Le cimetière paysager contemporain : entre états d’âme et appréhension de l’architecture comme espace sensible
Marie Heyd

Marie Heyd est rattachée au laboratoire ACCRA de l’Université de Strasbourg et ComSocs de l’Université de Clermont-Ferrand. Elle est chargée de cours en philosophie du design à l’ESDMAA.

Résumé :

Cet article se propose d’interroger comment le cimetière, en tant qu’espace qui mélange pratiques, formes, usages, sens - incarne des changements d’attitudes. Le cimetière, et en particulier lorsqu’il est envisagé par des architectes contemporains, raconte l’histoire des mutations de notre rapport au paysage, et plus particulièrement au vivant.

Abstract :

This article aims to question how the cemetery, as a space that mixes practices, forms, uses, meanings – embodies changes in attitudes. The cemetery, and in particular when it is considered by contemporary architects, tells the story of the changes in our relationship to the landscape, and more particularly to the living.

L’architecture contemporaine a souvent privilégié l’expérience d’une intériorité ou proposé un paysage dont la violence formelle témoigne de l’impossibilité de l’oubli1. Cette question d’une architecture poétique travaille la profession depuis longtemps. C’est au siècle des Lumières que cette approche s’illustre le mieux2. Dans un contexte riche tant du point vue de l’invention de formes que du renouvellement du débat esthétique3, les architectes construisent peu mais se livrent en revanche à une activité théorique et à l’art du dessin. On citera par exemple les architectures dessinées d’Etienne-Louis Boullée. Acteur de la pensée et de la politique artistiques revendiquées par la Révolution et ses nouvelles institutions, Boullée est l’auteur d’une série de projets dessinés de monuments suscités par l’actualité révolutionnaire (Assemblée nationale, palais municipal, cimetière, monuments commémoratifs, etc.) qu’il envisagera de léguer à la nation en 1789. Dans ses dessins, l’architecture se mue en tableau abstrait. Ces dessins, qui ont leur fin en eux-mêmes et non en une édification, se caractérise par des formes géométriques simples : carré, cube, cercle, sphère, triangle, rotondes. Ils portent à la nudité leur expression la plus intense. Comme le note Didier Laroque, la nudité dans ces œuvres « ne se communique pas ainsi qu’une profération silencieuse zénithale, mais en une manifestation du Rien4 ».

La nudité sublime trouve son apogée dans son célèbre projet de cénotaphe à Newton. « Le projet selon Boffrand paraît être une étape vers ce qui ressemble à un retour à la sphère terrestre que la rotonde antique, selon Ovide, aurait transposée5 ». Constituant de véritable nouveautés architecturales, les dessins de Boulée - qui lui vaudront l'étiquette de mégalomane - mettent en scène des architectures aux échelles démesurées et dénuées d’ornements avec des ciels chargés de nuées impressionnantes. La grandeur de la nature, son caractère sublime, devait pour Boullée venir magnifier l’architecture et ne faire qu’un avec elle6.

Étienne-Louis Boullée, Projet de cénotaphe à Newton, élévation générale, 1784, 50 x 75 cm, Paris, BNF, Estampes.

L’architecte français Étienne-Louis Boullée (1728-1799) a imaginé quelques années avant la révolution une série de projets de cénotaphes. Son style comporte des formes géométriques simples, l’absence de tout ornement superflu, la répétition des éléments comme les colonnes, le tout sur une échelle gigantesque. La série de projets de cénotaphes à Isaac Newton, jamais construits, se composent d’une sphère de 150 mètres posée sur une base circulaire couronnée de cyprès.


Etienne-Louis Boullée (1728-1799), Entrée d'un cimetière : élévation perspective : planche n° 27, dessin, 1781-1793, 111 x 36 cm, BNF, département Estampes et photographie.

