Conduite instauratrice de l'œuvre, entre expérience et expérimentation : faire atelier.
Claire Azéma

Agrégée d'arts appliqués, Maître de conférences en design à l'Université Bordeaux Montaigne, laboratoire CLARE, équipe ARTES. Ses thèmes de recherches portent sur les relations entre art contemporain et design (happening et design), le Bricolage et la seconde vie des objets et textiles, le Faire en design, anthropologie et micro-projet et l'étude des situations et restitutions de workshops en design.

Résumé

Notre analyse est centrée sur les processus d'appropriation de l'atelier par le designer, en posant l'hypothèse que l'atelier puisse être conçu comme un espace en devenir orienté vers le faire et non comme un lieu prédéterminé, préexistant à la pratique. À l'appui, de la théorie de L'œuvre à faire d'Etienne Souriau, de la réflexion de René Passeron sur le travail poïétique (εργον ποίον), de la théorie de l'expérience chez John Dewey, ainsi que de témoignages de designers parlant du faire en projet, nous verrons comment se construit le rapport entre l'œuvre à faire et l'atelier au cours du trajet instaurateur. Nous en viendrons à démontrer que le trajet repose sur une succession de détournements intérieurs et extérieurs qui instaurent un lieu en propre d’où le praticien peut anticiper ses coups et établir le milieu inédit de l'œuvre. Par cette analyse, nous espérons mieux comprendre la notion d'atelier en la mettant en rapport avec la capacité du designer à élaborer les modes d'existences de l'atelier dans le cours de sa propre pratique de projet.

Summary
Our analysis focuses on the processes of appropriation of the studio by the designer, posing the hypothesis that the studio can be conceived as a space in the making oriented towards doing and not as a predetermined place, pre-existing to the practice. With the support of Etienne Souriau's theory of L'œuvre à faire, René Passeron's reflections on poïetic work (εργον ποίον), John Dewey's theory of experience, as well as the testimonies of designers talking about making in the project, we will see how the relationship between the work to be made and the workshop is constructed in the course of the initiating journey. We will demonstrate that the journey is based on a succession of interior and exterior diversions that establish a place of their own from which the practitioner can anticipate their moves and establish the unprecedented environment of the work. Through this analysis, we hope to better understand the notion of the studio by relating it to the designer's ability to elaborate the modes of existence of the studio in the course of his own project practice.

Introduction

« Dès son arrivée, elle s'empare de crayons, feutres, pinceaux et de feuilles de papier et s'installe dans un coin bien précis de la pièce, où elle dispose ses affaires d'une manière un peu ritualisée, réalisant un espace à elle, dans la pièce, mais en même temps séparé de la pièce, puis elle se met à dessiner de très belles choses, sans s'arrêter.1 » Simone Korff-Sausse, psychanalyste, décrit le comportement d'une petite fille dans la salle d'attente d'une Maison verte, elle y voit « là une future artiste qui installe son atelier ». Il nous semble que dans le cadre d'un projet, l'artiste ou le designer, en s'aménageant un atelier, adopte un comportement assez similaire. Notons qu'ici, comme le montre l'exemple, l'atelier peut s'installer n'importe où, comme si le designer le transportait en lui et avec lui et l'installait à l'occasion. Alors, comment se déroule l'appropriation de l'atelier ?

Nous souhaitons ici centrer notre étude sur les processus d'appropriation spatiale du designer, en posant l'hypothèse que l'atelier peut être conçu comme un espace en devenir orienté vers le faire et non comme un lieu prédéterminé, préexistant à la pratique. La forme de l'atelier temporaire, ou installé dans un lieu non spécialisé, nous semble fondamentale pour le design, car l'atelier conditionne les possibilités de transformation de la matière. Bien souvent, les étudiants, futurs professionnels, débutent dans une chambre, une cuisine, un hangar, un jardin, etc., un lieu dont l'assignation première n'est pas celle de l'atelier.

Si nous suivons Étienne Souriau dans sa théorie de « l'œuvre à faire2 », l'atelier serait le lieu de l'instauration de l'œuvre. L'instauration, n'est pas la construction, explique Aurore Famy3 : « Le potier n'est pas le constructeur [nous dit-elle, reprenant l'exemple développé par Souriau], l'œuvre n'est pas construite par l'artiste  : au contraire, en tant qu'elle est instaurée, l'œuvre d'art est accueillie par celui qui l'explore, l'invente, la recueille. [Ce qui nous intéresse ici c'est] la réfutation d'un esprit connaissant à l'origine de toute action, qui projette quelque chose de l'ordre d'une réalité dans une matière4. » Dès lors que nous considérons la pratique de l'art ou du design comme un processus d'instauration, nous nous demandons : Quelles relations se tissent entre l'atelier et la conduite instauratrice au cours du faire ? L'atelier est-il alors préexistant à la pratique ou peut-on dire qu'il se construit au fur et à mesure de celle-ci ?

Notre observation puisera tout d'abord dans notre expérience personnelle de la cuisine utilisée comme atelier, afin d'observer les mécanismes de l'installation et de l'aménagement de l'atelier au travers du vécu d'un espace assigné à d'autres usages. Cela nous permettra de mettre en évidence la notion de détournement. À l'appui d'Étienne Souriau et de René Passeron, nous verrons comment cette appropriation de l'atelier fait partie du projet en trajet, c'est-à-dire, du projet en train de se faire. La phase d'installation de l'atelier consiste alors en un dialogue entre le praticien, l'environnement, les équipements, les ressources présentes. Elle est du même ordre que le processus instaurateur de l'œuvre. Ainsi modulé, l'espace de la cuisine devient pour un temps atelier d'expérimentation voire de production.

