laquelle la poïétique de William Morris, figure emblématique des Arts & Crafts et de l'écosocialisme anglais du XIXe siècle, constituerait l'une des matrices de l'utilisation, par le design critique contemporain, de la fiction spéculative comme outil de critique sociale. Par l'exploration de deux de ses œuvres, l'une textuelle et l'autre textile, analysées comme objets de représentation et comme productions d'objets, nous mettrons en exergue l'importance du « faire » en tant que pivot entre fiction et factory animant son projet à la fois social et artistique de fonder des fictionaries.
Alors même que face aux urgences sociales et écologiques de notre temps, les disciplines de projet se questionnent sur leur capacité d'action mais aussi sur le rôle de la fonction critique de l'imagination, l'œuvre de William Morris nous rappelle que ces deux aspects ne sont pas antinomiques mais complémentaires. Il paraît, de ce point de vue, pertinent d'attacher de l'importance à cette poïétique issue du romantisme révolutionnaire qui proposa une stratégie de transformation élaborée comme une structure de sensibilité œuvrant à la fois par l'action locale et par la réforme des imaginaires.
Summary
William Morris is an emblematic figure of Arts & Crafts and English ecosocialism of the 19th century. We will explore the hypothesis according to which his "poïetic" would constitute a model of the use, by contemporary critical design, of fiction as a tool for social criticism. By exploring two of his works, one textual and the other textile, analyzed as objects of representation and as productions of objects, we will highlight the importance of "doing" as a pivot between "fiction" and "factory" animating its project, both social and artistic, to found "fictionaries".
Because of the social and ecological emergencies of our time, disciplines like design and architecture question their capacity for action but also the role of the critical function of the imagination. In this context, the work of William Morris reminds us that these two aspects are not contradictory but complementary. It seems, from this point of view, relevant to attach importance to this poietics resulting from revolutionary romanticism which proposed a strategy of transformation elaborated as a structure of sensitivity working both by local action and by the reform of imaginary.
"The fictionary sounds likely to become a factory".
William Morris à propos de Merton Abbey1
1. Introduction
Pour Fiona Raby et Antony Dunne « le designer William Morris fut le premier à créer des objets de design critique tels que nous l'entendons aujourd'hui2.» Cette figure de l'époque victorienne serait alors un designer en amont du design produisant des objets de design critique près d'un siècle avant les productions spéculatives du courant radical. Cet anachronisme apparent renvoie à ceux-là mêmes qui le proposent : Dunne & Raby, duo emblématique de l'actuel critical design anglais qui revendique l'influence de l'architecture radicale et des pratiques artistiques utilisant la fiction spéculative comme outil critique, en particulier les projets des années 1960 / 70 créés par « Archigram, Archizoom, Superstudio, Ant Farm, Haus-Rucker-Co ou encore Walter Pichler3. » Nous comprenons ainsi que cette volonté de voir en William Morris le précurseur du design critique, s'inscrit dans la revendication d'une filiation qui traverse l'amont et l'aval de ce qui nous tient lieu de modernité.
Ce dernier développe dans sa démarche tant artistique — dans les Arts & Crafts — que politique — au sein du socialisme révolutionnaire anglais de l'époque — une pratique critique singulière, caractérisée par l'interaction permanente entre la production fictionnelle, le « faire » artistique et l'action politique. Son utopie futuriste, intitulée les Nouvelles de nulle part, hybride d'ailleurs la fiction littéraire à la culture de chantier dans le but d'opérer une possible transformation socio-politique de notre environnement artéfactuel. Or, n'est-ce pas justement par cette hybridité qu'elle préfigure l'émergence des futurs protocoles de l'architecture et du design spéculatif4 ?
Pour analyser cette perspective, par laquelle la fiction est une manière de réaliser le réel5, nous étudierons successivement deux aspects de l'œuvre de William Morris : l'une textuelle, Les Nouvelles de nulle part et l'autre textile, La Forêt. Il s'agira ici d'appréhender ces fictions, non seulement poétiquement mais aussi poïétiquement, comme les productions revendiquées issues de bien réelles factories qu'il a lui-même fondées : pour l'une, les ateliers textiles de Merton Abbey et, pour l'autre, les presses de la Kelmscott. À ce titre, cet article s'inscrit dans une perspective poïétique qui, en tant que champ d'étude du « faire » nous paraît au cœur de ce dossier thématique. Elle trouve sa naissance dans l'œuvre de Paul Valery, fut ensuite notamment impliquée comme champ de recherches poïétiques par le Groupe de recherches esthétiques du Centre National de la Recherche Scientifique dans les années 1970 et 1980. Cette perspective a ensuite été développée plus spécifiquement dans les champs du design, notamment par le laboratoire sur les Approches Contemporaines de la Création et de la Réflexion Artistique de l'université de Strasbourg6.
Dans cette étude, c'est par le concept de fictionary — contraction entre fiction et factory créé par William Morris pour baptiser son projet de Merton Abbey7 — que nous étudierons les liens qu'il ne cesse de nouer, par le « faire », entre la capacité réformatrice de l'imagination et l'action effective sur ce qui nous tient lieu de réalité.
2. William Morris et notre temps
« Quel soin notre génération a-t-elle pris de la beauté de la terre ; en un mot, de l'art8 ? »
William Morris
William Morris, marxiste de la fin du XIXe siècle, artiste-artisan, écrivain, poète et militant qui prône le partage des richesses, la réforme des modes de production ainsi que la pacification de la relation des humains avec leur environnement est présenté dès le début de la première histoire du design de Niklaus Pevsner9. Il incarne, tant dans l'histoire du design que dans l'histoire de son histoire, l'existence dès son émergence d'une autocritique interne qui prône la désadaptation volontaire face à une révolution industrielle considérée comme une extension délétère de la guerre commerciale à l'ensemble de la société.