Ces images donnent à voir le nouveau statut revendiqué par l’architecte. Celui-ci se présente au siècle des Lumières comme un concepteur d’une œuvre capable de former un monde à part, un cosmos et de créer une compréhension particulière, une vision, une émotion formant une totalité. L’intérêt pour l’atmosphère et l’ambiance ou « état d’âme » d’un espace se traduit par la recherche d’un « ailleurs utopique ». La représentation de monuments et de fabriques disposés des paysages pittoresques vient s’inscrire à cette époque dans le prolongement de ces réflexions. La deuxième moitié du siècle des Lumières est au retour des schèmes inauguraux du paradigme platonicien. L’artiste, à la faveur de la technique et du geste qui sont les siens, termine, accomplit, parachève la production naturelle. Il est de son ressort de présenter, voire de présentifier, dans l’espace de son œuvre, la dimension secrète de l’essence des choses. Il trace — à l’aide du pinceau ou de la plume — de manière à tracter ce qui se tient essentiellement en retrait. Il expose, dévoile et met littéralement en œuvre la sphère d’invisibilité sous-jacente à tout phénomène.

Ces conceptions qui avaient amené le siècle des Lumières à théâtraliser le monde en représentation se renouvellent aujourd’hui de façon inédite, encouragée par l’arrivée de la critique de paysage7, amenant les aménageurs et les acteurs de l’architecture à repositionner leur pratiques. Opérant le passage de l’environnement (entité objective et quantifiable) à un milieu (qualitatif et relatif à celui qui l’habite)8, le paysage se construit plus par intensification, mise en tension des polarités, que par « structuration ».

C’est cet aspect que cet article souhaite envisager à travers quatre cimetières urbains. Quatre exemples seront convoqués : la tombe réalisée par Carlo Scarpa pour la famille Brion9 en 1969 à San Vito d’Altivole, l’extension du cimetière San Michele de Venise conçue par David Chipperfield (1998-2017) ; le cimetière d’Igualada d’Enric Miralles et Carmen Pinos (1985-1995) et le cimetière de la mer construit en 1998 par César Portela sur le Monte do Cabo, au Portugal.

Ces cimetières fondent l’apparition d’une critique du cimetière comme lieu de séparation. L’éloignement physique, l’organisation ultra rationnelle et la pauvre qualité ambiantale des cimetières n’en font plus des ressources à la vie intime10. D’où le retour aux questions d’habitabilité, à un environnement qui se rapporte au cadre de vie, à l’ambiance, au voisinage, en bref, à tout ce qui relève d’une construction du monde et de son habitabilité11.

Le cimetière paysage engage à repenser les rapports concrets et effectifs de production, gestion ou transformation du milieu. Il engage à penser l’homme dans sa dimension relationnelle, en prenant en compte le rapport de co-création que l’homme entretient à ce qui l’entoure. L’humain dans ce contexte doit être envisagé comme constitué par l’ensemble des relations qu’il tisse avec ce qui n’est pas lui.

Alors que les sociétés d’ancien régime opéraient une symbolisation, une projection dans l’extériorité naturelle12, dans un contexte plus contemporain, ce rapport change. Loin des tumultes de l’actualité, les architectes nous invitent à une réflexion en profondeur, essentielle, sur l’espace, l’architecture et la ville. Ils explorent la dimension ontologique de l’architecture comme « moment du monde » : « être-le-là » (Heidegger), mais aussi comme « substance éthique ». C’est ce que rappelle Benoît Goetz, lorsqu’il écrit « Il y a une éthique de l’architecture parce que l’architecture est ce qui espace l’espace, précise, tranche, partage l’espace, de sorte qu’il n’y a jamais l’espace, mais des espaces. L’espace, c’est les espaces, c’est l’espacement13 ». En traitant de la question du non-vivant, les architectes introduisent un rapport métaphorique14 au vivant et instaurent une réflexion sur la constitution de l’espace comme milieu.

L’article sera divisé en deux parties. Une première partie étudiera la façon dont les cimetières contemporains cités renvoient à une « deuxième nature ». La deuxième partie analysera la façon dont le cimetière paysager se veut à l’époque contemporaine à l’origine d’une expérience architecturale sensible.