Après cette première analyse, nous étudierons le cas d'un détournement de produits et ustensiles de la cuisine pour élaborer un atelier de lithographie. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la signification de l'appropriation d'un espace de pratique dans un lieu non dédié. Enfin, pour terminer, nous nous intéresserons au designer invité dans un atelier-laboratoire hébergé par une entreprise, pour comprendre comment le designer s'approprie cet atelier et son équipement le temps de la résidence pour pouvoir réaliser son projet. Nous étudierons notamment la résidence d'Hella Jongerius en 2019 au sein de l'atelier de Lafayette Anticipation. Nous porterons alors toute notre attention sur la manière dont elle a détourné les procédés industriels associés aux équipements déjà installés dans le lieu pour produire des formes inédites. Ainsi, nous pourrons observer comment dans son statut d'opérateur (Simondon) au sein de l'atelier (compris ici comme milieu technique), elle est parvenue, afin de développer ses propres usages de pratiques du lieu, à anticiper les procédés et formes rendues possibles par celui-ci.

Par cette démarche, nous espérons mieux comprendre la notion d'atelier en la mettant en rapport avec la capacité du designer à élaborer les modes d'existences de l'atelier dans le cours de sa propre pratique de projet.

1. De l'expérience personnelle à la réflexion théorique  : le paradigme de l'atelier.

1.1. Repérer/Inventorier.

En janvier 2020, me retrouvant sans atelier et souhaitant développer des expérimentations sur la mise en œuvre de matériaux naturels, en autonomie, je décidais d'arpenter mon lieu de vie (une ancienne propriété viticole qui allait être vendue) pour en inventorier les moyens techniques et les ressources. L'idée était de faire avec les moyens du bord, de m'ancrer dans un milieu façonné au cours de plusieurs siècles par la vie agricole. Je voulais collecter avant que la propriété ne soit vendue une partie du patrimoine matériel destiné au rebut, en faisant un travail d'inventaire de signes et aussi un travail de moulage (ou de combinaisons de moulages) d'objets caractéristiques. En termes de pratique, je peux avancer ici que cet inventaire a été opéré par moi de manière sérendipienne, comme une enfant part à l'aventure, sans vraiment savoir ce qu'elle va découvrir. Le but était clairement d'établir des liens pour élaborer des possibilités de réalisation : je circulais donc autour des bâtiments, puis allais chercher un objet vu plus loin pour le rapprocher d'un autre, etc.

Lors de cette découverte active du milieu, je tentais d'analyser sa réalité anthropologique : j'observais et je projetais en imagination des possibilités offertes par les objets, les matériaux, les outils et les procédés repérés, et par les récits qui leur étaient associés. Il s'agissait ici de noter mentalement les moyens et les possibles qui s'offraient à mon regard au cours de l'arpentage. Une sorte de succession ou d'accumulation de pistes envisagées émergeait en moi, sitôt mises de côtés, voire abandonnées jusqu'à ce qu'une logique se dessine.


Moutons et cire d'abeille, Rondillon, Loupiac, mars 2021. Image : Claire Azéma.

Deux ressources naturelles, liées aux types de cultures agricoles, étaient présentes sur le terrain : moutons et abeilles. Je décidais de travailler la laine de « nos moutons » et la cire de « nos ruches ». Le lieu de la mise en œuvre serait donc la cuisine car la présence d'une gazinière permettait de faire fondre la cire au bain-marie et de feutrer la laine au savon et à l'eau tiède (étant piètre fileuse et tricoteuse, j'optais rapidement pour cette technique). L'usage de la cuisine (devenue atelier) impliquait alors le respect de l'espace et des installations ainsi que des heures de disponibilité très précises pour ne pas interférer avec la vie familiale. Il entraînait aussi la nécessité de détourner certains équipements fonctionnels et ustensiles pour que la cuisine puisse devenir, le temps d'une pratique expérimentale, un atelier. Il me semble qu'au cours de cette première phase de l'usage de la cuisine comme atelier se sont dessinés deux trajets distincts : un trajet physique, topologique situé au sein du milieu et un trajet intérieur dessiné par les nombreux rebonds et bifurcations5 de mon intention première, au fur et à mesure de sa correspondance avec le milieu.


Recherche pratique autour de la mise en œuvre de la cire d'abeille, test sur le rétroéclairage de la cire sur tamis métallique, Rondillon, Loupiac, mars 2021. Image : Claire Azéma.

1.2. Trajet et détournements extérieurs et intérieurs, comment se construit la correspondance entre le designer et le milieu ?

Souriau, dans Du mode d'existence de l'œuvre à faire préfère le terme trajet à celui de projet, car ce dernier, selon lui « supprime [...] toute expérience ressentie au cours du faire. On méconnait notamment l'expérience, si importante, de l'avancement progressif de l'œuvre vers son existence concrète au cours du trajet qui y conduit.6 » Le philosophe place donc le vécu du processus de conception-fabrication du côté d'une observation intérieure attentive de l'expérience vécue par le praticien tout au long de « la conduite instauratrice7 » qui le mène à l'œuvre. Ce trajet qui tend le processus vers l'œuvre, repose sur le fil de l'expérience et de la mémoire que celle-ci imprime en soi, au fur et à mesure des rencontres, des gestes, des déplacements. Il s'élabore des liens entre le trajet physique au sein du milieu et le trajet intérieur qui meut le praticien en projet.

Comment s'élaborent ces liens ? Comment ce trajet se construit-il dans le vécu et la réalité du projet (qui pourrait alors s'entendre comme une lecture extérieure et rationnelle du processus d'instauration de l'œuvre) ?