Son œuvre a longtemps été considérée comme prémoderne en raison de son refus de la production industrielle et de la division des tâches ainsi que de son profond désaccord vis-à-vis d'une pratique du design qui se voudrait séparée du « faire ». C'est en ce sens d'ailleurs qu'il considère comme essentielle la collaboration entre le designer et l'artisan10. Notons à ce sujet que le terme originel anglais utilisé par William Morris pour artisan, handicraftsman, fait référence à l'artisanat mais aussi justement à la main et au « faire ». Les positionnements critiques de William Morris furent considérés comme autant de symptômes d'un refus de la modernité l'excluant par là-même d'une conception du design dont l'émancipation disciplinaire était associée à son inclusion au sein de l'industrie et à son implication dans l'innovation technique11. Or, ces aspects sont profondément réévalués dans le contexte contemporain, en raison, d'une part, de la nécessité de réformer la production face à l'urgence écologique12 et, d'autre part, de la révolution numérique qui a réactivé un design critique envisageant les « conséquences sociales, culturelles et éthiques résultant du fait de vivre dans une société perçue de plus en plus à travers la technologie » en pensant « non seulement aux nouvelles applications mais aussi aux implications, à la fois positives et négatives13. » Nous pouvons noter que cette réactualisation de l'œuvre et de la pensée de William Morris dépasse le cadre du design et existe aussi dans les champs de l'art contemporain14 ou encore dans celui de la philosophie politique sur les sujets « de l'écologisme et de la décroissance, de la critique anti-industrielle et de l'éco-socialisme15. »
Outre les thématiques sociales et écologiques, la réactualisation de l'œuvre de William Morris tient aussi au fait qu'elle propose une autre manière d'œuvrer qui déroge à une répartition des tâches, des disciplines et des actions fondées sur une division structurelle du travail. Or, ce système d'organisation, largement issue de la révolution industrielle, montre aujourd'hui ses limites faces aux urgences sociales, écologiques et sanitaires de notre temps. William Morris s'oppose à une telle division qui est à l'époque en train de servir de base à la généralisation d'une organisation du travail pensée comme scientifique16. Il s'inscrit, au contraire, dans la lignée de la pensée de son mentor, John Ruskin, qui écrit dès 1853 : « à dire vrai, ce n'est pas le travail qui est divisé, ce sont les hommes ; divisés en portions d'hommes, en petits fragments, en miettes vivantes17. » À la suite de John Ruskin, William Morris considère que cette division a des conséquences délétères en réduisant la capacité de réalisation, de création et d'émancipation des individus et proposera d'ailleurs une tout autre conception de la répartition des activités dans son utopie futuriste des Nouvelles de nulle part : son narrateur y croisera en 2102 un marin-orfèvre ou encore un tisserand-mathématicien18.
Enfin, si l'œuvre de William Morris intéresse notre temps, c'est par sa capacité à lier une réflexion conceptuelle à une action effective dans la société, positionnement qui résonne fortement dans le contexte contemporain de l'activisme environnemental ainsi que dans celui de l'activisme social lié aux questions migratoires. Il propose, en effet, une pensée en acte ne pouvant être comprise que par les notions d'implication et d'engagement. Maurice Agulhon écrit d'ailleurs à son sujet :
« En attendant, [Morris] savait aussi travailler de ses mains dans ses ateliers, procurer à ses ouvriers les salaires les plus élevés et les horaires les plus commodes, et, le soir, haranguer les foules, au coin des trottoirs des quartiers pauvres. Il fallait arriver à la fin du XIXe siècle pour trouver cet être remarquable : un utopiste militant 19. »
William Morris, utopiste militant, a ainsi appliqué à lui-même ses principes. En plus de sa formation d'architecte et de peintre, sa production, du point de vue du design actuel, va du design textile au design d'espace, du design d'objet au design graphique. De plus, de la broderie au tissage, de la fonte d'imprimerie à la création de typographies, de la peinture aux papiers peints, sa pratique va de l'expérimentation la plus concrète à la mise en place de structures de production plus globales. Ainsi, il crée la célèbre entreprise de décoration Morris & Co — préalablement la Morris, Marshall, Faulkner and Co — par laquelle il rénove l'ancienne manufacture de Merton Abbey avant de créer la Kelmscott Press. Il est aussi poète, romancier, essayiste et traducteur qui inspirera John Ronald Reuel Tolkien ou encore James Joyce. L'œuvre politique de William Morris est semblable à sa pratique de création : elle lie analyse réflexive et action effective. À la fois activiste participant à la création de la ligue socialiste anglaise, il est aussi l'auteur d'un nombre important d'écrits théoriques et d'essais qui construisent un écosocialisme libertaire tout à fait singulier, ainsi qu'un infatigable orateur.
William Morris aborde la langue en poète et en militant. Qu'elle soit orale ou écrite, elle est pour lui un moyen d'agir à dessein pour porter ses visions et ses conceptions d'une société pacifiée. C'est dans ce contexte qu'il écrit en 1890 ses Nouvelles de nulle part ou une ère du repos qui seront publiées sous forme de feuilleton pour Commonweal, une revue socialiste prônant la révolution sociale20. Il s'agit d'ailleurs d'une réponse à la fiction Looking Backward de l'américain Edward Bellamy, publiée deux ans auparavant, qui décrit le monde en l'an 2000 en prônant « un idéal techniciste et une militarisation du travail21 » à l'opposé des conceptions de William Morris. Ce dernier va alors proposer une autre voie d'anticipation fictionnelle en créant une œuvre singulière qui nous apparaît aujourd'hui comme un maillon essentiel liant la tradition de la fiction politique Renaissante de Thomas More22 à l'émergence à venir des contemporaines écotopies qui naîtront dans la seconde moitié des années 1970 aux États-Unis23.
3. Nouvelles de nulle part : topologie d'un bâti fictionnel
« On le sait depuis Aristote : ce qui distingue la fiction de l'expérience ordinaire, ce n'est pas un défaut de réalité mais un surcroît de rationalité24. »
Jacques Rancière.
Les Nouvelles de nulle part mettent en scène un narrateur, William Guest — the guest signifiant en anglais le visiteur — s'éveillant en 2102 et parcourant une société nouvelle, pacifique, écologiste, postrévolutionnaire (du point de vue marxiste), post-capitaliste, postindustrielle et post-extractiviste. Nous y retrouvons la plus limpide expression de la dialectique morrissienne entre le passé pré-capitaliste et l'avenir post-capitaliste telle que l'a analysée le sociologue et philosophe Michael Löwy25. Ce futur dans lequel l'être humain est réconcilié avec la nature se nourrit d'ailleurs de la nostalgie d'un paradis perdu en une sorte de synthèse entre le romantisme restitutionniste et le romantisme révolutionnaire.