1. Le cimetière comme deuxième nature

Si dans la modernité, le paysage occupait une place de symbole15, traduisant un programme de régénération par le beau, dans la post-modernité il s’articule à ce que Jean Baudrillard appelait un design pour l’environnement. Pour Baudrillard, le design pour l’environnement est nécessairement un environnement pour le design. C’est ce qu’il soulignera lors de sa participation au colloque d’Aspen en 1970 :

« Aspen est le Disneyland de l’environnement et du design. Le problème est loin d’Aspen. C’est toute la théorie du design et de l’environnement en lui-même, qui constitue une Utopie généralisée, une Utopie produite par le système capitaliste qui se donne l’apparence d’une deuxième nature afin de survivre et de se perpétuer sous le prétexte de nature16 ». 

Cette apparence de deuxième nature est bien présente dans certains cimetières contemporains. Le premier exemple que nous étudierons est la tombe brion. Ce complexe funéraire en forme de « L » est composé par plusieurs propylées qui forment la façade asymétrique, fermée à gauche par un mur et à droite par un cloison avec des marches verticales qui symbolisent la force et la beauté. A l’entrée, deux bagues entrecroisées de couleur rose et bleu qui représentent le féminin et le masculin font partie des nombreux symboles qu’on peut trouver dans ce site.

Selon l’architecte Richard Scoffier, Scarpa à la tombe Brion propose une construction archétypale « sortant du sol par césarienne ». En métaphysicien, Scarpa affirme « une architecture éternelle et indépendante de toute existence humaine, à l’instar de la géométrie de Platon17 ».

Carlo Scarpa, tombe Brion, 1970-1978. Photographie libre de droit.

Carlo Scarpa, photographie et dessin du pavillon méditation du cimetière Brion © Phaidon.

Scarpa s’intéresse au potentiel narratif et scénographique de l’espace. Cette dimension est perceptible au complexe funéraire de la famille Brion. Scarpa a incorporé divers ornements dans son jardin funéraire, autant de dispositifs qui servent à opérer des déplacements, du côté des formes, de la spatialité mais aussi du côté du spectateur. Ces ornements incitent le spectateur à regarder vers des objets ou des endroits spécifiques du paysage. Ainsi, le pavillon de la méditation (entouré par des bassins et des canaux d’eau avec des plantes et des nénuphars qui rappellent l’atmosphère Zen de l’art et de l’architecture japonaises), se compose de quatre colonnes élancées, disposées de manière asymétrique autour d'une plate-forme supportant un toit en forme de boîte et une frise. La suspension de la frise est un « involcrum18 ». Un panneau continu divisé par des fentes forme une ouverture sur l’espace adjacent à l’étang. Les visiteurs peuvent ajuster leur regard pour obtenir une vue dégagée sur le jardin clos, soit en utilisant cette ouverture, soit en s'asseyant. Le spectateur a le choix entre deux vues distinctes et tout aussi importantes de l'île : le jardin clos intérieur du sanctuaire et le paysage lointain. La chapelle évoque quant à elle la figure métaphorique de la caverne initiatique (l’oculus serait l’ouverture de la matrice par laquelle renaitrait l’initié19).

Enric Miralles et Carmen Pinos, cimetière d’Igualada, Barcelone, 1985-1995 © C.A.U.E. de Côte d’Or.

Autre approche de la nature au cimetière d’Igualada. Dans le cadre d'un concours pour remplacer un cimetière plus ancien, Enric Miralles et Carme Pinos ont imaginé à Igualada un nouveau type de cimetière qui souhaite considérer ceux qui ont été inhumés, ainsi que le deuil des familles qui restent. Après 10 ans de construction, le cimetière d'Igualada, situé en périphérie de Barcelone, a été achevé en 1994. Lieu de réflexion et de souvenirs, le cimetière d'Igualada est un projet qui remet en question les notions traditionnelles de ce qui fait un cimetière. Miralles et Pinos ont conceptualisé les idées poétiques d'un cimetière pour que les visiteurs commencent à comprendre et à accepter le cycle de la vie comme un lien entre le passé, le présent et le futur. Le cimetière est pour les architectes une « ville des morts » où les morts et les vivants peuvent se rapprocher et ressentir une connexion spirituelle. Le cimetière d'Igualada est au final autant un lieu de repos, qu’un lieu où venir méditer dans la solitude et la sérénité du paysage catalan. Le paysage se trouve questionné sous la forme d’un regard qui s’immerge de manière processuelle20. Ce qui est véhiculé renvoie à la constitution d’une architecture des milieux21.