Mon trajet s'est élaboré au travers d'une série de détournements : les objets sélectionnés étaient moulés pour remplir un nouvel usage, l'espace de la cuisine était utilisé à d'autres fins nécessitant le détournement des équipements techniques, ou de certains volumes (anciens clapiers à lapins transformés en séchoirs pour les expérimentations sur la Terre-papier8). Détourner, nous dit Passeron signifie « Employer quelqu'un à une tâche, ou quelque chose à un usage, extérieurs, voire contraires, à leur position initiale9. » Il s'agit pour le praticien d'interroger son environnement matériel fini, pour pouvoir saisir les opportunités, que celui-ci, offre de faire autrement, d'utiliser les objets à d'autres fins, d'expérimenter des usages alternatifs. Mais, Passeron va plus loin et suggère, l'existence d'un détournement intérieur : « un "mouvement qui abandonne la fin proposée par l'entendement" pour se tourner vers "la première imagination, celle qui ne fait qu'une image des divers de l'intuition".10 » Il précise, « Il s'agit ainsi de retrouver "le concret" [...] comme Dionysos, qui tourne le dos à la cité logos11 », c'est-à-dire d'un mouvement intérieur qui se détourne « des codes moraux et de l'ordre rationnel12 ». René Passeron (se plaçant délibérément dans la filiation de Souriau) montre dans Pour une philosophie de la création que ce détournement conduit à « l'intention d'agir sur le monde, efficacement13. » Cette intention d'agir efficacement sur le monde sous-entend une capacité technique ou une habileté au détournement extérieur pour être efficiente. La conduite instauratrice reposerait donc autant sur des détournements extérieurs que sur une série de détournements intérieurs qui constituent ce que Passeron appelle le travail poïétique (εργον ποίον). Cela nous suggère que le trajet s'élabore au fil et au travers de l'expérience de ces détournements successifs qui apparaissent comme un jeu de questions-réponses, un bricolage (au sens de rebond ou déviance14) voire un dialogue entre le monde (ou le milieu, pour être plus situé) et le praticien. Rappelons ici, que chez Tim Ingold, la notion de trajet15 croise également l'idée d'une correspondance16 qui s'élabore comme un dialogue sensible au fil du faire. Nous sommes ici dans une approche anthropologique et esthétique qui correspond au travail de l'artisan, de l'artiste ou du bricoleur. Etienne Souriau, dans Le mode d'existence de l'œuvre à faire, après avoir exprimé sa préférence pour le terme trajet, évoque la conduite instauratrice comme « une situation questionnante ?  [qui interroge le praticien :] et maintenant que vas-tu faire ? 17 ».

Nous retrouvons dans cette situation le trajet d'une question qui vient au praticien et à laquelle il doit répondre, comme dans un mouvement de renvoi. La situation questionnante de Souriau pointe un détournement au cours du trajet, détournement dont le praticien ne connait pas à l'avance la direction qu'il va prendre. Cependant, autour de cette question, il nous faut aussi envisager le milieu, c'est-à-dire l' ensemble relationnel entre humains et non-humains au sein duquelle elle se pose. Est-ce alors le matériau ou l'œuvre en train de se faire qui pose question ? Est-ce vraiment une question que l'artiste se pose à lui-même ? Est-ce lui qui pose la question à l'œuvre en devenir ?

À partir de notre expérience pratique nous posons alors le postulat, que tous ces types de questions et d'autres encore sont au cœur de la situation questionnante qui anime le travail d'atelier. Il s'établi là, une sorte de jeu de questions-réponses en lien avec la dimension expérimentale du projet. De la correspondance sensible qui se constitue au fil de la conduite instauratrice, émergera au cours du trajet : une forme, un objet, une œuvre.


Rangement du matériel pour la mise œuvre de la cire d'abeille et séchage d'essais en pâte à papier dans les anciens clapiers à lapins, Rondillon, Loupiac, septembre 2020. Image : Claire Azéma.

Il me semble qu'au cours de mon trajet, il me fallait faire-atelier avant toute autre opération instauratrice. Cependant, il s'agissait peut-être ici de faire-atelier au fur et à mesure que je conduisais mes expérimentations formelles. En effet, puisque je devais sans cesse trouver de nouveaux moyens ou de nouvelles ressources pour poursuivre mes recherches créatives, j'ai dû tout au long du projet détourner de nouveaux outils, ustensiles et appareils. Ainsi, le praticien ferait-il atelier dès lors qu'il mène une conduite instauratrice ? En effet, Souriau, ne parle pas d'atelier, le lieu de pratique au fond importe peu, c'est la situation (questionnante) qui conditionne la conduite instauratrice.

L'atelier serait donc à entendre comme un ensemble de relations entre un(ou des) humain(s) et des actants non-humains, un milieu, qui s'établit au cours de la pratique, plutôt qu'un lieu topographique fixé à l'avance. L'atelier d'artiste traditionnel — local bénéficiant de la lumière du jour, équipé de chevalets, de toiles et de matériel de peinture, par exemple — serait alors un cas particulier, constitué pour optimiser les conditions de la conduite instauratrice. Il nous semble pourtant plus intéressant ici, de pointer l'idée que le praticien fait atelier en même temps qu'il fait œuvre au cours du trajet instaurateur. Là, reposerait une forme d'appropriation du milieu de pratique, une forme singulière d'appropriation produite au cours d'une expérience qui l'est tout autant. Il serait possible alors d'avancer que le processus instaure simultanément dans la pratique, l'atelier et l'œuvre. Comment s'articulent alors l'instauration de l'atelier et l'appropriation du milieu de pratique ? Que signifie cette appropriation ?