La fiction permet à William Morris de réaliser son projet d'une extension de l'art à l'ensemble de la fabrique du monde26 déconstruisant le présent industrieux et industriel du Londres de son temps. Or, les Nouvelles de nulle part sont souterrainement hébergées par les espaces concrets de Londres liés à la vie même de William Morris. La chercheuse en langue et littérature anglaise Susan Trouvé-Finding, spécialiste en civilisation britannique contemporaine, considère que l'ensemble du roman « se construit à partir de la carte personnelle de Morris, retraçant des épisodes véridiques et tragiques de sa propre expérience27. Ainsi, les territoires de l'imaginaire qu'emprunte William Morris sont traversés en creux par ses cheminements intimes et par la réalité sociale de son temps. Ils sont autant de jalons permettant d'arpenter la fiction et d'y fixer sa trame. William Morris la bâtit donc par l'assemblage de lieux, d'espaces et de cheminements dont il a fait l'expérience. Cette manière de construire des cités imaginaires en collant des fragments d'éléments existants est similaire à celle de Jan van Eyck. Il admire ce peintre flamand qui mit au point avec son frère le siccatif permettant le développement de la peinture à l'huile et va même jusqu'à le citer dans une allocution politique prônant la révolution socialiste et la société de l'avenir28. Il y explique que ces peintures du XVe siècle « ont été conçues pour être regardées, afin que les yeux fassent goûter à l'esprit la poésie du passé, du présent et de l'avenir »29. Dans La Vierge au chancelier Rolin30, Jan van Eyck déploie dans l'arrière-plan ce qui se joue au premier plan. Derrière le pouvoir terrestre du chancelier, s'amoncellent des morceaux de Bruges dont le cadre même s'inspire de l'ancienne cathédrale Saint-Donatien et de Lièges. Derrière la vierge à l'enfant s'étendent la Jérusalem céleste et dans l'entre-deux, au fond de l'œuvre, un pont avec un crucifix rejoue le geste christique du premier plan scellant l'alliance du terrestre et du céleste. Or, même lorsque Jan van Eyck construit sa Jérusalem céleste, nous y retrouvons des morceaux d'églises existantes « jusqu'aux silhouettes connues des flèches et des clochers » qui « évoquent dans le Paradis les souvenirs de la terre31. »
William Morris travaille la construction de son paradis laïque d'une manière similaire, rejouant ses propres « souvenirs de la terre ». Cette poïétique nourrie de l'expérience sensible du monde donne aux paysages des Nouvelles de nulle part la puissance d'évocation inscrite au cœur des entrelacs des motifs végétaux de ses tapisseries et engage un retour permanent sur son temps en mêlant le poétique au politique. Comme le note la directrice du centre d'art contemporain Les Capucins Solenn Morel, dans le roman futuriste de William Morris, Trafalgar Square est « dépossédé de la sculpture de Nelson, arborant en lieu et place un florissant verger d'abricotiers32. » Or, « L'auteur, l'un des plus importants soutiens britanniques de la Commune de Paris rend ainsi hommage, à travers ce geste radical, au fameux épisode de la démolition de la colonne Vendôme en 187133. » Solenn Morel présente cet aspect de l'œuvre de William Morris afin d'introduire, dans le centre d'art contemporain qu'elle dirige, l'exposition Nouvelles de nulle part réalisée en 2016 par le duo d'artistes contemporains composé de Florentine et d'Alexandre Lamarche-Ovize. Dans cette exposition34 les artistes ont de manière sensible et subtile su saisir cette manière « d'utopiser » par assemblage de morceaux préexistants. Solenn Morel écrit :
« À Embrun, ils [le duo d'artiste Lamarche-Ovize n.d.a.] se sont rapprochés de la ressourcerie qui collecte depuis deux années du mobilier, du matériel et de la vaisselle d'occasion, constituant ici la matière première de Nouvelles de nulle part, de la même façon finalement que les barricades étaient construites avec ce que les communards avaient sous la main35. »
Le duo Lamarche-Ovize met en œuvre, au sens propre du terme, cette fabrique de l'utopie permettant non pas d'échapper à ce qui est mais de l'intégrer comme matériau de création de ce qui pourrait être. Leurs Nouvelles de nulle part sont à ce titre pleinement construites comme une utopie morrissienne contemporaine : à la fois par récupération d'objets existants et par télescopage fictionnel entre les barricades de la commune et la disparition de la sculpture de Nelson. Dans une perspective analytique, la chercheuse Susan Trouvé-Finding travaille, elle aussi, dans les Nouvelles de nulle part, cette rencontre entre le rêve et le réalisé. En une cartographie poétique, elle cherche les points de jonction entre le Londres « utopisé » et le Londres de la seconde moitié du XIXe siècle. Elle y montre que William Morris transforme en « un chiasme vengeur, les lieux de pouvoir politique [...] en écuries, le siège du pouvoir culturel en logements populaires [...] les lieux de rassemblement et de manifestation deviennent des vergers ensoleillés, lieux du souvenir de morts innocents36. » On se souvient de ce point de vue qu'il fut témoin à Trafalgar Square de la sanglante répression policière du bloody Sunday, jour durant lequel il devait prononcer son discours sur La société de l'avenir37. Susan Trouvé-Finding y voit d'ailleurs une stratégie plus globale traversant l'ensemble de la fiction. Elle écrit :
« Morris entraîne le lecteur dans un voyage d'anticipation, un périple à travers des quartiers connus de Londres pour établir des contrastes entre rêve et réalité. L'itinéraire que Morris suit à travers sa ville est à la fois réel et symbolique [...]. Dans le roman, la ville de Londres apparaît transformée, transfigurée. Derrière cette vision, Morris décrit en filigrane la réalité du Londres victorien pour mieux souligner le bouleversement rêvé et embellir sa "cité" idéale. Morris le réaliste nous présente des vignettes des lieux qui lui étaient familiers [...] Morris le satiriste dénonce le système capitaliste et son cortège de maux à travers ces mêmes lieux [...]. Morris l'utopiste décrit un "paradis terrestre" — titre évocateur du recueil de poèmes qu'il publia en 1868-187038. »
La construction hybride de ce Londres à la fois rêvé et subi a bien vocation à mettre la brutalité sociale de son temps à l'épreuve de la fiction. L'objectif est, en cela, d'une part de questionner son époque et d'autre part d'utiliser le futur comme le possible lieu de réforme de l'institution du réel39.