David Chipperfied, cimetière de San Michele, Venise, 1998-2017 © David Chipperfield Architects.

David Chipperfied, cimetière de San Michele, Venise, 1998-2017 © David Chipperfield Architects.

Au cimetière San Michele, ce questionnement est abordé de façon renouvelée. Le dispositif se caractérise ici par un contexte formel extrêmement dépouillé, un sol et des parois entièrement lisses baignant le tout dans une étrange homogénéité. La conception du projet met clairement en évidence un jeu d'emboîtement progressif, caractéristique du travail de l'architecte. Par cette ambivalence du contenant et du contenu, le projet met en place une progression de l'ouvert et de l'apparent à l'intime et au calme. La conception en labyrinthe invite au repos du recueillement.

Il y a une volonté là de confronter le spectateur à cet umwelt, constitué d’habitudes affectivo-culturelles, d’un vécu, d’un « sens commun » (selon l’emploi de F. Varela, 1988) et à partir duquel va émerger une forme par l’intermédiaire d’une intention projetée. Dans les termes de Varela, « la plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément, dans une large mesure, de poser les questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie. Elles ne sont pas définies mais énactées, on les fait émerger sur un arrière-plan de sens commun, d’une manière contextuelle22 ». Le projet architectural engage un dialogue avec ces « savoirs éprouvés corporellement, ces manières d’éprouver » qui « forment des habitudes de pensée qui ont toujours pour origine des habitudes antérieures23 ». La réciprocité entre un organisme et son environnement (système animal-environnement) est à l’origine du processus perceptif.

2. Le cimetière comme expérience architecturale sensible

Les projets présentés précédemment prennent la forme d’espaces hétérotopiques24. Ils posent la question de la dimension subjective de l’espace, « perçu », « vécu » et non pas simplement donné ou aménagé. Dans ce contexte, l’architecture, au même titre que la poésie, la peinture, le théâtre, revendique la faculté d’interroger « les codes émotionnels qui régissent les règles de l’éprouvé ("feeling rules"). Ces codes impliquent l’existence et la mise en service, quand les situations l’exigent, d’un système d’évaluation affective, système de référence latent qui permet d’"affecter" objets, situations et représentations, (ce que certains appellent champ sémantique affectif ou connotatif)25 ». D’une certaine façon, l’architecture des cimetières produit des représentations qui mettent en perspective le rôle joué par la gestion sociale des émotions. La société - qui est régie par des codes - exerce par sa structure même une influence sur les motivations quotidiennes et les comportements émotionnels. L’architecture comme projet se dote d’une capacité d’interroger le statut des représentations, la façon dont elles induisent des affects. C’est en cela, qu’elle tisse un rapport au corps.

L’espace créé par le concepteur se confronte à la perception réelle des usagers. L’architecture propose une mise en situation du corps dans l’espace, en cela elle exprime des expériences d’être-dans-le-monde. L’architecture renvoie directement à l’idée de corps. Son but est d’accueillir l’homme. Elle lui permet de rendre compte de son existence en l’ancrant dans un milieu, un contexte auquel elle l’associe.

C’est cet aspect protecteur renforcé par le sens tactile, que les architectes étudiés précédemment mettent en avant. Prenant l’apparence de véritables fictions poétiques, le paysage propose une réflexion sur l’homme et son rapport au monde. Invitant à un dépassement des dualismes, le paysage se propose comme entrée dans l’espace du jeu (au sens du ludus de Roger Caillois26). Celui-ci apparaît selon Aurélien Fouillet comme une chôra et non comme un topos27.