2. La Kitchen-litho, modifier le milieu technique : appropriation de l'atelier.

2.1. Passer de l'atelier du graveur à la lithographie dans la cuisine.

Émilie Aizier-Brouard, artiste graveuse a mis au point il y a une dizaine d'années une technique qui permet de pratiquer la lithographie dans sa cuisine avec des ingrédients et les ustensiles qu'on y trouve couramment. Nous nous intéressons ici au processus qui lui a permis de passer d'une pratique inscrite dans un milieu technique adapté (l'atelier du graveur) au détournement d'un espace fonctionnel dédié à la cuisine. La graveuse explique qu'elle souhaitait temporairement passer de la technique de la taille douce à celle de la lithographie dans le but de travailler de plus grands formats. Cependant elle ne souhaitait pas investir dans un matériel spécifique. Voilà comment elle explique sa découverte et sa mise au point :

« J'ai donc entrepris des recherches, pris des contacts et discuté avec des passionnés d'estampe comme Bruno Gary Thibeau, fabricant de presses. Ce dernier m'a renseigné sur la possibilité de dessiner sur de l'aluminium, de l'aciduler avec de l'acide phosphorique et de l'imprimer avec une presse à taille-douce. Se procurer cet acide paraissait compliqué, et Bruno Gary m'a dit en plaisantant qu'il y en avait dans le cola. Dans le doute, j'ai essayé et mes tests ont fonctionné en acidulant la plaque d'aluminium avec du cola ! J'ai d'abord appliqué sur le métal la même recette de lithographie sur pierre qu'on m'avait apprise au Centre d'art graphique de la Métairie Bruyère. Ensuite, j'ai allégé progressivement le processus. Comme je n'avais pas assez de plaques d'aluminium, j'ai utilisé le papier aluminium de ma cuisine. Sa souplesse offre des possibilités graphiques de frottis étonnantes qui sont impossibles à réaliser avec une plaque dure. Enfin, n'aimant pas les vapeurs de la térébenthine, je l'ai remplacée par de l'huile de colza18. »

Son témoignage montre plusieurs éléments riches d'enseignements, cependant nous nous concentrerons ici sur ce qui s'opère dans le passage de l'atelier à la cuisine-atelier. De l'extérieur, nous comprenons qu'au fil de ses rencontres et de ses « tests », la graveuse est parvenue à trouver des équivalents techniques dans le milieu courant de la cuisine, aux éléments techniques nécessaires à la « lithographie d'atelier »19. Elle a simplifié l'accès aux outils techniques nécessaires à la gravure, ce faisant elle a permis un glissement de l'atelier permanent à l'atelier temporaire, ou de l'atelier professionnel à l'atelier amateur. En agissant sur l'équipement nécessaire elle à modifier le mode d'existence de l'atelier de lithographie. D'un autre point de vue, il est possible de considérer qu'elle a détourné des éléments de la cuisine pour développer une conduite instauratrice puisqu'elle publie depuis dix ans des recueils en petite série imprimée à partir de cette technique et qu'il existe depuis plusieurs années un concours international de Kitchen-litho. Émilie Aizier-Brouard a donc démocratisé la lithographie en permettant à chacun de reproduire les conditions nécessaires — un atelier de graveur — dans leur environnement quotidien.

2.2. Démocratisation de l'atelier : tactique et appropriation.

En démocratisant la technique de la lithographie, Émilie Aizier-Brouard détourne la cuisine en atelier de gravure. Le détournement des ingrédients et ustensiles de la cuisine peut apparaître dans un premier temps comme une tactique20 au sens où Michel de Certeau l'a définie dans L'invention du quotidien. La tactique est la plupart du temps mise en jeu par le consommateur, qui doit faire avec l'environnement imposé par le marché. Celui-ci est alors réduit au bricolage21, à la bidouille au sein d'un espace dévolu à d'autres usages. A contrario, l'atelier traditionnel de l'artiste constitue en soi un « propre », c'est-à-dire « un lieu autonome22 » qui offre une maîtrise du temps et de l'espace. Il permet « une pratique panoptique à partir d'un lieu d'où le regard transforme les forces étrangères en objets qu'on peut observer et mesurer, contrôler donc et inclure dans sa vision.23 » L'artiste dans son atelier maîtrise l'espace qu'il a lui-même constitué et équipé, pour répondre aux besoins de sa pratique. L'atelier est pour lui un espace dédié, disponible quand le besoin de créer se fait sentir. Cela pose alors certaines questions  : Ce détournement relève-t-il de la tactique ou permet-il l'instauration d'un propre ? L'appropriation de l'atelier consisterait-elle en l'instauration d'un propre dédié à la pratique de la gravure ?

Il nous semble que la technique de la Kitchen-Litho soit plus qu'un simple bricolage, elle s'avère très efficace pour l'impression de petites séries (moins de 100 exemplaires). Elle constitue plus une mise au point de la technique pour l'amateur, le « consommateur lambda », la Kitchen-Litho permet de s'approprier l'atelier du graveur en proposant une forme de la technique adaptée à un lieu domestique plus standardisé. Il serait en fait plus juste de dire qu'il s'agit d'approprier la cuisine afin qu'elle existe, pour un temps donné sur le mode de l'atelier de gravure. Ici, en effet, l'appropriation n'est pas à entendre comme le fait d'être propriétaire d'un lieu dédié à la pratique, mais comme celui de pouvoir pratiquer dans un lieu approprié, adapté à la pratique que nous conduisons. En adaptant la technique de la gravure au contexte quotidien, Emilie Aizier-Brouard permet véritablement à la cuisine ou à n'importe quelle autre pièce de devenir un espace « en propre », c'est-à-dire un lieu en tant qu'espace pratiqué accueillant la pratique de la gravure. Elle permet concrètement, à tout un chacun d'établir, un atelier en propre.

Dans cet atelier de type léger et peut-être temporaire le praticien maîtrise le temps, au sens où il peut installer et ranger son atelier dans son environnement quotidien, il maîtrise également l'équipement nécessaire à sa production. Nous observons donc l'idée que l'expérimentation technique d'Émilie Aizier-Brouard a permis d'instaurer l'atelier, c'est-à-dire d'établir un propre dans l'espace domestique quotidien, équivalent à l'atelier indépendant du graveur. Cela place l'amateur au-delà du statut de simple consommateur réduit à l'improvisation car ne bénéficiant pas d'un lieu en propre lui permettant de préparer ses coups. L'appropriation de l'atelier, c'est-à-dire le fait d'instaurer un atelier en propre apparaît pour le praticien de la Kitchen-litho comme un préalable à la pratique de la gravure, alors que pour l'initiatrice de cette pratique, nous percevons comment au travers de l'expérimentation et de la création, elle a permis l'établissement d'un contexte approprié à cette pratique au fur et à mesure de la progression du processus.