4. Fictionary, i.e. fiction-factory
« Il installa, à Merton, son usine de rêve, qu'il baptisa du néologisme "fictionary"40.»
Susan Trouvé-Finding
Dans la perspective, éminemment poïétique, d'une stratégie fictionnelle comme appel à la réalisation du réel, un élément considéré à l'époque comme anecdotique nous paraît être central pour étudier la pensée en acte de William Morris. C'est à propos de l'emménagement dans l'ancienne manufacture de Merton Abbey qu'il aura ces mots : « The fictionary sounds likely to become a factory»41. Une phrase difficilement traduisible qui, pour Susan Trouvé-Finding, joue d'un néologisme issu de la contraction entre fiction et factory42. Notons que le terme anglais factory signifie à la fois la fabrique, la manufacture et l'usine ; le terme issu du latin factor signifiant « celui qui fait ». Le concept de fictionary permet d'aborder la fiction dans son possible lien au « faire », en le mêlant à une même fabrique : la fabrique d'un réel réformé par l'imaginaire.
Il est de ce point de vue symptomatique de noter que William Morris ne cesse de faire retour, dans sa fiction, aux réalités de son temps alors même qu'il baptise par la fiction, la bien réelle manufacture textile de Merton Abbey. C'est d'ailleurs la production imaginaire d'un avenir dans lequel se mêlent les figures du Moyen Âge et de la première Renaissance qui le guide dans sa réalisation de très concrètes « micro-utopies » à Merton Abbey ou encore à la Kelmscott sous les presses de laquelle seront justement imprimées en 1892 les pages de l'ouvrage des Nouvelles de nulle part. L'enseignante-chercheuse en humanité numérique et conservatrice des bibliothèques Florence Alibert considère qu'il est fondamental de prendre en compte le lien entre la création de la Kelmscott et l'écriture des Nouvelles de Nulle part43 durant le tout début des années 1890.
La Kelmscott Press est sans doute l'expérience la plus aboutie de William Morris en tant que système d'unification de l'ensemble du processus de création et de production. Elle est aussi le dernier témoignage — il meurt cinq ans après sa création — de sa volonté de lier le langage et le visuel, la production artistique et l'activité réflexive. La Kelmscott est en effet non seulement une maison d'édition mais aussi une imprimerie avec une fonderie typographique. Il s'agit de penser la continuité globale allant de l'activité éditoriale jusqu'à la mise sous presse. Il noue d'ailleurs, dans un principe que nous qualifierions aujourd'hui de « circuit-court », des relations avec des producteurs artisanaux de papier et d'encre et travaille en collaboration avec ses amis peintres préraphaélites pour les illustrations. Dans ce souci de penser en une même continuité le fond et la forme, il ira jusqu'à créer des typographies spécifiques et leur fonte, telles que la Golden type pour éditer La Légende dorée de Voragine ou encore la Chaucer type qu'il crée lorsqu'il édite l'œuvre de Chaucer. Or, ces aspects très concrets de la mise en œuvre, cette implication dans le « faire », sont intriqués au cœur du travail intellectuel. Ainsi, la Kelmscott éditera, outre les Nouvelles de nulle part, l'Utopia de Thomas More, La nature du Gothique de son mentor John Ruskin ou encore l'œuvre de Keats.
Le roman d'anticipation de William Morris montre que pour lui l'imagination et l'usage de la fiction ne sont ni une échappée hors du monde, ni une vision éthérée venant se dissoudre face aux vicissitudes du réel. Ils sont au contraire une manière de mobiliser la capacité transformatrice du « faire » montrant l'incidence politique d'une convergence entre le poétique et le poïétique.
5. Tisser La Forêt ou le devenir jardin de l'atelier
« L'amour de la nature sous toutes ses formes doit être l'esprit dominant des œuvres d'art44. »
William Morris
La première fictionary de William Morris, Merton Abbey, est une ancienne manufacture de textile créée au début du XVIIIe siècle à la suite de productions textiles établies sur le site dès le siècle précédent. C'est en 1881 que William Morris l'acquiert comme atelier de la Morris & Co. Il en fera un lieu d'expérimentation par le local, de ses conceptions sur la réhabilitation du travail par la réunion de l'art et de l'artisanat. Il pourra enfin y développer pleinement les pratiques d'ateliers en travaillant l'impression, le vitrail, le tissage, la teinture, la tenture, le tapis, la tapisserie et le papier peint.
En 1887 il crée dans les ateliers de Merton Abbey une tapisserie intitulée La Forêt qui sera présentée lors de l'exposition Arts & Crafts de 1890 et qui est aujourd'hui conservée au Victoria & Albert Museum de Londres. Cette œuvre nous paraît être symptomatique de la manière dont William Morris y travaille, poétiquement et avec une grande cohérence, l'œuvre et ce qu'elle met en œuvre. Cette tapisserie reprend la tradition de la « verdure » qui s'oppose dans la tapisserie classique aux tapisseries à personnages et reprend pour sa partie basse la tradition de composition à « mille fleurs ». Elle se structure en frise à partir d'un dense réseau végétal dans lequel nous retrouvons le motif de la feuille d'acanthe cher à William Morris. Au cœur de ce all-over végétal, sont placées cinq figures d'animaux et d'oiseaux issues d'études de Philip Webb. Au-dessus d'eux, deux bannières permettent d'y inscrire ce vers de William Morris :
« The Beasts that be
In wood and waste45. »
Preuve de la cohérence singulière de l'œuvre de William Morris mais aussi de la complexité de ses jeux de renvois, les vers de cette tapisserie seront publiés en 1891 dans les Poèmes sur le chemin qu'il édite à la Kelmscott Press46. Le chapitre XXXV s'intitule Poèmes pour des images qui peut se lire à la fois comme des images poétiques mais aussi comme des références aux images qu'il a conçues. Nous y retrouvons dans un poème intitulé Le Lion47 les vers présents dans la tapisserie.