C’est de ce point de vue qu’on rajoutera à notre corpus un quatrième exemple : celui du cimetière réalisé par Cesare Portela à Fisterra. Construit sur le versant est du Promontoire Nerio, ce cimetière ne fait qu’un avec la nature, à un endroit où, depuis toujours, se rejoignent la terre, la mer et le ciel. L’architecte César Portela est parti de l’idée classique du cimetière libre, s’adaptant à la topographie et sans constructions susceptibles de l’isoler. 14 cubes de granit (168 niches) regardent la mer depuis la falaise. On y trouve aussi un oratoire et une salle d’autopsie. Ces constructions, comme des rochers aléatoires, se situent sur les chemins qui parcourent le mont. Le symbolisme est évident. Dans le cap synonyme de « la fin de la Terre » se trouve le lieu de repos de la fin de la vie. C’est un espace créé pour la transition entre le terrestre et le céleste. La dernière lumière sur le Cap Finisterre est également un élément central dans l’idée de ce cimetière. Orienté au sud, il fait face au coucher du soleil et bénéficie d’une luminosité particulière au crépuscule.

Mettant l'accent sur les éléments naturels, réduisant l'intervention humaine au minimum28, le cimetière explore une « géographicité de l’être29 ». La stratégie mise en avant ici est « l'invisibilité ».

César Portela, cimetière de Fisterra, Portugal, 1998-2000 © César Portela.

L’atmosphère du cimetière est issu de la combinaison entre les différents choix faits par l’architecte, de la présence des usagers et de la notion de temps. Le projet engage une réflexion autour du jeu discours/figure. La figure, comme le montre Lyotard30 est avant tout déconstruction d’écriture, rupture de l’ordre imposé du discours, brèche dans laquelle s’inscrit l’œuvre d’art, mais cependant elle recouvre une ambivalence. En effet, si le discours a la capacité de se retourner positivement en figure, la différence entre ces deux catégories n’est pas nette. Il subsiste du discours au sein de la figure et vice versa. L’ambivalence discours/figure renvoie à l’ambivalence de l’œuvre d’art prise entre sa valeur émancipatrice et le discours idéologique dans lequel elle s’insère.

C’est cette ambivalence qu’on retrouve au cimetière de la mer. Le dispositif en tant qu’œuvre revendique implicitement des liaisons avec l’humain que l’ordre du discours interdit d’actualiser. Mais les promesses du désir sont par définition irréductibles. Sans doute parce que son émergence s’accomplit à travers trop de contraintes et qu’il se contredirait en se soumettant à un principe autoritaire. Sur ce point on rappellera que le cimetière n’a jamais été utilisé en raison de problèmes politiques et bureaucratiques mais aussi pour des questions de coutumes et de superstitions des marins galiciens.

Conclusion

Le paysage des cimetières s’inscrit soit dans une esthétisation, soit au contraire dans un mouvement critique du phénomène relevant d’un rapport réfléchi à sa propre image. Le constructivisme du signifiant à l’œuvre dans ces réalisations informe d’un désir d’image désormais exposé à la devanture (des grands magasins). Ce type de paysages revient sur la définition de l’architecture comme intégration de l’individu à un contexte, appropriation de l’espace. En effet, une architecture peut admettre selon les cas, une certaine intégration de l’Homme par l’appropriation de son espace. Un individu peut s’associer à ce dernier en exploitant ses fonctions, ou même en les détournant pour d’autres usages. L’espace public est d’ailleurs fait pour permettre une certaine liberté afin que le plus grand nombre de personne y trouve un attrait particulier. Il est rarement contraint par une utilisation précise que chacun devrait suivre. Si le concepteur possède la capacité de contraindre à des usages, il doit l’adapter en fonction du contexte.

De ce point de vue, on rappellera que certains types de projets de cimetière apparaissent aux yeux des utilisateurs trop contraignant, ou dictent une utilisation qui peut être perçu comme désagréable par l’usager. C’est le cas par exemple de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques funéraires voient le jour dans une volonté de concilier les demandes de la part des proches avec les prérogatives d’un développement urbain soutenable et solidaire. Ainsi, depuis les années 1990, le Natural Death Center prône une réappropriation de la mort par les familles et des inhumations sur des « terrains d’inhumation naturelle », sans soins conservateurs et avec un contrôle des matières des cercueils, dans un cadre proche de la nature. En Belgique, un collectif de spécialistes bénévoles fait pression sur les politiques pour que l’humusation31 soit reconnue comme pratique légale. L’architecte et agronome Katrina Spade32 développe aux États-Unis ce procédé de compostage. Alors que l’État de Washington a autorisé le procédé en mai 2019, elle fonde Recompose33, une société d’intérêt public développant une alternative naturelle à la crémation et à l’inhumation conventionnelles. Ce projet permet de penser les contradictions, les tensions mais aussi les complémentarités pour l’action entre deux voies d’écologisation contrastées : d’une part la voie ingénieuriale de l’optimisation et du « bouclage des flux » (l’écologie industrielle) et d’autre part, le fait de cultiver des attachements avec le reste du vivant au travers de multiples valeurs, au-delà du seul utilitarisme économique (l’écologie des terrestres).