L'appropriation de l'atelier signifie-t-elle nécessairement faire-atelier dans le sens où nous l'avons défini à la fin de notre première partie ? Autrement dit, dans le faire-atelier simultané au faire-œuvre y-a-t-il l'établissement d'un propre, d'un lieu autonome, qui permet d'élaborer ses coups ?

3. Faire atelier : Expérience de l'appropriation et processus instaurateur.

3.1. Entrelacs : une recherche tissée, présentation d'une Exposition-Atelier.

En juillet 2019, la Fondation Lafayette Anticipation accueillait, pour trois mois, l'Exposition-Atelier d'Hella Jongerius, intitulée : Entrelacs, une recherche tissée. L'espace de la Fondation d'entreprise Galeries Lafayette accueille et organise régulièrement des événements, des expositions et abrite un certain nombre d'ateliers dédiés à la fois au public et aux artistes en résidence. Le rapport d'activité 201924 présente le parc de machines à la manière d'un catalogue Manufrance, le lieu est équipé pour : la menuiserie, le prototypage 3D, la découpe numérique, la soudure, l'impression et l'édition (parc important car la structure édite elle-même ses catalogues). Pour l'événement, Hella Jongerius a déménagé les métiers à tisser du Jongeriuslab pour les installer dans l'espace de la Fondation durant trois mois. « L'exposition montre [en effet, dans un même lieu] : la recherche et l'exposition, les outils et les matériaux, les pistes et les erreurs — des étapes aussi importantes que le résultat lui-même. Au fil des trois mois d'exposition, le public assiste au tissage de nouvelles pièces présentées au fur et à mesure de leur confection dans les espaces de la Fondation25. » Il s'agit bien ici d'exposer les produits et le processus de recherche et de production, d'où la dénomination d'Exposition-Atelier que nous avons choisie. Nous souhaitons notamment présenter la manière dont, selon nous, la designeuse a instauré l'atelier au fur et à mesure de son processus d'expérimentation.

Présentons tout d'abord les trois projets exposés durant Entrelacs  :

Weavers Werkstatt  : « Pendant les trois mois où l'exposition Interlace s'est tenue à Lafayette Anticipations, un groupe sélectionné de designers a été invité à utiliser le métier à tisser pour un projet de recherche personnel faisant partie de Weavers Werkstatt, une initiative lancée par Jongeriuslab pour stimuler le développement des connaissances en matière de tissage chez les designers26». L'idée de la designeuse est de constituer une communauté de praticiens, or un atelier est autant constitué d'un équipement technique, qu'il est habité par des praticiens, ouvriers spécialisés, une communauté humaine qui l'anime et le fait croître (savoirs-faire et connaissances).

— Le Seamless Loom « a été conçu au Jongeriuslab pour faire des recherches sur le tissage 3D. Il s'agit de quatre métiers à tisser coupés et assemblés pour former une nouvelle machine permettant de tisser des "briques" 3D sans couture27 ». Issu de l'assemblage de quatre demi-métiers à tissé, le Seamless loom a été conçu et fabriqué au sein du Jongeriuslab à partir d'une recherche expérimentale autour de la technique du tissage 3D. Ce dispositif a d'abord été un bricolage mis au point au fil des expérimentations pour parvenir à un dispositif opérationnel, mais encore lent. Il nécessite encore des améliorations et reste un projet en chantier.


Dispositif de tissage 3 D du Seamless Loom, Jongeriuslab, 2019, projet Interlace ©Roel van Tour


Brique tissée en 3D avec le Seamless Loom, Jongeriuslab, 2019, projet Interlace ©Roel van Tour

Et enfin synthétisant l'ensemble des recherches :

Space Loom28 : « Cette exposition évolutive présentait une recherche et une production en direct sur le thème du tissage. Tout au long des trois mois de l'exposition, trois métiers à tisser - le Space Loom, le Seamless Loom et le métier numérique TC2 - ont été activés par une série de designers professionnels travaillant au Jongeriuslab ou invités par celui-ci29 ». La particularité du Space Loom c'est qu'il constitue à la fois un métier à tisser et une œuvre monumentale30. En effet, « Au centre du bâtiment, la tour d'exposition ressemblait à un métier à tisser monumental : des fils de chaîne de plus de 16 m de long étaient suspendus dans le "ciel" de la Fondation. Depuis les plateformes mobiles, les tisserands entrecroisaient les fils de trame. Au fur et à mesure de l'exposition, des volumes et des sphères formaient des formes graphiques tissées en 3D.31 »