Ces vers font de la forêt le lieu des bêtes mais aussi celui de la perte. La nature menacée par les productions humaines est le lieu du déchet dans le sens de la déchéance : waste. Notons par ailleurs que cette nature, défaite dans les mots, est re-tissée, reprisée par l'image en une mythique, inaltérable et inviolable forêt. Nous trouvons ici un exemple du rôle à la fois réparateur et transformateur que William Morris attribue à l'art vis-à-vis du vivant. Cette réparation opérée par l'artiste-artisan est évoquée dans la même série de poèmes, dans les vers de La Forêt : un poème qui porte donc le même titre que la tapisserie de 1887. Il y écrit à propos du poirier :
« By woodman's edge I faint and fail
By craftsman's edge I tell the tale48 . »
Dans ces vers, le poirier s'évanouit sous les coups du bûcheron mais raconte son histoire grâce à l'artisan. La référence au bois de fruitier est ici à lire à différents niveaux. Elle est un motif iconique, la nature comme source nourricière et comme source de motifs ornementaux étant pour William Morris un élément central. Or, si William Morris fait de la nature, comme motif et motilité végétale, un élément central de création, il est à entendre dans son sens poïétique. La représentation de la nature est l'occasion d'œuvrer à pacifier l'humain et son environnement en un geste analogue. À ce titre, il explique :
« Ces formes (...) n'imitent pas nécessairement la nature, mais la main de l'artisan est guidée pour travailler comme elle, jusqu'à ce que la toile, la coupe ou le couteau soit aussi naturel, aussi beau que le pâturage, la berge ou le silex de montagne49. »
L'approche de William Morris dans sa relation à la nature est de l'ordre de l'exemplification et le bois de fruitier qu'il cite dans son poème intitulé La Forêt est aussi celui permettant à l'artisan de créer les tablettes en bois utilisées pour les impressions textiles comme il le fit lui-même à Merton Abbey. C'est donc en un in-séparé entre le poïétique et l'esthétique que se joue la relation entre bois et forêt. Il est à la fois motif icône50 du bois et l'exemplifie en tant que matériau concourant à la création du motif.
Par des jeux de renvois entre le textuel et le textile qui renouent avec leur racine étymologique commune, William Morris rend visible et lisible cette approche procédurale dans laquelle le motif visuel et sa mise œuvre sont indissociables.
Il montrera d'ailleurs sous d'autres formes cette conception comme par exemple en se mettant en scène pour des démonstrations promouvant les pratiques artisanales lors d'expositions des Arts & Crafts. Un dessin de son ami Edward Burne-Jones témoigne en 1888 de ses démonstrations. William Morris y « performe » sur son métier à haute lisse pour exemplifier ses conceptions sur l'art, l'artisanat et le travail. C'est à partir de 1870 qu'il s'intéresse à la technique du tissage, étudiant l'histoire mécanique des procédés jusqu'à se faire construire un métier de haute lisse sur le modèle des ateliers d'Arras51. Il croisera alors sa propre expérimentation avec des recherches à partir d'anciens traités et d'anciennes tapisseries52. Nous retrouvons ici une démarche tout à fait similaire à celle que nous évoquions précédemment au sujet des fontes typographiques53.
Si l'œuvre La Forêt se joue doublement comme tapisserie et comme poésie, c'est aussi dans une double mise en œuvre : par le tissage des ateliers de Merton Abbey et par la publication des Poèmes sur le chemin par la Kelmscott Press, deux fictionaries créées par William Morris. C'est en ce sens que le tissage de La Forêt mêle le lisible et le visible, la production et l'outil, dans un hommage à la nature qui est aussi à lire poïétiquement dans sa mise en œuvre par des artistes-artisans. Un processus pensé comme une réconciliation du naturel et de l'artéfactuel qui anticipe les urgences écologiques de notre temps. Il résume ce projet en un court programme éminemment actuel : « Nous devons transformer cette terre pour que d'une arrière-cour crasseuse d'atelier, elle devienne un jardin54. »
6. Design critique et fiction fonctionnelle
« L'imaginaire de Londres, la ville rêvée de Morris dans Nouvelles de nulle part, a bel et bien servi de modèle et inspiré des vocations esthétiques et politiques55. »
Susan Trouvé-Finding
Le duo Dunne & Raby réunit Fiona Raby qui enseigna pendant dix ans à l'Université d'arts appliqués de Vienne et Antony Dunne qui a dirigé pendant dix ans le département de design d'interaction au Royal College of Art de Londres. Ils sont aujourd'hui tous deux professeurs de design et d'enquête sociale en design ethnologique et social à la New School de New York. Leur duo est symptomatique de la réémergence contemporaine du design critique et de la réactivation actuelle du lien entre stratégie fictionnelle et critique sociale. Citant Andrew Feenberg qui estime que le design technologique est à appréhender dans le contexte contemporain comme une décision ontologique, Dunne & Raby considèrent comme nécessaire « de défier l'orthodoxie du design et les visions technologiques prévalentes de façon à ce que de nouvelles perspectives puissent émerger56 ». Ils présentent, en ce sens, un outillage lexical et conceptuel dans lequel nous trouvons l'idée d'une « fiction fonctionnelle » : la fonction de la fiction étant liée à sa capacité de nous faire appréhender ce que « pourrait être le monde57 ». Nous voyons, à cet égard, de nouveau, le lien qui les unit à William Morris qui intitula sa célèbre allocution du 30 novembre 1884, pour la section d'Hammersmith de la Socialist Democratic Federation, « comment vivons-nous, comment pourrions-nous vivre ? » À plusieurs égards, ses Nouvelles de nulle part correspondent d'ailleurs, tant par leurs fins et que par leurs moyens, à cette proposition d'un design de la fiction fonctionnelle. William Morris y déconstruit, à dessein, le mythe de la rutilance technique. Privilégiant l'invention de nouvelles valeurs sociales à de nouvelles technologies, il propose un urbanisme de la décroissance qui permet de ré-habiter pacifiquement le vivant.