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  1. On pense à des architectes comme Peter Zumthor ou Rudy Ricciotti. 

  2. Nort, Antoinette, « “Exegi monumentum“, la poésie d'architecture à la fin du XVIIIème siècle », LHT, n°18, « Un je-ne-sais-quoi de « poétique » », dir. Cohen, Nadja et Reverseau, Anne avril 2017, URL : http://www.fabula.org/lht/18/nort.html, page consultée le 30 juin 2022. 

  3. Du côté de la peinture, l’œuvre de Jean Siméon Chardin, considéré par ses contemporains comme le plus grand peintre de nature morte du siècle, fera date. Diderot, l’auteur de l' « Encyclopédie » et pionnier de la critique d’art saisit que Chardin libère la peinture de la pure contrainte de l’imitation. Son style le place hors des conventions de l’époque. Sa technique picturale sophistiquée privilégie un équilibre subtil obtenu par un savant dosage de couleurs et de lumière. Le peintre suscite visuellement la sensation du toucher, du goût et de l’odorat. Il insuffle aux objets représentés comme un frémissement de vie. Voir à ce propos le catalogue de l’exposition Éloge de la sensibilité qui a eu lieu au musée des Beaux-Arts de Nantes en 2019. Kazerouni, Guillaume, Collange - Perugi, Adeline, Éloge du sentiment et de la sensibilité. Peintures françaises du XVIIIème siècle des collections de Bretagne, Gent, Snoeck, 2019. 

  4. Laroque, Didier, « Caducité et liberté : une réflexion sur l’œuvre de Boullée », dans Hyppolite, Pierre (dir.), La Ruine et le geste architectural, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2017. 

  5. Ibid. 

  6. Baudez, Basile, « L’Europe architecturale du second XVIIème siècle : analyse des dessins », Livraisons de l'histoire de l'architecture, 30, 2015, p. 43 sq

  7. « cette pratique consisterait à passer au crible les paysages afin de séparer le bon grain de l'ivraie, discerner entre plusieurs paysages quel est celui ou quels sont ceux dont la valeur est supérieure à celles des autres ». Chomarat-Ruiz, Catherine, « La critique de paysage peut-elle être scientifique ? », Projets de paysage, publié le 13/12/2008, URL : http://www.projetsdepaysage.fr/fr/la_critique_de_paysage_peut_elle_etre_scientifique 

  8. Cf. Lamy, Jérôme, « L’empire des milieux », dans Zilsel, 2019, n°5, p. 469 sq

  9. On rappellera que Carlo Scarpa est lui aussi enterré dans cet enclos funéraire, dans un point discret de la conjonction entre son bâtiment monumental et l'ancien cimetière du village. 

  10. « Au tournant des XIXème et XXème siècles, loin des fascinations, des souffrances ou de l’effroi morbide, loin de la communion des saints et de l’immortalité sublimée du défunt, s’élabore puis se diffuse en zone urbaine une politique publique en voie de neutralisation, avec pour fer de lance : ses services aux morts, ses modes centralisés et délégués de gestion publique, ses savoir-faire normalisés et ses autorités tutélaires (églises, mairies, préfectures, entreprises concessionnaires, associations charitables...). Neutraliser la mort, c’est en effet rationaliser et moderniser un rite de séparation entre le défunt et son environnement ». Bellanger, Emmanuel, « La mort laïcisée, neutralisée et rationalisée : municipalisation des pompes funèbres, syndicalisation des communes et magistère mayoral en banlieue parisienne au XXème siècle », dans Weil, Patrick, Politiques de la laïcité au XXe siècle, Paris, PUF, 2007, p. 417 sq