Space Loom, Jongerius Lab, 2019, projet Interlace ©Roel van Tour

3.2. Faire atelier : analyse d'une recherche expérimentale.

Hella Jongerius a créé le Jongeriuslab en 1993 et elle y mène depuis ses débuts des recherches autour du matériau et de la couleur. Elle développe depuis plusieurs années des projets dans le champ du textile pour différents commanditaires, mais à l'approche du projet Entrelacs, elle souhaite approfondir ses connaissances sur le tissage pour sensibiliser le public à sa dimension tactile. Comme elle l'a déjà fait pour d'autres techniques, la designeuse entame une série de recherches à partir des techniques de tissage pour conduire son projet. Elle exprime clairement que face au tissage elle se place dans une situation questionnante : « Nous cherchons sans cesse à imaginer de nouveaux modèles, systèmes et types de tissage pour apporter des réponses à des questions que je m'efforce de formuler aussi clairement que possible32. » Dans la formulation des réponses proposées par le Jongeriuslab, les designers rencontrent chaque jour des obstacles liés à la technique en elle-même ou à la réalité du secteur industriel qui par souci de standardisation a considérablement réduit la variété des types de ressources et de moyens disponibles. Pour réaliser son projet Jongerius a cherché à développer un nouveau métier à tisser en 3D (Seamless Loom), elle a réuni une communauté pour nourrir et développer les connaissances sur la technique du tissage et ainsi favoriser leur transmission à une jeune génération de designers. Pour réaliser le métier monumental du Space Loom, l'équipe a même détourné un procédé technique par le biais d'une machine à corder modifiée : « Nous avons fabriqué nos propres fils, car aucun fournisseur n'en produisait de la bonne taille [explique Jongerius en conversation avec Alice Rawsthorn]. Nous avons donc acheté une machine à corder que nous avons modifiée. Nous sommes encore en train de la modifier33 » durant le temps de l'événement et encore après34. Tout au long du projet, le Jongeriuslab a conduit une appropriation de la technique du tissage au projet, cela signifie que pour parvenir à concrétiser l'œuvre, les designers ont modifié le milieu technique (non-humain) et les savoirs-faire (humains) pour le rendre propre, adapté à l'instauration de l'œuvre.


Machine à corder modifiée, Jongeriuslab, 2019, projet Interlace ©Roel van Tour

3.3 L'art du trajet entre expérience et expérimentation.

Nous pouvons même aller plus loin : La designeuse précise qu'il « faut se réapproprier chaque obstacle, de sorte qu'il fasse intégralement partie de l'idée. » C'est sans doute tout l'art du praticien pour conserver le trajet de l'instauration de l'œuvre que d'intégrer à celui-ci tous les détournements impliqués par le processus de concrétisation. Celui-ci étant conditionné par le milieu de production, il faut le mettre en cohérence avec l'œuvre à faire au fur et à mesure qu'elle s'instaure. La remarque d'Hella Jongerius rappelle également la nature de l'acte d'expression à l'origine de toute expérience, chez Dewey. « L'impulsion [écrit-il] désigne un mouvement vers l'extérieur et vers l'avant de tout l'organisme. [Elle] est l'étape initiale de toute expérience complète. » Elle se trouve selon notre définition du trajet instaurateur à l'origine de ce dernier, elle est le premier mouvement d'une longue série de détournements extérieurs et intérieurs. Elle naît d'un désir d'expérience, cela sous-entend que cette impulsion est une réponse à un besoin lié à une situation extérieure au praticien. Elle est en premier lieu, nous dit Dewey tournée vers l'environnement. Or « Un environnement qui serait toujours et partout propice à l'exécution immédiate de nos impulsions mettrait fin au développement [de l'impulsion sous la forme de l'expérience] tout aussi sûrement qu'un environnement toujours hostile contrarierait ce développement et le détruirait.35 » Si le trajet instaure l'œuvre au fil des détournements, c'est que le praticien n'a pas rencontré d'obstacle insurmontable ou arbitraire qui briserait son impulsion première — c'est là que réside, soit dit en passant, tout l'art du détournement et des manières de faire chers à Michel de Certeau. Dans une comparaison que Dewey fait entre l'objet utile ou technique et l'œuvre d'art, il ajoute : « La production et l'usage des biens engagent le producteur et l'utilisateur dans une action continue, au sens où elle est aussi mécanique et automatique que possible [nous précisons : mobilisant le moins possible l'attention] alors que la prise de conscience intense et soutenue de l'œuvre d'art requiert la présence de résistances ayant pour effet de suspendre ce genre d'action.36 » Il est vrai que Dewey parle de l'attention du spectateur de l'œuvre, mais l'instauration de l'œuvre, dépossédant le praticien de l'idée originelle de l'œuvre, le conduit plutôt vers elle au travers d'un processus éprouvant. Resituons le propos dans la pratique de Jongerius. Elle envisage une production en tissage, cependant, elle ne s'envisage pas en simple « opératrice37 » de métier à tisser, en simple utilisatrice d'un objet technique conçu pour faciliter le travail. Le détournement, induit au contraire l'idée d'une situation discontinue, qui nécessite l'investissement plein du praticien pour instaurer un lien entre deux hétérogénéités (machine industrielle inadaptée à l'échelle du tissage du Space Loom par exemple). Ainsi, les détournements extérieurs seraient le moyen de préserver l'impulsion intérieure du praticien. De même que les détournements intérieurs, constitueraient un ajustement du trajet instaurateur de l'œuvre aux possibilités offertes par le milieu (technique et humain en l'occurrence). Jongerius sait, dès la première impulsion du trajet, qu'elle va se confronter à des difficultés car, nous dit-elle : « Je sais exactement quels sont les paramètres fixes dans un processus et quels sont les paramètres que je peux repousser38 ». Même si elle ne choisit pas de manière définie les obstacles qu'elle rencontrera, elle anticipe en partie la possibilité de détournements dans le contexte technique où elle exerce. Ainsi le trajet repose-t-il sur une impulsion et une anticipation qui vont fixer un cadre à l'expérimentation garantissant pour partie la possibilité de mener l'expérience. Ici se lient, dans le trajet l'expérience du praticien et l'expérimentation pratique et technique qui instaurent l'œuvre d'art. Il est intéressant de comprendre que les résistances et les détournements font partie intégrante du processus d'instauration et que le praticien s'y implique en conscience et en connaissance de cause. Il est possible alors de dire que le praticien en instaurant simultanément l'atelier (comme milieu de l'instauration de l'œuvre) et l'œuvre (en elle-même), établit un trajet, c'est-à-dire un lieu « en propre » (lieu itinérant en l'occurrence) qui lui permet d'évaluer les risques, les problèmes et de préparer ses coups à l'avance. Le trajet en propre, devient milieu de l'œuvre à faire au sens où « le milieu est [son] élément, [nous dit Elisa Binda dans Techno-esthétiques ou philosophies de l'interaction : les réflexions de Gilbert Simondon et John Dewey.] Il est milieu au sens où il est, dans le même temps, élément intermédiaire dans l'exécution et l'achèvement des activités des organismes [ici, le ou les praticiens], ainsi que le moyen à travers lequel ces opérations se réalisent.39 » C'est en cela que le trajet instaure le milieu en propre de l'œuvre.