Les Nouvelles de nulle part traversent à la fois l'ordre d'un dire littéraire et politique, écho de l'Utopia de Thomas More et celui d'un « faire » à la fois artistique et social qui annonce les futurs projets tant utopiques que dystopiques du design et de l'architecture spéculative. Lorsque Thomas More met en scène au XVIe siècle, dans l'île fictionnelle Utopia, une société régie par un principe d'égalité et une absence de propriété privée, il la définit comme un u-topos, un non-lieu fictionnel, auquel William Morris fera référence en présentant ses nouvelles comme provenant de « nulle part » : nowhere. Mais, comme nous l'analysions à partir de la tapisserie La Forêt, l'œuvre de William Morris est un écosystème dérogeant aux catégories disciplinaires traditionnelles qui ne cesse de renvoyer à la figure de l'artiste-artisan comme exemplification d'un faire à la fois transformateur et pacificateur. À ce titre, il déborde le cadre du récit littéraire, ou plutôt l'aborde autrement : comme un possible objet Arts & Crafts. Liées aux fiction-factories de Merton et de Kelmscott ainsi qu'aux références souterraines de ses propres lieux de vie et de lutte politique, les Nouvelles de nulle part sont à comprendre comme la cartographie globale d'un « bâti » fictionnel. Il y déplie les pans d'une société nouvelle par une pensée projective issue de la culture de chantier qui y trouve son incidence politique. La dimension politique y est d'ailleurs constamment abordée par les usages, par le domestique, par les manières d'habiter et de vivre. La narration chemine quant à elle au travers d'un récit en permanence spatialisé, allant du marché sur la route (chapitre 4) à Trafalgar Square (chapitre 7) pour terminer dans une vieille maison de New Folk (chapitre 31) qui, comme l'explique Susan Trouvé-Finding, est « en réalité, un manoir de campagne, sa propre maison, renvoyant le lecteur à nouveau à un idéal bien réel58 ». En ce sens, la fiction a la fonction de conduire le lecteur « vers le "bon lieu", l'eutopie59 » qui est à la fois un retour au réel et une invitation à le réformer.
7. Conclusion
Le design critique contemporain réactive le travail spéculatif que le mouvement radical en art, architecture et design avait fait émerger dès les années 1960/70 en hybridant les artefacts de la culture du projet aux récits textuels et visuels de la science-fiction et de la politique-fiction60. Nous avons, ici, travaillé l'hypothèse que l'œuvre de William Morris constituait l'une des matrices de cette hybridation contemporaine. Elle apparaît ainsi au niveau historiographique comme un élément central de la généalogie du design critique montrant les liens qu'il entretient dès son origine avec le design fiction.
Alors même que le design contemporain renoue avec le projet de bâtir sur les territoires de l'imaginaire, il nous a paru pertinent d'étudier le lien permanent que la part fictionnelle de cette œuvre entretient avec le faire. C'est à ce titre que nous avons mobilisé le néologisme fictionary en tant que concept permettant de comprendre la cohérence singulière du complexe écosystème que constituent les Nouvelles de Nulle Part, La Forêt, les Poèmes sur le chemin, les ateliers de Merton Abbey, les presses de la Kelmscott et l'action politique de William Morris. Ce concept permet de comprendre que le « faire » est le pivot central d'une stratégie de transformation qui s'élabore à la fois par l'action locale et par la réforme des imaginaires.
Le galeriste Augustin David note que l'œuvre de William Morris est aujourd'hui féconde pour penser « l'idée révolutionnaire dans une perspective quotidienne et matérielle en prenant au sérieux cette adresse à "faire exister différemment le monde" 61». Effectivement, il s'agit bien d'un faire advenir, et ce, dans un double aspect : imaginer un autre avenir et le réaliser. C'est sans doute tout l'enjeu actuel de la refondation de possibles fiction-factories.
Bibliographie et œuvres de référence
Œuvres et ouvrages de la Kelmscott Press
Lamarche-Ovize, Florentine et Alexandre, Nouvelles de nulle part. Peinture murale, objets, installation & peintures, 18 m x 1,8 m, Les Capucins, centre d'art contemporain d'Embrun, 2016.
Morris, William et Dearle, John Henry (design), Webb, Philip (dessin des études d'animaux), Knight, William, Martin, John et Sleath, William (réalisation), The Forest, tapisserie, laine et soie tissées sur chaîne de coton, réalisée à Merton Abbey, Morris & Co. en 1887, collection Victoria and Albert Museum, Londres.
Morris, William, Poems by the way, Hammersmith, édité, publié et imprimé par la Kelmscott Press, 1891.
Morris, William, News from nowhere, an epoch of rest : being some chapters from a utopian romance, Hammersmith, édité, publié et imprimé par la Kelmscott Press, 1892 [1890]. Collection de la British Library.
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Ouvrages et catalogues
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Articles et communications
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Tschain, André, « William Morris ou le socialisme typographique », dans la revue Communication et langages, n°15, 1972, p. 42 sq.