  11. Ce commerce délégué des funérailles – qui pose la question de l’hospitalisation croissante du mourir, du développement des funérariums et de la thanatopraxie qui permettent l’exposition des corps sur le modèle américain, mais aussi de la laïcisation des pratiques funéraires, de la marchandisation de la mort et du développement d’une véritable industrie funéraire – cherche à se déployer aujourd’hui avec moins de « mercantilisme » et de « froideur », et plus de « décence », de « respect », de « patience », de « cordialité » ou de « psychologie ». Bernard, Julien, « La “mission psychologique” des pompes funèbres », Sociologies pratiques, vol. 2, n°17, 2008, p. 31 sq

  12. « les sociétés primitives trouvent leur origine dans une faculté de projection dans l’extériorité naturelle (dans le cas des croyances fétichistes ou animistes) ou de symbolisation des êtres naturels qui les entourent (via les espèces qui servent de totems). (…) les êtres naturels fournissent un point d’appui décisif pour que se constituent une pensée et une action collectives Le Roux, Daphné, « Le social au naturel. À propos de : Pierre Charbonnier, La Fin d'un grand partage. Nature et société, de Durkheim à Descola, CNRS », La vie des idées, 2015, URL : https://laviedesidees.fr/Le-social-au-naturel-3178.html 

  13. Goetz, Benoît, La dislocation. Architecture et philosophie, Lagrasse, Verdier, 2018. 

  14. On rejoint la question de l’art comme métaphore. L’art nous est donné pour mieux accepter la vérité, ou encore, l’art nous est donné pour exprimer de façon acceptable une vérité qui, autrement, nous serait insupportable. Dans l’ordre du discours parlé ou écrit, la métaphore, l’analogie, les tropes en général, sont les détours par lesquels l’art parvient à nous indiquer des aspects du réel qui sans cela nous resteraient inconnus. 

  15. C’est le cas par exemple de Jean-Jacques Rousseau qui appelle de ses vœux un paysage qui soit un divertissement en action. Ce paysage se traduit par une pantomime censée fournir des tableaux très agréables. Cette pantomime relevant du tableau scénique préfigure celle qui sera définie par Diderot à partir des années 1757-1758. Le jardin porte alors ce mythe de réconciliation entre l’ordre de la nature et l’ordre humain. C’est cette moralité du paysage que préconisait à la même époque le marquis de Girardin dans son ouvrage intitulé De la composition des paysages publié en 1777, aspire à travers le type du jardin élyséen, à l’établissement d’un nouvel ordre. En effet, comme l’écrit Cécilia Hurley, citant Michel Conan : « Girardin rêvait aussi de "l’avènement d’une société où les hommes seraient égaux et obéiraient à des lois décidées par un commun consentement" (Conan, Postface) ». Hurley, Cécilia, Jean-Jacques Rousseau face aux arts visuels : du Premier « Discours » au rousseauisme, 1750-1810, Neuchâtel, Bibliothèque publique et universitaire, 2001. 

  16. Aguirre, Peio, Queheillard, Jeanne, Environnement et design, Rosa B, n°5, 2013. 

  17. Scoffier, Richard, « Nécropoles – community reloaded », conférence du 24 mars 2018, Pavillon de l’Arsenal. URL : https://www.pavillon-arsenal.com/fr/arsenal-tv/conferences/universite-populaire/10948-necropoles-community-reloaded.html 

  18. Terme latin désignant une enveloppe ou un emballage recouvrant la façade d'un objet. Dodds, George, Tavernor, Robert, Rykwert, Joseph, « Desiring Landscapes/Landscapes of Desire: Scopic and Somatic in the Brion Sanctuary », dans Body and Building : Essays on the Changing Relation of Body and Architecture, Cambridge, MA, MIT Press, 2002. 

  19. Raynaud, Dominique, Architectures comparées. Essai sur la dynamique des formes, Marseille, Éditions Parenthèses, 1998, p. 81. 