Conclusion :

Comme nous l'avons montré l'atelier constitue un réseau hétérogène d'acteurs humains et d'actants non-humains avec lesquels le praticien entre en correspondance au cours de l'instauration de l'œuvre. L'hétérogénéité du réseau se résoudrait et se solidifierait dans les détournements successifs qui conduisent à l'intégration des obstacles au processus d'instauration. Nonobstant, le praticien instaure l'atelier au fur et à mesure qu'il expérimente et éprouve le trajet instaurateur de l'œuvre. En résolvant les obstacles techniques, en intégrant une communauté humaine au projet, il élabore un milieu en propre qui le conduit à l'œuvre. Du point de vue du trajet, c'est-à-dire de l'expérience vécue du projet par les designers, nous comprenons que le détournement technique et la constitution d'une communauté humaine comme ressource de savoir-faire et de connaissances ont permis l'établissement d'un propre40 garant d'un trajet compris comme lieu autonome assurant la possibilité d'une vision panoramique. Il offre ainsi, la possibilité d'un pouvoir et d'un savoir, conditions indispensables à une action efficace sur le monde. Dès lors, il nous semble possible de penser que c'est la simultanéité du faire-atelier et du faire-œuvre qui conditionne l'établissement d'un propre offrant la liberté nécessaire au processus instaurateur. C'est grâce à cela également, que le praticien instaure le milieu inédit de l'œuvre qui lui confère sa dimension hétérotopique. Ainsi, l'atelier préexistant à la pratique n'est pas le lieu en propre qui permet au praticien de créer, mais le trajet en propre s'instaure au fil du faire dans la relation entre l'atelier (compris comme milieu de l'œuvre à faire) et l'œuvre à faire (en elle-même). Le trajet est un lieu fluctuant, un entre-deux, qui fait du praticien, un voyageur itinérant « qui adapte constamment son mouvement — son orientation et son rythme — à ce qu'il perçoit de l'environnement en train de se découvrir sur son chemin. Il observe, écoute, et ressent ce qui se passe, tout son corps est sur le qui-vive, attentif aux innombrables indices qui, à tout moment, peuvent l'inciter à modifier sa position.41 »

Bibliographie

Articles et ouvrages scientifiques

— Aizier-Brouard, Émilie, « KITCHEN LITHO », dans Nouvelles de l’estampe [En ligne], 240 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2019, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/estampe/978 ; DOI : https://doi.org/10.4000/estampe.978

— Binda, Élisa, « Techno-esthétiques ou philosophies de l’interaction : les réflexions de Gilbert Simondon et John Dewey », Appareil [En ligne], 16 | 2015, mis en ligne le 09 février 2016, consulté le 23 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/appareil/2217 ; DOI : 10.4000/appareil.2217

— Certeau, Michel (de), L’invention du quotidien :1. Arts de faire, présenté par Luce Giard, Paris Gallimard, Folio Essais, 1990

— Dewey, John, L’art comme expérience, traduit de l’anglais (États-Unis) sous la coordination de Jean-Pierre Cometti, Gallimard, coll. Folio, Paris, 2010

— Famy, Aurore, « Guide à l’usage du sémioticien pour circuler dans l’Enquête sur les modes d’existence », dans Actes Sémiotiques, Université de Limoges, 2017, Projets et programmes : Sémiotique et Anthropologie des Modernes, http://epublications.unilim.fr/revues/as/5864. hal-01734944

— Inogld, Tim, Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones Sensibles Editions, 2013

— Ingold, Tim, Faire - Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture, Bellevaux, Dehors, 2017

— Korff-Sausse Simone, « L’atelier de l’artiste », Le Carnet PSY, 2016/5 (N° 199), p. 23-27. DOI : 10.3917/lcp.199.0023. URL : https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/revue-le-carnet-psy-2016-5-page-23.htm

— Lévi-Strauss, Claude, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962

— Passeron, René, Pour une philosophie de la création, Paris, Klincksieck, coll. Esthétique, 1989

— Souriau, Etienne, Du mode d’existence de l’œuvre à faire, dans Souriau, Étienne, Les différents modes d'existence, suivi de L’œuvre à faire, Présentation Bruno Latour et Isabelle Stengers, Paris, PUF, coll. Métaphysiques, 2009.

Catalogues, articles de presse et sites en ligne

— Rapport d’activité de la Fondation Lafayette Anticipation, disponible en ligne. https://issuu.com/lafayetteanticipations/docs/anticipations-rapport-digital-1906-visu, consulté le 13 octobre 2021

— Koivu, Anniina, « Tisser l’architecture/Weaving Architecture », dans TL Magazine, mai 2021, p.66 sq. Article disponible en ligne : http://www.jongeriuslab.com/images/uploads/pdfs/2021_TL_magazine,_Woven_Cosmos.pdf. Consulté le 12 octobre 2021.

Entrelacs : une recherche tissée, Catalogue de l’exposition Eponyme Paris, Lafayette Anticiption et Londres Koenig Books Ltd., 2019


  1. Korff-Sausse Simone, « L'atelier de l'artiste », Le Carnet PSY, 2016/5 (N° 199), p. 23-27. DOI  :10.3917/lcp.199.0023. URL  :https://www-cairn-info.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/revue-le-carnet-psy-2016-5-page-23.htm 

  2. Souriau, Etienne, Du mode d'existence de l'œuvre à faire, dans Souriau, Étienne, Les différents modes d'existence, suivi de L'œuvre à faire, Présentation Bruno Latour et Isabelle Stengers, Paris, PUF, coll. Métaphysiques, 2009. 