-
MacCarthy, Fiona, Morris : A life for Our time, New York, Alfred A. Knopf, 1995, p. 429. ↩
-
Traduit par l'auteur. "[...] it was the designer William Morris who was the first to create critical design objects in the way we understand them today" cf. Dunne, Antony et Raby, Fiona, Speculative everything, Design, fiction, and social dreaming, Cambridge, MIT Press, 2013, p.17. ↩
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Dunne, Antony et Raby, Fiona, ibid., p.6. ↩
-
Sur le lien entre William Morris, les champs du design critique et ceux du design spéculatif : cf. « William Morris après Superstudio et Dunne & Raby », dans Dupont, Jérôme, Art, design et trait d'union, mémoire d'habilitation à diriger des recherches, H.D.R. soutenue en mars 2020 à l'université Bordeaux-Montaigne ; voir aussi Dupont, Jérôme et Sagot Stéphanie, « Persistance et existence d'un design critique », dans Bernié-Boissard, Catherine & al. (Eds), Les Cultures de résistance, Aix-Marseille, PUAM, 2016, p. 149 sq ; ainsi que Dupont, Jérôme et Sagot Stéphanie, « Éléments pour une généalogie du design critique », dans Bertrand, Gwenaëlle & Favard, Maxime (Eds), Poïétiques du design, Politique de la conception, Paris, l'Harmattan, 2015, p. 195 sq. ↩
-
Nous entendons ici la réalisation du réel dans le sens bachelardien d'un réel considéré comme mouvement de réalisation par lequel le monde est connaissable en raison même de sa résistance, obstacle nécessaire qui permet de fonder la pensée rationnelle, cf., entre autres, Bachelard, Gaston, Le matérialisme rationnel, Paris, P.U.F. 1990 [1953], p.11 sq. ↩
-
Sous l'impulsion initiale du professeur des universités et architecte Pierre Litzler et du professeur émérite en philosophie de l'art Daniel Payot, le laboratoire ACCRA a développé la perspective d'une recherche poïétique du design, voir à ce sujet notamment les quatre ouvrages Poïétiques du design publiés sous la direction de Gwenaëlle Bertrand & Maxime Favard de 2014 à 2017. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? l'imaginaire de Londres dans Nouvelles de nulle part (1890) », dans Menegaldo, Hélène & Menegaldo, Gilles (Eds.), Les Imaginaires des villes, Entre littérature et arts, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,2007, p.170. https://books.openedition.org/pur/30203?lang=fr ↩
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Traduit par nous. "And yet, I say, how have we of these latter days treated the beauty of the earth, or that which we call art ?" Morris, William, Art under plutocracy, communication du 7 novembre 1883 au Russell Club, University College Hall d'Oxford, publié dans Morris, William, The Collected Works of William Morris, vol. 23, Londres, Longmans, Green & Co., 1910-1915 [The William Morris Internet Archive]. https://www.marxists.org/archive/morris/works/1883/pluto.htm ↩
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Pevsner, Niklaus, Sources of modern architecture and design, Londres, Thames & Hudson, 1968. ↩
-
William Morris explique par exemple que malgré l'attention apportée au design, certains objets de luxe échouent dans leurs intentions en raison du manque de coopération entre le designer et l'artisan (handicraftsman). Morris, William, Art, Wealth and riches, communication faite le 6 mars 1883 à la Manchester Royal Institution, Manchester, publié dans Morris, William, Architecture, industry & wealth; collected papers by William Morris, Londres, Longmans Press, 1902. [The William Morris Internet Archive]. https://www.marxists.org/archive/morris/works/1883/riches/riches.htm ↩
-
Notons, à titre d'exemple, un article de recherche en design graphique de 1987 qui qualifiera l'aventure typographique de William Morris « d'erreur historique » justement en raison de sa volonté de privilégier des procédés manuels alors que se développent « les techniques modernes » ainsi que par la faible production quantitative de la Kelmscott Press. Cf. Laliberté, Jadette, « La typographie moderne : conséquence de la révolution industrielle ? », revue Communication & Langages, n°72, 1987, p.65. ↩
-
À ce sujet Haraway, Donna, « Anthropocène, capitalocène, plantacionocène, chthulucène, faire des parents », traduit par Frédéric Neyrat, revue Multitudes, n°65, 2016, p.75 sq. ↩
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Dunne, Antony et Raby, Fiona, Between reality and the impossible, essay for the catalogue of the St Etienne international design biennale, France, 2010, p.131. ↩
-
Nous le retrouvons ainsi par exemple en 2013 au cœur de l'œuvre de Jeremy Deller pour le pavillon anglais de la 55ème biennale d'art contemporain de Venise. Sur cette question cf. Dupont, Jérôme « Le monde d'après par le monde d'avant : W. Morris, Art under plutocracy, 1883 / J. Deller, English Magic, 2013 », journal d'art contemporain Horsd'œuvre, n°45, 2020, p.6. https://www.interface-horsdoeuvre.com/numero/horsdoeuvre-n45/ ↩
-
À ce sujet, Jappe, Anselm, William Morris et la critique du travail. 31 janvier 2016, pp.7-26. [Palim Psao, portail francophone sur la critique de la valeur-dissociation]. http://www.palim-psao.fr/2016/01/william-morris-et-la-critique-du-travail-par-anselm-jappe.html ↩
-
Notons que l'ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, contemporain de William Morris, sera l'une des figures centrales de l'utilisation de la division des tâches comme base d'une organisation scientifique du travail au début des années 1880, c.-à-d. au moment même de l'émergence des Arts & Crafts. ↩
-
Traduit par nous. "It is not, truely speaking, the labour that is divided; but the men: divided into mere segments of men, broken into small fragments and crumbs of life", Ruskin, John, The Nature of Gothic, a chapter of the stones of Venice, Londres et Orpington, Kelmscott Press, 1892 [1853], p.22 sq. ↩
-
Morris, William, News from Nowhere or An Epoch of Rest : being some chapters from a utopian romance. Publié sous forme de feuilletons dans la revue de la ligue socialiste Commonweal durant 1890 puis dans un ouvrage complet en 1892 par la Kelmscott Press. ↩
-
Agulhon, Maurice, « Paul Meier, La pensée utopique de William Morris », annales, dans Économies, Sociétés, Civilisations, 29-5, 1974, p. 1116. ↩
-
Morris, William, News from Nowhere or An Epoch of Rest, op.cit. ↩
-
Alibert, Florence, « William Morris et les News from Nowhere : une utopie d'esthète », communication dans le cadre de Le Discours de l'Art : théories et critiques d'artistes, université Paris 1 Sorbonne, 2006. ↩
-
More, Thomas, De optimo rei publicae statu, deque nova insula Utopia, Louvain, Thierry Martens, 1516. ↩
-
Avec le roman éponyme, Callenbach, Ernest, Ecotopia : The Notebooks and Reports of William Weston, Berkeley, Banyan Tree Books, 1975. ↩
-
Rancière, Jacques, Les Bords de la fiction, Paris, Le seuil, 2017, 4ème de couv. ↩
-
Löwy, Michael, « William Morris, romantique révolutionnaire », revue Multitudes, n°55, 2014, p. 129 sq. ↩
-
Nous faisons ici référence au célèbre préambule de l'Art en ploutocratie, pour une analyse plus spécifique des enjeux de ce préambule cf. Sagot, Stéphanie (Ed.), Pour une poétique de la ville, La cuisine centre d'art et de design, Paris, Nouvelles éditions Jean-Michel Place, 2018 ; ainsi que Dupont, Jérôme Dupont et Sagot, Stéphanie, « Éléments pour une généalogie du design critique », op.cit. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit., p.169. ↩
-
Morris, William, La société de l'avenir, communication prévue pour la section de la Ligue Socialiste de Hammersmith le 13 novembre 1887, jour du « Dimanche Sanglant », qui sera, de ce fait, repoussée d'une semaine. ↩
-
Morris, William, « La société de l'avenir », dans L'Âge de l'Ersatz et autres textes contre la civilisation moderne. Traduit par Olivier Barancy, Paris, éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, 1996 [1887-1894]. ↩
-
Van Eyck, Jan, La Vierge au chancelier Rolin, vers 1435, Musée du Louvre. ↩
-
Louis Gillet, « L'Exposition van Eyck à Bruxelles - La Résurrection de l'Agneau mystique », dans la Revue des deux mondes, 6ème période, t.59, 1920, p. 396. ↩
-
Morel, Solenn, Présentation de l'exposition Nouvelles de nulle part, Les Capucins, centre d'art contemporain à Embrun, 2016. [Les Capucins].