  20. Blanc, Nathalie, « Esthétiques de la nature et place de l’environnement en sciences sociales », dans Paquot, Thierry et Younès, Chris, Philosophie de l’environnement et milieux urbains, Paris, La Découverte, 2010, p. 80 sq

  21. « Dans “Représenter, imaginer, projeter : éléments de méthode pour une architecture des milieux“, Chris Younès et Stéphane Bonzani, s’intéressent au “cadre méthodologique opératoire“ au travers duquel une architecture des milieux est susceptible de s’exprimer : leur approche est soucieuse d’inscrire la démarche architecturale et urbaine dans une “ relation fondamentalement complexe“ (Edgar Morin), incorporant dans son déploiement le stable et l’instable, la continuité et le discontinu, ou encore le limité et l’illimité. Il s’agit de privilégier d’autres “prises“, d’autres modes opératoires susceptibles de renouveler le traitement des limites, de créer de la porosité, du lien. Le propos est sous-tendu par la nécessité de faire émerger des alternatives à nos modes de production face à l’impératif écologique ». Capone, Paola, Roelens, Nathalie, « Lassus' “inhabitant landscaper”: its legacy and its convergence with recent concerns in place-studies », International EOA Conference in Palermo-Messina, organisé par l’Osservatorio Outsider Art, Palermo, 2015. 

  22. Varela, Francisco, Connaître les sciences cognitives, tendances et perspectives, Paris, Seuil, 1988. 

  23. À ce propos, l’anthropologue Fabienne Martin-Juchat nous dit de lire à ce sujet le numéro 12/2004 de la revue de phénoménologie Alter, consacré à l’habitude. Martin-Juchat, Fabienne, « Penser le corps affectif comme média », mémoire d’Habilitation à diriger des recherches, Université de Bourgogne, 2006, p. 104. 

  24. Espace singulier, non interchangeable, introduisant des comportements corporels spécifiques au sein d’un espace fait à la fois de normes et de libertés. 

  25. Cosnier, Jacques, Psychologie des émotions et sentiments, Paris, Retz, 1994, p. 91. 

  26. Le jeu est selon Roger Caillois une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée, fictive. Caillois, Roger, Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard, 1958. 

  27. Comme l’explique Aurélien Fouillet : pour la chôra, lieu et chose sont étroitement liés. Tandis que pour le topos, lieu et chose sont indépendants l’un de l’autre. L’un n’affecte pas l’être de l’autre. Fouillet reviens avec Augustin Berque au Timée de Platon et à sa caractérisation de la chôra : « Des choses qui sont, elle apparaît étrangement comme l’empreinte et à la fois comme la matrice : mère ou nourrice. Fouillet, Aurélien, « Jeux, mémoires et territoires, Sociétés, 2014, 2, n°124, p. 77 sq

  28. Collectif, Archinature, César Portela Architects, Barcelone, Loft Publications, 2013. 

  29. Le terme est emprunté à Corinne Pelluchon. Cf. Pelluchon, Corinne, Les nourritures. Philosophie du corps politique, Paris, Seuil, 2015. 

  30. Lyotard, Jean-François, Discours, figure, Ed. Klincksieck, 1974. Lyotard explique que pour tenir son objet tout en le maintenant à distance, le discours ouvre dans le sensible un espace de désignation. Mais pour que l'altérité de l'objet ne soit pas enfermée dans le discours, il faut une image non-dialectique, non linguistique, au bord du discours : la figure. Permettant d’accéder à ce redoublement, la figure laisse être le désir. 

  31. L’humusation est un « processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes dans un compost composé de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en douze mois, les dépouilles mortelles en Humus sain et fertile ». Thiolliere, Pascaline, « Au contact de nos morts. Ambiances et mises en gestes d’un territoire flou », Géographie et cultures [En ligne], 110, 2019, mis en ligne le 27 novembre 2020, consulté le 05 mai 2022. 

  32. Son projet de fin d’études proposait de le réaliser dans une infrastructure ultra-moderne, équipée de mécanismes de ventilation. Ce bâtiment en silo, installé au cœur de la ville de New York, devait répondre à la fois aux problèmes de densité et de foncier posés par les espaces des morts de la ville et aux problèmes de pollution et d'énergie qui accompagnent leur décomposition. 

  33. https://recompose.life/