  3. Famy, Auraore, « Guide à l'usage du sémioticien pour circuler dans l'Enquête sur les modes d'existence », dans Actes Sémiotiques, Université de Limoges, 2017, Projets et programmes : Sémiotique et Anthropologie des Modernes, http://epublications.unilim.fr/revues/as/5864. hal-01734944, 

  4. Ibid, p.5. 

  5. Nous reprenons ici, les mouvements incidents et dicidents de la bille de billard évoqué par Claude Lév-Strauss dans la définition ancienne du terme bricolage. cf. Lévi-Strauss, Claude, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 30 

  6. Souriau, Etienne, Du mode d'existence de l'œuvre à faire, Op. Cit. p.206 

  7. Passeron, René, Pour une philosophie de la création, Paris, Klincksieck, 1989, p. 130. 

  8. Mélange d'argile sèche pilée et réhumidifiée et de cellulose. (vieux pain d'argile à l'abandon et papier toilette) 

  9. Passeron, René, Pour une philosophie de la création, Paris, Klincksieck, coll. Esthétique, 1989, p. 217 

  10. Cauquelin, Anne, Court traité du fragment, Paris, Aubier, 1986, chap. 2, p.54 sq. Le texte d'Anne Cauquelin s'appuie sur Hölderlin et l'esthétique de Kant. 

  11. Passeron, René, Op. Cit. p. 219 

  12. Ibid

  13. Ibid

  14. Cf. Lévi-Strauss, Claude, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 33 sq

  15. Inogld, Tim, une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones Sensibles Editions ; 2013, p. 108 

  16. Ingold, Tim, Faire - Anthropologie, Archéologie, Art et Architecture, Bellevaux, Dehors, 2017, p. 243. 

  17. Souriau, Etienne, Op. Cit. p. 208 

  18. Émilie Aizier-Brouard, « KITCHEN LITHO », dans Nouvelles de l'estampe [En ligne], 240 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2019, consulté le 10 décembre 2020. URL  :http://journals.openedition.org/estampe/978  ; DOI  :https://doi.org/10.4000/estampe.978, p. 3. 

  19. Ainsi, la pierre est d'abord remplacée par des plaques d'aluminium — cela nous rappelle que la lithographie est l'ancêtre de l'offset qui utilise de fines plaques de zinc — puis des feuilles de papier d'aluminium la plupart du temps disponibles dans une cuisine. L'acide est remplacé par le cola, puis la térébentine par l'huile de colza. Une plaque de verre, de l'essuie-tout et une cuiller à soupe complètent la panoplie du Kitchen-lithographe. 

  20. Cf. « J'appelle tactique l'action calculée que détermine l'absence d'un propre. » Certeau, Michel (de), L'invention du quotidien :1. Arts de faire, présenté par Luce Giard, Paris Gallimard, Folio Essais, 1990, p.60 

  21. Lévi-Strauss, Claude, La pensée sauvage, Op. Cit. p.30 sq

  22. Certeau, Michel (de), L'invention du quotidien, Op. Cit., p. 60. 

  23. Ibid

  24. Rapport d'activité de la Fondation Lafayette Anticipation, disponible en ligne. https://issuu.com/lafayetteanticipations/docs/anticipations-rapport-digital-1906-visu, consulté le 13 octobre 2021. 

  25. Ibid. p. 48 

  26. Traduit par nos soins, extrait du site du Jongeriuslab  :http://www.jongeriuslab.com/work/weavers-werkstatt. Consulté le 12 octobre 2021 

  27. Traduit par nos soins, extrait du site du Jongeriuslab  :http://www.jongeriuslab.com/work/seamless-loom. Consulté le 12 octobre 2021 

  28. Extrait du site du Jongeriuslab (traduit de l'anglais en français par nos soins)  :http://www.jongeriuslab.com/work/space-loom. Consulté le 12 octobre 2021 

  29. Ibid

  30. Récemment acquise par le centre Beaubourg. 

  31. Ibid

  32. Koivu, Anniina, « Tisser l'architecture/Weaving Architecture », dans TL Magazine, mai 2021, p.66 sq. Article disponible en ligne  :http://www.jongeriuslab.com/images/uploads/pdfs/2021_TL_magazine,\_Woven_Cosmos.pdf. Consulté le 12 octobre 2021. 

  33. Rawsthorn, Alice, « Êtes-vous tisseuse ? », conversation avec Hella Jongerius, dans catalogue Entrelacs : une recherche tissée, Op. Cit. 

  34. Cf. Projet Warp #1, cotton, wool, paper yarn, foam, card board, PP, 360 cm x H 670 cm, Vitra, Basel, Jongeriuslab, 2020. Où nous voyons se continuer l'expérimentation autour de cette machine à corder. 

  35. Dewey, John, L'art comme expérience, traduit de l'anglais (États-Unis) sous la coordination de Jean-Pierre Cometti, Gallimard, coll. Folio, Paris, 2010, p.117. 

  36. Ibid. p 425. 

  37. Au sens où Gilbert Simondon l'entend. 

  38. Dewey, John, L'art comme expérience, Op.Cit., p. 425 

  39. Elisa Binda, « Techno-esthétiques ou philosophies de l'interaction : les réflexions de Gilbert Simondon et John Dewey », Appareil [En ligne], 16 | 2015, mis en ligne le 09 février 2016, consulté le 23 avril 2019. URL  :http://journals.openedition.org/appareil/2217  ; DOI  :10.4000/appareil.2217, p. 4. 

  40. Cf. Certeau, Michel (de), L'invention du quotidien, Op. Cit. p.60 sq

  41. Ingold, Tim, Une brève histoire des lignes, Op. Cit., p. 105