-
Ibid. ↩
-
Lamarche-Ovize Florentine et Alexandre, Nouvelles de nulle part. Peinture murale, objets, installation & peintures. 18 m x 1,8 m, 2016, Les Capucins, centre d'art contemporain d'Embrun. ↩
-
Morel, Solenn, Présentation de l'exposition Nouvelles de nulle part, op. cit.
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.169. ↩
-
Morris, William, « La société de l'avenir », op. cit. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.169. ↩
-
Nous parlons ici d'Institution du réel dans le sens de la part instituée et institutionnelle de ce qui est produit comme principe de réalité. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.169. ↩
-
MacCarthy, Fiona, Morris : A life for Our time, op.cit., p. 429. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.170. ↩
-
Alibert, Florence, « William Morris et les News from Nowhere : une utopie d'esthète », op.cit. ↩
-
"Love of nature in all its forms must be the ruling spirit of such works of art", Morris, William, The lesser art. Communication faite le 4 décembre 1877 pour la Trades' Guild of Learning. [The William Morris Internet Archive]. https://www.marxists.org/archive/morris/works/1882/hopes/chapters/chapter1.htm ↩
-
Traduit par nous : « Les bêtes qui demeurent / Parmi les bois et les restes (ou les déchets n.d.a.) ». ↩
-
Morris, William, Poems by the way, Hammersmith, Kelmscott Press, 1891.
[The William Morris Internet Archive].
https://www.marxists.org/archive/morris/works/1891/bytheway/bytheway.htm ↩
-
Morris, William, Poems by the way, op. cit. ↩
-
Traduit par nous : « Par la coupe du bûcheron, je m'évanouis et tombe / Par le fil (ou la coupe n.d.a.) de l'artisan je raconte l'histoire », Morris, William, Poems by the way, op. cit. ↩
-
Traduit par nous : "or this end are those wonders of intricate patterns interwoven, those strange forms invented, which men have so long delighted in: forms and intricacies that do not necessarily imitate nature, but in which the hand of the craftsman is guided to work in the way that she does, till the web, the cup, or the knife, look as natural, nay as lovely, as the green field, the river bank, or the mountain flint". William Morris, The lesser art, op.cit. ↩
-
Il s'agit dans le cas de la tapisserie The Forest d'icônes de la nature à la fois en leur sens sémiotique mais aussi dans la dimension sacrée de l'origine étymologique du mot en raison du rapport que William Morris entretient dans son œuvre avec la protection de la nature. ↩
-
Vidalenc, Georges, William Morris, Paris, Félix Alcan, 1920, p.89. ↩
-
Ibid. ↩
-
Nous y retrouvons la même quête d'expérimentation directe mais aussi le même travail d'érudition à partir de textes anciens et par la lecture assidue des manuscrits de la collection du British Museum de Londres, cf. Tschain, André, « William Morris ou le socialisme typographique », dans la revue Communication et langages, n°15, 1972, p. 44. Lorsqu'il crée la Kelmscott, outre le travail d'édition, sa création typographique est d'ailleurs nourrie de ses recherches très fines notamment sur la lettre vénitienne du XVe siècle et des créations de Nicolas Janson et de Jacques Le Rouge, cf. Tschain, André, ibid. p. 47 sq. ↩
-
"We must turn this land from the grimy back-yard of the workshop into a garden", cf. Mahamdallie, Hassan, «William Morris and Revolutionary Marxism : Crossing the "River of Fire"», dans le magazine International Socialism, numéro de juin 1996, archivé par International Socialism archive. [Marxists Internet Archive].
https://www.marxists.org/history/etol/newspape/isj2/1996/isj2-071/mahamdallie.htm#n25 ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.182. ↩
-
Dunne, Antony et Raby, Fiona, Between reality and the impossible, op. cit. p.1. ↩
-
Ibid. p.153. ↩
-
Trouvé-Finding, Susan, « La Cité idéale de William Morris ou le rêve réalisé ? », op. cit. p.170. ↩
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Susan Trouvé-Finding fait ici référence au terme « eutopia » qu'utilise à certains moments Thomas More jouant du jeu de mot eu-topos, le « bon » lieu. ↩
-
Cette connexion est récurrente de la Plug-in City d'Archigram aux 12 cités idéales de Supestudio en passant par l'utopie quantitative déployée dans No Stop city qu'Andréa Branzi crée pour Archizoom. ↩
-
David, Augustin, Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre, mars 2019. [galerie Stimmung].
https://galeriestimmung.com/blogs/journal/comment-nous-vivons-comment-nous-pourrions-vivre-how-we-live-and-how-we-might-live ↩